mardi 12 novembre 2019

Les polyphénols, de quoi s'agit-il ?


On m'interroge sur ce que sont les polyphénols.

Le mot "polyphénol" est effectivement largement répondu autour de nous : on lit que les polyphénols sont bons pour la santé, qu'ils sont antioxydants,  on voit des réclames qui prétendent qu'ils sont bons pour la peau, contre le vieillissement, etc.... et je viens de m'assurer, par des questions à des amis honnêtes, qu'ils ignorent en réalité ce que sont ces composés.

Bien sûr, un objet peut se caractériser par ses propriétés, mais, en l'occurrence, ce que l'on entend ou ce qu'on lit est loin d'être toujours juste.  Tout d'abord à propos des propriétés curatives, on aurait intérêt à se souvenir que les panacées n'existent pas. Et, d'ailleurs, les bons médecins savent bien que les médicaments sont assortis d'effets secondaires, et que l'on doit recourir à ces produits (les médicaments) de façon experte et parcimonieuse. On se souviendra de ce pharmacien qui vendait à Paris des régimes dont l'efficacité était avérée, mais qui ont conduit à des dizaines de cas d'insuffisance rénale très grave. Et puis, en matière de commerce, on se méfiera quand même des publicités, car quel marchand dirait les inconvénients de ses produits ?

Ici, c'est l'occasion de rappeler que l'invite mes amis à se méfier des mots   de plus de 3 syllabes,  qui cachent trop souvent de l'idéologie ou du mercantilisme le plus déloyal. En l'occurrence, le mot "polyphénol" a quatre syllabes, tandis qu'anti-vieillissement en a trop pour que je perde mon temps à les compter, tout comme pour "antioxydant". D'ailleurs, ce dernier mot a un statut bizarre, entre la chimie et la médecine... avec quand même ce fait que les  chimistes ne parlent pas de composés antioxydants,  mais de composés réducteurs.


Et puis, au fond, la plus grande confusion règne entre les polyphénols, les composés phénoliques, les tanins...  

Le monde du vin, en particulier, dit trop souvent n'importe quoi à ce propos,  par exemple avec des expressions comme « les tanins fondent », ce qui est une absurdité, puisque les chimistes savent au contraire que, quand un vin vieillit, les tanins s'agrègent, et grossissent ! D'ailleurs, ce sont les mêmes qui utilisent ces expressions erronées et qui confondent la saveur avec le goût, qui propagent l'idée fausse d'une carte de la langue qui reconnaîtrait les soi-disant quatre saveurs... alors qu'on sait depuis des décennies qu'il y  a un nombre infini de saveurs.

 
Bref la plus grande confusion règne à propos de tous ces composés et il faut donner des explications

L'expérience étant la manière la plus efficace d'expliquer, commençons par prendre un fruit rouge ou une fleur, telle une rose rouge, et broyons ces tissu végétaux dans de l'eau. Après filtration, on récupère dans les deux cas une solution colorée qui est faite évidemment d'eau, mais aussi de composés sapides, par exemple des sucres (incolores) ou  des acides (incolores aussi), et finalement de composés qui donnent la couleur à la solution.
Si l'on est chimiste, on peut fractionner cette solution, par des opérations classiques de cristallisation, de précipitations, de distillation, etc. mais je ne veux pas rentrer dans ces détails et je propose de partir des composés purs qui auront été  isolés pour leur couleur.


Voici le phénol. Les boules grises représentent des atomes de carbone, la boule rouge un atome d'oxygène, et la petite boule un atome d'hydrogène.  C'est un "monophénol.

 

Parmi ces composés, les tissus végétaux renferment des chlorophylles, les caroténoïdes, et d'autres, parmi lesquels ceux qui nous intéressent : les phénols.
De couleur rouge à bleue, ces composés changent  de couleur avec l'acidité du milieu : par exemple, quand on met des framboises dans de la soude (il faut surtout ne pas manger), on voit les fruits de venir verts ! Ou encore, quand on ajoute du jus de citron dans un thé foncé, on le voit s'éclaircir, et virer  au jaune. Inversement, si l'on ajoute du vinaigre aux framboises verdies, elles reprennent leur couleur rouge, tout comme le thé redevient marron si on lui  ajoute du  bicarbonate de sodium (qui va faire mousser, mais c'est une autre histoire). 
Bref, les composés colorés responsables de ces changements de couleur sont des "composés phénoliques".
 « Composés phénoliques »  : c'est donc le nom d'une catégorie général de composés dont les molécules contiennent au minimum 6 atomes de carbone attachés en un cycle hexagonal, avec un des atomes de carbone lié à un atome d'oxygène, lui-même lié à un atome d'hydrogène :

Une molécule réduite à cela, avec des atomes d'hydrogène sur les autres atomes de carbone, c'est une molécule du composé que l'on a nommé "phénol" et qui fut découvert en 1650.

S'il n'y avait pas l'atome d'oxygène lié à l'atome d'hydrogène, alors on aurait la molécule du benzène  :

Avec six atomes de carbone, liés chacun à un atome d'hydrogène (non représentés), on a la molécule de benzène.
Et voici un autre phénol : il y a plus d'un groupe oxygène+hydrogène sur le cycle de six atomes de carbone.


Et quand il y a deux fois un groupe fait d'un atome d'oxygène et d'un atome d'hydrogène, alors c'est un oligophénol, avec le préfixe "oligo", rares :


J'en profite pour dire que certains phénols sont parfaitement toxiques, même s'ils sont « antioxydants ».
En outre, les composés phénoliques forment une famille très vaste, puisqu'il peut y avoir des tas d'autres motifs chimiques attachés à la structure initiale.
Voici un autre composé phénolique, et c'est également un polyphénol.


La relation entre composés phénoliques et oligophénols ? Les oligophénols doivent avoir au moins les six atomes de carbone et deux groupes oxygène+hydrogène, alors que, pour les composés phénoliques, la définition est plus large, puisque n'est imposé que le groupe de six atomes de carbones avec un groupe oxygène+hydrogène.
Autrement dit,  un oligophénol est toujours un composé phénolique, mais un composé phénolique n'est pas toujours un oligophénol.

Et les tanins ? 

Pour les tanins, une perspective historique s'impose  : les anciens artisans qui travaillaient le cuir avaient observé que les décoctions d'écorces d'arbres dans de l'eau faisaient des solutions très astringentes, qui avaient la particularité de "tanner le cuir", de le rendre plus résistant. Finalement les chimistes ont compris que les tanins sont des oligophénols particuliers : ce sont donc, ipso facto, des composés phénoliques. 
Mais les composés phénoliques ne sont pas tous des tanins, de sorte que nos dégustateurs de vin feraient bien d'être prudents quand ils parlent de tanins.
Tiens, je vous livre un petit paysage explicatif :

lundi 11 novembre 2019

Je vous présente l'éthanol

Je viens de comprendre que je n'explique parfois pas suffisamment. Considérons l'exemple de l'éthanol, dont je me suis souvent limité à dire que c'était l'alcool des eaux-de-vie ou du vin. Je ne suis pas sûr que cette indication suffise à bien faire comprendre, et  je me demande s'il n'est pas préférable de créer un faisceau d'informations qui constitue progressivement le dossier dont on a besoin.

L'expérience fondatrice, pour ce qui concerne l'éthanol, c'est la distillation, et, mieux, la distillation d'une solution sucrée qui aurait fermenté.  Mais il y a pour l'instant trop de syllabes pour que ce soit compréhensible, et le recours à l'expérience, réelle ou décrite, s'impose.

Commençons donc par prendre de l'eau, et dissolvons-y du sucre.
Regardons au microscope : nous ne voyons rien, le sucre étant dissous, et la solution formée étant transparente.
Puis ajoutons un peu de levure, ce que l'on achète chez le boulanger sous forme d'une espèce de pâte très friable. On agite un peu pour disperser la pâte dans  la solution sucrée... et cette fois, si l'on regarde au microscope, on voit de  petites formes rondes, qui flottent dans l'eau. Si nous sommes patients, nous les voyons libérer des bulles de gaz, grossir et se diviser en deux. En effet,  les levures sont des organismes vivants, unicellulaires puisque réduit à une sorte de sac vivant. Laissons-les  s'activer un moment, en protégeant   le récipient des courants d'air ;  puis, à titre expérimental, posons une allumette enflammée juste au-dessus du liquide  : l'allumette s'éteint, alors qu'elle resterait allumée si on la mettait au-dessus d'une solution d'eau et de sucre. C'est l'indication que le gaz formé par les levure me permet pas la combustion et, de fait, ce gaz est du dioxyde de carbone.
Si nous goûtons la solution, nous constatons  qu'elle est alcoolisés. Filtrons pour éliminer les levures... et nous récupérons une solution parfaitement transparente au microscope : les molécules qui donnent ce goût alcoolisé, comme les molécules qui donnaient la saveur sucrée, sont bien  trop petites pour être visibles avec un microscope.

Faisons donc différemment : distillons.


