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mardi 6 décembre 2022

La distillation, c'est une séparation physique, pas de réaction chimique

Au premier ordre, la distillation est une opération de physique et pas de chimie.

J'ai expliqué que les matières alimentaires étaient le plus souvent fait de molécules, très petits objets de différentes sortes  :  molécule d'eau dans l'eau, molécule de triglycérides dans les huiles, molécules de saccharose dans les cristaux de sucre....

La chimie est cette science qui explore les transformations des molécules.
Par exemple, quand on chauffe énergiquement du sucre, alors il se transforme comme chacun sait quand on fait du caramel : on part de cristaux transparents, et l'on obtient une matière brune, avec une saveur moins sucrée, un peu amère, et une belle odeur de caramel.

Lors de cette transformation qu'est la caramélisation, les objets tous identiques qui étaient les molécules de saccharose du sucre sont cassés, et certains morceaux se ré-associent de sorte que finalement on obtient des molécules différentes de celles du saccharose initial.

Il n'y a pas de "molécule de caramel" au sens d'une seule sorte de molécules, mais des molécules de tas de sortes différentes avec des noms qui n'ont pas d'intérêt ici.

Dans d'autres cas, il n'y a pas de réorganisation des molécules  (brisure, morceaux qui se lient, etc.), mais simplement une séparation.

C'est le cas de la distillation.

Partons par exemple de vodka, qui est faite de 60 pour cent d'eau et de 40 pour cent (en volume, mais c'est un détail) d'un alcool que l'on nomme éthanol : avec un super microscope ,on verrait environ 6 molécules d'eau pour 4 molécules d'éthanol.

Et tout cela grouille en tous les sens, car la vodka est liquide à la température ambiante.

Si l'on chauffe cette vodka, alors les molécules d'éthanol partent les premières du liquide, formant une vapeur  (invisible) qui s'élève au-dessus du récipient qui contient la vodka chauffée.
Cette vapeur, à ce stade, est faite quasi exclusivement de molécules d'éthanol. Et, à ce stade, la température, du liquide, comme celle de la vapeur, est alors d'un peu moins de 80 degrés.

Mais quand toutes les molécules d'éthanol sont parties sous la forme de vapeur, il ne reste presque que des molécules d'eau dans le liquide.
Si l'on chauffe alors d'avantage, alors la vapeur qui s'échappera sera constituée de molécules d'eau.

La vodka, c'est donc un mélange de deux sortes de molécules : des molécules d'eau, et des molécules d'éthanol.

Et la distillation consiste à chauffer pour évaporer, puis refroidir les vapeur pour qu'elles se "recondensent", qu'elles forment un liquide.
Et c'est ainsi que le liquide obtenu d'abord, c'est de l'éthanol bien plus concentré, tandis que l'eau reste dans le liquide.

La distillation, qui ne casse pas les molécules, n'est pas une transformation moléculaire, ce n'est pas de la chimie, mais de la physique, comme ces opérations que la filtration, le broyage, la décantation...



 Le monde (de la cuisine) est fait de molécules

Puisqu'il y a lieu d'expliquer la chimie commençons par les principales matières que nous rencontrons en cuisine : l'eau, l'huile, le sel, le sucre, la farine, le beurre.


Commençons donc avec l'eau


Pour l'eau, imaginons un verre d'eau devant nous. Nous percevons un liquide incolore et transparent, homogène.
Si nous le regardons avec une loupe, nous continuons à voir ce liquide incolore et transparent, apparemment homogène.
Il faut un microscope extraordinairement puissant pour finalement distinguer que l'homogénéité n'est qu'apparente et que, en réalité, l'eau est faite d'une myriade de petits objets tous identiques, qui bougent en tous sens et très rapidement (plusieurs centaines de mètres par seconde).

Il ne nous sera pas difficile d'accepter de nommer ces objets des "molécules d'eau", n'est-ce pas ?

Je propose ici de ne pas aller plus loin dans la description de ces molécules et de nous contenter de dire que l'eau est en réalité constitué de ces molécules d'eau entre lesquelles il n'y a rien, du vide.
La masse de l'eau, c'est la somme des masses de tous ces petits objets tous identiques.

Et la différence entre l'eau du robinet, ou  l'autre pluie, ou l'eau de mer, et cetera,  cela tient à la présence, parmi ces molécules d'eau, d'autres molécules de nature différente, ce que l'on pourrait nommer en quelque sorte des impuretés si l'on se réfère à l'eau parfaitement pure.
Il faut d'ailleurs ajouter que le mot "impureté" ne doit pas avoir de connotation péjorative, car la neige fondue , qui fait de l'eau très pure, et néfaste pour  notre organisme, et nous avons besoin de la présence de ce que l'on nomme des "ions",  parmi les molécules d'eau.

Mais là , avec le mot "ion",  je sais  que je suis allé trop trop loin, et je propose de passer à la seconde matière que j'avais annoncée,  à savoir l'huile.

L'huile est encore un liquide, également transparent, plutôt jaune... bien que cette couleur soit encore due à des "impuretés" : l'huile parfaitement purifiée serait incolore.  

À nouveau, à l'œil nu, l'huile paraît homogène ;  et, à la loupe, elle le paraîtrait aussi.
Et là encore, il faut un microscope extraordinairement puissant pour voir que l'huile est composée d'une myriade d'objets très semblables (pas parfaitement identiques),  et différents des molécules d'eau.
Nommons-les "molécules de triglycérides".

Avec ces deux exemples,  on voit  on comprend que la matière est souvent faite de molécules, et c'est exact  : nous avons déjà rencontré les molécules d'eau et les molécules de triglycérides.


Passons donc au sucre.

Cette fois, c'est un solide.
Si nous regardons les grains de sucre au microscope, nous voyons que ce sont des solides transparents, avec des faces planes.
Avec un très gros microscope, les grains sont encore homogènes, dans l'intérieur du grain.
Mais  si l'on prend maintenant un microscope extraordinairement puissant, alors, là encore, on s'aperçoit que le sucre est composé d'objets en très grand nombre, tous identiques : nous les  nommerons des molécules de saccharose.

Cette fois, dans le cristal, les molécules de saccharose ne bougent pas ou, plus exactement, elle se contentent de vibrer sur place, car elles sont empilées régulièrement. C'est d'ailleurs cela qui distingue un solide d'un liquide.


Passons maintenant au sel.

Cette fois, nous voyons encore, à la loupe, que le sel est fait de cristaux tous transparents. D'ailleurs pour le sel comme pour le sucre, la couleur blanche d'un tas de sel ou d'un tas de sucre n'est pas due aux grains, qui sont individuellement transparents et incolore, mais résulte de la réflexion de la lumière blanche du jour sur les faces de ces cristaux ; plus il y a le cristaux, plus le tas apparaît blanc, alors même que chaque cristal est transparent.

