samedi 11 mai 2019

Méfions-nous de nos ignorances... et de l'information qui nous est donnée !



Il y a des raisons d'être optimiste : alors que des idéologues jouent les marchands de cauchemars, jusque dans une presse qui devrait être de service public, on voit des esprits raisonnables s'élever contre les mensonges délivrés publiquement. Cela fait chaud au coeur d'être dans une communauté rationnelle !
Mais il est encore plus merveilleux de voir des collègues plus jeunes se lancer dans le salutaire combat de la Raison : tout n'est pas perdu, bien au contraire.
Cette introduction générale pour partager avec mes amis un message reçu après une conférence que j'avais eue le plaisir de faire à l'Ecole de chimie de Rennes, par un étudiant de première année, et que je livre (avec son accord) :

Récemment, j'ai pu mener une petite expérience "sociale" sur quelques camarades de promo. Avec deux autres étudiants, nous devions préparer un exposé pour un cours d'anglais. Le hasard faisant que l'exposé allait se passer le 1er avril, j'ai proposé à ceux qui faisaient l'exposé avec moi de parler de science dans les médias.
Nous avons donc présenté à la classe trois sujets controversés dans les médias, en leur expliquant qu'au vu de la date particulière, nous allions leur présenter des arguments volontairement erronés, et qu'ils devraient les trouver pendant la présentation, puis nous les donner à la fin de celle-ci.
Nous avons donc présenté des arguments contre les vaccins, contre les ogm, et contre le glyphosate. Ce que la classe ignorait, c'est que l'intégralité des arguments que nous proposions étaient faux. A la fin, ils ont rebondi sur les vaccins et un peu sur les ogm, pensant avoir trouvé tous les pièges. Nous avons donc confirmé l'absence de risque pour les vaccins et les ogm sur la santé.
Je leur ai ensuite posé la question : "Qui savait, avant l'exposé, que le glyphosate donnait le cancer ?" (j'ai volontairement utilisé le verbe "savoir" pour qu'ils soient moins hésitants sur la réponse, le but étant de les interpeller sur leurs erreurs). Les trois quarts ont levé la main. Puis, j'ai repris et démonté tous les arguments que je leur avait auparavant présenté contre le glyphosate (j'ai simplement repris ceux d'Envoyé Spécial).
Ils furent très réceptifs et personne ne s'est offusqué, bien que quelques approfondissements furent demandés. Notre professeur d'anglais a alors très justement dit : "Si une classe de scientifiques comme celle-ci peut se construire un avis complètement erroné sur un sujet, simplement parce qu'ils ont été influencés par les médias qui se fichent des faits scientifiques, comment une personne normale a-t-elle la moindre chance de détecter des tromperies présentées comme scientifiques ?".
Cette question n'a probablement pas de réponse, mais peut-être qu'il existe des pistes pour résoudre le problème qu'elle soulève : comment rendre les gens moins crédules face à tout ce qui les choque dans les médias, et comment leur (re)donner confiance en la science ?"


Ce message est d'autant plus réconfortant que, lorsque j'étais à l'Ecole de chimie de Rennes, une classe de lycéens de Concarneau avait été récompensée pour un travail montrant qu'il n'existait pas de lien entre vaccination et autisme : merveilleux professeurs que ceux qui avaient encadré les élèves !

Conservation de sorbets et glaces

Ce matin, une question à propos de l'utilisation de l'azote liquide, pour la réalisation de glaces ou de sorbets :

Quelles sont les conditions de conservation d’une glace réalisée avec de l’azote liquide ?
J’ai cru comprendre que la texture de ces glaces était dû à la taille et à la forme des cristaux formés via une réfrigération rapide versus standard.
Mais est-ce seulement une question de température (dans ce cas quelle serait la limite) ou d’autres paramètres rentrent-ils en compte ?


Il faut rappeler que l'on ne manipule l'azote liquide qu'avec des précautions :
- lunettes (très important : une goutte dans l'oeil et l'on est aveugle)
- loin de ceux qui n'ont pas de lunettes (les projections sont fréquentes, parce que l'azote liquide est très... liquide)
- stockage dans un récipient qui N'EST PAS hermétiquement fermé (sans quoi cela exploserait)
- et autres...

Cela étant dit, la réponse à la question posée doit commencer par une explication du  mécanisme de la formation des glaces et sorbets (voir le détail dans Mon histoire de cuisine) :
- de gros cristaux se forment quand la cristallisation est lente
- de petits cristaux se forment quand la cristallisation est rapide.
Avec l'utilisation de l'azote liquide, la cristallisation se forme en quelques dizaines de secondes (bien plus vite, donc, qu'avec une sorbetière), de sorte que les cristaux sont très petits.
D'où la consistance bien supérieure, pour les sorbets et glaces à l'azote liquide, par comparaison avec les sorbets et glaces faits à la sorbetière.


Mais la question du stockage est différente. 

Une fois que l'on a une glace ou un sorbet (quel que soit son mode de préparation), il peut évoluer, surtout quand la température est fluctuante... et cette évolution conduit à un grossissement des cristaux : les plus petits disparaissent au profit des plus gros. Et la consistance devient donc moins intéressante que lorsque les glaces et sorbets ont attendu, parce que, alors, ils n'ont plus cette consistance due à leurs tout petits cristaux.
D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle les industriels qui vendent des glaces ajoutent (le plus souvent) des "polysaccharides", composés cousins de l'amidon, qui ralentissent considérablement le grossissement des cristaux... mais au détriment de la qualité gustative.
Cela étant, si l'on n'ajoute pas ces composés, un sorbet azote liquide ou un sorbet sorbetière : c'est le premier qui gagne quand même, parce qu'il part de plus loin !


Au fait, revenons à la question : il s'agissait de bien conserver une glace à l'azote liquide. Et c'est la même question que pour n'importe quelle glace, à savoir que plus la température de stockage est basse, meilleur le résultat. Et, comme dit, des polysaccharides sont utiles pour des stockages plus longs (quel intérêt ?) : pectines, agar-agar, gomme arabique, gomme guar... Ils sont extraits de matières naturelles, comme je l'explique, donc, dans Mon histoire de cuisine, où je fais une "histoire morale et naturelle" de ces produits.


vendredi 10 mai 2019

Florilège d'inepties. Je me réserve d'en ajouter

Le bio est bon pour la santé : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent.. Mais je veux surtout rappeler ici que le bio n'est pas un critère de qualité ; c'est seulement un cahier des charges et que cultiver bio maladroitement peut conduire à faire des fruits et légumes malsains.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai toujours affiché un intérêt pour l'agriculture raisonnée : quand on raisonne, on fait mieux que quand agit comme un automate idiot.


Les vaccins provoquent l'autisme : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. On rappellera que la relation prétendue entre vaccination et autisme a été très soigneusement étudiée, et qu'il a été établi qu'elle était fausse. Elle avait été avancée au début des années 1990 par un article frauduleux publié par le Lancet, article qui fut caractérisé comme "sans doute la plus dommageable des fraudes médicales des 100 dernières années". Cet article scandaleux fut publié par le médecin  (il ne mérite pas ce titre), rétracté en 2010... mais il  reste cité par des  anti-vaccinistes.
Terminons en donnant des informations attestées :

Le 28 janvier 2010, un tribunal de 5 membres de l'Ordre anglais des médecins (GMC) prouva la véracité de plus d'une trentaine des inculpations contre Wakefield, parmi lesquelles quatre inculpations pour « malhonnêteté », et douze pour abus contre enfants victimes de troubles du développement. Le tribunal a jugé que Wakefield a « failli à son devoir de consultant responsable », a agi contre l'intérêt de ses patients, « malhonnêtement et de manière non responsable » lors de son étude. The Lancet rétracta immédiatement et complètement la publication de l'étude de 1998 de Wakefield sur la base des résultats de l'enquête du GMC, notant que des éléments du manuscrit furent falsifiés. Wakefield fut radié du registre médical (c'est-à-dire renvoyé de l'Ordre des médecins) en mai 2010 et n'est plus autorisé à exercer la médecine au Royaume-Uni.
En janvier 2011, un article de Brian Deer publié dans le British Medical Journal identifia les travaux de Wakefield comme une « fraude élaborée ». Dans un article faisant suite à ce dernier, Deer affirme que Wakefield prévoyait de lancer une entreprise s'appuyant sur une campagne de propagande anti-vaccins. Un prospectus pour les investisseurs potentiels dans l'entreprise de Wakefield suggérait qu'un test de dépistage pour la maladie que Wakefield voulait appeler « entérocolite autistique » pouvait produire jusqu'à 28 millions de Livres Sterling de revenus (plus de 32 millions d'euros), avec des tests de dépistages effectués dans le cas de litiges entre patients et médecins comme marché initial, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Cependant, entretemps, l'étude de Wakefield ainsi que les recommandations publiques contre l'utilisation du vaccin combiné ROR furent liées à un fort déclin des taux de vaccinations au Royaume-Uni ainsi qu'à une augmentation des cas de rougeoles y correspondant, le tout résultant en de sérieux troubles de la santé ainsi que plusieurs décès.



Les OGM provoquent des cancers : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. D'autre part on rappellera que des milliards d'êtres humains dans le monde mangent depuis des décennies les fruits et légumes OGM, et en souffrent si peu parce que la population mondiale ne cesse d'augmenter !


Les additifs sont mauvais pour la santé : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. On voudrait bien laisser des imbéciles ou  ignorants continuer à avoir de telles idées, mais il y a le risque qu'ils influencent des âmes qui ne sont pas gauchies, et que  cela conduise à des décisions collectives coûteuse, et nous pâtirons  nous-mêmes, qui sommes (hélas) dans la même collectivité que ces individus pernicieux. Il y a donc lieu de combattre les idées fausses et irrationnelles.


