mardi 2 septembre 2014

Je saurai attendre pour boire mes vins d'Alsace.

Cet été, mes amis viticulteurs, en Alsace, m'ont fait goûter des vins d'Alsace vieux (1996, par exemple).
Stupéfaction !  Dans les années 1960 ou 1970, les vins étaient souvent trop soufrés, et ils donnaient parfois mal au crâne. Mais ils se conservaient encore mal. Cette fois, la démonstration était faite que la conservation n'était plus un problème, au contraire !
Les gewurtztraminer, souvent un peu doux, avaient perdu cette rondeur de jeunesse pour prendre une corpulence parfaite, qui laissait voir les véritables formes élégantes du cépage. Mieux, les riesling, que je trouve souvent faibles quand ils sont jeunes, avaient pris un merveilleux caractère, tout d'élégance.

Décidément, merci à mes amis viticulteurs : mon idée est changée. Du coup, toutes mes bouteilles de vin d'Alsace sont partis dans la rangée inaccessible, celle de derrière, pour attendre dix ou vingt ans, voire plus.
Je ne boirai plus de vins d'Alsace jeune : je saurai attendre !

vendredi 29 août 2014

Si la notion de molécule est inconnue du public, comment celui-ci pourra-t-il décider raisonnablement de l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés ?


Dans un billet précédent, je discutais ce fait essentiel : les « petits marquis » (on pourrait dire aussi « les intellectuels coupés du reste du monde ») que sont certains d'entre nous doivent être conscients que, en première approximation « le monde » ne comprend pas ce qu'ils font. Je ne dis pas, évidemment, avec morgue ou supériorité, que le public est ignorant, mais je dis qu'il ne connaît pas les sciences. Il a pourtant d'autres connaissances. Par exemple, un confiseur sait parfaitement le degré exact de changement de la matière qu'il travaille, quand il fait un fondant... mais il ne sait pas résoudre des équations ; et, inversement, un physicien serait bien incapable de faire un feston en sucre filé. De même pour un ébéniste, un garagiste...
Toutefois c'est un fait que notre monde est plein de techniques avancées, pour lesquelles des choix doivent être faits collectivement. Et c'est un fait que les objets techniquement avancés ne sont « compréhensibles » que si l'on dispose de connaissances scientifiques que peu ont, malgré les efforts admirables de l'Education nationale.

Bref, le public connaît mal les sciences et les technologies : c'est un fait. Or, dans un billet précédent, j'avais pris l'exemple de la différence entre composé et molécule, très généralement incomprise en dehors du cercle des chimistes. Nous devons tirer les conséquences de l'observation selon laquelle cette différence n'est pas comprise/connue : si le public ignore ce qu'est une molécule, comment pourrait-il comprendre ce qu'est l'ADN ? Du coup, comment peut-il comprendre ce que sont les OGM ?
Et si le public ne « comprend » pas ce que sont les OGM, comment peut-il rationnellement refuser une technique qu'il ignore (car beaucoup « refusent » l'utilisation des OGM, ou des PGM (plantes génétiquement modifiées)) ?
Soyons plus positifs : comment expliquer à notre entourage ce qu'est l'ADN, afin que les décisions prises collectivement le soient en connaissance de cause  ?

L'ADN étant une molécule dans une cellule, l'expérience semble devoir montrer qu'il faut d'abord expliquer ce qu'est une cellule. Je ne suis pas certain  (on aura compris qu'il s'agit là d'une figure de rhétorique) que l'ensemble de nos concitoyens savent que les levures (pas les poudres levantes !) sont des cellules, de petits sacs vivants ! Vivants ? L'explication est difficile mais on n'aurait pas tort, je crois, de commencer par dire que la possibilité d'une reproduction est essentielle. Évidemment je n'utiliserais pas le mot « reproduction » si je veux me faire comprendre, parce qu'il a plus de trois syllabes, et je préfère me contenter de dire qu’une cellule est un objet petit, visible au microscope et qui, à la bonne température et en présence de nutriments (là, il faut expliquer), grossit, grossit encore, puis se divise en deux objets identiques au premier. Mieux encore, je ne crois pas inutile de montrer, encore et encore, des images de cette division ou, mieux, des films ! Par exemple, j'ai trouvé ceci : www.snv.jussieu.fr/vie/images_semaine/imagealaune_38/imagealaune_38.html