Pour le sel, si nous utilisions notre super microscope, nous verrions deux types d'objets : ces objets sont des "atomes de chlore" et des "atomes de sodium". Ils sont régulièrement empilés comme des cubes, et c'est leur liaison très forte qui assure la solidité du cristal de sel.

En réalité, ces atomes de chlore et les atomes de sodium, dans un cristal de sel, se sont échangés une petite partie qui est nommée "électron", ce qui a changé leur nom, d'atome en ion.
Mais c'est vraiment secondaire pour notre propos et je propose de rester à l'idée que  les cristaux de sel sont composés de ce qu'on nomme le chlorure de sodium, une entité où l'on imagine groupés un atome de chlore et un atome de sodium.


Avec le beurre, les choses se compliquent un peu.


Oui, le beurre est plus complexe... comme on le pressant quand on chauffe doucement du beurre : dans le beurre que l'on clarifie ainsi en chauffant très doucement et longtemps, on voit deux liquides se séparer, avec un liquide blanchâtre en bas et un liquide transparent et jaune par-dessus.

Le liquide blanchâtre du bas, c'est pratiquement de l'eau, et le liquide transparent et jaune par-dessus, c'est pratiquement de l'huile.
D'ailleurs on dit que le beurre fondu fait huile.

Effectivement, dans la partie inférieure, le super microscope montrerait essentiellement des molécules d'eau, tandis qu'il montrerait des molécules de triglycérides dans le liquide supérieur.
Dans le beurre lui-même, l'organisation de ces molécules est un peu compliquée, et je propose de garder ça pour une autre fois.


Pour passer maintenant à la farine, plus compliquée que le beurre.

La farine s'obtient par mouture de grains de blé, dont on élimine d'abord les enveloppes, ce que l'on nomme les sons.
Il reste, quand on moud la farine, une poudre blanche, d'autant plus blanche d'ailleurs que l'on s'est plus approché du cœur du grain.

Cette fois, une expérience encore nous permet de voir que la farine n'est pas une matière homogène : cette expérience fut faite  pour la première fois au 18e siècle, par des chimistes, et elle a pour nom  "lixiviation" :  
- on part de farine,
- on ajoute un peu d'eau,
- on travaille beaucoup pour faire une pâte qui devient de plus en plus dure à mesure que l'on travaille,
- puis on met cette pâte dans une grande bassine d'eau claire
- et on la malaxe doucement : en sort une poudre blanche que l'on a nommé l'amidon, et il reste entre les doigts une sorte de chewing-gum jaunâtre que l'on a nommé le gluten.

Je me hâte de dire que ni l'amidon ni le gluten ne sont chacun composés de molécules toute identiques, et l'on pourrait continuer à fractionner comme on vient de le faire, pour séparer l'amidon en plusieurs types de molécules dites de polysaccharide ; de même, le gluten en plusieurs sortes de protéines.

Mais on retrouve encore notre même idée la farine est faite de molécules,  certes de plus de variétés que dans l'eau ou dans l'huile, mais quand même, des molécules.

Et c'est ainsi que  le monde matériel de la cuisine est essentiellement fait de molécules.
Dans la farine, nous sommes sur la piste d'une complexité croissante qui augmenterait encore par exemple avec les viandes, les poissons, les fruits ou les légumes... mais ce sera pour une autre fois.

lundi 5 décembre 2022

La cuisine des plantes

 
La cuisine des plantes ? Cela vaut le coup de savoir ce que l'on transforme.

Commençons par observer que cette question des "plantes" est minée : certains croient qu'elle serait "naturelle"... et ils ont tort.

Car, selon la définition du dictionnaire,  les aliments sont artificiels et non pas naturels puisque est naturel, en français, ce qui ne fait pas l'objet de la transformation par un être humain.
Or la cuisine, c'est bien une transformation par un être humain :  la cuisinière ou le cuisinier.

Cela étant dit, il faut maintenant se préoccuper de la constitution des ingrédients que nous utilisons pour cuisiner.

Et c'est ainsi que récemment, recevant la visite d'une journaliste néerlandaise, je crois que j'ai eu raison de lui expliquer d'abord les possibilités de transformation en partant de la constitution microscopique et moléculaire des tissus végétaux.

Considérons, par exemple, des feuilles d'épinard : si nous les regardons au microscope, nous voyons qu'elles sont constituées de très nombreux petits compartiments, cimentés entre eux par ce que l'on nomme une "paroi végétale".

Des compartiments ? Ce sont des "cellules". Ces cellules sont vivantes, et la plante elle-même et donc une sorte de colonie d'êtres vivants.

Chaque cellule est composée principalement d'eau, et,  aussi, de tout ce qui la rend vivante.
Elle est limitée par une membrane et cette membrane est sous ce que l'on nomme une "paroi".

Cela ne se voit pas au microscope optique courant, mais la paroi , est fait de fibres de cellulose et de molécules de pectine, principalement.

Les  molécules de pectine sont comme des cordes qui relient les fibres de cellulose des parois des cellules voisines et l'aurait donc raison de dire que ce sont les molécules de pectines qui font le lien.

Les pectines ? On les connaîts pour les confitures, parce que, quand on cuit des tissus végétaux, les molécules de pectine sont libérées dans le liquide de cuisson et, au refroidissement, elles viennent se relier en une sorte de grand filet pour faire ce que l'on nomme un gel : c'est la confiture, ou la gelée.

Les fibres de cellulose ? Que l'on pense à un mouchoir en coton, un t-shirt en coton, du coton hydrophile... : tout cela, ce sont des fibres de cellulose plus ou moins organisées.
D'ailleurs, le papier est fait de fibre de cellulose que l'on peut même voir à l'aide d'une loupe : le papier est un "non tissé".

Ces "fibres de cellulose" sont faites... de molécules de cellulose, des molécules très résistantes à la chaleur, comme le prouve l'expérience qui consiste à faire bouillir un t-shirt quand on le lave : même après de nombreux lavages, il ne se dissout pas dans la machine à laver.

Cette inertie chimique diffère complètement de la fragilité des pectines : si l'on cuit trop longtemps de la confiture, elle ne prendra plus, car les molécules de pectine auront été dégradées et le grand filet ne pourra pas se faire.

Ayant ces informations sur la constitution des tissus végétaux, nous pouvons passer maintenant à la cuisson des légumes.

Lors d'une cuisson de légumes, les parois végétales sont désorganisées et les molécules de pectine sont libérés, ce qui permet la séparation des cellules.
Et c'est ainsi que quand on cuit des carottes, par exemple, on peut,  après cuisson,  les écraser pour faire une purée : les cellules sont alors intègres mais séparées.
Évidemment, il peut y en avoir qui sont endommagées, mais ce n'est pas là le phénomène principal : lors de la confection d'une purée, lorsqu'on écrase un tissu végétal qui a été cuit, alors ce sont surtout des groupes de cellules que l'on récupère et que l'on sépare.

dimanche 4 décembre 2022

La... preuve... de mes hésitations

 La question de la preuve, en sciences de la nature

Je propose une réflexion épistémologique (pardon : plus de trois syllabes à ce mot), puisque je ne suis pas certain de moi : mes amis n'auront ici qu'un soliloque, mais je compte sur eux pour rectifier mes erreurs.