Il y a des risques à consommer des aliments qui contiennent des additifs : là, c'est particulièrement ineptes... parce que c'est juste, mais, surtout, parce qu'il y a la confusion entre danger et risque.
Par exemple, un couteau est dangereux, à savoir qu'il peut tuer. La vraie question n'est donc pas le danger, mais le risque, à savoir que si l'on veut éviter des accidents, il vaut mieux ranger le couteau dans un tiroir que de se le suspendre au dessus de la tête par un fil de soie !
De même, pour tous les composés de notre alimentation, jusqu'à l'eau. Par exemple, un consommation excessive d'eau peut provoquer de graves troubles. Et chaque composé de notre alimentation est "dangereux" à des degrés divers. Par exemple, le sucre est cariogène... mais il y en a (du "saccharose") dans tous les tissus végétaux, d'où la saveur douce des carottes, oignons, etc. Ou l'acide acétique glacial (cela signfie "pur") est très acide... mais on serait idiot d'en consommer pur, et, en dilution, on peut faire des solutions moins acides que du jus de citron ou que des framboises.
Mais c'est là un gros sujet, et je renvoie à mille billets précédents.


La nature est bonne : ben voyons,  le lion, la peste, le choléra, la foudre sont notoirement connus pour être favorable à la vie humaine.


Vins ou aliments "naturels" : c'est mensonger, car est naturel ce qui n'a pas l'objet d'une transformation par l'être humain. Tout aliment est artificiel, et idem pour le vin. En revanche, on peut parler de yaourt nature, de vin nature, à la limite.


Aliments ultratransformés : notion idiote ou malhonnête, ou idéologique (une idéologie qui conduit à mentir est donc malhonnête), comme nous l'avons montré dans une séance de l'Académie d'agriculture de France. Voir : https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seance/academie/des-matieres-premieres-agricoles-aux-aliments-quel-impact-des?020518



jeudi 9 mai 2019

Rumeurs délétères ! N'ayons pas peur de l'acide citrique !

Les rumeurs ont la vie dure. Récemment, lors d'une conférence, j'ai eu des questions à propos de l'acide citrique : la personne qui m'a interrogé était manifestement très convaincue que l'acide citrique était cancérogène. J'ai eu beau lui expliquer que ce acide est présent dans la totalité de nos aliments de façon naturelle, elle m'a rétorqué avec beaucoup d'aplomb que c'étaient "les cancérologues de Villejuif" qui le lui avaient dit (on verra que c'est donc un mensonge qu'elle m'a fait !).

Dans un tel cas, il est inutile de perdre son temps à vouloir convaincre un interlocuteur qui ne veut pas être convaincu. En revanche, de retour au laboratoire, je suis allé faire un peu de recherche... et c'est là que j'ai retrouvé l'acide citrique dans le "Tract de Villejuif".
Voici ce que j'ai notamment trouvé :

Le tract de Villejuif est une liste fantaisiste, prétendument publiée par l'« hôpital de Villejuif » en France, et signalant faussement comme cancérigènes un certain nombre d'additifs alimentaires, tout particulièrement E330 (acide citrique). Elle a d'abord circulé sous forme de photocopies dans les années 1970. Bien que l'hôpital de Villejuif (l'Institut Gustave-Roussy, de son vrai nom) ait démenti à plusieurs reprises1 être à l'origine de ce document, cette légende urbaine se remet parfois à circuler épisodiquement, y compris de nos jours par propagation électronique (Référence : https://www.gustaveroussy.fr/?p_id=12).


Historique d'une rumeur délétère

En juin 1975, les listes de la première nomenclature unifiée des additifs alimentaires pour les pays de la CEE sont publiées au Journal officiel. Les additifs y sont classés à l'aide d'un code « E plus trois chiffres ». En décembre, le magazine français Science et vie  [une revue de vulgarisation, pas toujours écrite par de bons journalistes !] publie un tableau résumant et commentant cette codification, et classant 29 additifs comme « suspects » ou « dangereux ». L'acide citrique (E330) est présenté comme « suspect ».

En 1975, la CEE interdit aussi l'utilisation de neuf colorants alimentaires, mais suspend cette interdiction pour un an. Plusieurs organisations de consommateurs protestent et, au début de 1976, organisent un boycott de tous les colorants. En avril, le numéro de Que choisir [pas certain qu'il faille faire confiance à ce journal] est intitulé « Boycottez les colorants », et le magazine publie une liste de 107 colorants, en présentant 70 comme dangereux ou suspects. L'acide citrique est à nouveau présenté comme « suspect. »

Le premier exemplaire connu du tract a été publié en février 1976 en France, sous forme d'une page dactylographiée. Son auteur est inconnu. Il fait référence à l'article de Science et vie, [bravo pour la référence scientifique !] mais pas encore à l'hôpital de Villejuif. Il classe les additifs alimentaires en « cancérigène », « suspect », ou « inoffensif ». Des versions successives indiquent « distribué à l'hôpital de Villejuif », « distribué par l'hôpital de Villejuif » et enfin « L'hôpital de Villejuif informe... » Des détails fantaisistes sur les effets des additifs apparaissent, ainsi que des noms de marques à éviter.

Des copies circulent à travers l'Europe pendant une décennie, sous la forme d'un tract ou d'un pamphlet, transmis entre amis ou collègues, citant outre l'acide citrique neuf autres additifs et une liste de produits décrits comme toxiques et cancérigènes. La Grande-Bretagne est touchée en 1984, et le Danemark en 1989. En 1990, une version allemande du texte est diffusée parmi le personnel de la Commission européenne à Bruxelles.

Le tract attire l'attention d'experts lors de sa diffusion, qui le considèrent aussitôt comme suspect, en raison de la description incorrecte de l'E330 comme toxique cancérigène « le plus dangereux ». Mais les démentis officiels n'entravent pas sa diffusion.

Le tract circule toujours en France en 2018 au travers des réseaux sociaux. Le 11 février 2018, le député MoDem du Loiret, Richard Ramos, invité par la chaîne de télévision France 5 à l’émission C Politique, brandissait encore une copie du tract pour étayer son réquisitoire véhément contre la grande distribution, en dénonçant la présence de l’additif E330 dans plusieurs échantillons qu’il avait apportés sur le plateau, sans mentionner et apparemment sans savoir qu’il s’agissait de l’acide citrique, et sans être contredit sur ce point par les invités et journalistes présents sur le plateau.


J'ai poursuivi mes recherches, et voici ce que donne l'Agence nationale du médicament :

Sur la base de plusieurs études toxicologiques réalisées chez l’animal, l'acide citrique n'est pas suspecté d'être ni cancérigène (voie orale, dose testée 2 g/kg/j, rat) ni reprotoxique (espèces testées : rat, souris, lapin, hamster) ni tératogène (espèces testées : rat, lapin, hamster). Dans les études plus générales après administration répétées par voie orale (espèces testées : rat, souris, chien), les effets toxiques majeurs se limitent majoritairement à des les changements dans la formulation sanguine et à une modification de la cinétique d'absorption / excrétion des métaux.
Les valeurs des NOAELs (No Observable Adverse Effect Levels) après administration orale, sont assez élevées comme par exemple : une NOAEL de 1200 mg / kg / j (étude de cancérogénèse chez le rat), une NOAEL de 2500 mg/kg/j (étude de toxicité reproduction chez le rat), une NOAEL de 7500 mg/kg/j (étude de toxicité reproduction chez la souris)...
De plus, l’acide citrique n’a pas montré de caractère génotoxique que ce soit après des études in vitro et in vivo (doses testées allant jusqu’à 3 g/kg).
Aucune DJA (dose journalière acceptable) n'a été spécifiée pour l'acide citrique et ses sels communs par le Comité mixte FAO / OMS d'experts en additifs alimentaires ni par l’agence européenne EFSA (European Food Safety Authority).
Une « DJA non spécifiée » est l’expression employée quand il n'est pas jugé nécessaire d'attribuer une DJA chiffrée à une substance. C’est le cas d’une substance dont les données des études toxicologiques, biochimiques et cliniques réalisées permettant de conclure que la consommation d'une substance, dans un aliment dans les proportions requises pour obtenir l'effet désiré, ne présentent pas de danger pour la santé.
L'acide citrique est considéré comme un excipient «GRAS» (généralement reconnu comme sûr) par la FDA  sans restriction quant à la quantité d'utilisation dans les bonnes pratiques de fabrication. Aussi, l'acide citrique est considéré comme un additif alimentaire sans restriction de la quantité utilisée dans les bonnes pratiques de fabrication. Toutefois dans certains produits à destination des consommateurs européens, la teneur en E330 est limitée  :3000 mg/L pour les jus de fruits ; 5000 mg/L pour les nectars de fruits.


Une honte ! 

Finalement,  je suis furieux contre la personne idiote que j'ai rencontrée, parce qu'elle colportait paresseusement  des ragots imbéciles, ce qui est un facteur de dissension dans nos communautés.
En revanche, mes interactions (limitées) avec elle eu l'intérêt de me permettre de rappeler ici que cette liste de Villejuif est un faux. C'est aussi l'occasion de bien dire que le terme d'"additif" n'est en aucun cas synonyme de risque. C'est l'occasion de dire que l'usage des additifs est extrêmement encadré...  contrairement d'ailleurs à l'usage des produits traditionnels !
Je signale d'ailleurs ici des échanges nombreux et cocasses sur Twitter,  à propos de la consommation de pommes de terre avec la peau : pour des raisons que je ne comprends pas bien, certains de mes interlocuteurs refusent de considérer qu'il y a le moindre risque à consommer la peau. Mais, après tout, j'ai bien vu en vente des cigarettes bio...

mercredi 8 mai 2019

La chair est faible


J'avais pourtant promis  ici que je ne parlerais plus ni de nutrition ni de toxicologie... mais voici que, en l'espace de quelques jours, une revue m'interroge sur les "bienfaits santé", comme ils disent, des différents modes de cuisson, et que je me vois en train de discuter de toxicité de la peau des pommes de terre ou de l'acide citrique.
A la revue, j'ai quand même dit que leurs questions étaient idiotes, et, aux questions sur les pommes de terre, je ne me suis pas exprimé, me limitant à donner des abstracts de publications scientifiques... mais quand même, j'ai vacillé !
Je me refais donc à moi-même cette promesse de ne plus parler de toxicologie ou de nutrition, d'autant qu'il est complètement inutile de parler de ces sujets en public, en s'adressant à des personnes qui ne veulent pas être convaincues.
La seule excuse que je puisse me donner est tirée d'un échange avec des étudiants, qui me signalaient combien certains de mes billets à ces sujets pouvaient leur être utiles : ils avaient besoin d'informations venant de sources un peu sûres, disons rationnelles. Ah, là, s'il s'agit d'affermir l'esprit de ceux qui sont bien engagés, il y a quelque utilité à dire des faits justes, même dans des domaines où je ne suis pas parfaitement légitime (je fais quand même ma bibliographie, et certains de mes amis sont d'excellents experts).