Cela étant fait, sans oublier notre objectif (expliquer ce qu'est l'ADN), pourquoi ne pas nous limiter, dans un premier temps, à interroger nos amis -au lieu de leur déverser des connaissances ex cathedra-  en leur demandant comment la division qu'on leur a montrée a pu avoir lieu ?
La notion de molécule étant acquise (voir le billet antérieur), ne pourrait-on alors indiquer (OK, le chemin est long) comment un simple bricolage permettrait de construire une cellule, par exemple à l'aide de ces molécules de lécithine, dont on pourrait faire une vésicule ? Puis, d'autre part, à partir  de l'idée de molécules, ne pourrions-nous pas arriver à celle d'ADN, et, mieux encore, à celle d'ADN auto reproducteur ? Il resterait alors à mettre un ADN auto reproducteur dans une vésicule auto reproductrice et l'on aurait...  l'objet que  je rêve de voir un jour, à savoir une cellule vivante artificielle.
Je sais qu'un tel exploit ne réfutera pas le vitalisme, mais en associant la présentation de cette réalisation à des idées sur le mouvement moléculaire d'origine thermique, je crois que nous aurions avancé.

dimanche 17 août 2014

La loi n'est pas la fin de la science



L'avantage, quand on est « insuffisant », c'est que l'on a la possibilité de s'améliorer. L'avantage, quand on n'a pas de maître, c'est que, certes, on fait des erreurs qu'il nous aurait peut être évitées, mais que, si l'on traque le « symptôme », on peut progresser.
Je me souviens ainsi d'un jour où je lisais un manuscrit d'article scientifique qu'une revue m'avait demandé de « rapporter ». Je lisais donc d'abord l'introduction, m'assurant que la question posée était claire, que la bibliographie avait été bien faite. Puis je regardais attentivement la partie « Matériels et méthodes », afin de m'assurer que les informations étaient suffisantes, que toutes les précautions méthodologiques avaient été bien prises par les auteurs. Je passais aux résultats, et m'assurais que rien d'exagéré n'était produit, que les résultats correspondaient donc bien aux méthodes mises en œuvre, que le traitement statistique était bien fait. Puis je lus la discussion, pour voir si tout était cohérent.
Tout allait bien. Certes, il y avait des détails à corriger, mais rien de bien grave... sauf que je trouvais l'article médiocre.
Logiquement, j'aurais dû dire à l'éditeur que l'article était acceptable, mais quelque chose me retenait. Quoi ? Je ne savais pas. De sorte que je décidais de lire une fois de plus, et je ne retrouvais que bien peu de choses supplémentaires à corriger. Je mis le manuscrit dans mon cartable, et décidai de laisser passer la nuit.
Le lendemain matin, dans l'autobus, je le sortis de mon cartable, je le relus... et tout s'éclaira ! Les auteurs avaient caractérisé un phénomène, et ils n'avaient en réalité pas considéré les mécanismes compatibles avec les lois qu'ils avaient dégagées ! Ce n'était donc pas un travail scientifique, en quelque sorte, mais seulement une étape sur le chemin scientifique.
A la réflexion, ma réaction était injuste* : tout ce qui figure sur le chemin de la science (observation de phénomènes, caractérisation quantitative, réunion des mesures en lois synthétiques, recherche de mécanismes, prévision théorique, test expérimental de ces prévisions) est un bout de science, et mérite donc publication, parce que cela fait avancer le travail.


* En réalité, pas complètement : ajuster des données par une fonction, comme les auteurs l'avaient fait, nécessite d'avoir une raison de choisir cette fonction particulière !


vendredi 15 août 2014

Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?


Quand  on effectue des travaux scientifiques, la question posée en titre s'impose à nous à chaque instant.

Un exemple récent : un étudiant en stage au laboratoire devait utiliser de l'acétaldéhyde pour une expérience. Il avait prévu de peser une certaine quantité d'acétaldéhyde, de la mêler à une certaine quantité d'eau en vue d'une expérience ultérieure.
Tout cela semble bien anodin, mais quand on manipule des quantités aussi petites que des milligrammes, ce qui est à peine pesable sur des balances de grande précision, tout ce complique. En particulier, notre ami ignorait que l'acétaldéhyde peut s'évaporer,  de sorte que la quantité finalement présente au cours de l'expérience  pouvait différer notablement de  celle qu'il voulait utiliser. 
Je lui ai donc conseillé de faire une expérience préalable, qui consistait à poser un verre de montre sur une balance de précision, à déposer une goutte d'acétaldéhyde, et à peser à intervalles réguliers.

