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lundi 5 décembre 2022

La cuisine des plantes

 
La cuisine des plantes ? Cela vaut le coup de savoir ce que l'on transforme.

Commençons par observer que cette question des "plantes" est minée : certains croient qu'elle serait "naturelle"... et ils ont tort.

Car, selon la définition du dictionnaire,  les aliments sont artificiels et non pas naturels puisque est naturel, en français, ce qui ne fait pas l'objet de la transformation par un être humain.
Or la cuisine, c'est bien une transformation par un être humain :  la cuisinière ou le cuisinier.

Cela étant dit, il faut maintenant se préoccuper de la constitution des ingrédients que nous utilisons pour cuisiner.

Et c'est ainsi que récemment, recevant la visite d'une journaliste néerlandaise, je crois que j'ai eu raison de lui expliquer d'abord les possibilités de transformation en partant de la constitution microscopique et moléculaire des tissus végétaux.

Considérons, par exemple, des feuilles d'épinard : si nous les regardons au microscope, nous voyons qu'elles sont constituées de très nombreux petits compartiments, cimentés entre eux par ce que l'on nomme une "paroi végétale".

Des compartiments ? Ce sont des "cellules". Ces cellules sont vivantes, et la plante elle-même et donc une sorte de colonie d'êtres vivants.

Chaque cellule est composée principalement d'eau, et,  aussi, de tout ce qui la rend vivante.
Elle est limitée par une membrane et cette membrane est sous ce que l'on nomme une "paroi".

Cela ne se voit pas au microscope optique courant, mais la paroi , est fait de fibres de cellulose et de molécules de pectine, principalement.

Les  molécules de pectine sont comme des cordes qui relient les fibres de cellulose des parois des cellules voisines et l'aurait donc raison de dire que ce sont les molécules de pectines qui font le lien.

Les pectines ? On les connaîts pour les confitures, parce que, quand on cuit des tissus végétaux, les molécules de pectine sont libérées dans le liquide de cuisson et, au refroidissement, elles viennent se relier en une sorte de grand filet pour faire ce que l'on nomme un gel : c'est la confiture, ou la gelée.

Les fibres de cellulose ? Que l'on pense à un mouchoir en coton, un t-shirt en coton, du coton hydrophile... : tout cela, ce sont des fibres de cellulose plus ou moins organisées.
D'ailleurs, le papier est fait de fibre de cellulose que l'on peut même voir à l'aide d'une loupe : le papier est un "non tissé".

Ces "fibres de cellulose" sont faites... de molécules de cellulose, des molécules très résistantes à la chaleur, comme le prouve l'expérience qui consiste à faire bouillir un t-shirt quand on le lave : même après de nombreux lavages, il ne se dissout pas dans la machine à laver.

Cette inertie chimique diffère complètement de la fragilité des pectines : si l'on cuit trop longtemps de la confiture, elle ne prendra plus, car les molécules de pectine auront été dégradées et le grand filet ne pourra pas se faire.

Ayant ces informations sur la constitution des tissus végétaux, nous pouvons passer maintenant à la cuisson des légumes.

Lors d'une cuisson de légumes, les parois végétales sont désorganisées et les molécules de pectine sont libérés, ce qui permet la séparation des cellules.
Et c'est ainsi que quand on cuit des carottes, par exemple, on peut,  après cuisson,  les écraser pour faire une purée : les cellules sont alors intègres mais séparées.
Évidemment, il peut y en avoir qui sont endommagées, mais ce n'est pas là le phénomène principal : lors de la confection d'une purée, lorsqu'on écrase un tissu végétal qui a été cuit, alors ce sont surtout des groupes de cellules que l'on récupère et que l'on sépare.

dimanche 25 novembre 2018

Le salage de l'eau de cuisson des lentilles

Une question m'est posée, ce soir, et, comme j'en ai pris l'habitude, je donne la réponse à tous.