La question tourne autour du mot « preuve », parce qu'il me semblait qu'il n'y avait de preuve qu'en mathématiques. En sciences de la nature, en revanche, puisque l'on produit des théories et que celles-ci sont insuffisantes par nature, la « preuve » de ces théories n'est pas possible.


Cela étant, dans un récent billet de blog, je considérais la cuisson des viandes sautées, et je prenais la formation de fumée comme une indication de l'évaporation de l'eau.
A utiliser le mot « indication » plutôt que le mot « preuve », je crois ma prudence justifiée, parce que cette fumée pourrait être tout autre chose qu'un ensemble de gouttes d'eau formées par recondensation de la vapeur formée quand le jus (majoritairement de l'eau) sort de la viande (en raison de sa contraction) et vient être évaporée par le contact avec la poêle très chaude. C'est peu probable que ce soit autre chose, mais nous discutons ici la question du principe.

Donc même pour une question aussi simple, je crois que le principe est salvateur. Car, au fond, même si nous savons qu'il y a de l'eau évaporée, et que cette eau se recondense, il y a très vraisemblablement aussi d'autres composés qui s'élèvent dans l'air  : à... preuve, l'odeur que nous percevons.

Et nous arrivons donc à un cas plus intéressant que celui de la fumée : s'il y a odeur, comment n'y aurait-il pas évaporation d'autre chose que de l'eau ? Sentir n'est-il pas une preuve ?

Oui, mais il y a la pratique et le principe. Et, en principe, nos sens sont trompeurs, et nous pourrions être trompés. Même si nous sommes des millions à sentir la même chose.

Surtout, comme il y a une différence entre la preuve mathématique et la preuve physique, il y aurait lieu, en physique, d'éviter le mot de "preuve" pour parler de corroboration, par exemple, n'est-ce pas?

Et puis, de toute façon, ne cherchons-nous pas plutôt la réfutation, qui nous fait progresser en permettant de dépasser l'insuffisante théorie que nous avons ?

Sel, chlorure de sodium : quelles différences ?

Ayant discuté d'ilchimisme dans des billets précédents, il me faut maintenant chercher des remèdes à cette insuffisance, et la première consiste à prendre toute occasion pour la combattre.

Aujourd'hui, considérons la différence entre le sodium, le chlorure de sodium et le sel.

Le sel, c'est le sel : connu depuis des temps immémoriaux, extrait de la mer par évaporation de l'eau ou récupéré dans des mines.

Dans le premier cas, c'est le sel de mer, et dans le second, c'est le sel gemme.

Le sel est salé, et quand il est pur, parfois un peu amer ; il se présente sous l'aspect de cristaux individuellement transparents, mais qui paraissent blanc quand leur facettes réfléchissent la lumière blanche du jour.
Et quand on met du sel dans l'eau, on obtient de l'eau salée.

De quoi ce sel est-il fait ? Si on le regarde  avec un microscope extraordinairement puissant, alors on voit que les cristaux de sel sont des empilements assez réguliers, comme des cubes empilés,  avec principalement deux sortes d'objets que l'on a nommés "atomes de chlore" et "atome de sodium". Ne nous effrayons pas, ce ne sont là que des mots, des noms arbitraires.

Mais précisons que, en réalité, dans un cristal de sel, les atomes de chlore et les atomes de sodium sont fortement liés les uns aux autres parce qu'ils ont échangé un tout petit objet nommé électron et que cet échange les conduit à s'attirer comme deux aimants.

Si l'on est plus précis, on dit que les atomes de sodium qui ont cédé un électron sont devenus des "ions sodium" (un autre nom),  et que les atomes de chlore qui ont gagné un électron sont devenus des "ions chlorure".
Mais c'est véritablement un détail du deuxième ordre.

Quelle est la différence entre le sel et cette matière que l'on nomme chlorure de sodium et qui est faite exclusivement d'ions chlorure et d'ions sodium ?

Tout tient dans les impuretés, car quand on part d'eau de mer pour produire du sel (de mer, donc), alors on récupère un sel qui est qui contient non seulement des atomes de chlore et des atomes de sodium, mais aussi tout une série d'autres atomes : iode, calcium, potassium, et cetera.

Le "chlorure de sodium", en revanche, c'est seulement des atomes de chlore et des atomes de sodium, tandis que le sel, c'est seulement principalement des atomes de chlore et des atomes sodium, mais aussi beaucoup d'autres atomes de types différents.

Le sel gemme non raffiné, aussi, n'est pas du chlorure de sodium : selon les mines, il se présente sous la forme de bloc blancs, un bruns grisâtres, ou bleus, ou roses, ou rouger,  selon qu'il contient des atomes de fer, de cuivre, et cetera.

Ne confondons donc pas le sel et le chlorure de sodium.


Et le sodium ?

Comme il est parfois  question due sodium indépendamment du sel  ou du chlorure de sodium, il faut maintenant expliquer que le sodium n'est pas le sel, comme on l'a compris à l'explication précédente puisque dans le sel il y a des atomes de chlore et des atomes de sodium.

Et ce n'est pas le sodium qui donne la saveur principalement salée du sel, mais les ions sodium.
Car le "sodium", c'est un élément, une catégorie abstraite de la chimie, alors qu'un ion sodium est un objet matériel.

En effet, les atomes qui font la matière de notre monde sont de différentes sortes :  la chimie en a découvert environ 200 sortes qui ont pour nom hydrogène, hélium, lithium, bore, carbone...

Ce sortes sont ce que l'on nomme des éléments, et un élément est donc une catégorie, une chose abstraite,  plutôt qu'un objet concret.

Ce qui est concret, c'est l'atome d'hydrogène, ou l'atome d'hélium, et cetera.

De sorte que quand on dit "le sodium", c'est la catégorie d'atomes de sodium que l'on considère, et non pas les atomes de sodium eux-mêmes.

De ce fait, il est juste de dire que les atomes de sodium donnent la sensation salée,  et il est donc inexact de dire que le sodium donne la sensation salée.

D'ailleurs, si l'on voulait être tout à fait précis, on dirait que ce sont les ions sodium qui donnent la sensation salée.