Mais quand même, il vaut mieux que je me consacre à mon coeur de travail : il y a largement de quoi faire. Et notamment  :
- à expliquer, à répéter, que nous mettons en oeuvre, quand nous cuisinons, des transformations moléculaires qui ne sont que... des transformations moléculaires
- à expliquer, à répéter, qu'une molécule est une molécule, qu'elle soit produite par synthèse moléculaire ou par fermentation, ou par extraction d'un produit agricole
- à expliquer, à répéter, que les cuisiniers appliquent des températures qui feraient frémir d'effroi n'importe quel chimiste organicien bien constitué
-  à expliquer, à répéter, que le monde est fait de molécules, d'atomes, qu'il n'y a pas de "force vitale" ou d'"énergies inconnues", que les sorciers, magiciens, rebouteux, et autres sont des naïfs ou d es escrocs
- à expliquer, à répéter, que la science (de la nature) se distingue de la technologie, et a fortiori de la technique
- que oui, il y a encore beaucoup à découvrir, mais que cela ne justifie pas toutes les prétentions hurluberlues, surtout quand les études ont été faites et qu'elles ont réfuté les prétentions depuis des années, voire des siècles (Faraday avait réfuté les tables tournantes, Chevreul a réfuté les baguettes divinatoires ou autres pendules, il n'y a pas de "mémoire de l'eau", etc.
- que nous avons besoin de beaucoup de Rationalité !

mardi 7 mai 2019

S'agit-il de composés ?

Décidément, la question des "composés" n'est pas résolue, parce que la culture chimique de certains de  nos amis n'est pas considérable. Aujourd'hui, un ami cuisinier intéressé par la cuisine note à note m’envoie une coupure de presse à propos de cuisiniers qui utilisent du cannabis, et il m'interroge : s'agit-il de composés utilisables pour la cuisine note à note ?

Le cannabis (Cannabis L.) est un genre botanique qui rassemble des plantes annuelles de la famille des Cannabaceae.  Bref, il s'agit d'une plante.  Et comme toute plante, c'est un mélange de très nombreux composés ! Le premier est l'eau, puis il y a sans doute, dans l'ordre des quantités décroissantes, de la cellulose, de l'hémicellulose, des pectines, des lipides, des protéines, et une foule de composés utiles pour la vie de la plante, avec finalement des "métabolites" tels que les chlorophylles et les caroténoïdes (puisque la plante est verte, et qu'elle est capable de photosynthèse), des sucres, des acides aminés... et les composés psychotropes.
Mais la question de mon ami mérite d'être analysée : pourquoi n'a-t-il pas pu comprendre de lui-même qu'une plante n'est pas un composé pur ? Manifestement, parce qu'il ne sait pas ce qu'est un composé.

Et, aujourd'hui, je propose la méthode d'explication historique. 

Pensons donc au 18e siècle, quand les chimistes commencèrent à s'intéresser à la constitution de la matière. Pour la chimie minérale, les opérations de calcination, par exemple, montrèrent qu'il y avait des "éléments", à savoir des produits qu'on ne pouvait plus décomposer, et qui, au contraire, entraient dans la composition d'autres matières. Par exemple, quand on fait brûler du soufre (poudre jaune) avec du fer (de la limaille, ou fer broyé), on obtenait du sulfure de fer (pas ce nom là à l'époque). Inversement, quand on s'y prenait bien, on pouvait décomposer le sulfure de fer en soufre et en fer. Bref, le soufre et le fer sont des éléments, alors que le sulfure de fer n'en est pas un.
A la même époque, les chimistes s'intéressèrent à la matière organique, mais c'était beaucoup plus difficile, parce que les produits animaux ou végétaux se décomposent quand on les chauffe, et aussi parce que, à l'époque, on ignorait encore la composition des gaz, et notamment des gaz formés lors des combustion de ces matériaux. C'est seulement quand furent identifiés le dioxygène, le dioxyde de carbone, le diazote, la vapeur d'eau, etc.  que l'on  a pu analyser les gaz produit lors de distillation sèche de tissus animaux ou végétaux
Ainsi, quand on met une plante dans une cornue et que l'on chauffe, on récupère des gaz variés, à côté de carbone et d'eau. À la même époque, quelques chimiste qui comprenaient bien que la distillation décompose les matières organiques eurent l'idée de faire des extraits avec des solvants tel que l'eau, l'huile ou  l'alcool.
C'est ainsi, par exemple,  que Louis Jacques Thenard obtint des extraits de viande dans l'alcool, ce qu'il nomma "osmazôme". Ou encore que Beccari et Kesselmeyer  séparèrent de la farine une matière qu'ils nommèrent amidon et une autre matière qu'il nommèrent gluten. Ni l'amidon ni le gluten n'étaien des composés purs, puisqu'on pouvait encore les décomposer davantage. Par exemple, le gluten pouvait se séparer en une fraction soluble dans l'eau (les gliadines) et une fraction insoluble dans l'eau (les gluténines). On pouvait encore décomposer ces deux fractions,  en différentes protéines, certes apparentées, mais avec quand même des propriétés différentes. Et finalement chaque sorte de protéines est faite de molécules toutes identiques.
Autrement dit, la farine n'est pas un "composé" (disons "composé chimique" pour ceux qui  en ont besoin)  puisque l'on peut le décomposer en gluten et amidon ; et le gluten n'est pas un composé puisque l'on peut le décomposer en gliadines et gluténines ;  et la fraction gliadine n'est pas un composé puisque c'est un mélange de plusieurs gliadines particulières. A ce stade, une gliadine particulière, telle l'alpha gliadine est un composé particulier, parce que toutes ses molécules sont identiques. Tout comme l'eau est un composé : dans de l'eau, il n'y a que des molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'eau. Et l'éthanol est un composé puisqu'il est fait de molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'éthanol. L'huile, en revanche, n'est pas un composé puisqu'elle est faite de milliards de composés différents, certes très semblables mais différents : les "triglycérides". Dans l'huile, il y a donc des milliards de sortes de molécules différentes : on dit des milliards de triglycérides différents. Et pour chacun de tes triglycérides, il y a des milliards de milliards de molécules toutes identiques.
Le  blanc d'oeuf ? Ce n'est pas un composé non plus puisqu'il est fait d'eau et de protéines,   et il existe environ une vingtaine de protéines différentes, avec encore des milliards de milliards de molécules de chaque protéine, c'est-à-dire de chaque de chaque sorte moléculaire.


Ces explications étant données, j'ai rencontré un autre ami qui m'a interrogé sur la possibilité de diviser les molécules. 

Oui, on peut diviser une protéine et l'on obtient alors, dans certains cas, des molécules nouvelles qui sont des acides aminés (on en trouve vingt différents dans les protéines des organismes vivants). Oui, on peut diviser de l'eau, c'est-à-dire diviser des molécules d'eau, et l'on  obtient alors des atomes  :  les molécules sont des assemblage d'atomes. Pourrait-on diviser encore les atomes ? Oui, mais cette fois la puissance du feu n'est pas suffisante, et l'on passe la physique subatomique, qui a résulté de l'introduction d'énergies supérieures à celle du feu. C'était la la limite de la chimie, qui, elle,  s'intéresse aux assemblages  d'atomes.




jeudi 2 mai 2019

Du gluten dans les sauces ? Non, mais les protéines du gluten y sont... si on ne les a pas décomposées lors de la confection du roux (ce sont les protéines qui font brunir)

Ah, ce fameux gluten ! A propos d’un roux, je lis sous la plume d'un cuisinier français étoilé (et qui, on va le voir, dépasse sa compétence):

« Mélanger rapidement avec un fouet, pour obtenir, grâce à l’élasticité du gluten contenu dans la farine, une pommade lisse et homogène ».


 Commençons par cette "pommade", qui m'a choquée. Vite, je suis allé consulter le dictionnaire, et j'ai trouvé : "Cosmétique composé d'une base grasse et d'une ou plusieurs essences parfumées, servant aux soins de la peau ou des cheveux.". Un autre sens ? "Préparation médicamenteuse de consistance molle, destinée à être appliquée sur la peau ou sur les muqueuses, composée d'un excipient gras et d'un ou plusieurs principes actifs qui y sont dissous ou émulsionnés.".
Bref, une pommade est grasse, tandis que, ici, il n'y a que de l'amidon et de l'eau. On obtient effectivement une préparation de consistance molle en mêlant de la farine et de l'eau, mais ce n'est pas une pommade. Quel nom donner ? Dans la mesure où l'on disperse des grains d'amidon dans un liquide, c'est une "suspension" que l'on obtient, une pâte délayée...

Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a un système différent de celui qui se forme quand on travaille de la farine avec peu d'eau : c'est dans ce cas que le gluten se forme, réseau (filet) tridimensionnel où les grains d'amidon sont piégés. Et oui, ce gluten est "viscoélastique" : la pâte formée est visqueuse et élastique à la fois.

Mais quand on met plus d'eau, ce réseau est défait, et la suspension liquide n'est plus une suspension solide.

J'y pense : pour en savoir plus sur le gluten, je vous invite à consulter l'histoire de sa découverte dans ce  texte :
https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-2018-3-research-note-who-discovered-gluten-and-who-discovered-0

Et finalement, une chose est certaine : il y a tant de liquide dans un roux délayé qu'il n'y a certainement pas de réseau de gluten ! Les protéines sont là (gliadines et gluténines pour le "gluten"), mais elles ne servent à rien, du point de vue du roux. D'autre part, peu importe que l'on mélange rapidement ou pas. Et, pis, le gluten serait plutôt en défaveur de la consistance lisse.


