dimanche 26 février 2017

Des réponses que j'ajoute sur mon site

Cet après midi, un long message, qui pose des questions auxquelles je n'ai pas répondu dans mon site (je vais donc ajouter les réponses). Pour plus de clarté, je réponds après chaque question, que j'écris en italiques :


Bonjour Monsieur This
Tout d'abord permettez-moi d'exprimer toute mon admiration envers vos travaux passés et présents. Je réalise actuellement un tpe sur la Cuisine moléculaire et de ce fait j'ai pu découvrir tout ce que vous avez effectué depuis la création de la Gastronomie Moléculaire.
 
Pour ce qui est de l'"admiration", voir le billet récent ;-). 
D'autre part, quand on me parle de passé et de présent, pour ce qui me concerne, j'évoque immédiatement le futur : la question n'est pas de se contenter de ce que l'on fait, mais de mieux faire ce que l'on fera. 
Un tpe sur la cuisine moléculaire ? Pour ceux qui ne connaissent pas le signe, tpe signifie "travail personnel encadré", et cela se fait généralement en classe de première... mais c'est bien dommage que notre jeune ami ne fasse pas plutôt son travail sur la cuisine note à note.  
J'y pense : "cuisine moléculaire" ne mérite pas une majuscule, tant le nom est commun. On n'écrit pas la Peinture abstraite, mais seulement la peinture abstraite, par exemple.



Voici quelques questions que mes camardes et moi voudrions vous poser, si bien sûr vous acceptez d'y répondre.

Des "camardes" ? Je suppose bien sûr qu'il s'agit de camarades. Bénin. Cela dit, la phrase est étrange, au total. Allons, je la comprends... mais j'invite mes jeunes amis à faire simple : sujet, verbe, complément. 



1° Vous qui avez inventé la Gastronomie moléculaire, que pensez vous de l'usage de cuisiniers, scientifiques, chimistes? 

Ici, la phrase n'a plus de sens. Oui, j'ai introduit la "gastronomie moléculaire" (sans majuscule, pour la même raison que précédemment), mais que signifie "l'usage de cuisiniers, scientifiques, chimistes" ? Trop d'hypothèses sont possibles pour que je puisse répondre correctement. 
Mais je profite quand même de l'occasion pour dire que la gastronomie moléculaire, discipline scientifique qui ne se confond pas avec la cuisine moléculaire, laquelle est une technique, est l'étude des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires. C'est une activité de scientifiques, donc pas de cuisiniers ni de chimistes (puisque les chimistes sont les techniciens qui produisent des produits à partir de réactifs). 


2° Y a-t il déjà eu de nouvelles notions introduites dans la gastronomie et cuisine moléculaire, dont vous ne partagez pas le point de vue?

Ici, nos amis confondent encore la gastronomie moléculaire et la cuisine moléculaire. Et l'on ne peut pas partager le point de vue d'une notion ! Je suppose que nos amis voulaient demander : "Y a-t-il eu des pratiques de cuisine moléculaire que vous réprouvez" ? 
Et là, la réponse est oui : toute pratique qui met en danger la vie des convives est évidemment répréhensibles. L'emploi d'huiles essentielles, par exemple, doit se faire avec circonspection, et ces huiles essentielles doivent être très diluées. L'emploi de chalumeaux risque de déposer des quantités notables de benzopyrènes cancérogènes sur les aliments, de sorte que je préconise plutôt le pistolet décape peinture. Des cuissons prolongées  à des températures inférieures à 60 degrés me semblent risquées. Et, évidement, les accidents dus à de l'azote liquide (en Allemagne et en Angleterre) résultent d'une utilisation très répréhensible de la technique.


3° Comment vous est venue l'idée de la gastronomie moléculaire? Durant cette fameuse rencontre avec Monsieur Kurti, aviez-vous déjà eu cette idée ou bien est ce que ce fut le fruit de discussions avec lui qui vous a poussé à la créer ?
 
Là, je ne réponds pas parce que la réponse est déjà sur mon site. 
 
 

4°Vous dites vous-même dans vos blogs et interviews, que la Cuisine moléculaire tend à disparaître et que la nouvelle mode serait la cuisine note à note. Cela vous dérange-t-il de "passer à autre chose" si l on peut dire? 
 