Là, je crois que j'ai fait le tour de cette question et je vois aussi que nous pourrons régulièrement donner des informations utiles pour que nos amis comprennent mieux le mot matériel où ils vivent.

samedi 3 décembre 2022

 De l'illettrisme, de l'anumérisme, de l'alchimisme


Il y a d'abord l'illettrisme qui touche une partie trop grande de nos populations, malgré des années passées sur le banc des écoles, des collèges et des lycées : 7 % de la population adulte âgée de 18 à 65 ans ayant été scolarisée en France est en situation d’illettrisme, soit 2 500 000 personnes en métropole (je trouve ce chiffre sur un site officiel : http://www.anlci.gouv.fr/Illettrisme/Les-chiffres/Niveau-national).

Et j'ajoute aussitôt que ce billet n'est en aucun cas un jugement, mais une observation et une réflexion en vue d'une action pour améliorer les choses.

Mais l'illettrisme n'est pas la question que je veux discuter ici, meme si, comme l'a dit justement Lavoisier après Condillac, la science et les mots vont de pair. Non, c'est bien de science dont il est question ici.

De même qu'il y a de l'illettrisme, il y a de l'anumérisme, cette incapacité à comprendre les ordres de grandeur de notre environnement.
Par exemple, lors d'une réunion avec des collègues universitaires, je me suis aperçu aucun d'entre eux n'avait une idée de l'ordre de grandeur de la masse d'une pincée de sel.
Et, plus généralement, si l'on écoute la radio, et notamment les discussions à propos du budget de l'Etat, que représente un million d'euros ? Et un milliard ?

Nous ne sommes pas familiers, en général, avec de telles valeurs, et les mots glissent sur nous comme l'eau sur les plumes du canard.
Il en va de même pour toutes les valeurs très grandes ou très petites, et l'on aura raison de rappeler avec le philosophe grec antique Protagoras que l'homme et la mesure de toute chose.

Bref, nous manquons d'ordres de grandeur, et cela vaut la peine de rappeler que Pierre Gilles de Gennes, prix Nobel de physique, avait fait sienne cette méthode intime d'Enrico Fermi, également prix Nobel de physique, à savoir s'entraîner quotidiennement à calculer des ordres de grandeur.

C'est ainsi que Fermi sélectionnait les étudiants qui postulaient à son laboratoire en leur demandant combien il y avait d'accordeurs de piano à Chicago.
Et pour moi, sans idée de sélection, je discute souvent avec les étudiants en sciences que je rencontre de la question du nombre de cheveux sur une tête, par exemple.

Oui, les calculs d'ordres de grandeur sont essentiels parce qu'ils nous familiarisent avec autre chose que notre petit monde.

Mais, après l'illettrisme et l'anumérisme, je veux surtout considérer la chimie et l'ilchimisme, cette méconnaissance des objets de cette science, de ses phénomènes. Il faut la vaincre dès l'école primaire !

vendredi 25 novembre 2022

 Une bonne pratique : ne pas interpréter abusivement



C'est une bonne pratique que d'interpréter correctement,  et, inversement, c'est une mauvaise pratique que de tirer des conclusions quand les résultats expérimentaux sont insuffisants.

Expliquons cela plus en détail. Quand on fait un travail scientifique,  on met en œuvre des matériels et des méthodes (qui doivent être identifiés aussi précisément que possible pour donner des résultats répétables), et l'on effectue des expériences, qui doivent être aussi bien caractérisées que possible, donnant des résultats aussi proches que possible lors de la répétition d'une même expérience (ce qui, d'ailleurs, s'estime par un écart type sur le résultat).

Ainsi une série d'expériences conduit à des résultats que l'on exprime notamment par des équations, et l'on cherche ensuite à interpréter ces équations, c'est-à-dire à les exprimer en langage naturel, afin de tirer des conclusions sur les mécanismes du phénomène que l'on explore.

Lors de ce processus d'interprétation, il est essentiel de ne pas aller plus loin que ce que les résultats nous donnent,  et les limites de validité,  en particulier, sont tout à fait fondamentales.
Quand un résultat est insuffisant, on ne peut pas en tirer une loi générale, et même quand ils sont en quelque sorte suffisants, la loi que l'on peut tirer doit être validée, car, sans validation, le résultat n'est pas suffisamment établi.

Autrement dit, il y a lieu d'être extrêmement prudent quand on arrive à l'étape des interprétations, et il s'agit d'une bonne pratique que de ne pas interpréter plus que les résultats ne nous disent.

Bien sûr, on a le droit de faire des hypothèses : des résultats peuvent nous faire proposer des idées, mais quand des hypothèses sont des hypothèses, il n'est pas bien de les faire apparaître comme des mécanismes établis.

Cette discussion doit entrer en correspondance avec celle que j'ai déjà eu à propos des de la "'démonstration scientifique' :   on ne pourra jamais démontrer qu'une interprétation est juste ; on pourra seulement la corroborer.

Cela dit, il s'agit là d'une question de principe, car, en pratique, des corroborations multiples renforcent une hypothèse au point qu'elle peut mériter d'apparaître comme une interprétation.

samedi 19 novembre 2022

Juxtaposition

Pour donner du sens, il faut donner des « formes gustatives » à reconnaître. Juxtaposer deux goûts, c’est aussi tendre au convive une sensation (le heur des deux goûts) et une question : pourquoi l’artiste a-t-il précisément voulu cette juxtaposition ?

 

J'ai fait une proposition d'innovation à mon ami Pierre Gagnaire : 


 

Mon cher Pierre,

 Nous avons vu, le mois précédemment, comment le cuisinier jouait des concentrations en molécules aromatiques ou sapides.
Il donne un sens au met, fait œuvre, en jouant seulement de la concentration des molécules du goût, tout comme le musicien équipé d’un seul tambour peut déjà tenir sa partie, variant seulement le rythme avec lequel il frappe la peau tendue. En peinture, le rythme serait analogue à la répétition spatiale d’une couleur : pensons à des bandes de largeurs et d’espacement différents.

 

Toutefois, le rythme peut s’enrichir du son, le tableau de diverses teintes. Le plat, aussi, peut réunir des goûts variés qui évitent la monotonie du monochrome. A l’arrangement spatial s’ajoute le contraste, si important en peinture que le chimiste Michel-Eugène Chevreul engendra une école de peinture, néo-impressionniste, quand il découvrit que le voisinage d’une couleur modifie la couleur adjacente : par exemple, le bleu foncé semble jaunir le blanc voisin, en raison d’un phénomène visuel inconnu à l’époque de la découverte de la « loi du contraste simultané des couleurs » (la loi de Chevreul), mais bien exploré depuis.
Bref, le contraste a ses lois, et le contraste culinaire, notamment, mérite d’être exploré.

 La suite se trouve ici : https://pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/78

lundi 17 octobre 2022

Brioches, et autres produits de fermentation


C'est amusant de voir que des choses que l'on a déjà expliqué par le passé mérite de l'être encore. Amusant mais pas surprenant car il serait insensé de penser que l'on a déjà parlé à tous.

Et c'est ainsi que de jeunes cuisiniers m'ont interrogé hier à propos de fermentation et de confection de brioche.