Bref, notre ami cuisinier a largement dépassé les limites de sa compétence. Que n'est-il resté à des phénomènes visibles, bien décrits !

mercredi 1 mai 2019

A propos du goût des bouillons

Ce matin, des questions à propos de  bouillon : un bouillon de viande ayant été préparé, l'internaute qui nous intéresse veut maintenant lui donner du goût. Et voici ses questions :

1. l'eau froide et l'eau chaude extraient-elles des composés aromatiques différents ou extraient-elles les mêmes composés, mais dans des quantités différentes ?
 

 2. certains composés aromatiques doivent-ils être extraits dans de l'eau froide alors que d'autres doivent l'être dans de l'eau chaude ? Si oui, y a-t-il des "familles" de composés aromatiques qui "préfèrent" l'eau froide, alors que d'autres "préfèrent" l'eau chaude?
 

3. y a-t-il des composés aromatiques qui sont plus à même de diffuser dans l'huile que dans l'eau ?
 

4. dans le cas d'une infusion d'anis badiane à froid, par exemple, y a-t-il un temps au bout duquel la diffusion s'arrête ?



 Je réponds successivement : 
 

 1. l'eau froide et l'eau chaude extraient-elles des composés aromatiques différents ou extraient-elles les mêmes composés, mais dans des quantités différentes ?

C'est une question difficile, parce que des conditions très différentes se rencontrent, en pratique. Mais immédiatement, la question me fait penser à un Atelier expérimental du goût, qui avait été proposé il y a quelques années. Le lien est ici :
http://www2.agroparistech.fr/IMG/pdf/GOUT__fiches_corrigees_.pdf
Cela étant, pour comprendre la question et les réponses éventuelles, pour cette question comme pour les questions suivantes, il faut d'abord une précision : on nomme "aromatique" deux types d'objets :
 - ceux qui ont le même type de nature chimique que le  benzène, je vais essayer de ne pas utiliser cette acception dans les réponses qui suivent
 - ceux qui se rapportent aux aromates. Tous les composés du thym sont donc aromatiques, qu'ils soient odorants ou sapides, par exemple. Et cette seconde acception doit mettre en garde notre ami internaute, parce que je crains qu'il ne parle de "composé aromatique" en pensant à des composés odorants. Ici, je fais donc personnellement la différence entre un composé odorant, et un composé odorant aromatique, par exemple.

Ce qui me conduit à rappeler que le goût est dû à :
- de la consistance
- de la saveur
 - de l'odeur (les molécules odorantes sont celles qui, passant de l'aliment dans l'air de la bouche lors de la mastication, remontent vers le nez par des fosses "rétronasales" (à l'arrière de la bouche) et viennent stimuler des récepteurs olfactifs du nez
- des sensations trigéminales (piquants, frais...) par des composés ayant des récepteurs sur le nerf trijumeau (dans le nez et la bouche)
- des ions calcium
- des acides gras insaturés à longue chaîne (on parle d'oléogustation)

Tout cela étant dit, une matière végétale (par exemple du poivre) libère à la fois des composés odorants, des composés sapides, des composés à action trigéminale : le poivre a une saveur, une odeur, un piquant particulier (et d'ailleurs une certaine fraîcheur, également).
Ces sensations sont donc dues à des composés variés,  et les composés sont plus ou moins solubles dans l'eau (du bouillon)... ou dans l'huile qui surnage quasi nécessairement.

Oui, pour y arriver, l'eau chaude et l'eau froide extraient des quantités différentes de composés, et des composés différents... mais tout dépend aussi de la pratique, comme l'ont montré mes expériences sur le bouillon et le poivre, en 1987 si je me souviens bien.
J'étais parti de la précision culinaire selon laquelle le poivre devait être mis dans un bouillon moins de huit minutes avant la fin de la cuisson. Pour la tester, j'avais fait un bouillon de volaille, que j'avais divisé en deux parties égales. Dans une partie, j'avais mis du poivre noir, et j'avais fait bouillir pendant 20 minutes. Dans l'autre moitié, j'avais fait bouillir sans poivre pendant 14 minutes, et j'avais ajouté le poivre (la même quantité) avant de poursuivre l'ébullition 6 minutes de plus. La différence était flagrante : dans le bouillon où le poivre avait été mis pendant six minutes seulement, on avait une fraîcheur piquante, un peu mentholée, agréable ; en revanche, dans l'autre bouillon, on avait un piquant plus lourd, avec une sensation intermédiaire entre amertume et astringence, comme pour un thé trop infusé.
Pourquoi ce résultat ? Je suppose que les composés frais et légers avaient été extraits les premiers, avant des composés de type tanins, plus difficile à décrocher des matières végétales. Or ces composés légers, odorants, sont souvent peu solubles dans l'eau, et ils avaient peut-être été évaporés. D'ailleurs, c'est une règle que s'il y a une odeur au dessus d'une casserole, c'est que des composés odorants sont évaporés.

Finalement, l'eau chaude et l'eau froide extraient-ils des composés différents ? Oui, mais les conditions opératoires font tout, parce que l'équilibre n'est que rarement atteint, en cuisine.

Encore une information importante à avoir : des composés odorants qui seraient en proportions différentes pourraient faire des odeurs aussi différentes que le camembert et la framboise !


 2. certains composés aromatiques doivent-ils être extraits dans de l'eau froide alors que d'autres doivent l'être dans de l'eau chaude ? Si oui, y a-t-il des "familles" de composés aromatiques qui "préfèrent" l'eau froide, alors que d'autres "préfèrent" l'eau chaude ?

Ici, il y a le "doivent" qui me heurte. Disons plus justement que certains composés sont très solubles dans l'eau (les polyphénols, classe à laquelle appartiennent les tanins, mais aussi de nombreux colorants rouges à bleu des fruits. Et que d'autres composés, tel le méthylchavicol, qui sont très peu solubles dans l'eau, mais beaucoup dans l'huile, ou dans l'alcool.
Mais il faut tenir d'un autre phénomène, à savoir que les seuils de perception diffèrent beaucoup selon les composés. Ainsi, certains composés sont très odorants quand ils sont en très faibles concentrations, alors que d'autres le sont quand ils sont plus abondants. Et là, pas de règle théorique : il faut être empirique. Certes, les composés de type alcool ou aldéhydes seront plus solubles dans l'eau que d'autres de type terpènes... mais à quoi bon le savoir, en pratique, sachant que les produits végétaux apportent des composés odorants par centaines, tous différents ?


 3. y a-t-il des composés aromatiques qui sont plus à même de diffuser dans l'huile que dans l'eau ?

Ici, il y a la "diffusion", où mon interlocuteur n'a peut-être pas la même idée que les physico-chimistes. La diffusion, c'est ce phénomène par lequel les molécules migrent dans un milieu. Mais, ici, peu importe, et je crois que mon ami internaute pense plutôt à de l'extraction qu'à de la diffusion. Y a-t-il des composés odorants qui s'extrairaient plus dans l'huile que dans l'eau ? Oui  les composés odorants "hydrophobes" passeront plus facilement dans l'huile que dans l'eau, et, inversement, les composés hydrophiles passeront plus dans l'eau que dans l'huile... à condition qu'ils soient extraits : rappelons-nous l'expérience du  poivre et du bouillon.

Bref, finalement, je crains qu'il n'y ait pas de possibilité de prévision théorique très utile. Certes, savoir tout ce que j'ai dit plus haut n'est pas inutile, mais comment prévoir le résultat que vous obtiendrez en macérant du thé dans de l'eau froide ? Je crains que ce ne soit bien difficile, car il y a "loin de la coupe aux lèvres", de la matière au bouillon. Pour récupérer des composés, il faut les détacher de leur matrice végétale, leur permettre des migrer vers le bouillon, leur permettre d'y séjourner.


4. dans le cas d'une infusion d'anis badiane à froid, par exemple, y a-t-il un temps au bout duquel la diffusion s'arrête ?

Oui, pour tous les composés, il y a une phase d'extraction rapide, puis une saturation quand un équilibre est atteint.
Par exemple, pour l'extraction à partir de café, il faut une heure et demie dans l'eau bouillante, pour extraire tous les composés sapides.


J'y pense : dans les phénomènes utiles à connaître, encore deux deux idées :
 - il y a une différence entre macération, à froid, infusion comme pour le thé, ou décoction comme le poivre qui bouillait
- attention aux "entraînements à la vapeur d'eau", qui font partir les composés odorants et autres, pour peu qu'ils aient une certaine volatilité : c'est ainsi que l'on récupère des composés odorants des végétaux dans l'industrie des parfums (voir mon livre Mon histoire de cuisine, où je donne des détails".



dimanche 28 avril 2019

A propos d'acide citrique

Parfois, il n'est pas utile d'ajouter grand chose à Wikipedia :




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Tract de Villejuif
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Une version du « tract de Villejuif »

Le tract de Villejuif est une liste fantaisiste, prétendument publiée par l'« hôpital de Villejuif » en France, et signalant faussement comme cancérigènes un certain nombre d'additifs alimentaires, tout particulièrement E330 (acide citrique). Elle a d'abord circulé sous forme de photocopies dans les années 1970. Bien que l'hôpital de Villejuif (l'Institut Gustave-Roussy, de son vrai nom) ait démenti à plusieurs reprises1 être à l'origine de ce document, cette légende urbaine se remet parfois à circuler épisodiquement, y compris de nos jours par propagation électronique2.
Historique

En juin 1975, les listes de la première nomenclature unifiée des additifs alimentaires pour les pays de la CEE sont publiées au Journal officiel. Les additifs y sont classés à l'aide d'un code « E plus trois chiffres ». En décembre, le magazine français Science et vie publie un tableau résumant et commentant cette codification, et classant 29 additifs comme « suspects » ou « dangereux3 ». L'acide citrique (E330) est présenté comme « suspect ».