D'abord la question :

Bonjour Monsieur,
Je vous ai posé récemment une question sur votre blog, en commentaire d’un article publié en décembre 2016 au sujet de la cuisson des lentilles.
Mais je ne vois pas ma question dans les commentaires. Du coup je ne sais pas si elle vous est parvenue et je me permets de vous la poser par e-mail.
Ma question concerne le salage de l’eau de cuisson pour les lentilles. On lit souvent qu’il ne faut pas saler l’eau de cuisson des lentilles, au risque qu’elles restent dures.
Or dans un article de son site https://www.seriouseats.com/2016/09/salt-beans-cooking-soaking-water-good-or-bad.html, Kenji Lopez démontre le contraire, expliquant que les ions sodium se substitueraient aux ions calcium et assoupliraient les pectines, ce qui non seulement permettrait à la peau de se détendre mais aussi éviterait que les lentilles n’éclatent.
Et par ailleurs, le salage de l’eau permet de le saler de l’intérieur, comme pour les pâtes ou les pommes de terre.
Cette explication vous paraît elle correcte, et valide-t-elle la pertinence de saler l’eau de cuisson des lentilles ?



Tout d'abord, je suis bien confus de ne pas avoir répondu... mais je n'ai pas vu ce commentaire. Le mieux, pour m'interroger : icmg@agroparistech.fr.

D'autre part, pour bien comprendre la question de la cuisson des légumes secs -et d'ailleurs des légumes en général-, il faut savoir que les végétaux sont composés de "cellules" (de petits sacs), qui sont cimentés les uns aux autres par des molécules de pectine, qui sont comme de longs fils entourés autours de piliers que sont les molécules de cellulose.
La cellulose ? Pensons à du coton hydrophile, ou à tous ces résidus solides qui restent dans les centrifugeuses, ou extracteurs à jus : ce sont des "fibres", non digestibles.
Les pectines ? Ce sont des molécules comme des fils, qui font prendre les confitures.
Cela étant posé, il faut encore savoir que la cuisson ne modifie pas les molécules de cellulose : et la meilleure preuve, c'est que nos chemises en coton subissent de nombreux cycles de lavage sans de dissoudre ! En revanche, les pectines sont dégradées, et, ne pouvant plus tenir les cellules entre elles, elles laissent le tissu végétal amolli.

Le sodium et le calcium, dans cette affaire ? Le calcium est un "ion" (pensons un atomes qui veut se lier à certains voisins) à deux "bras" : il peut ponter deux molécules de pectines, ce qui, d'une part, renforce le ciment intercellulaire, et, d'autre part, bloque la dégradation des pectines ! Voilà pourquoi il y a certaines eaux calcaires où les lentilles ne cuisent jamais !
Le sel ? Si le sel n'apportait que du sodium, tout irait bien... mais il y a sel et sel : par exemple, le sel gris contient parfois beaucoup de calcium (et même certains sels blancs).
De toute façon, rien ne vaut une pincée de bicarbonate, car ce dernier fait précipiter le calcium, laissant une eau à la fois adoucie et un peu basique : tout pour amollir. Et si le goût final vous déplait (avec une pincée, pas de risque), vous "neutralisez" avec un acide : vinaigre blanc, jus de citron, etc.

Enfin, le salage permet-il de saler l'intérieur des pâtes ou des pommes de terre ? Pour les pommes de terre, nous avions fait un séminaire sur la question, et nous n'avons pas vu de goût. Pour les pâtes, il faut bien y regarder, car l'étude n'est pas faite. Il faudrait cuire dans l'eau salée, puis rincer à l'eau pure, puis goûter... ou, mieux, analyser correctement.

Mais je ne veux pas terminer sans vous inviter à faire une expérience que j'ai faite pour la première fois (en conférence) en 1990 : on part de trois casseroles identiques, avec la même eau, en même quantité, et l'on ajoute : rien dans la première ; du vinaigre blanc dans la deuxième ; du bicarbonate dans la troisième. On met alors la même quantité de lentilles, pois, haricots secs... et l'on porte à ébullition simultanément.
De temps en temps, on goûte les lentilles dans l'eau pure : quand elles sont cuites, on regarde dans les deux autres casseroles. Les lentilles dans l'eau vinaigrées sont dures comme du bois, tandis que, avec le bicarbonate, on a une purée. J'adore ce type d'expérimentations qui parlent mieux qu'un long discours ! Comme disait Michael Faraday : ce n'est pas tout de comprendre les bons principes, il faut expérimenter !