Dans une pâte à brioche, il y a de la farine, de l'eau, du beurre et éventuellement du sucre. Mais il y a aussi des levures, qui ont été apportées soit à partir de levure fraîche de boulanger, soit à partir de levure lyophilisée.
Je m'arrête pour observer que le mot "levure", ici au singulier, est mal employé, car le bloc mou du boulanger, comme les particules sèches du produit d'épicerie, sont faits de très nombreuses "levures", micro-organismes bien évidemment invisibles à l'oeil nu.

Quand ces levures sont en présence d'eau et de nutriments, à une température "confortable" (les mêmes que celles que nous apprécions), alors elles se développent,  car on oublie pas que ce sont des organismes vivants.
Mieux, ces organismes vivants là ont la particularité, quand ils se développent, de rejeter un gaz qui est le dioxyde de carbone.
Et quand ces bulles de gaz sont engendrées à l'intérieur de la pâte à brioche, alors cette pâte se met à gonfler.

Et c'est ainsi que, traditionnellement, on produit la brioche :  on ensemence de la pâte avec des levures, on laisse gonfler, puis on rabat, ce qui signifie que l'on retravaille la pâte ; on laisse à nouveau gonfler, et l'on cuit,  ce qui fige la brioche dans son état gonflé. D'ailleurs il faut ajouter que, pendant la cuisson, de la vapeur d'eau peut  être évaporée, venant augmenter encore le volume de la brioche.

Évidemment, aux températures élevées qui sont atteintes dans une brioche, les levure sont tués, laissant divers composés qui donnent du goût à la préparation, tel le sotolon, un composé que l'on trouve également dans le champagne... où il y a également des levures qui meurent.

Les levures ? Des usines à dioxyde de carbone, pour faire gonfler les aliments.

mardi 11 octobre 2022

Luttons contre les vociférateurs



Il y a "sur les ondes" (entendons : dans les réunions publiques, dans les journaux, sur les radios, dans les programmes de télévision) des braillards : des personnages qui parlent plus haut que les autres, sans avoir plus de compétences, cherchant à s'imposer par l'intensité sonore de leur discours, par la répétition lancinante de leurs idées, comme si la vérité en découlait.

Cette stratégie s'apparente à la litanie, et les populismes s'en nourrissent, ne cessant de rabacher des messages pour les imposer aux plus faibles.

La question est "comment lutter contre ces malfaisants ?".

Bien sûr, on peut être vigilant, et arrêter ces personnes chaque fois qu'elles déraillent, dénoncer leurs agissement... mais on risque de paraître toujours négatif, et donc en position de faiblesse, par rapport à ceux que l'on critique, qui sont "positifs", disons force de propositions (même si ces propositions sont idiotes).

Depuis toujours, je refais l'analyse de la question, et j'arrive toujours à la même proposition : il faut montrer du ciel bleu, montrer comment voir le ciel bleu, montrer comment construire ce ciel bleu que nous voulons voir.
Il faut dire des faits justes, montrer en quoi ils sont justes, montrer à nos amis comment éviter les discours pourris et privilégier les faits justes. Il faut désigner le beau, le bon, le juste ; il faut identifier de nobles objectifs vers lequels  nos amis (et nous-mêmes !)  tendront.

Il faut de la grandeur !

mercredi 5 octobre 2022

Et encore à propos de représentations 4/3



Dans un billet précédent à propos de représentations,  et,  en particulier,  d'images calculées par ordinateur, j'avais alerté sur le fait qu'un objet représenté peut très bien ne pas exister, tout comme il ne suffit pas de dire "Père Noël" pour que celui-ci existe vraiment.

Ici je veux insister un peu parce qu'il y a là quelque chose de d'utile, chaque fois que nous regardons des images.

Commençons par l'affaire du Père Noël. Une dénomination, c'est un ensemble de lettres, et ces lettres peuvent être trompeuses quand elles s'assemblent pour faire le mot "père", tout d'abord, puis pour faire le mot "Noël",  et, enfin, pour faire l'ensemble "Père Noël".
Bien sûr, il existe des pères ; bien sûr, Noël est quelque chose de réel. Mais le Père Noël n'existe pas, et l'utilisation de deux mots qui renvoient à des objets réels est à l'origine de la tromperie.

Ici, ce sont les mots qui ont trompé, mais les images font de même, tout comme les diverses autres sensations.

Pour les sensations, considérons par exemple un ensemble de molécules qui reproduirait l'odeur d'une truffe :  un chien ou un cochon iraient vers l'origine de l'émission d'odorants, croyant à la présence d'une truffe... qui pourtant n'existe pas.

Pour un son, de même, un chat pourrait chercher à chasser un oiseau qui ne serait pas présent, si l'on émettait un enregistrement de chant d'oiseau.

Les data gloves,  qui sont des gants muni de capteurs de pression, permettent d'entrer dans un monde virtuel qui peut-être utile par exemple pour l'enseignement de la chimie : on peut "sentir" des forces entre  des atomes ou des molécules  alors que ceux-ci sont absents, et seulement ne sont représentés sur des lunettes spéciales.

Sons, odeurs... Pour les images et des films calculés par ordinateur il en va de même et il faut être bien naïf pour croire à l'existence d'objet représentés, alors qu'en réalité des pixels colorés ont été assemblés par un ordinateur, sous la commande de celui ou de celle qui savait déposer les pixels au bon endroit.

Dans nos études scientifiques, une image est une représentation, donc une interprétation et je viens encore d'en avoir un exemple avec un article consacré aux gels : il y avait des images de microscopie à force atomique, pour lesquelles j'ai dit précédemment qu'il fallait les interpréter, car on ne voyait en réalité, sous forme d'image, que l'interaction d'une pointe mobile avec la surface d'un échantillon.

Mais ce n'est pas ici le point qui me retient:  je veux surtout signaler qu'une de ces images était associée à un schéma qui semblait d'un réalisme parfait  : on avait l'impression de voir des atomes, avec des distances, des angles, des volumes. Mais qui dit distance, qui dit volume dit codage de l'image à partir d'informations... venues d'où ?Obtenues comment ?

Les images scientifiques sont particulièrement trompeuses parce qu'elles sont fondées sur des mesures innombrables, interprétées, et interprétées à l'aide d'interprétations, qui, elles-mêmes, résultent d'interprétations, et ainsi de suite.

Il y a donc lieu d'être particulièrement prudent et, peut-être, de préférer un schéma manifestement faux à une image trop réaliste et donc trop trompeuse.

Mais, inversement ta gueule on aurait évidemment tort de se priver d'une représentation que nous maîtrisons et qui nous conduit à nous poser des questions :  des questions précisément relatives à l'interprétation, à sa nécessaire amélioration.

