Rendez vous le 13 décembre, dans la grande nouvelle bibliothèque d'AgroParisTech : nous y explorerons des ganaches, et le massage du chocolat !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
Rendez vous le 13 décembre, dans la grande nouvelle bibliothèque d'AgroParisTech : nous y explorerons des ganaches, et le massage du chocolat !
Le séminaire de gastronomie moléculaire du mois de septembre 2013 était consacré à la mousse chocolat, et, plus précisément, à l'opération de « sacrification ».
De quoi s'agit-il ? On commence par fondre du chocolat avec du beurre, et, à part, on fouette des jaunes d'oeufs avec du sucre jusqu'à faire le « ruban ». On prépare alors des blancs d'oeufs en neige, également avec du sucre. Puis on met le ruban dans le chocolat et l'on ajoute enfin les blancs d'oeufs battus en neige. La sacrification concerne l'ajout des blancs d'oeufs battus en neige, que l'on ne fait pas en une seule fois mais en plusieurs : on ajoute d'abord une petite quantité de blanc en neige et l'on mélange -dit-on- assez énergiquement avant d'ajouter le reste des blancs, que l'on mêle à la première masse avec beaucoup plus de délicatesse que dans le premier cas.
Voilà pour la théorie, mais, vu les opérations que nous avons effectuées au séminaire, je trouve que les apprenants en cuisine ont bien du mérite, car l'imprécision de la description des opérations par les enseignants est considérable !
D'abord, à propos de l'objectif : une mousse au chocolat professionnelle n'a absolument rien à voir avec une mousse au chocolat domestique, à savoir que, malgré les indications données dans les recettes à propos de l'opération de mélange du blanc d'oeuf en neige (il est dit qu'il ne faut pas viser un mélange homogène), les professionnels visent en réalité un mélange tout à fait parfait, où le blanc en neige ne s'aperçoit plus ; il est imposé d'obtenir une la préparation parfaitement lisse, que la moindre granularité apparente suffit à disqualifier.
La confection de la mousse au chocolat est peut-être la recette à propos de laquelle j'ai vu le mieux l'importance du tour de main, des gestes professionnels. Par exemple quand on fait fondre le chocolat : une casserole d'eau et un cul-de-poule par-dessus, ce qui permet d'avoir ce dernier légèrement chauffé, afin que le chocolat fonde assez lentement. L'ajout de beurre ne pose pas de véritable problème, mais la confection du ruban est un geste bien particulier, tout comme le battage des blancs en neige.
Bref la confection d'une mousse chocolat ne ressemble en rien à ce qui est dit et écrit, et il y a là un vrai geste professionnel, distinct de la pratique domestique. A explorer en vue de faire grandir le métier, donc.
La tradition pâtissière veut que l'on produise des ganaches en :
- fondant du chocolat
- faisant bouillir de la crème
- versant la crème au centre du chocolat fondu
- mélangeant les deux masses à l'aide d'une cuiller que l'on passe en tournant autour de la crème.
Il y a maintenant 30 ans, j'ai proposé d'y réfléchir en termes physico-chimiques.
Le système final est une émulsion, ce qui doit déterminer la pratique de préparation. En effet, le chocolat est fait de sucre et de matières végétales dispersés dans de la matière grasse.
Quand on fond du chocolat, on forme une dispersion liquide, avec le sucre et les particules de matière végétale dispersées, cette fois, dans la matière grasse à l'état liquide. La crème, d'autre part, est une émulsion, avec des gouttelettes de matière grasse dispersées dans de l'eau.
Faire bouillir l'ensemble ne change guère le système, au premier ordre : la crème bouillie reste une émulsion.
Quand on mêle le chocolat à la crème, le chocolat est comme l'huile que l'on ajoute à une mayonnaise : on augmente la proportion de matière grasse de l'émulsion, tandis que le sucre se dissout dans l'eau de la crème ; les particules végétales restent dispersées.
Finalement, on aura une émulsion qui refroidira, ce qui signifie que les gouttelettes de matière grasses cristalliseront en partie, restant émulsionnées. Le système sera mou, puisque la phase "continue", celle qui disperse les gouttelettes de matière grasse, sera faite d'un mélange des graisses du chocolat et du beurre : si les graisses du chocolat durcissent en refroidissant, celles du beurre restent partiellement liquides.
Tout cela étant dit, on comprend que l'on puisse "savoriser" ou "odoriser" les ganaches de deux façons : soit en dissolvant des composés dans l'eau (de la crème), soit en dissolvant des composés dans la matière grasse. Le plus souvent, les composés solubles dans l'eau donnent de la saveur, tandis que les composés solubles dans ce que l'on nomme "l'huile" donnent de l'odeur.
Faut-il l'un, ou faut-il l'autre ? C'est mieux d'avoir les deux ! Par exemple, un caramel sera soluble dans la crème, mais des odeurs délicates iront dans la matière grasse. Bien sûr, si l'on infuse la crème avec des matières qui donnent du goût, les deux dissolutions se font simultanément. Enfin, une pratique rénovée sur la base de la compréhension précédente : pourquoi ne pas ajouter le chocolat fondu à de la crème chauffée, en fouettant comme pour une mayonnaise ?
On est alors sûr de bien faire l'émulsion de type "huile dans eau".