En pratique, c'est tout simple, puisqu'il suffit de chauffer et de conduire ensuite les vapeurs dans un système qui les refroidit, les recondense en un  liquide. Si nous laissons refroidir ce liquide distillé et que nous le goûtons, nous n'avons plus aucune saveur sucrée, mais, en revanche, il y a un goût brûlant, alcoolisé, comme pour une vodka très forte.
Cette fois, la solution est quasi exclusivement composée de molécules d'eau et de molécules d'éthanol, de l' "alcool" qui a été formé par la fermentation du sucre  par les levures.
Distillons à nouveau le distillat, et sa teneur en alcool augment. Bien sûr, il reste un peu d'eau, mais qu'importe :  le produit que nous avons obtenu,  c'est ce qui fut nommé de l'alcool.
Pourquoi avons-nous évoqué l'éthanol, et parler maintenant d'alcool ? Parce que d'autres procédé conduisent à des composés très voisins de celui que nous venons de préparer. Par exemple, quand on chauffe du bois à sec, on obtient un autre alcool qui a pour nom méthanol, ce que l'on nommait naguère esprit de bois, alors que l'alcool obtenu par fermentation était nommé esprit de vin.
Quand la chimie progressa et qu'elle découvrit l'existence des atomes et des molécules, vers la fin du 19e siècle, les chimistes arrivèrent progressivement à comprendre que l'eau est faite de molécules d'eau, des objets résultant de l'assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. Ils comprirent  aussi que les molécule d'éthanol était faites d'un premier atome de carbone liés à trois atomes d'hydrogène et lié à un autre atome de carbone, qui est  lui-même lié à deux atomes d'hydrogène et a un atome d'oxygène lié un atome d'hydrogène. Le méthanol, lui, est d'un seul atome de carbone lié à trois atomes d'hydrogène et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène. Progressivement, les chimistes comprirent que la liaison d'un atome de carbone à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène donnait des propriétés chimiques particulières, et les composés ayant ces propriétés (et cette constitution chimique) furent nommés "alcools".

Mais pour revenir à nos vins ou eaux-de-vie, ce sont des solutions aqueuses qui contiennent des teneurs différentes en cet alcool particulier qu'est l'éthanol : il y en a un peu plus de 10 pour cent dans les vins, et environ 40 à 50 pour cent dans les eaux-de-vie (je donne des ordres de grandeur). A noter que l'on dose de l'éthanol dans les fruits ou légumes... mais en très petite quantité.

dimanche 10 novembre 2019

Cuisinons des protéines

Alors que j'organisais un concours de cuisine note à note, des amis se sont inquiétés de l'usage des protéines... J'interprète qu'ils ne comprenaient pas bien ce dont il s'agissait. Oui, quand on n'est pas chimiste, il est légitime de s'interroger : des "protéines", c'est quoi ?

Le recours à l'expérience est quand même la meilleure des explications, et j'en propose plusieurs successives, ici.
La première consiste à cuire une viande, ou bien des pattes de poules, des pieds de veau ou de porc, dans l'eau pendant quelques heures, ce qui procure un bouillon qui gélifie en refroidissant.
Si l on prend cette gelée et qu'on la sèche, alors on obtient une matière transparente et craquante... comme des feuilles de gélatine... Et, d'ailleurs, c'est ainsi que l'on produit la gélatine ;-).
Si l'on regarde cette matière solide avec un microscope extraordinairement puissant, alors on voit un enchevêtrement de "fils" : ce sont des molécules de gélatine. Et la gélatine est une protéine, parce que si l'on y regarde d'encore plus près, on voit que ces fils sont des enchaînements de groupes d'atomes que les chimistes reconnaissent comme des parties de molécules qu'ils connaissent bien et qu'ils ont nommées des acides aminés.
D'ailleurs, si l'on chauffe longtemps de la gélatine en milieu un peu acide (ajoutons du vinaigre blanc dans de l'eau où l'on chauffe la gélatine), alors les molécules de gélatine (les "fils") perdent de leurs morceaux élémentaires, et le liquide s'enrichit d'acides aminés.
Une deuxième expérience, maintenant : prenons un blanc d’œuf, ce liquide jaune et transparent, et laissons-le sécher à l'air libre : il ne pourrira pas parce qu'il est protégé par une... protéine nommée lysozyme, et, après un séchage de plusieurs jours, on obtiendra -à nouveau- une matière transparente et dure, cassante : ce sont les protéines du blanc d’œuf. D'ailleurs, le blanc d’œuf, qui pèse pas loin de 30 grammes, est fait de 90 pour cent d'eau (environ 27 grammes) et 10 % de protéines (3 grammes). Dans ce cas, il y a plusieurs protéines dans le résidu solide.
A noter que, pour la gélatine en feuille ou le blanc d’œuf séché, on peut avoir des feuilles, mais aussi des poudres, ou des liquides. Pensons à des matières comme la farine ou le sucre en poudre, notamment. Et ajoutons que l'on peut retrouver des solutions en leur ajoutant de l'eau.

Le problème de l'apparence étant réglé, considérons maintenant la question de l'usage.
Une première particularité des protéines, c'est qu'elles n'ont pas de goût quand elles sont pures. Et, d'ailleurs, elles n'ont pas de couleur non plus : dans le blanc d’œuf, la couleur est due à de petites quantités d'un composé coloré nommé riboflavine... qui est une vitamine (B2)... utilisée comme colorant alimentaire sous le numéro E101(i).
Comme l'amidon, les protéines sont de longues molécules qui se dispersent dans l'eau et qui peuvent conduire à des gélifications, quand elles se lient. Par exemple quand on chauffe du blanc d’œuf, on obtient le blanc d' œuf cuit, gélifié ce qui signifie que l'eau présente ne coule plus, et c'est bien le cas quand on considère un blanc d’œuf cuit : le durcissement ne résulte pas de l'évaporation de l'eau, mais cette dernière est restée piégée dans une espèce de réseau, d'échafaudage formée par les protéines qui se sont liées.
D'autres gélifications peuvent avoir lieu avec d'autres protéines. Par exemple avec de la gélatine dissoute dans l'eau et que l'on refroidit : cette gélification-là se fait à froid, non pas à chaud.
Ou encore, dans les yaourts : les protéines du lait forment un gel quand des micro-organismes transforment le sucre du lait -le lactose- en acide lactique, qui acidifie le lait.
Ou encore un autre type de gélification se produit lors de la fabrication des fromages, et cette fois ce n'est ni la chaleur ni l'acidification qui agissent mais plutôt des enzymes, c'est-à-dire des protéines qui sont actives même en toute petite quantité : il suffit de quelques gouttes de "présure" pour faire coaguler une grande quantité de lait.


Mais prenons une perspective un peu plus historique à propos des transformations des protéines que l'on fait ou que l'on peut faire en cuisine.

Quand on cuit de la viande, on provoque les protéines de la viande. De même pour le poisson et pour l'œuf. Là, on ne voit pas les protéines, qui ne sont pas extraite des ingrédients initiaux, mais le résultat résulte quand même de leurs modifications chimiques.
Avec des protéines à l'état pur, on reproduit cela de façon bien plus contrôlée, et c'est en quelque sorte ce qu'ont appris les cuisinier quand ils font des flans par exemple, où les protéines de l' œuf provoquent la gélification de l'appareil, ou dans les aspics, quand les protéines extraites classiquement du pied de veau permettent la gélification.
Cela dit, extraire la gélatine du pied de veau, et la purifier, cela s'apparente à extraire le sucre de la canne à sucre ou de la betterave : pourquoi le faire soi-même ? De même que nous n'allons plus arracher les plumes des canards, les tailler en pointe, faire bouillir de l'écorce d'arbre avec du fer rouillé pour faire nous-même notre encre, je vois mal pourquoi nous serions condamnés à revenir des décennies ou des siècles en arrière et pourquoi nous n'utiliserions pas directement des protéines que l'industrie a extraites à beaucoup plus grande échelle, beaucoup plus efficacement que nous, et certainement avec des degré de pureté que nous n'obtiendrions jamais dans nos cuisines.

Une anecdote véridique : il y a environ 20 ans, j'avais invité à diner des professionnels des métiers du goût, des journalistes culinaires et des gastronomes, et j'avais servi un aspic, fait de gélatine en feuilles. Mais l'un des plus grands pâtissiers du monde m'avait dit "Ah, on voit que c'est du pied de veau et pas de la gélatine en feuille, parce qu'il n'y a pas ce goût désagréables des feuilles". Comme quoi...


Bref, cuisinons des protéines !

samedi 9 novembre 2019

A propos de boissons gazeuses

On m'interroge à propos de boissons gazeuses, effervescentes, et je donne ici les explications demandées.

La question initiale portait sur l'eau pétillante, qui, comme chacun  sait, n'est pas effervescente quand la bouteille est fermée, mais où des bulles de gaz apparaissent quand on ouvre la bouteille qu'on verse de l'eau dans un verre.

Pourquoi ?

Commençons par examiner un verre d'eau, un liquide donc transparent.


 Si l'on regarde à la loupe on ne voit encore qu'un liquide de transparent, mais si l'on prenait une espèce d'hyper-microscope extraordinairement grossissant, alors on verrait des objets tous identiques qui  bougent en tous sens  : on les a nommés des molécules d'eau.
Et entre les molécules ? Rien,  du vide.



Au-dessus du verre ? Là, si l'on regarde à des distances de l'ordre de celles qui séparent les molécules d'eau, on voit également du vide mais si l'on prend une perspective plus large, alors on peut voir d'autres objets se déplacer, cette fois plutôt en ligne droite,  jusqu'à ce qu'ils heurtent quelque chose. Ces objets-là n'ont pas la même constitution que les molécules d'eau et, pour ce qui concerne l'air, on voit principalement des molécules de deux sortes : des sortes d'haltères nommées molécules de diazote et d'autres sortes d'haltères nommées molécules de dioxygène. Dans les molécules de diazote, il y a deux atomes d'azote attaché entre eux, et pour les molécules de dioxygène, il y a deux atomes d'oxygène. Tout simple non ?