En 1975, la CEE interdit aussi l'utilisation de neuf colorants alimentaires, mais suspend cette interdiction pour un an. Plusieurs organisations de consommateurs protestent et, au début de 1976, organisent un boycott de tous les colorants. En avril, le numéro de Que choisir est intitulé « Boycottez les colorants », et le magazine publie une liste de 107 colorants, en présentant 70 comme dangereux ou suspects3. L'acide citrique est à nouveau présenté comme « suspect. »
Une des premières versions, mentionnant Science et vie

Le premier exemplaire connu du tract a été publié en février 1976 en France, sous forme d'une page dactylographiée. Son auteur est inconnu. Il fait référence à l'article de Science et vie, mais pas encore à l'hôpital de Villejuif. Il classe les additifs alimentaires en « cancérigène », « suspect », ou « inoffensif ». Des versions successives indiquent « distribué à l'hôpital de Villejuif », « distribué par l'hôpital de Villejuif » et enfin « L'hôpital de Villejuif informe3... » Des détails fantaisistes sur les effets des additifs apparaissent, ainsi que des noms de marques à éviter. Lors d'un sondage de 150 ménagères, 19 % indiquent qu'elles ont arrêté d'acheter les marques en question, et 69 % envisagent de le faire4.

Des copies circulent à travers l'Europe pendant une décennie, sous la forme d'un tract ou d'un pamphlet, transmis entre amis ou collègues, citant outre l'acide citrique neuf autres additifs et une liste de produits décrits comme toxiques et cancérigènes5,6. La Grande-Bretagne est touchée en 1984, et le Danemark en 1989. En 1990, une version allemande du texte est diffusée parmi le personnel de la Commission européenne à Bruxelles3.

D'après Jean-Noël Kapferer, le tract attire l'attention d'experts lors de sa diffusion, qui le considèrent aussitôt comme suspect, en raison de la description incorrecte de l'E330 comme toxique cancérigène « le plus dangereux6 ». Mais les démentis officiels n'entravent pas sa diffusion7.

Le tract circule toujours en France en 2018 au travers des réseaux sociaux. Le 11 février 2018, le député MoDem du Loiret, Richard Ramos, invité par la chaîne de télévision France 5 à l’émission C Politique, brandissait encore une copie du tract pour étayer son réquisitoire véhément contre la grande distribution, en dénonçant la présence de l’additif E330 dans plusieurs échantillons qu’il avait apportés sur le plateau, sans mentionner et apparemment sans savoir qu’il s’agissait de l’acide citrique, et sans être contredit sur ce point par les invités et journalistes présents sur le plateau8.
Liste des éléments

Plusieurs versions de cette liste ont circulé, et les éléments varient entre le statut de suspect à dangereux selon les versions. La liste actuelle a été incluse dans au moins plusieurs versions9,10 :

    Toxique: E102, E110, E120, E123, E124, E127, E211, E220, E225, E230, E239, E250, E251, E252, E311, E312, E320, E321, E330 (Acide citrique, listé en tant que "très dangereux"), E407, E450
    Suspect: E125, E131, E141 , E142, E150, E153, E171, E172, E173 (Aluminium), E210, E212, E213, E214/E215, E216/E217, E221, E222, E223, E224, E226, E231, E232, E233, E240, E338, E339, E340, E341, E460 (Cellulose), E461, E462, E463, E464, E465, E466

Références

    ↑ Voir communiqué de l'IGR : http://www.igr.fr/?p_id=12 [archive]
    ↑ Florian Gouthière, Santé, science, doit-on tout gober ?, Paris, éditions Belin, novembre 2017 (ISBN 2410009301), chapitre 11.
    ↑ a b c et d Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard, Légendes urbaines - rumeurs d'aujourd'hui, documents Payot, (ISBN 2-228-88604-1), pages 264-267
    ↑ Anthony Pratkanis, Elliot Aronson, Age of propaganda: the everyday use and abuse of persuasion, Mcmillan, 2001, (ISBN 0-8050-7403-1), pages 111-112
    ↑ (en) J. N. Kapferer, « A Mass Poisoning Rumor in Europe », Public Opinion Quarterly, Oxford University Press on behalf of the American Association for Public Opinion Research, vol. 53, no 4,‎ winter, 1989, p. 467–481 (DOI 10.1086/269167, lire en ligne [archive])
    ↑ a et b (en) Jean-Noël Kapferer, Rumors: uses, interpretations, and images, New Brunswick (U, Transaction Publishers, 1990 (ISBN 978-0-88738-325-0, LCCN 89020413, lire en ligne [archive]), p. 35
    ↑ « Le retour du « tract de Villejuif » sur le Web » [archive], sur INC 60 millions de consommateurs, 25 février 2011
    ↑ Un député MoDem relaie en direct une fake news sur un additif «cancérigène» [archive], Le Parisien, 12 février 2018.
    ↑ https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tract_de_Villejuif_1.jpg
    ↑ http://penserclasser.files.wordpress.com/2011/02/capture-d_c3a9cran-2011-02-21-c3a0-16-26-50.png [archive]

    Portail de l’alimentation et de la gastronomie Portail de la médecine Portail du Val-de-Marne

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mardi 23 avril 2019

About the toxicity of potato peels, I was asked to give references, and here are some, with abstracts :


Regulatory Toxicology and Pharmacology 41 (2005) 66–72Potato glycoalkaloids and adverse eVects in humans: an ascending dose study, par Tjeert T. Mensinga et al. :

Glycoalkaloids in potatoes may induce gastro-intestinal and systemic eVects, by cell membrane disruption and acetylcholinesterase inhibition, respectively. The present single dose study was designed to evaluate the toxicity and pharmacokinetics of orally administered potato glycoalkaloids ( -chaconine and -solanine). It is the Wrst published human volunteer study were pharmacokinetic data were obtained for more than 24 h post-dose. Subjects (2–3 per treatment) received one of the following six treatments: (1–3) solutions with total glycoalkaloid (TGA) doses of 0.30, 0.50 or 0.70 mg/kg body weight (BW), or (4–6) mashed potatoes with TGA doses of 0.95, 1.10 or 1.25 mg/kg BW. The mashed potatoes had a TGA concentration of nearly 200 mg/kg fresh weight (the presently recognised upper limit of safety). None of these treatments induced acute systemic eVects. One subject who received the highest dose of TGA (1.25 mg/kg BW) became nauseous and started vomiting about 4 h post dose, possibly due to local glycoalkaloid toxicity (although the dosis is lower than generally reported in the literature to cause gastro-intestinal disturbances). Most relevant, the clearance of glycoalkaloids usually takes more than 24 h, which implicates that the toxicants may accumulate in case of daily consumption.


Perishables Handling Newsletter Issue No. 87, August 06,
A Review of Important Facts about Potato Glycoalkaloids
by Marita Cantwell
I give only the conclusion :
To avoid toxic levels of glycoalkaloids, potato cultivar selection is very important. However, improper postharvest handling conditions are the main cause of toxic levels in potatoes. To keep glycoalkaloid content low, store potatoes at lower temperatures, such as 7°C(45°F), keep potatoes away from light, market in opaque plastics films and paper bags, and rotate frequently on retail displays.


And also :
Current Research in Nutrition and Food Science   
A Review of Occurrence of Glycoalkaloids in Potato and Potato Products
DUKE GEKONGE OMAYIO et al

There has been increasing consumption of potato products such as French fries and crisps in most countries as a result of lifestyle change in both developed and developing countries. Due to their generally pleasurable taste and texture, they are appreciated by a high number of consumers  across the world, with the younger members of the population mostly those in the urban areas having
a higher preference. The hard economic situations have also driven many people to their consumption as they are affordable. Moreover, these products are convenient for the younger generation who do not prepare their own food. However, there have been food safety concerns that have been linked
in the past to glycoalkaloids in the raw potatoes that are used for processing. Potatoes are known to accumulate glycoalkaloids (GAs) during growth and postharvest storage. Some potato varieties have been shown to have high glycoalkaloids. These toxicants have been found to bioaccumulate
in the body especially if daily consumption of foods containing the glycoalkaloids are consumed. Glycoalkaloids lead to intestinal discomfort, vomiting, fever, diarrhea and neurological problems and can lead to human or animal deaths in cases of acute toxicity. Transportation, handling, poor
storage and exposure to sunlight during marketing of potatoes exposes consumers to potential risk of glycoalkaloids due to injury and greening which lead to increased levels of glycoalkaloids. Glycoalkaloids are quite stable and therefore, freeze-drying, boiling, dehydration or microwaving have got limited effect and thus persist through the processing conditions into the final products with the levels being proportional to the concentrations in the raw materials used. This current review focuses on the occurrence of glycoalkakloids in potato and potato products that are commonly consumed.


And there are hundreds of others saying the same !

lundi 22 avril 2019

J'ai des amis merveilleux... mais qui croient à l'homéopathie. Comment est-ce possible ?

J'ai des amis qui croient à l'homéopathie, et cela me peine :  ne comprennent-ils pas qu'ils font le jeu de malhonnêtes ?

Ce matin, m'est venue une hypothèse, afin comprendre pourquoi certains de mes amis, bien qu'intelligents, tombent dans le piège de l'homéopathie : je crois qu'il y a notamment une question de culture scientifique insuffisante.

Je m'explique, en partant de faits.
Donc, j'ai des amis qui sont intelligents, honnêtes, droits, travailleurs (dans leur métier ; permettez-moi de ne pas dire lequel, afin qu'ils ne se reconnaissent pas)... Bref, beaucoup de qualités. Mais, un "défaut" : ils croient à l'homéopathie, au point même d'être prosélytes. Bien sûr, je suppose que le débat sur l'inefficacité de l'homéopathie ne leur a pas échappé, mais je pense que :
1. voyant qu'il y avait des "pour" et des "contre"
2. observant que les deux camps reconnaissent un effet (les "contre" ont l'honnêteté de dire qu'il y a le même effet que tout placébo)
ils concluent en faveur de cette "médecine". D'ailleurs, après tout, ne voit-on pas ces produits exposés dans des pharmacies (qui sont donc complices des producteurs) ?