 Je ne dis pas que la cuisine moléculaire tend à disparaître. Au contraire, elle est maintenant partout, parce que les fabricants de fours  domestiques ont doté leurs équipements de fonctions pour cuire à basse température, par exemple. Et les siphons sont en vente dans les supermarchés les plus populaires. 
Mais je dis aussi qu'il est temps d'avancer, et de passer à la cuisine note à note. C'est moi même, qui ai introduit la cuisine moléculaire, qui veut la remplacer par la cuisine note à note (que j'ai également introduite en 1994). 



5° Tout le monde sait que l'excès mène à la perte. Se nourrir exclusivement de chocolat, être trop isolé, consommer trop d'alcool... Pourtant il y a bien eu des excès d'utilisation des additifs alimentaires par des restaurateurs de cuisine moléculaire. Quel est votre avis  : pensez vous que les intoxications alimentaires des clients de ces quelques restaurants ne sont pas du tout dues aux additifs alimentaires? ou bien que ces cuisiniers font un mauvais dosage? 

Y a-t-il eu vraiment des excès d'utilisation d'additifs ? Je vous invite à ne pas croire ce que disent ou écrivent tous les journalistes, car j'ai d'innombrables exemples de mensonges. Par exemple, les convives malades chez Heston Blumenthal, en Angleterre, avaient été intoxiqués... par des huîtres ! Pas par des additifs. 
Donc avant d'interpréter, assurons-nous des faits ! 


6°Vous êtes originaire d'Alsace.(mes ancêtres aussi::)Esashiss isch bombisch ! Avez vous revisité des plats alsaciens avec la cuisine moléculaire?(bien sur je sais bien que vous êtes physico-chimiste et non cuisinier, mais la question est tentante!)

Je ne cesse de cuisiner en mêlant le nouveau à l'ancien, car pourquoi se comporter comme au Moyen-Âge ? Et je suis heureux de vous annoncer que mon prochain livre donnera précisément des recettes de cuisine alsacienne modernisée. 
Cela étant, c'est surtout mon ami Pierre Gagnaire qui a fait le mieux : une choucroute enfin "construite". C'était merveilleux ! 



7°Nous avons tenté de joindre des restaurants de cuisine moléculaire en région parisienne...aucun de ceux mentionnés sur internet n'en est un...merci informations erronées et temps perdu ! Pourriez vous nous en conseiller  un ? 

Dans la plupart des  restaurants, vous trouvez des cuissons à basse température. Vous trouvez mes "oeufs parfaits", vous trouvez des mousses faites au siphon. Mais je ne saurai pas vous conseiller : je vais rarement au restaurant, parce que j'ai du travail et que : 
- je cuisine bien
- pourquoi aller dans un restaurant médiocre quand je sais ce que mon ami Pierre Gagnaire sait faire ? 


8° Beaucoup d'aspects de cuisine moléculaire sont introduits dans les familles: émulsions pour la mayonnaise, les mousses au chocolat... Est ce que selon vous l’agar-agar énormément utilisé en cuisine moléculaire pourrait devenir un ingrédient indispensable (hypocalorique, et pouvant remplacer l’œuf)?

Remplacer : non. S'ajouter. Par exemple, la gélatine a des propriétés intéressantes : elle fond à la température de la bouche. L'agar-agar a des propriétés particulières. L'oeuf a des propriétés particulières. Pourquoi voudriez vous que nous marchions sur une jambe quand nous en avons deux ? 


Il y a tellement d autres questions que j'aurais aimé vous poser... mais à ce moment là ce serait du harcèlement!
 
Surtout, il y a des milliers de réponses sur mon site. Etes vous allé voir ?  


Je vous remercie infiniment pour tout ce que vous faites. Vous trouvez toujours des nouvelles choses et ne vous maintenez pas juste sur ce que vous avez antérieurement effectué ! Vous êtes réellement un exemple à suivre, pour nous, élèves en classe de scientifique !!!

Un exemple ? Pas sûr : je me lamente de ne jamais en faire assez, de ne pas être assez intelligent, de ne pas être assez courageux... et d'avoir perdu beaucoup de temps, quand j'étais étudiant. 
Mais je travaille, car comme on dit en Alsace 
"Mir isch wàs mir màcht"
(nous sommes ce que nous faisons).

Mousse et crème au citron

Faire de la mousse au citron ? De la crème au citron ?