Quand il y a de l'air au-dessus de l'eau, les molécules de diazote et de dioxygène vont toutes les directions, mais certaines vont en direction de l'eau, et quand elles atteignent les molécules d'eau, certaines s'immiscent entre elles  : on dit qu'il y a du diazote ou du dioxygène dissout dans l'eau.
Cette dénomination  est légitime, car  le phénomène est tout à fait analogue à celui que l'on aurait si l'on ajoutait un cristal de sucre, formé d'un empilement régulier de molécule de saccharose, dans de l'eau : les molécule de saccharose se disperseraient  entre les molécules d'eau, et l'on obtiendrait du saccharose dissout dans l'eau.
Pour en revenir à l'eau et l'air, il y a un équilibre qui s'établit  :  si on met de l'eau à l'air libre, les molécules d'eau vont finir par s'évaporer et, au bout de quelques jours, il n'y aura plus d'eau dans le verre, pas plus qu'il n'y a d'eau sur la route quelques heures après la pluie, surtout s'il y a du vent. Mais si l'on enferme de l'eau avec de l'air dans une bouteille, alors il y aura des molécules d'eau qui iront dans l'air, faisant une certaine humidité, tout comme il y aura des molécules d'air qui iront dans l'eau s'y dissoudre. 

Supposons maintenant que l'on presse l'air au-dessus de l'eau  :  alors on augmente la densité de molécule de diazote et dioxygène de l'air et l'on peut dissoudre davantage de ces molécules dans l'eau. Mais si l'on supprime rapidement la pression de l'air, alors ces molécules en surnombre, qui se sont dissoutes dans l'eau, vont en sortir, et  c'est là qu'elles feront des bulles d'air, ces bulles qui font l'effervescence de nos boissons gazeuses.

vendredi 8 novembre 2019

Surimis et diracs fibrés

Comme dit dans d'autres billets, il y a lieu d'être particulièrement prudent à propos de dénomination de produits alimentaires, car leur commercialisation ne doit jamais conduire à de la déloyauté.

Ici, la question est de nommer des produits qui auraient la texture de surimis sans en être. 

Mais avant d'en décider, il faut que je présente les deux protagonistes de l'alternative terminologique dont il est question maintenant.
D'une part, les surimis sont des produits traditionnels dans certaines parties de l'Asie, qui sont fait à partir de poisson broyé, d'amidon (pensons à de la sauce blanche) et de matière grasse, la pâte ainsi constituée est striée par passage sous un peigne, et les feuillets striés sont cuits, puis roulés sur eux-mêmes en bâtonnets, colorés avec du paprika et reçoivent une dispersion d'un aromatisant qui rappelle le goût du crabe, par exemple.
Qu'en dit la réglementation ? Les surimis font l'objet d'une norme d’application volontaire, numérotée NF V45-068, qui encadre les conditions d’usage du mot « surimi » et la composition de ces petits bâtonnets et de leurs dérivés. Ce document a été élaboré par des représentants des industriels, des distributeurs, des autorités réglementaires (dont la DGCCRF et le Service commun des laboratoires, SCL), des centres techniques, des laboratoires d’analyses et des organismes de certifications. Ils font partie de la commission de normalisation AFNOR / V45C « Produits transformés issus de la pêche et de l’aquaculture ».
La norme volontaire indique que le produit surimi doit contenir au minimum 30 % de chair de poisson ou de céphalopode. Elle autorise aussi l’ajout d’ingrédients pour aromatiser ou valoriser le surimi. Si l’ingrédient d’origine aquatique (poissons, crustacés, mollusques, algues, etc.) représente plus de 5 % – en poids – du produit fini, la norme autorise le fabricant à le mentionner sur l’emballage, avec une phrase-type telle que « surimi à xxx », ou « surimi de chair de poisson à xxx ». Pour les autres ingrédients, qu’ils soient d’origine terrestre (chorizo, lard fumé, etc.), végétale (fruits, légumes, épices, aromates, etc.) ou comportant de l’alcool (mirin, vin, etc.), la norme volontaire ne fixe pas de pourcentage minimal ou maximal. Concernant les aromatisants, additifs et colorants, la norme rappelle la nécessité de respecter les réglementations concernées, mais proscrit les additifs à usage de blanchiment. Elle autorise l’usage de liants (lait, dérivés de lait, farines), d’huiles et graisses végétales (hormis certaines, comme l’huile de palme), d’huiles d’animaux aquatiques, des fibres végétales, de l’eau, du sucre et du sel.

D'autre part, il y a très longtemps, j'ai nommé diracs ces préparations qui reproduisent des tissus musculaires (viandes, poissons), pour ce qui concerne la composition chimique, à savoir environ 70 % d'eau, 20 % de protéines et 10 % de matière grasse. Et c'est ainsi que l'on obtient une sorte de steak quand on mélange 7 cuillerées d'eau, 2 cuillerées de protéines coagulables (par opposition à la gélatine qui coagule pas  à la chaleur) et une cuillerée d'huile. Un tel dirac est très élémentaire, mais on peut en produire de nombreuses versions  : on peut émulsionner plus d'huile pour obtenir un dirac émulsionné, on peut foisonner afin d'obtenir un dirac mousseux, foisonné. On peut aussi l'étaler en couches très minces superposées pour faire des dirac feuilletés... et l'on peut enfin le strier, un fois en couche mince,  pour obtenir un diras  fibré.
Et puis, on peut aussi mélanger lla pâte faite de protéines, d'eau et de lipides, avec une sauce blanche, et l'on  retrouve alors une composition analogue à celle du surimi, avec la même consistance. Pour le goût et la couleur, on met ce que l'on veut et l'on obtient tout aussi bien des diracs striés bleus, ou rouges,  ou jaunes,  ou verts, avec des  goûts de poire, de rhum, de poisson, le citron...

D'où la question : un dirac fibré serait-il un surimi ? Vu la norme volontaire actuelle, ce serait abusif, car le surimi est aujourd'hui connu pour être un produit délimité tel que je l'ai expliqué plus haut, même si la norme volontaire peut évoluer.

Bref, finalement, je crois qu'un dirac fibré doit être nommé dirac  fibré.

Un dirac strié replié sur lui-même, réalisé à l'Institut technique d'hôtellerie du Québec en 2012.

jeudi 7 novembre 2019

Dépassons les corrélations

La science est  la recherche des mécanismes de phénomène, ce qui passe bien souvent par la recherche de relations entre des séries de mesures : ayant identifié un phénomène, on le caractérise quantitativement, et vient ensuite, à partir de toutes les données, de chercher des équations à partir de séries de données. Les données sont "ajustées", ce qui ne signifie pas que l'on trafique quoi de quoi que ce soit , mais plutôt que l'on cherche des variations d'une variable  en fonction d'une autre. Par exemple, quand on s'intéresse à la résistance électrique, on cherche les variations de l'intensité du courant en fonction de la différence de potentiel.

Et c'est là que survient la question de la causalité, si bien décrite par Émile Meyerson dans son Du cheminement de la pensée. La question est de savoir si deux variables varient régulièrement l'une en fonction de l'autre parce qu'il y a causalité, ou bien si elles varient simplement simultanément, peut-être même par hasard, ce qui relève d'une corrélation sans causalité. Pour expliquer la différence, j'aime cette observation d'attroupements sur le quai des gares avant que les trains arrivent. Si l'on est  Martien et que l'on ignore tout du phénomène, on peut donc mesurer le nombre de personnes sur le quai en fonction du temps, d'une part,  et l'heure d'arrivée des trains, d'autre part, mais il serait insensé de considérer que les attroupements sont la cause de l'arrivée des trains, car c'est en réalité l'inverse.
Il y a donc lieu d'être attentif quand on calcule des coefficients de corrélation et de bien s'empêcher de penser à des causalités quand il n'y en a pas. Ce qui doit nous conduire à réfléchir sur le statut de corrélations. D'ailleurs, il faut ajouter que des corrélations ne sont jamais parfaites, et que c'est précisément ce défaut de corrélation qui doit nous intéresser. Cette imperfection peut évidemment se mesurer par un nombre. Ainsi, quand on fait -de façon extrêmement élémentaire- des droite de régression, alors on apprend à afficher la somme des carrés des distances des points à la droite, un nombre que l'on note souvent R2. Mais c'est une façon rapide de se débarrasser du problème et elle ne dit d'ailleurs rien d'autre que ce que l'on voit.
Ce qui commence à être plus intéressant, c'est quand on calcule les résidus, c'est-à-dire quand on affiche la courbe de tous les écarts à la droite. Là, on peut commencer à se poser des questions, sur la  répartition de ces résidus, aléatoire ou pas,  et  leur amplitude aussi, bien sûr,  doit nous intéresser. Surtout, considérer les résidus au lieu de pousser la poussière sous le tapis du R2, c'est décoller de la corrélation, et plonger davantage du côté du mécanisme, ce que l'on cherche absolument.