Pour certains, comme moi, la cause est entendue, et l'homéopathie n'est que du placébo, car  un produit ne peut pas agir s'il n'est pas présent ; or certaines dilutions homéopathiques sont telles qu'il y a  (bien) moins d'une molécule dans ces produits, de sorte qu'aucune action n'est possible. La  prétendue "dynamisation" ? Jamais établie, d'autant que le fouillis moléculaire l'éliminerait immédiatement.

Mais ce raisonnement n'est que ceux qui, comme moi, savent ce qu'est une molécule ! Or je suis heureux d'indiquer que le podcast d'AgroParisTech où j'explique ce qu'est un composé (http://www2.agroparistech.fr/podcast/Qu-est-ce-qu-un-compose.html) est un des plus regardé du site, et qu'il m'a valu des remerciements de nombreux amis du monde des métiers du goût. Lesquels ignoraient tout de cela, et découvraient des idées utiles pour interpréter les phénomènes qu'ils observent chaque jour dans leur cuisine.

Oui, je crois que c'est cela, l'origine de certaines croyances dans l'homéopathie : l'ignorance de la structure moléculaire et atomique de la matière, l'ignorance des règles de comportement des atomes et des molécules.

Et c'est donc pour mes amis que je prends un (précieux) moment, à expliquer maintenant toute cette affaire.  Partons de l'eau, pour commencer. D'un verre d'eau. C'est un liquide transparent, qui semble bien immobile si on ne le bouge pas.



Regardons-le avec une loupe : on ne voit rien de particulier.



Puis regardons avec un microscope : rien n'apparaît non plus.



Et regardons avec un super-microscope : toujours rien !



Pourtant, si nous déposons très délicatement une goutte d'encre ou un cristal violet de permanganate de potassium au fond du verre, nous voyons un halo coloré se répartir dans le verre. Mystère !  Oui, mystère quasiment au sens étymologique du terme : comment est-il possible que le permanganate ou l'encre soient ainsi mis en mouvement, alors que tout semblait immobile ?
C'est là la merveilleuse découverte de la chimie de la fin du 19e siècle : l'eau est faite d'objets tous identiques, nommés "molécules" :



Et, contrairement à l'image précédente, contrairement à l'image suivante, les molécules sont des objets tous en mouvement, avec une vitesse moyenne de 400 mètres par seconde !

Oui, l'eau grouille, et l'on a une meilleure idée avec une vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=x8Atqz5YvzQ
où les mouvements sont considérablement ralentis !

Avec cette image, on comprend l'expérience de la goutte d'encre et du permanganate de potassium : initialement, les molécules de l'encre, ou les ions potassium et permanganate respectivement, sont groupés. Mais les molécules d'eau qui viennent les heurter, d'innombrables fois, les dispersent progressivement. 
Ah, j'oubliais, et le "d'innombrables" m'y fait penser  : je n'ai pas dis que, dans un verre d'eau, il y a environ un million de milliards de milliards  de molécules d'eau !

Mais revenons à l'homéopathie, munis de ces connaissances

Les médicaments n'agissent évidemment que s'ils sont présents : en général, ils ont des "récepteurs" dans l'organisme, c'est-à-dire qu'ils viennent se lier à des protéines (le plus souvent), comme des clés viennent se loger dans des serrures. Et quand la bonne clé vient dans la bonne serrure, alors il y a une action dans l'organisme.
De sorte que l'on comprend que, quand il n'y a pas de clé, il n'y a pas d'action : quand il n'y a pas de molécule d'un composé, il ne peut pas y avoir d'action. 
Et c'est là où le bât blesse, à propos de l'homéopathie : les dilutions sont si grandes qu'il n'y a pas de molécules actives, mais seulement des molécules de l'excipient : de l'eau ou du  sucre, par exemple. Oui, comment un produit pourrait-il agir s'il n'est pas présent ?
Certains partisans de l'homéopathie répondent en invoquant une prétendue "dynamisation", tout comme on l'entend à propos de la méthode de culture nommée "biodynamie", où l'on est replongé au Moyen Âge, avec des effets qui résulteraient du mouvement d'un fer dans de la bouse, à condition d'être fait sept fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Et puis quoi, encore ? Pourquoi pas l'imposition des mains, la divination, les tables tournantes, les fantômes, les feux follets, les soucoupes volantes, et j'en passe et des meilleures ?
Le bon Cyrano de Bergerac, déjà, disait : "On ne m'a quasi jamais relaté aucune histoire de Sorciers, que je n'aye pris garde qu'estoit ordinairement arrivée, à trois ou quatre cent liëues delà".
Et cela reste vrai aujourd'hui : on m'a parlé de rebouteux, et, le jour où je me suis foulé le pied dans le Tarn, il y en avait un a un diner, qui a voulu me rétablir ; je me suis laissé faire sans y croire, et le lendemain, j'étais quand même à l'hôpital. Tout comme les baguettes de sourcier : les expériences que nous avons faites à la revue Pour la Science ont montré... qu'il n'y avait aucune action. Les tables tournantes ? Le chimiste Michel Eugène Chevreul, par exemple, les a réfutées, tout comme le chimiste Michael Faraday. Et ainsi de suite, mais l'hydre repousse ses têtes, et il vaut donc mieux s'interroger pour comprendre comment des gens "intelligents" peuvent tomber dans le panneau. D'autant que, souvent, ce sont les mêmes qui croient à l'homéopathie ou aux tables tournantes, et autres prétendus effets !
La prétendue dynamisation, pour y revenir ? Au moment de l'affaire de la mémoire de l'eau, j'ai rencontré un illuminé qui me prétendait que si l'on mettait, dans un circuit électrique, de l'eau et de l'acide cyanhydrique dans une ampoule fermée, alors le poisson passerait dans une autre ampoule ne contenait que de l'eau. J'ai fait l'expérience et j'ai bu l'eau de l'autre ampoule... mais je suis bien vivant !
Alors la prétendue dynamisation ? J'espère que la vidéo des molécules d'eau fera comprendre que toute action locale (qui ne peut être qu'un mouvement des molécules) sera perdu immédiatement. Surtout  : ces "effets prétendus", de quelle nature seraient-ils ?
Évidemment, il y a le nombre sept, qui est un nombre premier... mais ce n'est au fond qu'un nombre premier. Et les nombres premiers n'ont jamais tué personne... ni dynamisé quoi que ce soit.

Tout cela pour dire que nous nous essoufflons à vouloir réfuter nos amis qui ont des prétentions exorbitantes. Au fond, ne devons-nous pas seulement leur demander la preuve de ce qu'ils avancent ? De vraies preuves, et pas des "on dit que" comme ils nous l'assènent ? Laissons-les passer leur temps à chercher des "preuves", si cela les tente, mais quelle folie ! 
Alors qu'il y tellement mieux à faire, à découvrir les véritables beautés de ce monde. Oui, utilisons notre temps à l'école, à faire comprendre que les sciences de la nature sont merveilleuses, à faire comprendre que Jean-Sébastien Bach fut un génie, pour des raisons techniques et artistiques qu'il faut prendre le temps d'admirer, que Léonard de Vinci fut un personnage vraiment extraordinaire, que Friedrich Gauss fut un génie, que Rabelais fut un homme d'un art accompli...





PS. J'ajoute que la religion est un facteur qui peut contribuer à croire à des effets "miraculeux" : les textes religieux ne font-ils pas états de "miracles" ?




samedi 20 avril 2019

Je vous présente l'acide lactique

Je vous présente l'acide lactique  : dans la série des acides alimentaires, nous avons considéré l'acide acétique, celui du vinaigre, mais encore l'acide tartrique, que l'on trouve dans les vins, l'acide citrique, que l'on trouve notamment dans les citrons, mais aussi les oranges et bien d'autres citrus, et, plus généralement dans l'ensemble des végétaux mais en des quantités moindres. Et je vous parlerai un de ces jours de l'acide ascorbique, de l'acide succinique, par exemple.
Mais aujourd'hui, c'est l'acide lactique qui nous retiendra. Pour ce dernier, le nom indique bien qu'il a un rapport avec le lait, mais les sportifs savent que c'est son accumulation dans les muscles qui conduit aux crampes et aux courbatures. Car il est exact que cet acide est un produit du métabolisme, c'est-à-dire du fonctionnement des organismes vivants.
La relation avec le lait ? Dans le lait, il y a un sucre, un cousin du sucre de table, nommé lactose, à la saveur bien différente du sucre de table, ou saccharose. Le lactose  contribue à la saveur douce du lait.
Toutefois, comme le lait est un bon milieu nutritif, il est rapidement colonisé par certaines bactéries de l'environnement, nommées d'ailleurs bactéries lactiques, qui consomment le lactose et produisent de l'acide lactique. C'est cet acide qui est à l'origine de  la saveur aigrelette des  yaourts... et aussi de leur consistance : l'acidification progressive du lait conduit à son caillage, par coagulation des protéines nommées caséines. Il n'y a pas besoin ajouter quoi que ce soit au lait, cette fermentation se fait spontanément repose à l'air libre, et l'acide lactique contribue d'ailleurs à protéger le lait caillé contre l'arrivée d'autres micro-organismes qui pourraient être pathogènes. Cela ne signifie pas que le lait caillé soit d'une sécurité absolue, mais c'est déjà un bon début.

L'acide lactique ? Sous forme pure, il se présente sous la forme de petits cristaux blancs, tout comme le sucre de table, et il se dissout parfaitement dans l'eau, ce qui conduit à une solution acidulée. Sous forme solide,  il se stocke parfaitement, pendant très longtemps, sans nécessité de froid, tout comme le sucre d'ailleurs... et en vous disant cela, je m'aperçois que je n'ai pas de pot d'acide lactique dans ma cuisine : je vais remédier à cela immédiatement.
Ah, j'oubliais : il est accepté comme additif, sous le code E270, et il coûte environ 1500 euros par tonne, soit 1,5 euro par kilogramme.


vendredi 19 avril 2019

La répétition des expériences ?