Un jeu d'enfant : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/02/de-la-creme-ou-de-la-mousse-au-citron.html


A poser sur un fond de tarte sucrée cuite à blanc, avec des dés de mangue. Ne pas oublier le sel et le gingembre dans la préparation au citron ;-)

Les râleurs feraient mieux de mesurer l'image qu'ils donnent d'eux : je ne parviens pas à considérer que leur position intellectuelle (si elle étais raisonnée) soit bonne !

Râler ? Les râleurs m'insupportent pour de nombreuses raisons.

- Premièrement ils étalent devant moi leur bile, laquelle n'est guère ragoutante. -

- Deuxièmement, ils causent au lieu d'agir, de sorte que ce sont en réalité des paresseux.


Lutter ? Pourquoi pas, dans certains cas, mais cela ne peut évidemment pas être un état, car il nous ferait oublier d'admirer toutes les belles choses de ce monde. Combattre ? C'est la même question.


Le débat est ancien, et l'examen des divers arguments me fait penser qu'il y a sans doute lieu d'être plutôt dans une activité positive, force de propositions, dans la distribution de beaucoup d'enthousiasme, afin de susciter des aspirations, qui, en nombre suffisant, nous conduiront collectivement à des changements attendus.

samedi 25 février 2017

Conflits d'intérêts ? Non : intérêts cachés... ou pas.

Conflits d'intérêts... Conflits d'intérêts ?

Je déteste l'expression "conflit d'intérêts", parce qu'elle est absurdement construite : ce qui est en cause, ce ne sont pas des intérêts opposés (plutôt qu'en conflit), mais des intérêts cachés, et un comportement qui serait déloyal.

Des revues scientifiques demandent maintenant aux auteurs de déclarer des intérêts, mais j'estime que c'est manquer de grandeur : les gens honnêtes auront des scrupules à déclarer le moindre centimes, et se sentiront en faute de ne pas se souvenir de toutes les collaborations qu'ils ont eues, alors que les malhonnêtes n'hésiteront pas une seconde à déclarer qu'ils n'ont aucun intérêt caché. Bref, on arrive au contraire de ce que l'on voudrait.

Moralité : dans un article en cours, je viens d'ajouter la mention suivante :

 "L'auteur déclare qu'il a travaillé avec de trop nombreuses sociétés privées pour qu'il puisse toutes les citer, mais que ces collaborations n'affectent en rien son jugement. Il s'enorgueillit que ses collaborations passées ou présentes lui fassent mieux connaître le contexte général d'applications des sciences, et il observe que sa loyauté est entière, et que sa logique ne pâtit pas de proximités économiques, familiales ou idéologiques."

Au moins, cela aura eu le mérite de me faire sourire un peu, surtout quand on est exposé à des Cahuzac, Pénélopegate ou autres affaires d'abus de biens sociaux, emplois fictifs, financements illégaux, corruption, concussion, compromission... et je m'arrête là parce que ma connaissance des malversations est bien insuffisante.

25 février 2017

Bon, d'accord, le sujet de ce billet :

http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/02/lamertume-des-navets.html

n'est pas parfaitement culinaire, en termes de technique nouvelle, mais il a quand même l'intérêt d'être parfaitement en ligne avec les études les plus élémentaires de la gastronomie moléculaire.

Il est question de navets :


vendredi 24 février 2017

24 février 2017

Aujourd'hui, le billet du jour est sur le blog "cuisine note à note" :
http://hthisnoteanote.blogspot.fr/2017/02/reproduire-la-nature-avec-la-cuisine.html


La question posée est : la cuisine note à note sert-elle à reproduire l'ancien ? Et la réponse un NON vigoureux. Nous avons mieux à faire !

jeudi 23 février 2017

Jeudi 23 février 2017

Aujourd'hui, deux billets, déjà

- sur le blog "note à note", le menu servi hier à 1000 personnes par les équipes du traiteur Lenôtre


- un billet qui discute les questions de fermentation, de coction et de cuisson http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/02/fermentation-coction-cuisson.html

mercredi 22 février 2017

Hautes Etudes du Goût 2

On ste souvient (peut-être) que j'ai décidé de mettre en valeur les enseignants de l'Institut des Hautes Etudes du Goût, de la Gastronomie et des Arts de la Table
La semaine dernière, je vous ai présenté Sylvie Lortal. Cette semaine, j'ai le plaisir de vous dire que notre programme pédagogique bénéficie du concours, du talent de Jean-Philippe de Tonnac.