C'est cela la direction où l'on veut aller,  plutôt  que le paresseux coefficient de corrélation global. Cet affichage des résidus est une bonne pratique, car c'est un fil que l'on peut être intéressé de tirer si l'on veut y passer du temps au lieu de se débarrasser rapidement du problème.
C'est là l'endroit où toute notre intelligence est nécessaire pour imaginer de véritables causes.

mercredi 6 novembre 2019

Il faut de l'honnêteté, en matière de commerce de denrées alimentaires ! (et pas seulement, bien sûr)


L'histoire de la tour de Babel est connue  : des hommes présomptueux avaient pour projet de construire une tour si grande qu'elle attendrait le ciel,  et Dieu lui-même. Celui-ci suscita les langues qui séparaient les communautés et stoppa le projet.
Les mots sont donc essentiels,  et il est vrai que, en matière alimentaire, la question des mots est primordiale, ce qui est bien reconnu par la loi sur le commerce des denrées alimentaires de 1905 : les produits doivent être sains, marchands, mais aussi loyaux :  du "cheval" n'est pas du "bœuf",  et vice et versa.
Les métiers du goût doivent  être particulièrement vigilants sur cette question parce qu'il en va de leur image auprès du public. À une époque où des élus menacent de taxer  les produits de charcuterie pour des raisons idiotes (éliminer les nitrites... qui pourtant sont utilisés pour combattre le botulisme), certains industriels finauds prévoient de contourner des réglementations ou de faire des publicités nauséeuses, par exemple en cuisant les jambons dans les bouillon de légumes qui apportent des nitrites qui ne seront donc pas déclarés sur l'étiquetage des produits,  alors nous devons examiner soigneusement les dénominations des produits et militer vigoureusement pour l'application la réglementation voir sur sa définition même. Aujourd'hui, je prends l'exemple de la béarnaise, cette sauce qui, certes, a varié au cours du temps, mais qui quand même, s'est fixée à une réduction d'échalotes dans du vinaigre, de l’œuf,  du beurre et de l'estragon, plus évidemment quelques constituants secondaires comme le sel et le poivre.
La question de la loyauté n'est pas facile, parce que  la simple pratique culinaire, mais aussi et la recherche d'innovations, conduisent souvent à être tenté de garder les anciennes dénominations pour des préparations nouvelles. Par exemple, nous faisons aujourd'hui des crèmes anglaises avec seulement 8 jaunes d’œufs par litre de lait, alors qu'il y en avait 16 il y a un siècle : la préparation moderne n'a rien à voir. Ou encore, je me souviens avoir inventé il y a plusieurs décennies ce que j'avais nommé des mayonnaise sans œuf, et je n'avais pas compris,  alors,  que cela était non seulement impossible mais déloyal. Non pas qu'il soit impossible de préparer des émulsion sans œuf,  et ce fut mon invention des "ollis", mais surtout que ces préparations ne sont pas des mayonnaises. Une mayonnaise sans œuf, c'est comme un carré rond... puisque la réglementation reconnaît fort heureusement qu'il faut au minimum 8 pour cent de jaune d'œuf dans une mayonnaise. Sans quoi, c'est un autre produit.
Tout comme le vin, qui est le produit de la fermentation du jus de raisin. On peut parfaitement faire des préparations synthétiques qui confondent parfaitement avec du vin, mais elles devront porter un autre nom que celui de vin.
Revenons à l'exemple de la béarnaise. Certes, Marie-Antoine Carême on donne une recette différente de celle d'aujourd'hui, et même aujourd'hui on obtient des résultats bien différents selon que l'on commence par produire un sabayon ou pas. On rappelle qu'il y a en cuisine des subtilités merveilleuse et que, par exemple, le beurre noisette versé dans du vinaigre fait un résultat bien différent de celui que l'on obtient en mettant du vinaigre dans le beurre noisette. D'ailleurs il faut ici discuter le mot différent  : il peut y avoir des différences de consistances, mais les différences de goûts sont essentielles,  et c'est cela qui pose problème pour les brevets : deux sauces qui ne diffèrent que par une pincée  de piment de Cayenne sont en réalité différentes.
Mais quand même, comment ne pas se mettre en colère quand on voit des industriels prétendre nommer béarnaise des sauces faites à partir de matière grasse végétale, et non de beurre ? D'aromatisant estragon et pas d'estragon ? Je ne dis pas que ces sauces ne sont pas bonnes, mais je dis qu'elles sont déloyales, malhonnêtes ! Je l'avais signifié par courrier au fabricant, et ma colère s'est accrue quand j'ai reçu une lettre de réponse me disant que la pratique était parfaitement autorisée dans le cadre du Codex alimentarius.
C'est  la preuve que nous n'avons pas assez milité pour des dénominations justes. Et c'est la démonstration aussi du fait que ce fabricant est un salaud, qui prend une lourde part de la responsabilité d'une sorte de nivellement par le bas de la cuisine,  de sorte qu'il ne faudra pas s'étonner si plus tard, le public en vient à le critiquer pour ses pratiques.
D'ailleurs, dans toute cette affaire, je vois que les scientifiques sont en quelque sorte utilisés par le monde professionnel artisanat, car ce sont eux qui montent au créneau, alors que c'est la profession tout entière qui devrait réagir.
Et voilà pourquoi je ne cesse de réclamer la création d'académies pour chaque profession du goût : son rôle doit d'abord être de codification.
Mais revenons à notre béarnaise : on peut parfaitement faire une sauce analogue à la béarnaise, sans œuf ou sans beurre, mais ce n'est pas une béarnaise

mardi 5 novembre 2019

15e session des Hautes Etudes de la gastronomie !


Nous avons reçu, ces dernières semaines, les auditeurs de la 15e session des Hautes Etudes de la Gastronomie.
Ce programme aujourd'hui partagée entre l'Université de Reims et l'Ecole du Cordon Bleu reçoit des personnes du monde entier pour les mettre en contact avec les meilleurs des spécialistes de gastronomie  : historiens, géographes, biologistes, chimistes, écrivains, économistes, toxicologues, nutritionnistes...
Deux semaines de cours intensifs terminés par un examen qui donne lieu à un diplôme universitaire, mais, surtout, qui conduisent le plus souvent à réorganiser une vie en fonction des données nouvelles qui ont été fournies. D'après les verbatim, pas un n'en sort autrement que bouleversé, ayant notamment compris que "la gastronomie est la connaissance raisonnée de tout ce qui se rapporte à l'être humain qui se nourrit".




lundi 4 novembre 2019

Pourquoi parler alsacien en Alsace


L'Alsace est  évidemment un pays merveilleux, mais on n'oublie pas que le phénomène d'urbanisation ne l'épargne pas, d'une part, et que, d'autre part, les richesses attirent aussi les plus pauvres,  créant des communautés séparées (des "ghettos"). L'envie, le choc des cultures... Tout cela engendre des conflits... Comment les éviter ?
Pour ce pays étrange qu'est l'Alsace, où tout est vrai jusqu'à son contraire, où le sud et le nord s'affrontent, sauf à regarder l'extérieur du pays, où l'on est étranger toute sa vie si l'on vient d'un village distant de moins de 100 mètres, il y a la question de la langue, qui n'est ni du français ni de l'allemand. Tout comme l'Alsace elle-même, qui n'est ni la France, ni l'Allemagne, deux pays qu'ils ont cessé de l'envahir. Aux communautés des riches et des pauvres s'ajoutent des communautés de religion et d'histoire : les catholiques, les protestants, les juifs, les musulmans... Les Alsaciens francophones, les Alsaciens germanophones... sans compter les subtilités : il y a eu les Alsaciens qui ont quitté l'Alsace en 1870, d'autres qui sont restés, ceux qui sont partis en 1939, ceux qui ont été incorporés de force...
Bref, il y a en Alsace toute une série de communautés séparés que nous devons absolument chercher à les réunir. Comment ? Le point commun pour l'instant, c'est la présence en Alsace, mais l'existence de communautés séparés démontre que ce point commun ne suffit pas à rassembler.

Non, l'existence de la langue alsacienne, qui d'ailleurs n'est pas parlée par tous, et qui est souvent reléguée au rang de dialecte par ceux qui ne voudraient pas qu'elle soit une langue,  me semble être propice à un rassemblement. C'est un fait que dans mon petit village d'Alsace, on parle alsacien avant huit heures du matin chez le boulanger, et ceux qui ne parlent pas peuvent l'apprendre, afin de s'intégrer. Apprendre une langue ? Ce n'est pas difficile  : un ou deux mots par jour, une tournure, une expression,  et l'on devient progressivement capable de s'exprimer et de comprendre.  On apprend ainsi à oublier la langue qui était la nôtre pour se retrouver avec qui on partage une terre. Et puis, on s'étonne de particularités linguistiques. Tiens, par exemple, il y des "hopla" à toutes les sauces, il y a ces tournures telles que "ils veulent du beau temps", pour dire que la météo prévoit du beau. Des jurons très spécifiques. On a la sagesse de ne pas avoir de futur, car on sait que personne ne peut le prévoir. Quand on quelqu'un vous souhaite un bon appétit , on lui répond en lui en souhaitant un encore meilleur.
Apprendre l'Alsacien, c'est accéder à une culture qu'on a pas, mais, surtout, c'est admettre qu'il y a là une possibilité de réunir des communautés. Cela me semble une raison largement suffisante pour promouvoir l'usage généralisé de la langue alsacienne en Alsace !

dimanche 3 novembre 2019

Essayer d'être charitable


Il y a quelque temps, j'ai fais la promesse de ne plus parler publiquement de nutrition, de toxicologie,  et encore moins de diététique. Aujourd'hui c'est un engagement différent que je prends : essayer d'être charitable.
Il ne s'agit pas d'une grande conversion, mais de répondre à une remarque que me fait un ami à  propos de la peau des pommes de terre.