Nous sommes bien d'accord que les expériences doit être répétées, ce qui est un petit minimum pour avoir des validations de nos résultats. Répétition ? Reproduction ? Et les validations ?
Une répétition, cela peut être, en musique ou pour le théâtre, une première production de la pièce... et l'on voit mal pourquoi on ne pourrait conserver cette acception pour les sciences de la nature. Mais, tant que l'usage n'est pas là, il y a lieu de penser que c'est une deuxième expérience analogue à la première. Analogue ou identique ? On observera tout d'abord, avec Héraclite, que l'eau qui coule n'est jamais la même ("tu ne te baigneras jamais dans le même fleuve"). C'est donc une reproduction éventuelle à l'analogue, et jamais à l'identique. Ce qui peut paraître une fioriture terminologique est en réalité essentiel, car je vois des collègues plus jeunes vouloir faire la même chose plusieurs fois de suite, ou bien en parallèle. C'est évidemment mieux que s'ils ne faisaient qu'une seule mesure, notamment parce que cela donne des confirmations et une information sur la dispersion des résultats de mesure. Mais pourquoi se priver de possibilité d'améliorer un protocole ? Pourquoi serions-nous condamnés à répéter une expérience un peu médiocre,  non que l'on ait mal fait, mais plutôt qu'il est bien difficile d'arriver immédiatement un protocole idéal, parfait.
Ne vaut-il pas mieux tirer des enseignements d'une première expérience pour chercher, dans une nouvelle expérience, à obtenir le même résultat, mais mieux ? Il y a des discussions interminables entre les partisans des deux manières, certains disant qu'il faut reproduire toutes choses égales par ailleurs, et il est vrai que si l'on veut une  mesure de la dispersion des résultats d'un protocole particulier, c'est ce protocole, et pas un autre, qui doit être mis en oeuvre plusieurs fois de suite.

Mais, dans notre discussion, je crois que la question est surtout celle de l'objectif :  que voulons-nous ? que cherchons-nous à obtenir. La réponse est : le résultat le meilleur possible. Et c'est pour cette raison que je suis partisan de faire les expériences successivement, en améliorant -si possible- chaque fois. Bien sûr, il ne faudra pas ensuite prétendre que l'on aura fait trois fois la même chose, mais pourquoi ne pas dire simplement que nous avons cherché à améliorer, et interpréter les résultats en fonction ?




Retrouver l'ensemble des textes sur les bonnes pratiques en science sur :
http://www2.agroparistech.fr/A-propos-de-la-repetition-des-experiences.html






mardi 16 avril 2019

On me demande d'expliquer ce que sont les "protéines"

 Je vous présente les protéines, donc.  Et je commence en m'apercevant qu'il y a des abus de langage qui conduisent à des incompréhensions. Par exemple, alors que je demande à des personnes qui s'occupent d'une tante âgée de lui faire manger des protéines, je vois que ces personnes ne comprennent pas que je veux dire par là qu'il faut préparer des viandes, des poissons, etc. Et c'est le "etc." qui est ambigu, parce que, en réalité, les protéines se trouvent effectivement dans des viandes, des poissons, les oeufs, du lait, des fromages, mais aussi dans des produits dérivés de ces ingrédients ; on en trouve aussi dans les légumineuses, mais également dans la farine... En revanche,  il y en a très peu dans les fruits les légumes.
Avec la cuisine note à note, le problème de bien comprendre ce que sont les protéines se pose à nouveau,  car, quand on parle d'un dirac exemple, qui est fait de protéines et d'eau,  nos amis n'imaginent pas ce que sont les protéines qu'il faut mêler à l'eau.

 Commençons donc par présenter expérimentalement ces composé,  par exemple en partant d'un blanc d'oeuf que l'on sèche (dans un bol, à four très doux) : on récupère un solide jaune, qui, divisé, forme une poudre blanche.
Avec les viandes ou les poissons, une deuxième expérience permet d'extraire des protéines d'une autre sorte : la gélatine. Ainsi, si l'on cuit longuement des tissus animaux (muscles, tendons, peau, os...),  alors on récupère un bouillon qui   gélifie quand il refroidit. C'est d'ailleurs ainsi que l'on obtenait la gélatine jadis, à partir du pied de veau. La gelée très ferme qui est obtenue, peut être séchée, formant une poudre ou des feuilles selon la manière dont on s'y prend pour les préparer. La gélatine est également une protéine, mais d'un type différent des protéines musculaires.
Plus généralement, il y a de nombreux procédés pour extraire les protéines des tissus animaux ou des tissus végétaux comme ceux des légumineuses, plantes qui produisent plus que d'autres des protéines. Dans tous les cas, après extraction, on récupère le plus souvent des poudres blanche quand elles sont raffinées, et c'est ainsi que l'on peut obtenir aujourd'hui -cela s'achète à la tonne-  des protéines de viande, de poisson, de lait,  de pois, d'oeuf, de soja, de chanvre, etc.

A l'emploi, maintenant

Si l'on ajoute de l'eau à ces poudres, on obtient des solides mous.Par exemple, si on met 10 pour cent de protéines de blanc d'oeuf avec 90 pour cent d'eau que l'on chauffe, alors on obtient ce solide mou qu'est le blanc d' œuf cuit sur le plat. Si l'on mêle jusqu'à 20 ou 30 pour cent de protéines avec de l'eau, alors on obtient en cuisant la consistance d'un steak,  et si l'on augmente encore la proportion de protéines, alors on peut avoir quelque chose de vraiment très dur.
Il faut quand même ajouter que toutes les protéines ne coagulent pas. Ou du moins pas comme les protéines du blanc d'oeuf que nous venons d'évoquer. Par exemple, si l'on met de la gélatine dans l'eau et que l'on chauffe, on obtient alors un liquide, et pas un solide mou. En revanche, au refroidissement, alors ce liquide prend en gelée, formant un solide mou comme le blanc œuf cuit sur le plat. Autre exemple :  celui du lait, dont toutes les protéines ne coagule pas comme celles du blanc d'oeuf. Il y a d'une part les protéines sériques qui forment la peau coagulées que l'on voit sur du lait cru que l'on cuit, mais les autres protéines, les "caséines", ne coagulent que dans les circonstances différentes  : par l'ajout d'un acide ou de présure, et, cette fois, la coagulation se nomme caillage, et ce sont les fromages que l'on obtient, lesquels sont également des solides mous. 


 Et d'un point de vue moléculaire

Les chimistes, ceux qui pratiquent cette science qu'est la chimie, se sont demandés depuis longtemps quelle était la constitution de cette matière qu'est celle des protéines. Et c'est ainsi que, au terme d'une longue histoire, on a découvert que les protéines sont des "polymères", c'est-à-dire de très grosses (par rapport à la molécule d'eau, par exemple) molécules, comme des fils, ou plus précisément des chaînes d'arpenteur dont les maillons sont des "résidus d'acides aminés".
Certaines protéines ont des molécules repliées sur elles-mêmes comme des pelotes (protéines dites globulaires), tandis que d'autres sont étendues, par exemple les molécules de collagène, qui fait le tissu collagénique des cellules musculaires.
Et là, il y a des phénomènes merveilleux, mais je ne peux pas entrer dans les détails : vive la chimie !



J'oubliais : notre organisme, fait de divers tissus musculaires, est principalement composé d'eau et de protéines, dont la proportion atteint environ 25 pour cent.

lundi 8 avril 2019

Pourquoi les diverses graisses ne fondent pas à la même température

Les question ne cessent d'arriver par email, mais je ne suis pas toujours parfaitement libre pour y répondre. Heureusement, vient le week-end, où je peux rattraper mon retard. Et, cette semaine, une question sur les graisses :

Pourquoi les graisses ne fondent-elles pas toutes à la même température ? 

La question est d'autant plus intéressante que les publicités qui nous submergent ne cessent d'induire le public en erreur : contrairement à ce qu'elles mentionnent, il n'y a pas d'acides gras dans les matières grasses, huiles ou graisses végétales ! Ou, plus exactement, quand il y en a (jusqu'à environ 5 % dans les pire cas), c'est le signe que la matière grasse n'est pas bien raffinée, ou bien qu'elle a été dégradée.


Mais commençons par expliquer ce dont il s'agit, en partant d'une huile bien raffinée. 

C'est alors un liquide transparent, quasi incolore, fait de molécules qui sont quasiment toutes des "triglycérides", à savoir des assemblages d'atomes de carbone, d'atomes d'hydrogène et d'atomes d'oxygène.



Plus précisément, pour la molécule d'un "triglycéride saturé", trois atomes de carbone liés sont ensuite chacun liés à un atome d'oxygène, qui est lui-même lié à un autre atome de carbone qui est, d'une part, lié à un atome d'oxygène, et, d'autre part, lié à un chaîne d'atomes de carbone qui sont chacun liés à deux atomes d'hydrogène, sauf à l'extrémité de la chaîne, le dernier atome de carbone est lié à trois atomes d'hydrogène, et non deux.



Ces molécules sont très nombreuses :  dans une bouteille d'huile, il y en a environ cent millions de milliards de milliards.


Mais la description que je viens de donner est simpliste, parce que, en réalité, il y a des triglycérides variés : au lieu d'avoir cent millions de milliards de milliards de molécule d'une seule sorte, il y a des millions de milliards de molécules d'environ 400 millions de sortes différentes. Toutes ont en commun cette structure particulière, avec trois atomes de carbone auxquelles sont liées les structures présentées précédemment. Et comme on peut synthétiser chimiquement ces molécules à l'aide d'un composé nommé glycérol et de composés nommées acides gras, ou glycérides, on nomme triglycéride les molécules des matières grasses. D'ailleurs, on peut également dégrader les triglycérides en glycérol et acides gras, par exemple.
Le glycérol ? C'est le "sucre" le plus simple, avec, donc, trois atomes de carbone qui sont chacun liés à un atome d'oxygène liée à un atome d'hydrogène, et aussi à des atomes d'hydrogène, de sorte que le total de la liaison de chaque atome de carbone avec des atomes voisins soit de quatre.



Quant aux acides gras, ils sont tous faits d'un atome de carbone qui est lié à un atome d'oxygène, à un autre atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène, et à un enchaînement d'atomes de carbones qui ne sont liés, eux, qu'à des atomes d'hydrogène.