Jean-Philippe de Tonnac est essayiste, éditeur et journaliste. Il a animé pendant près de dix ans les "Hors série" du Nouvel Observateur et publié une vingtaine d’ouvrages.
Il est aujourd’hui éditeur et poursuit ses propres recherches.
Son enquête sur le pain et sa symbolique a commencé par l’obtention d’un CAP de boulanger (2007) après une formation à l’Ecole de Boulangerie et Pâtisserie de Paris, des séjours en Méditerranée dans quelques-uns des pays de « mangeurs de pains » (Egypte, Grèce, Italie, etc.), et la rencontre et des échanges avec quelques-uns des représentants de la filière blé-farine-pain.
Il a pris en 2007 la direction d’un Dictionnaire universel du pain avec l’ambition de rassembler toutes les gloses que le pain a générées depuis son apparition sur le pourtour oriental de la Méditerranée à la fin du Néolithique (de l’agronomie à la théologie en passant par la génétique, la botanique, l’anthropologie, l’histoire, la meunerie, la boulangerie, l’économie, les arts, etc.).
Depuis, il a notamment co-rédigé Le Larousse du pain (2013) et L'Ami intime - Un musée imaginaire du Pain (2014)



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Jean-Philippe de Tonnac is an essayist, editor and journalist. He was in charge of special editions for the Nouvel Observateur magazine for almost 10 years, and has published about twenty books. Today he works as an editor and continues his own research. His investigation into bread and its symbolism began by obtaining a diploma in baking (2007) after a training course at l’Ecole de Boulangerie et Pâtisserie de Paris, a tour of the ‘bread-eating’ Mediterranean countries (Egypt, Greece, Italy, etc.), and discussions with representatives of the wheat to-flour and bread industry.

In 2007, he took the lead in a Universal dictionary of bread project aiming to collect all the entries that bread has generated since its appearance on the edge of the eastern Mediterranean area in the late Neolithic period (from agronomy to theology including genetics, botany, anthropology, history, milling, bakery, economics, arts, and more).
He has since co-written Le Larousse du pain (2013) et L'Ami intime - Un musée imaginaire du Pain (2014)

Le blog de gastronomie moléculaire

Ce matin, je dois arbitrer  : la génoise est-elle une mousse ou une émulsion ?

La réponse est là : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/02/la-genoise-une-mousse-ou-une-emulsion.html

mardi 21 février 2017

Un illtré paresseux ? Un imbécile ? Un malhonnête ?

Comment certains osent-ils mentir à ce point ?

Un peu par hasard, je trouve sur un site pourtant "ami" un billet d'un cuisinier
qui écrit que je voudrais remplacer l'agriculture par l'industrie chimique.

Cet homme est-il un imbécile qui n'a pas compris le projet "note à note" ? Un
illettré paresseux qui n'a pas su lire que ce j'écris à ce sujet ? Un malhonnête qui me prête sciemment des intentions que je n'ai pas ?
Je l'ignore, mais il me donne l'occasion de revenir sur le projet note à note,
et de bien l'expliquer, en espérant que de bonnes âmes le dirigeront vers ce
blog.

La cuisine note à note est donc l'équivalent de la musique de synthèse : au lieu
d'utiliser des ustensiles de musique classique, la musique de synthèse utilise
des ustensiles modernes... mais l'art musical demeure ; de même, au lieu
d'utiliser des fruits, légumes, viandes ou poissons, la cuisine note à note
utilise des composés présents dans ces ingrédients... et l'art culinaire
demeure, bien évidemment, puisque l'on n'oublie pas que je suis terriblement
gourmand !
D'où viennent les composés ? Certainement pas du pétrole, car les ressources
vont s'épuiser. Il vaut bien mieux... cultiver des végétaux, et apprendre à
fractionner ces derniers pour récupérer des composés ayant des intérêts
nutritionnels, ou sensoriels. D'ailleurs, c'est déjà ce que font en partie les
cuisiniers, notamment quand ils mettent une branche de thym ou une feuille de
laurier dans une casserole : ils extraient les composés odorants des aromates,
et se débarrassent ensuite de la branche ou de la feuille (parce qu'ils ne
savent pas que l'on peut en faire usage !).