Il faut donc douter et douter encore jusqu'à savoir ce que l'on voit, à juger de degré de confiance que l'on décide d'accorder, à l'issue d'un long chemin de renseignements pris sur l'image que nous contemplons.

Et c'est ainsi que la science est belle !

mardi 4 octobre 2022

A propos d'interprétation

 
Dans un billet précédent, j'ai discuté des questions de virtuosité, en condamnant les musiciens qui jouent vite, sans comprendre que la question est la musicalité, et pas la capacité idiote de bouger rapidement les doigts.
 

Ici, je veux discuter la question de l'interprétation. Stricto sensu, comme pour le mot "traduction", l'interprétation s'impose. La musique est écrite, et on la veut jouée. Il faut donc bien, comme le dictionnaire le dit, passer d'une langue (écrite) à une autre (jouée). 


Mais, de même qu'un traducteur qui ferait dire à un texte ou à une personne tout autre chose que ce qui était initialement énoncé, un interprète doit rester fidèle à l'oeuvre, sans quoi il n'a pas le droit de dire que c'est cette oeuvre-là. Au mieux, il pourrait dire alors qu'il l'a changée, utilisée, pastichées, que sais-je ?
C'est le cas pour la cinquième symphonie de Ludwig van Beethoven, jouée très lentement, alors que Beethoven était fasciné par le métronome, nouvellement introduit, et qu'il avait très explicitement indiqué comment son oeuvre devait être jouée ! Pour d'autres compositeurs, qui n'ont pas laissé d'indication, la musicologie a précisément cet intérêt qu'elle nous permet de savoir le tempo qui s'impose. Par exemple, une bourrée n'est pas une sarabande, et un menuet n'est pas un grave. Et comme pour virtuosité, une interprétation qui ne serait pas fidèle serait... infidèle, ce qui est quand même une honte. 


Souvent, on peut incriminer l'ignorance, l'absence de travail, des erreurs de jugement, et cela est en quelque sorte moins grave que le mépris des oeuvres, la volonté naïve de jouer "comme on le sent". 


Inversement, il faut saluer le travail des musicologues qui mettent les interprètes -fidèles, ou, au moins ayant la volonté de l'être- sur la voie de l'oeuvre telle qu'elle a été conçue.

Ce qui pose la question des instruments : d'époque ou pas ? Alors que la musique baroque est en vogue, grâce à quelques uns qui ont restauré des instruments d'époque, qui ont appris à en jouer aussi fidèlement que possible, que penser de l'interprétation sur des instruments modernes ? Bach au piano, alors qu'il ne connaissait que le clavecin, l'épinette ou l'orgue ? Haëndel à la flute traversière Böhm, alors qu'il n'y avait que des flûtes en bois, sans doute bien plus fausses que nos flûtes modernes ? Des trompettes modernes, alors que la possibilité de jouer toutes les notes de la gamme n'est apparue que récemment ?

Là, j'ai parlé de musique... mais pour les sciences de la nature : ne devrions-nous pas, quand nous explorons des travaux de scientifiques du passé, chercher à nous mettre mieux dans les conditions de l'époque ? 


Par exemple, avant le congrès des chimistes de Karlsruhe, la notion de "molécule" était essentiellement celle de Haüy, confondue avec celle d'atomes : de petites choses, mal perçues. Et ce fut le travail de Cannizzaro que de partir d'Amedeo Avogadro pour proposer de l'ordre dans les notions de chimie. Lothar Meyer a dit ""Les écailles semblaient tomber de mes yeux." Autrement dit, on est mal avisé de répéter comme un perroquet que Louis Pasteur a découvert la dissymétrie moléculaire, en croyant qu'il s'agit de notre chiralité moderne : dans un de mes articles de recherche en histoire de la chimie, j'ai bien établi que Pasteur, avant 1860, confondait atomes et moléculaires, et que ces mots signifiaient seulement "tout petits constituants de la matière".

Mais je préfère vous laisser lire : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/des-cristaux-dauguste-laurent-et-des-techniques-danalyse-optique-de


Suivre un cours, c'est aussi demander "Combien ?"

 
Décidément, il n'est pas trop tard pour apprendre : obligé d'être attentif lors de cours que j'organise, et où j'invite des amis à présenter leurs travaux, je me surveille, au lieu de faire ce que je faisais quand j'étais "étudiant en formation initiale", et je fais des découvertes sur cette étrange dynamique collective qu'est un cours.
 
Dans un billet précédent, j'ai expliqué que suivre un cours imposait d'y passer beaucoup de temps, après coup, pour éclaircir tous les points que nous pouvons avoir, ou bien faire survenir, mais aujourd'hui, mon ami qui fait sa présentation me donne l'occasion de revenir à cette question essentielle que les sciences de la nature ne veulent pas d'adjectifs ou d'adverbes, mais demandent sans cesse la réponse à la question "combien ?".

Mon ami, en effet, nous parle d'une "grande" efficacité, d'une "faible" stabilité, etc., et je ne peux pas l'interrompre chaque fois, mais je conserve par devers moi, pour l'interroger ensuite, ces nombreuses questions que j'ai.

Bien sûr, quand il montre un graphe avec deux courbes différentes de plus de 10 fois la distance entre l'axe des abscisses et la première courbe, je comprends ce qu'est une "grande différence".

Mais dans d'autres cas, la détection des adjectifs et des adverbes est une bonne alerte, qui me montre que ma compréhension est insuffisante : il me faut plus, pour accepter l'information donnée.

samedi 1 octobre 2022

La question des représentations 1/3


Le problème de la représentation est terrible, se rencontre constamment, et pas seulement en sciences de la nature, bien sûr.

Mais, dans nos cours de physique-chimie, et notamment de physico-chimie des systèmes dispersés, nous faisons usage de représentations. Par exemple, pour une sauce mayonnaise, certains représentent un fond bleu avec des disques jaunes, correspondant respectivement à une phase aqueuse et à des gouttelettes d'huile. A  la surface de ces dernières, ils font figurer des formes qui sont censées représenter des composés tensioactifs.



De telles représentations  méritent d'être largement interprétées, sans quoi notre naïveté nous conduit dans le décor.