Car c'est un fait que les trois premiers millimètres sous la peau des pommes de terre contiennent des  glycoalcaloïdes toxiques, qui ont pour nom solanine, solanidine ou chaconine, par exemple. Et, c'est un fait que, de tout le temps, on a donc pelé les pommes de terre pour éviter de s'empoisonner. Augustin Parmentier, quand il a  promu l'utilisation alimentaire des pommes de terre, peu avant la Révolution, avait bien observé que les infusions de peaux de pommes de terre faisaient un liquide "brûlant", manifestement parce qu'il était chargé de glycoalcaloïdes. Naguère encore, on savait bien qu'il fallait conserver les pommes de terre à l'obscurité et dans un lieu frais, afin d'éviter qu'elle ne verdissent et que ne s'accumulent ces glycoalcaloïdes toxiques.
Bref je disais donc à mon ami que cela me paraissait être le comble de l'incohérence que de servir des pommes de terre bio avec leur peau, comme c'est la mode aujourd'hui, mais mon me répondit que personne n'avait l'information pour comprendre cela.
Comment cela,  cette information n'est-elle pas partout dans les campagnes ? Oui, mais peut-être plus dans les villes : l'urbanisation à fait des déracinés qui ont oublié à la fois la boue sur les chaussures quand il pleut, mais aussi des données importantes à propos de leur alimentation.
Certes, je sais bien, puisque je le répète partout, que la France n'est pas réduite au 5e arrondissement de Paris,  mais je ne dois certainement pas oublier que tous ne lisent pas les bonnes publications scientifiques. Et d'ailleurs, c'est peut-être une mission des scientifiques que de traduire les résultats de ces publications en informations que l'on peut proposer aux citoyens, afin  que la science ne soit pas une aristocratie que l'on décapite.
Oui, nous devons ouvrir nos laboratoires, présenter nos travaux, en faire des traductions technologiques tout autant que des traductions citoyennes. Je crois moins à l'idée de sciences participatives -terminologie que je juge démagogique-  qu'à des efforts soutenus et constants par les institutions scientifiques, afin que les citoyens comprennent que leurs impôts ne sont pas dépensés en pure perte.
Oui, il y a lieu de ne pas être supérieur, et d'être charitable : certains n'ont pas fait le chemin qui aurait pu les mener à des connaissances que nous jugeons élémentaires. Et puis, d'ailleurs, avons-nous nous-mêmes toutes les informations que d'autres jugeraient élémentaires ?

samedi 2 novembre 2019

Comment rater des crêpes

Crêpes ? Galettes ? Les Bretons font bien la différence, à savoir que les crêpes sont de froment, avec du lait et de l’œuf, tandis que les galettes sont de blé noir, avec de l'eau et du lait, sans œuf.
On a supposé que ces préparations étaient nées de la cuisson prolongée de farine et d'eau, comme quand on fait une bouillie. L'évaporation aurait laissé une mince couche qui se tenait : la crêpe était née.
Puis, bien sûr, il y eut des ajouts, tel l’œuf, qui fait tenir parce que ses protéines coagulent, mais donne aussi du goût. Mais c'était déjà une préparation de  riche. Puis, dans certaines régions, il y eut la bière, qui apportait du moelleux ; ou du blanc d’œuf battu en neige, pour augmenter le volume et changer la consistance. Bref, mille crêpes différentes sont nées.

Ce qui reste, c'est que la crêpe est une mince couche, avec de l'amidon empesé dans un liquide (eau, lait, bière), et, parfois, de l’œuf qui donne de la consistance à l'ensemble.

Rater une crêpe ? Il y a les crêpes qui cassent quand on les tourne, ou encore les crêpes qui brûlent par endroits et restent  insuffisamment cuite ailleurs... Pour les crêpes qui cassent, c'est que leur tenue n'est pas suffisante, évidemment, ou, autrement dit, que leur tenue n'est pas suffisante par rapport à leur poids. Ainsi, quand l'instrument de cuisson n'est pas parfaitement plat, il peut y avoir un centre épais et des bords trop minces, ou un centre trop mince et des bords épais. Dans le premier cas, les bords seront brûlés quand le centre restera insuffisamment cuits, et la crêpe cassera quand on voudra la retourner. Dans le second cas, le centre ne tiendra pas la couronne épaisse autour, à moins que celle ci ne se soutienne seule... mais comme on aura retourné pour éviter que le centre ne soit brûlé, il y a fort à parier que la crêpe ne se tiendra pas.
Cela étant, la maîtrise du feu s'impose même quand l'ustensile est plat, parce que... Avez vous observé que les crêpes ne sont pas identiques sur les deux faces, quand elles sont un peu épaisses? En effet, la première face est est très liquide, et il y a évaporation de l'eau, tandis que l'amidon s'empèse, que l’œuf coagule éventuellement. Puis vient un moment où la coagulation est faite dans toute la masse, et la crêpe commence à gonfler par endroits, malgré des cheminées. Si l'on retourne, alors la face qui arrive contre l'outil de cuisson est déjà cuite, de sorte que cette fois, l'eau sous la forme de vapeur ne peut plus s'échapper, et c'est là que de grosses cloques se fond, avec la crèpe qui n'est plus au contact de l'ustensile, par endroits, alors qu'elle y reste ailleurs... et brunit parfois trop fort. Là, ce serait bon de pouvoir réduire le feu, n'est-ce pas ?

Bref, bien des façons de rater une crêpe. Les réussir ? Avec des crêpes très minces, bien des écueils précédents disparaîtront, parce que la vapeur d'eau peut s'échapper mieux !


mercredi 30 octobre 2019

Comment rater un soufflé


Comment rater un soufflé ? Pour savoir comment réussir à souffler, il faut peut-être savoir comment le rater. Et pour cela, il faut analyser l'objectif.
D'abord se demander ce que c'est qu'un soufflé : c'est une préparation qui doit avoir bon goût et qui gonfle à la cuisson, reste stable jusqu'au moment où on l'apporte sur la table, et qui peut retomber pendant qu'on le sert.

Analysons ces caractéristiques.

Tout d'abord, le bon goût  : là, on se souvient que le bon, c'est le beau à manger et que les règles n'existent guère pour parvenir à ce résultat. Évidemment, il y a des limites physiologiques  : le trop salé, le trop piquant.  Mais, en matière artistique, les règles sont de peu d'utilité à part peut-être pour les novices qui découvrent la question technique. Et pour ceux-là, je donne ici la règle que m'a transmise mon ami Émile Jung, cuisinier alsacien étoilé :  dans un plat, il doit y avoir  une partie de violence, trois parties de force et neuf  parties de douceur.
Pour un soufflé fait d'une béchamel au fromage, par exemple,  la douceur est acquise.  La force vient peut-être du fromage que l'on peut renforcer avec de la noix de muscade. La violence ? Je ne suis pas cuisinier mais j'aurais tendance à ne pas oublier le piment de Cayenne.

Le gonflement maintenant ? 

On comprend que si l'on fait en début de cuisson un chapeau qui bloquera le gonflement, alors ce dernier n'aura pas lieu. A contrario, si l'on s'arrange pour que la partie supérieure puisse se détacher des parois, alors ce chapeau pourra se soulever. Et c'est d'ailleurs une des "trois règles de Hervé" : avant la cuisson, faire une croûte en passant la préparation sous le gril, afin que le gonflement se fasse joliment. A la pointe du couteau, une fois la croûte faite, détachons cette croûte des bords.
On comprend aussi qu'un soufflé qui ne gonfle pas est raté, de sorte qu'il faut s'intéresser à ce gonflement. Si l'on chauffe par le haut, de l'eau évaporée part vers le haut. A contrario, si l'on chauffe par le fond (règle 2 de Hervé), alors l'eau s'évapore, et l'on obtiendra le gonflement puisque un gramme d'eau seulement suffit à faire environ un litre de vapeur.
Dans cette analyse, j'oublie qu'il faut que le soufflé puisse gonfler, c'est-à-dire que la préparation ne colle pas aux parois, ce qui justifie qu'on aura amplement beurré les parois. Peut-être aussi fariné et sucré selon qu'on a  un soufflé salé ou sucré.
Le gonflement n'est pas tout, et il faut que notre souffle et se maintienne un peu,  ce que l'on obtient précisément avec la croûte, laquelle s'obtient par une température du four d'environ 180 degrés, mais on peut aussi penser à faire figer l e soufflé, ce qui s'obtient à l'aide de protéines qui coagulent. Ici, on comprend l'intérêt de l’œuf, et l'on devra se souvenir d'ordres de grandeur  : le blanc d’œuf contient environ 10 % de protéines susceptibles de coaguler, alors que le jaune en contient 15 %.
Avec tout ça, il faut préciser que si l'on a des blancs bien battus en neige (troisième règle de Hervé), cela permet d'avoir un soufflé plus gonflé,  avec des protéines mieux réparties dans la masse. La fermeté de la mousse contribue à empêcher les bulles de vapeur de s'échapper par le haut, tout comme la croûte qu'on aura fait en tout début.

Et voila comment éviter de rater permet de réussir !

mardi 29 octobre 2019

Présenter la gastronomie moléculaire à ceux qui n'en font pas ?


Ce matin, je dois présenter la gastronomie moléculaire à des cuisiniers, et je vais évidemment commencer par bien expliquer que la gastronomie moléculaire est une science de la nature, qui qui se distingue donc  absolument de ses applications, à savoir  la cuisine moléculaire et la cuisine note à note, qui sont deux techniques.