Mais il faut le répéter : les matières grasses alimentaires ne contiennent que très peu de glycérol et d'acides gras, et elles sont majoritairement faites de molécules de triglycérides. C'est un abus de langage dommageable que de dire qu'il y a des acides gras dans les matières grasses alimentaires. Et c'est cet abuse de langage qui impose de parler d'acides gras libres, pour les acides gras qui existent réellement, dans des matières grasses de mauvaise qualité.


Tout cela étant expliqué, nous pouvons maintenant nous préoccuper de la fonte des graisses solides, ou, inversement, de la solidification des matières grasses liquides. 

L'expérience fondatrice est facile à faire : il suffit de mettre une bouteille d'huile dans un congélateur  : quand l'huile est refroidie à la température du congélateur, elle est alors solide, blanche et opaque. En effet, les molécules  sont des objets qui bougent, s'agitent, vibrent... d'autant plus rapidement qu'ils ont plus d'énergie, ce qui revient à dire d'autant plus que leur température est élevée. Et c'est ainsi que, quand on refroidit, les molécules ralentissent, et viennent s'empiler les unes sur les autres, formant des "cristaux" dont l'assemblage devient blanc comme la neige (qui est faite de cristaux, par empilement des molécules d'eau).
A ce stade, manque encore une information : les molécules de triglycérides s'attirent très légèrement, avec une force qui dépend de leur constitution moléculaire particulière.
Et c'est ainsi, par exemple, que si l'on ne considère que des matières grasses "saturées", comme celles que nous avons décrites précédemment, l'empilement se fait à température plus basse pour les petits triglycérides. En effet, imaginons deux groupes de triglycérides à la même température : un groupe avec des petites molécules, et un groupe avec des molécules plus grosses (plus d'atomes de carbone dans les "résidus d'acides gras"). Comme l'énergie d'une molécule correspond à son mouvement, la vitesse des petites molécules est supérieure. Cela signifie que leur mouvement vaincra plus facilement les forces d'attraction entre les molécules, et que ces petites molécules figeront plus difficilement.

Ce qui est dit de la taille des molécules de triglycérides n'épuise pas le sujet : pour l'instant, nous n'avons évoqué que les triglycérides "saturés", et pas les triglycérides "insaturés", pour lesquels  les chaînes d'atomes de carbone sont moins flexibles pour des raisons que nous n'expliquerons pas ici.  De ce fait, les empilements sont plus difficiles, et il faut donc refroidir davantage pour arriver à les empiler en solides. De fait, l'huile d'olive, qui contient beaucoup de ces triglycérides insaturés, fige à plus basse température que la matière grasse d'origine animale, qui contient  des  triglycérides saturés.

Hopla!


Et si voulez en savoir plus : 
E.W. Hammond, in Encyclopedia of Food Sciences and Nutrition (Second Edition), 2003.
H.D. Belitz, W. Grosch, P. Schieberle, Food Chemistry, Springer Verlag.
Hervé This, Mon histoire de cuisine, Editions Belin.


dimanche 7 avril 2019

Le goût des pâtés lorrains

On m'interroge sur le pâté lorrain, et son goût, parce que j'avais évoqué la question. L'histoire (vraie) est la suivante, et la conclusion invite à des travaux supplémentaires, comme on va le voir.


 Le pâté lorrain, ou vosgien, tout comme la tourte alsacienne, sont des souvenirs d'enfance.  Enfant je me vois le dimanche, un peu avant midi, revenant de chez le pâtissier, où j'avais été chercher un pâté pour la famille. Le pâté était chaud sorti du four, et j'avais cette odeur extraordinaire. Et je sens encore le goût de ce pâté particulier que nous servait en entrée ma grand-mère.
Bref, ce pâté lorrain est merveilleux. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il faut savoir que c'est un fond de pâte brisée, sur lequel vient une farce mi veau mi port, le tout couvert d'un feuilletage. La farce, elle, est faite  au couteau, et la viande est marinée avec du vin d'Alsace blanc, un peu d'oignons, d'ail, de noix muscade, de cumin, de cannelle, de gingembre, du persil, sel et poivre. Bien sûr, il y a des cheminées dans la partie supérieure, afin que la vapeur formée puissent s'échapper sans faire éclater le feuilletage. Souvent, on y met une rondelle de feuilletage, pour agrémenter, et une carte roulée y demeure pendant la cuisson, afin que l'ouverture ne se referme pas.

Pendant des années, le dimanche soir, j'ai refait ce pâté pour ma famille, changeant les proportions des ingrédients, les durées de marinade, la température de cuisson... mais je n'avais jamais le goût du pâté de mon enfance, et c'est ainsi que j'avais fini par croire que l'ingrédient essentiel qui manquait était... ma grand mère !

Jusqu'à ce jour où un de mes amis pâtissiers m'a servi un pâté lorrain où j'ai retrouvé le goût perdu ! Passé le moment de la dégustation, je l'ai entrepris sur sa recette, afin de savoir enfin quel ingrédient mystérieux manquait dans la mienne. Et tout était pareil : la pâte, les viandes, la marinades, les aromates... Tout, même la température de cuisson, et j'étais bien perplexe. Je récapitulais devant lui le protocole, et terminais par "Et on cuit donc environ 30 minutes à 180 °C".  "Ah non, me dit-il : moi, je cuis plus d'une heure".

 Cette différence expliquait-elle la différence de goût ? Par hasard, à cette même époque, je fus invité à parrainer une promotion du lycées hôtelier de Metz, et j'eus l'occasion de collaborer avec un enseignant meilleur ouvrier de France en charcuterie, qui accepta de préparer plusieurs pâtés identiques qui furent cuits pendant des temps différents : 30 minutes, 45 minutes, 1 heure, 1 heure et 15 minutes... Et le goût particulier du pâté lorrain n'apparaît environ qu'après une heure de cuisson. La chose est maintenant assûrée, mais une question se pose : pourquoi cette longue cuisson fait-elle apparaître ce goût particulier ?
A ce jour, je n'en ai aucune idée !





Question de crème pâtissière et de crème d'amandes

Ce matin, une question par Twitter :


Pour une crème pâtissière, on blanchit les oeufs avec le sucre, mais pour une crème d'amande, on blanchit le beurre avec le sucre en premier avant d’incorporer les oeufs. Je me demandais pourquoi on ne blanchit pas toujours les oeufs avec le sucre ? ordre = texture?



Commençons par donner le lien vers le Glossaire des métiers du goût, pour bien être sûr de savoir de quoi l'on parle :  http://www2.agroparistech.fr/Glossaire-Lettre-C.html

Je complète cela avec les recettes du Pâtisserie moderne, de Darenne et Duval :

Crème d'amandes fine : piler ou broyer 500 g d'amandes émondées et séchées avec 500 g de sucre, ajouter 500 g de beurre et 8 oeufs entiers ; travailler au mélangeur pour la faire monter et la rendre plus légère.
Crème d'amandes ordinaire : 250 g sucre, 6 oeufs et 4 jaunes, 200 g farine, 1 L lait ; cuire et mélanger à froid avec 150 g d'amandes en poudre fine, quelques gouttes d'essence d'amandes amères.

Crème pâtissière :  500 g sucre en poudre travaillé dans une terrine avec 12 jaunes d'oeufs ; ajouter ensuite 100 g farine, vanille, un grain de sel, 1 L de lait bouillant ; faire donner un bouillon sur le feu en remuant avec une spatule pour éviter d'attacher.

Cela étant, dans un Larousse, je trouve pour la crème pâtissière : Cuire fécule et la moitié du sucre avec du lait, vanille. A part, battre jaunes d'oeufs et reste du sucre. Arroser avec lait en fouettant. Cuire, refroidir, introduire le beurre en fouettant.

On observe une différence essentielle entre les deux crèmes (telles que données dans ce livre !) : la cuisson pour la pâtissière, mais pas pour la crème d'amandes ! Et cela s'accompagne évidemment d'une cuisson des oeufs.



Mais nous risquons de nous perdre dans les variations des recettes, les idiosyncrasies des pâtissiers, chacun donnant sa version. Il vaut mieux rester à des principes simples, à savoir qu'une des questions est d'obtenir un foisonnement. 

Commençons avec la crème anglaise, que l'on fait avec jaunes et sucres, que l'on bat : le blanchiment correspond à l'introduction d'une myriade de bulles d'air dans l'eau des jaunes (le sucre se dissout dans cette eau), qui forment donc un système assez stable pour résister à la cuisson avec le lait, comme je l'ai établi lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire : un test sensoriel a clairement établi la différence, avec un moelleux bien supérieur des crèmes anglaises où le "ruban" (le foisonnement initial) avait été fait.
Pour une crème pâtissière, je n'ai pas fait l'expérience, mais je prends le pari que l'ajout de farine ou de fécule ne changera rien à l'affaire.
D'autre part, pour les crèmes aux amandes, il y a la crème fine, qui contient du beurre... et là, on gagne à savoir que  le beurre peut être foisonné, quand on lui ajoute un liquide, mais que l'on peut aussi y disperser un liquide, sans faire de mousse.Tout dépend donc de ce que l'on veut obtenir.

Plus exactement, les principes sont :
- du jaune battu peut foisonner (faire une  mousse), et le sucre contribue à la faire tenir
 - du beurre où l'on bat un liquide (du lait, du café...)  fait un système de type émulsion eau dans huile, plus lisse, plus "crémeux"
- si l'on chauffe du beurre avec un liquide, on obtient une émulsion, qui, si elle est ensuite foisonnée tout en refroidissant, conduit à du "beurre chantilly", très foisonné, comme une crème Chantilly
- la poudre d'amandes apporte un peu d'eau, de la matière grasse, des particules solides

Et je conclus qu'il est temps de ne plus suivre des recettes mais de comprendre ce que l'on fait, pour décider des propriétés des préparations que l'on souhaite obtenir : en me souvenant des principes ci dessus, je peux faire des combinatoires variées, obtenir des textures variées.