Par exemple la phase aqueuse de la figure considérée précédemment est en réalité une solution aqueuse avec des solutés, une acidité mesurée par un pH, une force ionique...
On comprend bien qu'un sirop ne se comporte pas comme une saumure,  et que ces deux systèmes ne se comportent pas comme une eau de pluie, par exemple.
Mais il y a aussi le fait que cette solution est dynamique  : on ne doit pas oublier que les molécules d'eau sont agitées de mouvement incessants et rapides, à des vitesses de plusieurs centaines de mètres par seconde. Cette agitation moléculaire a des conséquences considérables pour les petits objets qui seraient suspendus dans l'eau : c'est notamment le mouvement brownien.
Pour les gouttelettes d'huile, il y a d'abord la question de la taille, et notamment de la taille relative par rapport à celle des molécules d'eau... car, dans la figure précédente, on a représenté des milieux eau et huile continus, sans faire état des molécules constituantes. Il y a au moins lieu de tenir compte des propriétés résultant de la nature particulière de ces composés constituant les deux phases, et l'on sait bien d'ailleurs que la viscosité de l'huile n'est pas celle de l'eau par exemple.
Mais il y a aussi la question la température, car, selon cette dernière, les triglycérides peuvent ou non cristalliser, de sorte qu'il n'est pas absolument certain que, dans les conditions que l'on considère, l'huile soit entièrement liquide (je rappelle que les physico-chimistes nomment "huile" toute phase non aqueuse).
Les tensioactifs ? Quand ils sont représentés comme nous venons de le voir, on interprète souvent qu'il s'agit de composés ayant une partie hydrophobe et une partie hydrophile, comme pour des phospholipides, par exemple.
Mais il existe en réalité  des tensioactifs très variées, et ceux qui ont des charges électriques (comme pour un groupe phosphate d'un phospholipide) ne se comportent pas comme ceux qui sont neutres électriquement.
D'ailleurs, dans des sauces comme la mayonnaise, l'abaissement de l'énergie de surface est plutôt du à des protéines qu'a des tensioactifs de type phospholipides.
De sorte qu'il vaut mieux  imaginer un schéma très différent où ce sont principalement les protéines qui sont efficaces pour la métastabilisation de l'émulsion.



Bref, regarder une image, dans un cours ou un article scientifique, ce n'est pas se contenter de regarder comme le ferait un enfant avec un livre à lui destiné, mais de s'interroger sur chaque élément de la représentation, d'imaginer les phénomènes qui ne sont pas montrés par cette image simpliste et statique.

Bref, à propos de représentation scientifique, il y a lieu de continuer à creuser, à creuser, à creuser encore... et, en disant ces mots, comment oublier cette merveilleuse fable de Jean de la Fontaine, à propos du laboureur et de ses enfants ?

Comment poser des questions ?



Dans notre "cours de gastronomie moléculaire" de ce matin, nous avons discuté  la question "comment poser des questions ?".

Evidemment il s'agit pas de poser des questions idiotes, mais des questions "intelligentes". Qu'est-ce à dire ? Je crois qu'il s'agit de questions qui nous font réfléchir, de questions qui augmentent la compréhension du monde.

Pour analyser cette question des questions, prenons l'exemple de "suivre un cours" : dans un billet précédent, j'avais conseillé à mes amis de noter rapidement sur un coin d'ordinateur ou sur un téléphone portable, lors du cours, tous les mots qui leur échappaient,  afin que, ultérieurement, ils s'en préoccupent de façon précise.

A ce moment là, quand on reprend ses notes,  il y a d'innombrables questions qui surviennent et c'est peut-être à nous de rendre les questions intelligentes, car les questions n'ont pas d'intérêt a priori.

Par exemple, si l'on évoque l'acide acétique dans un vin, il faut se demander s'il y en a vraiment, combien, et si l'acide acétique coexiste dans le vin d'autres acides (et effectivement il y a de l'acide succinique) et dans quelles proportions, pour des acides qui ont quelle "acidité" (à des amis chimistes, je parlerais de pKa), etc.

On voit bien que l'information, à elle seule,  n'a aucun intérêt et que c'est à nous de composer cela, de faire de nos réponses un "bouquet".

D'ailleurs, pour un cours, un exposé, une conférence, nous pouvons trouver des questions de tous ordres : des questions très secondaires, de détail, mais, surtout, des questions qui touchent au fond du sujet, ou à l'organisation du thème tout entier, des questions bien plus "élevées", si l'on reste dans le champ de la conférence, de l'intervention, de l'exposé, du cours.

Mais on comprend que nos questions peuvent avoir même  plus de généralités que le cadre du support (conférence, cours, exposé) qui les fait naître.

Bref, il y a tout une panoplie d'ordres de questions, et de questions pour chaque ordre : à nous de voir les ordres, puis, pour chaque ordre, à nous de voir les questions relatives à ces ordres.

Trouver des question ? Pas difficile ;-)


vendredi 30 septembre 2022

Pourquoi la physico-chimie et la gastronomie moléculaire et physique ne se confondent pas, le second étant inclus dans le premier



Je donne simultanément des cours de physico-chimie, d'une part, et de gastronomie moléculaire, d'autre part. En quoi c'est deux cours peuvent-ils différer ?

Il y a des différences subtiles entre chimie physique, physico-chimie, et autres, mais, dans le cas précis, la partie qui nous retient est celle qui permet de décrire des systèmes dispersés, des systèmes colloïdaux, et, plus généralement, la matière qui est utilisée par les techniques de formulation, principalement (aliments, médicaments, cosmétiques, peintures, vernis, pneumatiques...).
A cette fin, il faut connaître les composés qui composent les systèmes considérés, leurs interactions (chimie, ou chimie supramoléculaire, notamment), mais aussi la physique de leurs grandes assemblées, ce qui se décrit par de la thermodynamique, de la mécanique, de la rhéologie, et, aussi, par diverses méthodes d'analyse (optiques, par exemple).   

D'autre part, la gastronomie moléculaire et physique considère les phénomènes qui ont lieu lors des transformations culinaires.
Cette fois, il s'agit de transformations de la matière :  à la fois des changements d'état, mais aussi de la réactivité, les changements de composition.
Mais il y a aussi la considération de la "cuisine", à savoir la construction des aliments à partir des ingrédients, ce qui impose évidemment que l'on connaisse les ingrédients, donc de la biochimie.

Au total, on voit qu'il y a plus de chimie, et notamment de chimie organique ou supramoléculaire, mais aussi d'analyse chimique, dans la gastronomie moléculaire que dans la physico-chimie en général.
Dans des enseignements, cela doit être clair.

Mais mieux encore, personnellement, je suis très passionné par  ce point de rencontre entre la physique et la chimie. Contrairement à des physiciens qui voient principalement la physique d'un phénomène capillaire par ses équations, par exemple, je suis intéressé par les molécules qui sont à l'origine des phénomène, et c'est l'utilisation de cette connaissance pour la description physique qui m'intéresse au plus haut point. D'ailleurs, en ce vingt-et-unième siècle, c'est bien le point où physique et chimie se rejoignent : la physique peut enfin calculer le comportement d'assemblées de molécules, à des échelles où l'on perçoit encore leurs propriétés chimiques, mais où les comportements collectifs apparaissent.

jeudi 29 septembre 2022

Suivre un cours : de quoi s'agit-il ?

 Suivre un cours : de quoi s'agit-il ?

Alors que nous sortons d'un excellent de physico-chimie, donné par une collègue dans le cadre d'un master, je m'aperçois que notre collègue a prononcé des mots techniques, notamment des noms de composés mais aussi des des termes qui décrivent des notions de physique, et que je suis quasiment certain que nombre d'étudiants présents ne les comprennent pas "parfaitement".