Cela, je sais assez bien faire, mais la question que je me pose est surtout : à quoi bon parler de gastronomie moléculaire, c'est-à-dire de physico-chimie,  à des personnes qui en seront toujours parfaitement éloignées ? Oui, pourquoi entrer dans des détails techniques sur nos méthodes scientifiques, nos stratégies scientifiques, et même nos résultats scientifiques, alors que nous nous adressons à des cuisiniers qui ont surtout envie d'améliorer leur technique, c'est-à-dire qui ont besoin de technologie pour faire grandir leur  technique, et, ainsi, faire grandir leur art ?

Bien sûr, un cuisinier, comme n'importe qui d'autre, a le droit de s'intéresser à d'autres champs que le sien, et, notamment, à la gastronomie moléculaire, tout comme il pourrait s'intéresser à l'astrophysique, à la cosmologie, à la génétique... Mais alors, cet intérêt doit me conduire à présenter la discipline d'une façon particulière, qui soit précisément susceptible d'intéresser  mes interlocuteurs. Mon enthousiasme personnel pour ma discipline ne palliera pas l'absence d'une réflexion qu'il faudra que je fasse.

En attendant, je me rassure avec la teneur d'une discussion que j'ai eue hier avec un jeune cuisinier, en début de formation, et qui était tout heureux de regarder certains de mes podcasts, parce que ces derniers lui permettaient "de comprendre ce qu'il faisait en cuisine".
C'est un immense motif d'optimisme de voir mon jeune ami s'intéresser  à ce qu'il fait,  et, de surcroît, partager avec les spécialistes de gastronomie moléculaire l'attrait pour les mécanismes des phénomènes
De sorte que je conclus que, en l'absence de la réflexion que j'ai évoquée plus haut, il me faudra me focaliser sur précisément ces mécanismes.
Bien sûr, je pourrais évoquer l'utilisation des résultats de la gastronomie moléculaire, mais la discussion d'hier me montre que ce n'est peut-être pas la peine, et que l'intérêt pour les mécanismes des phénomènes qui surviennent en cuisine est plus partagé que je ne le pense.

Allons, présentons peut-être naïvement !

lundi 28 octobre 2019

Comment le métier de cuisinier évoluera-t-il ?



Après une conférence où je discutais la cuisine note à note :

J'ai une petite question sur votre conférence que je vais essayer de formuler correctement : le chef qui a ouvert un restaurant totalement note à note se considère-t-il encore comme un chef au sens classique du terme ou bien désormais davantage comme un technicien de laboratoire ? Il ne doit quasiment plus appliquer les gestes classiquement employés dans la restauration !
C'est intéressant de se dire que le métier de cuisinier pourrait maintenant basculer davantage sur la capacité de savoir mettre en partition des saveurs en étant totalement  déconnecté de la maîtrise des gestes encore en vigueur dans ce métier et qui en sont une identité très forte.


Ma réponse est la suivante : 

1. en substance, la question culinaire est artistique, et la technique n'est rien.
2. donc les cuisiniers sont des artistes, pas des techniciens, ni des technologues, ni des scientifiques ;
3. et les cuisiniers "note à note" suivent des recettes et les interprètent en termes gustatifs, comme Andras Schiff interprète Bach.


Je développe un peu :

1. La question culinaire est la suivante : le cuisinier ou la cuisinière doivent "faire à manger", ce qui signifie d'organiser des ingrédients pour faire des "plats", des "mets", ce que l'on peut interpréter comme des systèmes physico-chimiques qui apportent à l'organisme de quoi se développer ou s'entretenir. Mais ces mets doivent "passer la barrière du goût", à savoir qu'ils doivent être reconnus comme "bons", et non pas seulement pour des raisons intellectuelles, mais aussi parce que la détection sensorielle des divers composés permet à l'organisme de préparer la digestion des mets.
Il y a donc des questions sensorielles, et des questions culturelles.
Et, d'autre part, je vois clairement une différence entre l'artisanat (pensons au peintre en bâtiment) et l'art : bien sûr, l'artiste doit être un excellent technicien, mais la question technique est seulement de venir à l'appui de l'idée artistique (le "bon", qui est le beau à manger). Et pour l'artisan, aussi, la question du bon s'impose.

Pour cette question technique, la cuisine note à note se pratique avec les mêmes ustensiles que la cuisine classique ou que la cuisine moléculaire : on coupe, on chauffe, on broie, on refroidit, on verse, etc.


2. Oui, les cuisiniers sont des techniciens, quand ils sont artisans, ou des artistes quand ils sont artistes.
Par exemple, un crêpier doit correctement préparer la pâte, avec une fluidité appropriée, puis bien l'étaler et la retourner, quand vient le moment : c'est un travail technique.
Par exemple, un cuisinier qui sert des steaks frites ou n'importe quel plat du jour classique doit être capable de suivre une recette, à savoir que le steak doit être bleu, saignant, à point ou bien cuit selon la demande du client, et les frites doivent être cuites sans être trop brunes (sans quoi elles seraient chargées de trop d'acrylamide et autres composés toxiques).
Par exemple, un pâtissier doit savoir faire de la pâte à choux et la cuire.

Mais pour la question artistique, le travail technique est dépassé par la création artistique.

Bien sûr, il n'est pas interdit au cuisinier d'avoir une réflexion technologique : s'intéresser à sa technique et chercher à l'améliorer. Mais cela ne doit pas l'emporter sur son travail, sans quoi il n'est plus cuisinier, mais technologue.
De même pour la science : le cuisinier pourrait décider de s'intéresser à chercher les mécanismes des phénomènes qui surviennent quand il cuisine... mais :
- il ne serait plus cuisinier
- il lui faudrait lâcher les ustensiles de cuisine pour passer au maniement d'outils d'analyse et d'équations... en vue de tout autre chose que la production d'aliments.


3. Pour la cuisine note à note, il en va exactement comme pour la cuisine classique, avec des créateurs et des interprètes.
Pour les deux, il n'est pas nécessaire d'être chimiste, mais il faut connaître les ingrédients et la façon dont ils se transforment quand on les traite. Par exemple, un poulet chauffé à plus de 150 degrés brunit, tandis que sa chair coagule, que son goût change. Mais, au fond, est-ce si différent quand le cuisinier mélange des protéines (une poudre, comme la farine) et de l'eau, avant d'ajouter des composés colorés, sapides ou odorants, et de faire cuire l'ensemble dans une poêle : ça ou une crêpe, quelle différence ?
Bref  les cuisiniers "note à note" suivent des recettes (qu'ils créent eux-mêmes ou qu'ils  interprètent en termes gustatifs, comme n'importe quel musicien interpréterait des auteurs classiques. Quand l'outil est au point, la technique s'efface devant le travail artistique.

Et c'est ainsi que, un jour, mon ami Pierre m'a demandé s'il devait apprendre la chimie, et ma réponse a été immédiate : surtout pas, consacre tout ton temps à ton art, puisque la question technique n'a guère d'intérêt, et qu'elle pourra éventuellement résolue par des technologues, le jour où tu en auras besoin.

Bref, pour les cuisiniers de demain ne seront certainement pas des scientifiques, ils n'ont pas besoin d'être des technologues ; en revanche, il leur incombera un travail technique... et la question du bon, à savoir du beau à manger !

About the sugar effect

I am asked about the "sugar effect", that I demonstrated sometimes during lectures.


I would demonstrate it in this way :

1. observing that water rolls on flour shows that the surface is rather hydrophobic

2. but kneading makes a dough: water goes in the flour through capillarity

3. when you knead, it is stronger and stronger, which shows that something happens (the gluten network formation)

4. but when you lixiviate, then you demonstrate the presence of the "gluten" network (+starch); this is due to protein bridging by water

5. if instead of lixiviating, you add the sugar, then the sucrose traps water and dissolves in it, making a continuous phase (syrup), in which the starch particles are suspended (you move from a D0(S)/D3(S) toward a D0(s)/D3(W) system).

For the "sugar effect",  it is much more efficient when icy sugar is used (because of faster dissolution).

And this is why doughs are more tender with sugar is added in the dough before cooking: instead of having this network, the flour is cemented by butter. 

jeudi 24 octobre 2019

Nous mangeons une alimentation, pas des aliments !


Que penser des évaluations nutritionnelle des aliments ?
Il y a fréquemment des messages de la part des hygiénistes pour dire qu'il faut manger des fruits et des légumes, qu'il ne faut pas trop manger gras, sucré, salé, qu'il faut  faire de l'exercice... Et tout cela n'est pas contestable  : oui, il faut manger des fruits des légumes afin d'obtenir des vitamines, des oligoéléments, des fibres... mais aussi des lipides qui font les membranes de nos cellules, des protéines, etc. Oui, il faut manger des viandes afin de récupérer des protéines, du fer bien assimilable (sans quoi les enfants seront intellectuellement attardés). Oui, il faut éviter de manger des produits frits en excès,  sans quoi nous verserons dans une obésité qui nous vaudra bien des déboires. Oui, il faut manger éviter de manger trop salé, sans quoi l'hypertension artérielle nous guette ;  il faut éviter de manger trop sucré, sans quoi nous aurons des caries, du diabètes... Oui  il faut aussi éviter de manger trop fumé sans quoi, comme les populations du nord de l'Europe, nous seront atteints de cancers du système digestif.