Bref, le projet note à note est bien de se reposer sur l'agriculture, plus que
jamais ! Et j'ai assez écrit et dit partout le fond de ma pensée : j'espère que
le projet note à note sera une occasion pour que les agriculteurs
s'enrichissent, en faisant à la ferme une étape simple de fractionnement. Selon
le bon principe selon lequel on gagne mieux sa vie en vendant du fromage que du
lait, du raisin que du vin, j'espère que mes amis agriculteurs s'enrichiront en
faisant à bon compte (le fractionnement n'est pas une opération difficile), soit
seuls, soit en coopérative, des fractionnement des produits de l'agriculture.

Car je n'oublie jamais que nos amis agriculteurs ont en charge la sécurité
alimentaire des peuples et l'entretien des paysages.

Est-ce clair ?

La merveilleuse question de la colonne vertébrale


Il y a ce jeune ami qui est le premier de mes soucis, cet étudiant intéressé qui travaille, qui s'accroche, qui veut y arriver, qui cherche par lui-même... C'est un individu précieux, que j'ai le devoir d'aider, si je le peux.

Parfois, il ou elle fait quelque chose de merveilleux : il ou elle travaille, apprend, se forge des compétences, alors même que son objectif n'est pas bien défini. Quel courage d'investir ainsi dans de l'étude, alors que l'activité professionnelle sera peut-être les arts, ou l'artisanat, bref tout autre chose que ce à quoi conduisent logiquement les études en sciences de la nature et en technologie !

De tous les conseils que je n'ai pas reçu mais que j'ai glanés, il y a celui-ci, dont j'ai la paternité du libellé : {{"Quelle est ta colonne vertébrale ?". }}
 Il est si essentiel, que je crois utile de le discuter un peu.

Cette question de la colonne vertébrale m'est venue dans un contexte bien différent que la pédagogie, à savoir l'analyse de l'art, et, plus particulièrement, à propos d'un tableau attribué à Léonard de Vinci, où l'on voit des cavaliers, sur leurs chevaux, se battre.
La scène est d'une vigueur terrible, et, pour ce tableau particulier, je ne sais plus comment j'en suis venu à savoir que le tableau était la manifestation d'une idée : les hommes et les bêtes (les chevaux) se ressemblent quand ils se battent. Et c'est bien ce que l'on voit sur ce tableau : des rictus très semblable pour les hommes et les bêtes. Tout le tableau n'est qu'une orchestration de ce thème de solistes, si l'on peut prendre une comparaison musicale (qui invite à chercher des interprétations dans d'autres arts).



Ici, je ne sais plus pourquoi, mais j'ai analysé que l'idée fondatrice était comme une colonne vertébrale. Elle structure, elle évite qu'un tas de viande ne s'effondre en une sorte de flaque sur le support.

 Cette idée de colonne vertébrale m'a semblé si éclairante que je me suis mis à chercher des colonnes vertébrales partout : dans mes travaux, dans ma vie. Dans ma vie ? La passion pour la physique chimique (les sciences de la chimie) était-elle une colonne vertébrale ? D'une certaine façon, mais pourquoi cette passion ? Dans mon (mauvais) livre "La sagesse du chimiste", j'ai identifié que le cycle de la transformation du carbonate de calcium en chaux vive, chaux éteinte, eau de chaux, puis de nouveau carbonate de calcium était à l'origine de mon éblouissement. Mais ce n'était en réalité qu'une étincelle, et je crois bien plus fort ce sentiment d'incompréhension que le monde soit écrit en langage mathématique, en calcul. Quoi  : on mesure une intensité de courant et une différence de potentiel électrique, et l'on induit une relation de proportionnalité qui s'étend même aux mesures que l'on n'a pas faites, en vertu de la relation mathématique de proportionnalité ? Quelle merveille !
En réalité, les sciences de la nature ne sont que cela : un émerveillement de voir le monde écrit en langage mathématique. Cela dépasse -de loin-  le plaisir enfantin de "bouger ses doigts" et de "faire des expériences". C'est la grande question de la science, celle qui structure toutes les bonnes épistémologies !