J'explique plus loin ce "parfaitement", mais, ici, j'insiste pour dire que ce que je dis n'est pas une critique, mais seulement une observation factuelle.

Dans le feu de la présentation, nos jeunes amis n'ont pas interrompu sans cesse la collègue, de sorte que tout cela a glissé : on pourrait dire que "le cours s'est achevé" avec la fin de la présentation... mais je veux, au contraire, dire ici que non, le cours ne s'est pas achevé tant que nos amis n'ont pas été creuser plus loin.

Par exemple, il a été question de "groupe fluoré" : nos amis savent-ils PRECISEMENT ce dont il s'agit ? Il a été question d'esters de sucrose : de quoi s'agit-il ? comment les obtient-on ? quelles sont leurs  propriétés chimiques et physiques ? Il a été question d'entropie de mélange : nos amis savent-ils ce que c'est, comment on le définit, comment on le calcule ?
Suivre un cours : de quoi s'agit-il ?

Alors que nous sortons d'un excellent de physico-chimie, donné par une collègue dans le cadre d'un master, je m'aperçois que notre collègue a prononcé des mots techniques, notamment des noms de composés mais aussi des des termes qui décrivent des notions de physique, et que je suis quasiment certain que nombre d'étudiants présents ne les comprennent pas "parfaitement".

J'explique plus loin ce "parfaitement", mais, ici, j'insiste pour dire que ce que je dis n'est pas une critique, mais seulement une observation factuelle.

Dans le feu de la présentation, nos jeunes amis n'ont pas interrompu sans cesse la collègue, de sorte que tout cela a glissé : on pourrait dire que "le cours s'est achevé" avec la fin de la présentation... mais je veux, au contraire, dire ici que non, le cours ne s'est pas achevé tant que nos amis n'ont pas été creuser plus loin.

Par exemple, il a été question de "groupe fluoré" : nos amis savent-ils PRECISEMENT ce dont il s'agit ? Il a été question d'esters de sucrose : de quoi s'agit-il ? comment les obtient-on ? quelles sont leurs  propriétés chimiques et physiques ? Il a été question d'entropie de mélange : nos amis savent-ils ce que c'est, comment on le définit, comment on le calcule ?

En réalité, suivre un cours, ce n'est pas seulement écouter celui ou celle qui parle, mais,  surtout, se faire une liste de tous les objets que l'on doit travailler ensuite pour mieux les comprendre.

Par exemple, pour ce qui concerne les composés, il faudra trouver la formule chimique, mais ne pas s'arrêter à une image. Il faudra également y repérer des groupes donneurs, accepteurs, utiliser un logiciel pour voir la forme des nuages électriques, dépister des dipôles, , accepter, chercher les orbitales, voir des dipôles, et cetera. Pour des notions de physique, également, il y a beaucoup de travail à faire et, par exemple pour l'entropie de mélange, il faudra plonger à nouveau dans la définition et dans son maniement.

C'est seulement quand TOUT, je dis bien tout, ce qui a été entendu sera explicité que le cours sera terminé. Pas avant.

En réalité, suivre un cours, ce n'est pas seulement écouter celui ou celle qui parle, mais,  surtout, se faire une liste de tous les objets que l'on doit travailler ensuite pour mieux les comprendre.

Par exemple, pour ce qui concerne les composés, il faudra trouver la formule chimique, mais ne pas s'arrêter à une image. Il faudra également y repérer des groupes donneurs, accepteurs, utiliser un logiciel pour voir la forme des nuages électriques, dépister des dipôles, , accepter, chercher les orbitales, voir des dipôles, et cetera. Pour des notions de physique, également, il y a beaucoup de travail à faire et, par exemple pour l'entropie de mélange, il faudra plonger à nouveau dans la définition et dans son maniement.

C'est seulement quand TOUT, je dis bien tout, ce qui a été entendu sera explicité que le cours sera terminé. Pas avant.


Conserves : attention au botulisme, qui est mortel

Vous faites des conserves ? Alors sans tarder lisez ce que j'en dis ici : 

https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/conserves-attention-au-botulisme-il-est-mortel/


mardi 20 septembre 2022

Flavour and flavourings

 
During the final of the last note to note cooking contest, I saw the confusion between flavour and flavouring.

They are not at all the same thing, because the first word refers to taste, while the second applies to preparations used to give taste.
When we eat a banana, we taste a banana, but when we add to a yogurt a product that gives a strawberry taste, it is a flavouring agent that is used, and that formulates sapid, odorous compounds, with trigeminal action, etc. In short, preparations that give taste to what is added.

In English, the word flavouring is quite different from the word flavour. And our English-speaking friends have an advantage over the French... when they do not confuse everything. Because in French, there is still too often a confusion between an aroma and a flavour, so to speak.

From time immemorial, the aroma is the smell of an aromatic plant, of an aromatic plant.

And this is the reason why there is no aroma for a meat, or for a wine, because neither a meat nor a wine are aromatic plants.

There is a smell, when you smell the meat, or a retronasal smell when you chew it. But most of the time the eaters are not analytical, and they only perceive a "taste", a synthetic sensation that includes the smell, the retronasal odor, the consistency, etc.

And we call flavourings the preparations, sometimes wonderful, that we use to give taste to a dish.
For example, there are vanilla flavourings in every supermarket, strawberry flavourings added to yoghurts, for example.

And we must add that, for these products that are flavourings, there are good and bad ones: it is often a question of money, because the talent of the "formulators" is paid for, and the more complicated reproductions are often better judged. If you don't put a lot of money into it, then you often get a poor quality product.

lundi 19 septembre 2022

With a siphon, do we make an emulsion or a mousse?

 
With a siphon, do we make an emulsion or a foam? The question is wrong, obviously, because it all depends on what we put in the siphon.

If we put water or an aqueous solution, then we will have a very different result than if we had first made a mayonnaise, which is already an emulsion, with droplets of fat dispersed in an aqueous solution.

Moreover, it also depends on the gas used to pre-fill the siphone. If a carbon dioxide cartridge is used, this gas will dissolve in an aqueous phase and will allow to obtain an effervescence, when the liquid in which it is dissolved will be put back to the atmospheric pressure, when the siphon is activated.

But if we used nitrous oxide, which will dissolve less, we can obtain -or not- an overflow.

Let's imagine the siphon turned upside down, with the liquid in the lower part. If we slowly open the valve, then a liquid will simply be pushed out of the siphon. But if we open the siphon more quickly, then gas can disperse in the form of bubbles, which will produce an expansion.

And if the liquid is an emulsion, with droplets of fat dispersed in the liquid, then bubbles will be added, and we will get an overflow emulsion.

In short, we can do what we want with a siphon: it is up to us to understand and act accordingly.