Mais je reviens aux messages diététiques (plutôt que nutritionnels, d'ailleurs, puisque la nutrition est une science, et la diététique son application). A qui s'adressent-ils ? Et sont-ils utiles ?
J'observe tout d'abord que des responsables de la santé humaine ne peuvent manquer de s'effrayer de l'augmentation de l'obésité dans nos sociétés modernes  : nous stockons, avec nos aliments, plus que nous n'en dépensons. Et il reste vrai  qu'il y a lieu d'enseigner à manger, car un régime qui serait focalisé sur un seul type d'aliments conduirait à de graves dysfonctionnements de l'organisme.  C'est par exemple ce qui avait été observé au 19e siècle, quand on a voulu établir l'intérêt des bouillon de viande : on s'est aperçu que les  chiens qui en étaient nourris exclusivement sont morts en assez peu de temps. La leçon a été bien retenue par les bons nutritionnistes :  il faut manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément.
C'est là un vrai message qui doit être donné... mais comment le faire passer efficacement ? Le citoyen veut sans cesse du neuf, d'où les diversifications sur l'exercice, le gras-sucré-salé, les cinq fruits et légumes...
Jusque-là, tout va encore assez bien, mais ce qui me va plus, ce sont ces codes couleurs qui stigmatisent certains aliments. Il faut dire que nous pouvons manger de tout... sans excès. Et éviter des simplifications qui révèlent que l'on est soi-même... simplet.
Par exemple, un député vient de proposer une taxe sur les produits de la charcuterie. Il se fonde notamment sur les évaluations toxicologiques ou épidémiologiques de ces composés particuliers que sont les nitrites ou les nitrates... mais il oublie de reconnaître que ces composés évitent des cas de botulisme mortels!  Et puis, imaginons que les cas de  botulisme apparaissent, par conséquence de la proposition de ce député  : ira-t-on le chercher pour le mettre en prison ? Je propose à mes amis de ne pas oublier que les conseilleurs ne sont pas les payeurs,  et cet  homme ne sera pas poursuivi, et il continuera  son œuvre délétère. Certes  les citoyens ont les représentants qu'ils méritent, mais quand même, il y a des gens douteux dont il faut apprendre à se méfier. Nous avons la responsabilité d'avoir des réactions  énergiques et rapides !
D'ailleurs, je passe sur le cas particuliers des charcuteries pour revenir à   ce code couleur que je déteste pour une raison très simple  : nous ne mangeons pas des aliments mais une alimentation.
Tout ingrédient alimentaire, qu'il s'agisse d'une carotte, d'un navet, d'une terrine, d'un saucisson, d'un éclair au chocolat, d'un poisson, etc. contient des composés qui ont une certaine toxicité, mais cela n'est pas une raison pour l'éviter ! Souvenons-nous de l'exemple des bouillon de viande. Et sachons aussi que les toxicologues évoquent souvent une "courbe en J" que j'explique maintenant ainsi  : certaines vitamines sont absolument indispensables en petite quantité, mais elles deviennent toxiques en quantités supérieures. Ce phénomène est très général.

Soyons positifs : que pouvons-nous dire si nous voulons avoir un message diététique de type national ? Certainement qu'il faut faire de l'exercice modérément,  mais certainement aussi qu'il faut varier notre alimentation et ne pas manger trop. Nous pouvons manger de tout (sauf évidemment de graves poisons), mais en petite quantité. Et nous devons lutter absolument contre les docteur Knock de l'alimentation  : : ceux pour qui tout bien mangeant et un malade qui s'ignore... et qui peut tomber entre leurs griffes.

Mais je vois que mon regard s'attarde sur la frange et je veux relever le nez immédiatement pour regarder le ciel bleu : il y a de la marge pour apprendre à manger, individuellement et collectivement, pour enseigner à nos enfants comment bien manger. Car le message est simple  : nous devons manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément.
Pas de codes couleurs stigmatisant !

La chimie est une science, qui ne se confond pas avec ses applications, et certainement pas avec la cuisine


Des journalistes écrivent une fois de plus que la cuisine serait de la chimie, et je veux dire un NON énergique !

Car la cuisine est une activité technique, parfois artistique, qui consiste à produire des aliments, c'est-à-dire soit des assemblages de nutriments, soit des œuvres d'art (culinaire).
En revanche, la chimie est une activité scientifique, qui cherche les mécanismes des phénomènes, par une méthode que j'ai présentée plusieurs fois, mais que je redonne ici pour bien faire comprendre que cela n'a RIEN A VOIR avec de la cuisine !



Je ne comprends pas comment il est possible que l'on puisse faire la confusion entre une activité technique artistique, d'un côté, et une activité scientifique de l'autre ! Bien sûr, je sais qu'il y a beaucoup de confusions à propos de la chimie,  avec des groupes qui s'emparent indûment du nom de "chimie". Par exemple, il faut dire, répéter et répéter encore jusqu'à ce que cela soit clair pour tous qu'il n'y a pas d'industrie chimique. Car l'industrie ne fait pas de science, mais  de la technique.
Oui, il y a eu des chimistes qui se sont intéressés aux applications de leur science, comme quand Michel Eugène Chevreul, découvrant la constitution moléculaire des graisse, arrive, par application de ces travaux, à un brevet sur la fabrication des bougies. Mais il ne confondait pas la chimie avec ses applications. Pas plus que Louis Pasteur, qui était un excellent chimiste : il a bien expliqué que son activité de la deuxième moitié de sa vie n'était  plus de la chimie, mais bien des applications de la chimie ou de la biologie.
Cc'est cela qu'il faut expliquer : la chimie est une science de la nature, c'est-à-dire la recherche des mécanismes des phénomènes à l'aide d'une méthode bien particulière que j'ai donc exposée de nombreuses fois. Et, à l'opposé,  les applications de la chimie ne sont pas de la chimie, mais  des applications de la chimie, c'est-à-dire soit de la technologie, soit de la technique...  aussi de l'instruction.
Pour expliquer ce dernier point,  on peut observer qu'il y eut un bouleversement intellectuel quand on comprit, vers l'époque de Galilée, qu'une pierre lancée en l'air n'allait pas d'abord en ligne droite avant de retomber verticalement. De même, ce fut très grand progrès quand on a découvert l'existence des micro-organismes et qu'on a pu, par application de cette découverte scientifique, prendre des mesures d'hygiène judicieuses.
De même, pour la chimie,  il y a, comme application intellectuelle, l'idée le monde est fait de molécules, d'atomes, et que les énergies qui conduisent à des réarrangements d'atomes sont tout à fait raisonnables, puisque ce sont celles du feu. J'ai dit ailleurs combien je pensais que cette partie des applications de la chimie était essentielle, ce qui vaut d'ailleurs pour les autres sciences.

Je synthétise, donc,  maintenant  : il y a la science d'un côté et les applications de la science de l'autre. La science, c'est la science, et ce n'est pas "appliqué" Et les applications des sciences sont des applications de sciences, mais ce ne sont pas des sciences. Ce qui est dit là vaut pour toutes les sciences de la nature, notamment pour la chimie. Et voilà pourquoi, malgré l'utilisation, dans les cuisines modernes, de résultats de cette branche particulière de la chimie qu'est la gastronomie moléculaire,  je suis très rigoureusement opposé à la confusion.

Je le répète encore et encore : la chimie est une science!

mardi 22 octobre 2019

Connaissances ouvertes et connaissances fermées


Un ami m'a tendu une perche : distinguer des connaissances ouverte et des connaissances fermées. Je l'ai prise, mais  en me demandant  immédiatement ce que seraient ces connaissances ouvertes et ces connaissances fermées.

Connaissance fermée ? On imagine une connaissance qui ne conduit pas à  autre chose  : par exemple,  quelle heure est-il ? On répond "onze heures", et tout s'arrête.  Une connaissance ouverte ? Cela me fait penser immédiatement à ces questions étincelles que j'avais déjà discutées ailleurs.
Pour autant, je me méfie de moi-même, car je suis tombé déjà une fois dans le panneau avec le traité de peinture du moine Citrouille amère, Shitao : il parlait de la "poussière du monde", et j'ai mis un certain temps à comprendre que cette poussière du monde ne préexistait pas, mais que c'est éventuellement nous qui la créions.  A contrario, c'est à nous qu'il revient de mettre de l'intelligence dans le monde qui nous entoure, dans le moindre objet, dans la moindre relation, dans le moindre acte...
Le monde n'est ni poussière ni intelligence, pas plus que la nature n'est bonne ou mauvaise, et c'est à nous, entièrement à nous, qu'il revient d'en faire quelque chose que nous jugeons, que nous apprécions par notre culture. C'est à nous de voir la beauté, c'est à nous de voir intelligence. Mais en disant "voir",  je m'aperçois de la faute, parce que ce verbe suppose que l'intelligence ou la beauté sont là et qu'il nous faut apprendre à les voir, alors qu'en réalité,  c'est à nous de les créer.

Oui, c'est à nous de créer l'intelligence ; c'est à nous de ne pas créer de la poussière dans ce monde. Et, au fond, tout cela est merveilleusement optimiste, car cela revient à reconnaître que le bonheur de la contemplation est en nous-même,  qu'il ne dépend que peu des circonstances.

Nous voulons de l'intelligence ? Créons-la !

lundi 21 octobre 2019

Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?