Je conçois évidemment que tous ne soient pas émerveillés comme moi, et qu'ils puissent trouver dans leur activité des forces, des beautés que je ne vois pas : le médecin qui soigne, le mécanicien qui résout le puzzle de la panne et répare, le souffleur de verre, le musicien, le boulanger... Pour chaque activité, j'espère que mes amis ont une bonne raison de s'y adonner, mais, surtout, la question est posée : quelle est leur colonne vertébrale ?



 Résultat de recherche d'images pour "hommes chevaux se battent  léonard de vinci"

Terminons en évoquant un jeune ami qui me demandait s'il était bien nécessaire de tout rationaliser, de s'interroger ainsi, de se "psychanalyser"... Je réponds que chacun fait comme il veut, mais que je vois trop d'entre nous (et moi-même) dans un brouillard intellectuel pour ne pas penser que la voie de la rationalité soit utile.
Quant à la colonne vertébrale, au pire ce sera une question que nous nous poserons, à propos de notre existence : je ne crois pas utile de réfléchir un peu à une question si importante. Et puis, une fois cette colonne vertébrale bien identifiée, on peut centrer son activité... et ne garder de la vie que le meilleur !

dimanche 19 février 2017

Ne faut-il pas avoir l'esprit clair pour bien enseigner ?

Dans un document pédagogique, je lis :

"Les sciences expérimentales -notamment la physique-chimie-  au travers de leur enseignement, sont un domaine privilégié au sein duquel l'enseignant et les élèves ont la possibilité d'interpeller les valeurs de la république".

Commençons à lire calmement. On nous parle de "sciences expérimentales", mais cela pose une question épistémologique essentielle, car cela reviendrait à considérer que l'expérience est le critère de démarcation entre les sciences classiquement -et internationalement- dites "de la nature", et des sciences de l'humain et de la société.
En l'occurrence, Galilée, qui n'était pas moins grand que nos pédagogues modernes, disait justement que les sciences de la nature ont deux pieds : l'expérience et le calcul. Ne conserver que l'expérience pour désigner ces sciences, c'est appauvrir considérablement le champ... et aller dans une direction qui n'est pas souhaitable : ne vaut-il pas mieux être honnête avec les élèves, et leurs faire comprendre :
- que les sciences de la nature imposent du calcul ("le monde est écrit en langage mathématique", disait Galilée)
 -  que ce calcul est merveilleux, facile ?

Puis on nous parle d'une science qui serait la "physique-chimie". Quelle confusion ! Il y a la physique, qui est une science de la nature (physis signifie "nature", en grec), et il y a la "chimie" qui est... une science de la nature aussi, qui s'intéresse aux assemblages d'atomes, et, notamment, aux réorganisations de ces derniers assemblages, ce qui se nomme des réactions. Cette science se distingue de la préparation de composés nouveaux (les "produits") à partir de composés initiaux, que l'on nomme les "réactifs". La cosmétique, la cuisine, la métallurgie, la préparation de médicaments, de peinture, de bougies...


Mais vient maintenant "au travers de leur enseignement" : au travers ? Que veulent dire nos amis ? Par leur enseignement ? Au cours de leur apprentissage ? On sent le jargon pas bien pensé, et donc pas bien dit.

Mais vient le meilleur : les élèves et les enseignants peuvent interpeller les valeurs de la République... Je m'interroge : il y a donc les valeurs de la République, qui sont l'égalité, la fraternité, la liberté. Les interpeller ? Vite, le recours au (bon) dictionnaire : je n'y trouve pas d'usage du mot qui convienne. En effet, on interpelle quelqu'un, et pas quelque chose. Interpeller quelqu'un ? Appeler quelqu'un ; lui adresser la parole (d'une manière brusque) pour attirer son attention, lui demander quelque chose ou l'insulter. Décidément, je vois mal les valeurs de la République là-dedans.

Moralité : les didacticiens qui ont produit le document qui commence par le paragraphe que je cite  sont des ânes ! Et pire, ils sont dangereux, car on leur confie des enfants.

Ca y est !

Ce matin, je vois un billet qui s'assortit d'une question. Pas une seconde n'est perdue : je fais la réponse, et un billet plus long qui argumente en même temps qu'il combat des usages terminologiques dévoyés, donc malhonnêtes.

Tout cela est sur le blog où j'évoque des questions de cuisine : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/02/mousseline.html

samedi 18 février 2017

Et là, je me suis laissé aller...

Un correspondant agite un torchon rouge devant le taureau : peut-on faire des soufflés aux fruits rouges ? Pourquoi ne trouve-t-on pas de recettes de soufflés aux fruits rouges en ligne ?
Pour la seconde question, je ne sais pas, mais pour la première, oui, mille fois oui, on peut faire des soufflés au goût que l'on veut. Aux fruits rouges comme au fromage ou à la vanille, ou au poisson, ou à la viande, ou... à tout !
L'essentiel : ne pas oublier les "trois règles de Hervé", et voir http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/02/des-souffles-aux-fruits-rouges.html

J'ai encore oublié !

Pardon, j'ai oublié de signaler ici que j'ai fait mon billet quotidien sur le site http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/02/pourquoi-les-liebigs-ne-sont-pas-des.html

jeudi 16 février 2017

Les professeurs de l'Institut des Hautes Etudes du Goût (1)

Lors de la dernière réunion du Comité pédagogique, il m'est apparu bien clairement que notre politique pédagogique de l'Institut des Hautes Etudes du Goût méritait d'être explicitée... et les enseignants présentés au public.

Allons-y.

Tout d'abord, cet Institut, que nous avons créé en 2004, vise à réunir des intellectuels français parmi les plus remarquables, pour leur permettre de dispenser leur savoir à des auditeurs venus du monde entier (voir http://www.heg-gastronomy.com/fr/).
Il ne s'agit pas, comme dans n'importe quel cursus universitaire, de définir des matières et de trouver des enseignants pour les enseigner, mais, au contraire, de convaincre des personnalités admirables de s'associer pour faire un bouquet intellectuel extraordinaire (au sens littéral du terme).

Bref, nous parvenons à ce résultat depuis plus de dix ans, et le succès est au rendez vous. Les auditeurs viennent du monde entier, chaque année pour deux semaines, la première à Paris, puis à Reims, puisque le programme est porté universitairement par l'Université de Reims Champagne Ardennes.

Des personnalités

Tout cela étant posé, lors de la dernière réunion de notre institut, il m'a semblé que nos enseignants méritaient d'être mieux connus, et j'ai donc décidé de les présenter, un chaque semaine.
Pour commencer, permettez-moi  de vous parler de Sylvie Lortal, qui nous a rejoint l'an passé :




Sylvie Lortal est Directrice de recherches à l’Inra. Elle conduit depuis 25 ans des recherches fondamentales et appliquées sur les mécanismes d’affinage des fromages, sur l’activité in situ des micro-organismes et de leurs enzymes, et sur la biodiversité des propriétés technologiques d’intérêt des levains lactiques et propioniques. L’ensemble de ces travaux lui ont valu en 2011 l’Award de l’American Dairy Science Association.
Elle a dirigé pendant 8 ans l’UMR Science et Technologie du Lait et de l’œuf à l’Inra de Rennes (https://www6.rennes.inra.fr/stlo) et a été récemment co-éditeur de l'Oxford Companion to cheese (2016-Oxford Univ. press), un ouvrage encyclopédique unique autour du fromage.
Passionnée par les aliments fermentés, leur place unique dans la diète de l’homme et par la biodiversité des écosystèmes microbiens impliqués, elle a fondée en 2006 à Rennes un Centre de Ressources Biologiques « Bactéries d’intérêt alimentaire » (CIRM-BIA), collection de micro-organismes certifiée ISO 9001 (4000 souches) – membre du réseau national Biobanque, CRB dont elle est aujourd'hui conseillère scientifique.
Toujours dans le champ des collections microbiennes, elle a coordonné pour l’Inra le projet Européen d’infrastructure EMbaRC (FP7 – 2009-2012).
Elle est actuellement Chargée de mission au Département Microbiologie et Chaine alimentaire de l’Inra. Sa mission principale est de monter un réseau européen, qui porterait une réflexion collective sur la place et notamment les bénéfices nutritionnels des aliments fermentés dans la diète européenne. Parallèlement, elle continue des travaux de recherche sur les biofilms positifs présents sur les ustensiles traditionnels de transformation laitière (cuves de fromagerie en bois , calebasses africaines, etc...). Ces systèmes représentent en effet un conservatoire ex-situ de biodiversité microbienne d'un grand intérêt technologique et un système simple et durable d'ensemencement.




Impressionnant, non ?