Étonnant phénomène que celui que j'ai détecté hier,  lors d'une conférence que je donnais :  je montrais l'évolution de la cuisine au cours du temps ;  puis je montrais  l'état de la cuisine d'aujourd'hui dans différents pays. Je signalais donc l'organisation de mes exemples selon  deux axes perpendiculaires,  l'un vertical pour le temps et l'autre horizontal pour la répartition géographique.
Et immédiatement, j'ajoutais qu'il nous fallait donc chercher sans attendre un troisième axe perpendiculaire aux deux autres.
Cette proposition n'était pas indécente intellectuellement... sauf que, le soir venu, je me suis aperçu qu'il était un peu paresseux de chercher seulement un troisième axe perpendiculaire aux deux autres  : pourquoi pas, aussi, un quatrième, puis un cinquième, etc. ?

Pourquoi n'avais-je pas proposé immédiatement plusieurs axes, et non pas seulement un de plus ?  Une première analyse me fait comprendre que le troisième axe s'est imposé parce que nous vivons dans un espace à trois dimensions. Certes, mais,  quand même, il n'est pas interdit de penser les espaces les espaces  à quatre, cinq, six, etc.  dimensions ? 

Il y avait donc une erreur terrible, et si l'on se préoccupe d'innovation,  alors il apparaît clairement que le nombre trois doit appeler le nombre quatre, qui doit appeler  le nombre cinq,  et ainsi de suite à l'infini !

dimanche 20 octobre 2019

N'est-il pas honteux ?


"N’est-il pas honteux que les fanatiques aient du zèle et que les sages n’en aient pas. Il faut être prudent mais non pas timide". La phrase est de Voltaire (Pensées détachées de M. l'abbé de Saint-Pierre), mais je m'aperçois d'une erreur que je faisais en la citant : je l'interprétais en pensant qu'il fallait répondre aux fanatiques.

Les fanatiques ? Par exemple, il y a des idéologues qui luttent contre le nucléaire, contre les additifs, etc., et, quand leurs arguments sont faux, mais répétés,  il y a une sorte de litanie fanatique que nous devons combattre, car elle peut s'exercer de façon délétère sur nos amis, nos collectivités, conduisant à des décisions mauvaises.
Certes, il y a lieu de donner des faits justes, en vue de prises de décisions collectives rationnelles, mais je me rends compte aujourd'hui que j'ai interprété la phrase de Voltaire en terme de réponses aux fanatiques, alors qu'il y a peut-être à la considérer non pas par rapport aux fanatiques, mais par rapport à notre activité propre, personnelle, sans relation avec celle des fanatiques.

Oublions les fanatiques et pensons à nos propres activités : ayons du zèle !

samedi 19 octobre 2019

Les aliments traditionnels sont-ils sûr ?


Les aliments traditionnels sont-ils sûr ? Hier encore, j'entendais un collègue dire (de façon erronée, disons-le immédiatement) que les aliments traditionnels étaient sûrs :  il en prenait pour preuve que ces aliments avaient été consommés depuis très longtemps.
Ne peut-on dire, au contraire, que cette ancienneté est signe de péremption ? Expliquons-le à partir d'une observation  : je propose que nous croisions le traité d'Hildegarde de Bingen, qui propose l'usage de plantes variées pour des applications alimentaires, thérapeutiques ou cosmétiques, avec  le Compendium des plantes toxiques publiés par l'Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments (Efsa). Il est tout à fait extraordinaire de voir que les plantes recommandées par Hildegarde de Bingen sont très souvent à l'origine d'intoxications qui conduisent les consommateurs dans les centres anti-poison, mais il y a pire :  certaines plantes qui sont utilisées en infusion pour soigner divers petits désagréments (vertiges, nausées, maux de tête,  etc.)  provoquent des cancers dix ans plus tard. En réalité, les  ingrédients alimentaires traditionnels n'ont jamais été testés toxicologiquement, et l'on peut supposer que beaucoup serait retoqués aujourd'hui s'ils étaient évaluées par les test que l'on fait passer aux "novel food". Autoriserait-on la noix muscade ? Je ne crois pas. La cannelle ? Les choux, même ? Ou encore les pommes de terre ?

Pour ce qui concerne la médecine, je dis souvent que les médecines, traditionnelles, anciennes, sont surtout périmées, mais je propose que nous soyons, avec les aliments, plus prudents que mon collègue évoqué en début de billet !

vendredi 18 octobre 2019

Les Français auraient-ils peur de manger ? Pas sûr !


Pourquoi les Français ont-ils peur de leur alimentation ?
Avant de poser la question, il faudrait quand même être certain de ce que l'on cherche à expliquer ; il faut d'abord établir les faits, sans quoi nous risquons de trouver une réponse à une question qui ne se pose pas !

Les Français ont-ils peur de leur alimentation ? Il y a là l'éternelle faute de Platon que  combattit Aristote, et que j'expose toujours en rappelant que le goût de la fraise n'existe pas et qu'il y a plutôt les goûts des fraises. Pour ce qui nous concerne ici, il n'y a pas les Français, mais des Français  :  certains ont peur de leur alimentation, mais combien véritablement ? Certains n'ont pas peur de leur alimentation, et certains ne se posent pas la question d'avoir peur ou non.
Or nous ne devons  pas nous-mêmes susciter des craintes, en répétant croire que les Français ont peur de leur alimentation : ce serait de la pyromanie !

Cependant  il y a  ce fait que nous-même arrivons parfois à penser que les Français pourraient avoir peur de leur alimentation, parce que nous sommes exposés à l'activisme de certains, ce que je préfère nommer du fanatisme. Il y  a en effet des personnes qui, pour mille raisons, sont fanatiques, combattent maladivement des moulins...  J'en connais, par exemple, qui, ayant eu une grave maladie, cherchent activement à  épauler  les traitements médicaux qu'on leur donne, et focalisent leur action sur l'alimentation, parce qu'ils supposent que c'est cette alimentation qui est responsable de leur maladie. Ils s'activent alors pour rectifier ce qu'ils croient être des erreurs alimentaires, non seulement pour eux, mais pour l'ensemble de la société, confondant d'ailleurs souvent le danger et le risque.
Mais ne serait-il pas aberrant que des politiques soient tentés de les suivre dans toutes leurs lubies ? Ne serait-il pas aberrant que ces élus (pour autant, ils n'ont pas plus de savoir que leurs électeurs), appliquant bêtement le principe de précaution, en viennent à proposer de tuer tous les crocodiles sous prétexte que ces derniers sont dangereux ? En plein cœur de Paris, le risque d'être mangé par un crocodile est quand même extrêmement faible !

De toute façon, la stratégie qui qui consiste à vouloir répondre à toutes les craintes les unes après les autres est impossible à tenir, car les craintes individuelles sont en nombre infini. Pire, l'expérience montre que la rectification est impossible, de sorte que combattre les peurs est inutile. Je propose donc de ne jamais aller frontalement à l'encontre de ceux qui ont peur, et au contraire, de distribuer des fait justes, de proposer un cadre cohérent, où  ces faits s'insèrent,  de donner des idées principales avant de se perdre dans les détails...

jeudi 17 octobre 2019

Pourquoi le bouillon ?


Pourquoi  les recettes de bouillon sont-elles toujours au début des livres de cuisine, depuis les premiers livres de cuisine qui furent publiés ?

Je l'ignore (et je ne suis pas le seul, bien sûr), mais il est vrai que les bouillons sont à la base des potages, et aussi des sauces, des ragoûts, et de l'ensemble des mouillements.
De surcroît, les viandes qui cuisent se contractent,  libérant des jus qui risquent toujours d'être perdus, et qui sont donc recueillis quand la viande est cuite dans un liquide, ce qui engendre le bouillon.
Selon cette analyse,  on pourrait penser que c'est le pot-au-feu qui devrait être au début des livres de cuisine, et il l'est d'ailleurs souvent, avec ce commentaire de Marie-Antoine Carême : c'est l' "âme des ménages". 
Toutefois on peut faire des solutions nutritive avec bien d'autres ingrédients que la viande :  par exemple, des légumes. Le point commun, ce n'est plus le pot-au-feu, mais alors le bouillon.

Et il est donc logique à placer le bouillon en début de livre, surtout si l'on se souvient que la cuisine du passé à souvent visé à faire le meilleur usage possible des ingrédients culinaires qui étaient en nombre insuffisant  : je propose de ne jamais oublier que nous sommes la première génération à ne pas avoir connu de famine, et pas encore pour tous !



mercredi 16 octobre 2019

Lavons-nous les mains !


Les TIAC ? Ce sont les "toxi-infections collectives : il faut au moins deux cas similaires de dérangements gastro-intestinaux. Les TIAC sont des maladies à déclaration obligatoire, car leur signalement permet de prendre des mesures rapides dans le cas de restauration collective. En France, la surveillance des TIAC est assurée par l’Institut de veille sanitaire via la déclaration obligatoire (DO) et les données provenant du Centre national de référence (CNR) des salmonelles, une des familles de bactéries les plus fréquemment incriminées dans des TIAC.
Tout cela étant dit, je ne crois pas inutile de rappeler que, depuis 2012, il y a  1200 cas de toxi-infections alimentaires par an en France. Environ 30 % d'entre elles résultent de repas familiaux, 30%  de repas dans des structures collectives et 40%  de repas en restauration commerciale.
Aux États-Unis, la cause principale identifiée est l'insuffisant lavage des mains du personnel des restaurants. On peut supposer que cette cause se retrouve à domicile.

De sorte que la  leçon est claire : lavons-nous les mains, avant de cuisinier, avant de manger !