A ce stade, on voit déjà qu'une certaine culture s'impose, pour faire l'expérience : qui ignore que l'acétaldéhyde s'évapore rapidement, surtout en été,  quand il fait chaud dans le laboratoire, n'aurait pas eu l'idée d'aller faire cette expérience préliminaire. Bien sûr, une bonne méthodologie peut nous aider. Par exemple l'emploi de l'acétaldéhyde doit être précédé de la lecture des fiches de sécurité lesquelles ne montrent pas de toxicité particulière, mais signalent les inflammabilités, des pressions de vapeur saturante, etc. Une lecture critique de ces données aurait pu faire penser que l'acétaldéhyde s'évaporait,  et qu'il valait donc mieux en suivre l'évaporation, afin, ultérieurement , de connaître les phénomènes pouvant survenir lors de l'expérience.

L'étudiant fit donc l'expérience, et, consciencieusement, il releva les masses au cours du temps. Pourtant, tout était faux, encore une fois par ignorance (j'insiste : ce n'est pas une faute, seulement une caractéristique universelle que nous pouvons nous efforcer de combatttre) : voulant bien faire, il utilisa une balance placée sous une hotte aspirante, afin d'éviter la toxicité de ce composé organique. Toutefois les balances de précision sont très sensibles aux courants d'air, et celle-ci étant placée dans un courant d'air constant, elle marquait une valeur constamment fausse. Notre ami aurait été alerté si la balance avait divagué... mis elle divaguait de façon invisible.  Il fallait arrêter l'aspiration pendant la mesure, et la réarmer juste après.

Toutes précautions prises, notre ami observa une diminution rapide de la masse, dans un premier temps, avant une diminution plus lente.
Il se mit à imaginer mille phénomènes compliqués... omettant la possibilité que le petit volume enclos dans la balance (il y a des portes en verre que l'on ferme pour éviter les courants d'air) pouvait se saturer de vapeur d'acétaldéhyde. Une fois la pression de vapeur saturante établie, l'évaporation devait ralentir, le liquide étant en équilibre avec la vapeur. Autrement dit, notre ami ne mesurait pas l'évaporation libre de l'acétaldéhyde, mais plutôt l’établissement de l'équilibre entre le liquide et la vapeur. Il aurait fallu garder la balance ouverte, afin que les vapeurs soient éliminées, et, mieux, utiliser un léger courant d'air pour entraîner les vapeurs afin qu'elles ne modifient pas l'évaporation.

Cette fois, notre ami aurait-il pu dénicher le diable caché dans les détails expérimentaux ? Là encore, il fallait connaître la pression de vapeur saturante, et analyser le système. L'analyse n'est pas le plus difficile pour un esprit clair, mais la connaissance de pression de vapeur saturante s'invente difficilement, et, surtout, elle aurait imposé de retracer le chemin de nombreux grands scientifiques du passé. L’enseignement scientifique sert précisément à cela : nous mettre, nains, sur les épaules de géants.

Finalement, la question « quelle est la question à la quelle je ne pense pas », est une question terrible, puisqu'elle nous renvoie à notre culture scientifique, puisqu'elle nous dit que nous ferions bien de ne rien ignorer des travaux de ceux qui nous ont précédés. Nous pouvons avoir confiance dans notre esprit analytique,  mais cela est insuffisant, et nous serions bien avisés de compter sur les forces de la collectivité, celle de notre temps comme celle du passé, celle des différents laboratoires du monde, pour parvenir à des expérimentations fiable.
Dans les publications scientifiques, le rôle des rapporteurs est essentiel, puisqu'il permet parfois de  pointer ainsi les taches aveugles que nous avions. Bien sûr, nous avons intérêt à grandir, mais pourquoi nous priver du bonheur de collaboration  avec des collègues remarquables ?

Procès

Il faudra que les journalistes commencent à se méfier : le "quatrième pouvoir" n'a pas la liberté d'écrire n'importe quoi :


‘Pink Slime’ Defamation Suit Subpoenas Hit Food JournalistsFive food journalists have been subpoenaed by Beef Products in its defamation lawsuit against ABC News over its reporting about the meat product referred to as “lean, finely textured beef” by industry but dubbed “pink slime” in the popular press.

Naturel ? Du commerce !

Dans le Washington Post, un artible de Roberto A. Ferdman (24 juin 2014) :

The word “natural” helps sell $40 billion worth of food in the U.S. every year—and the label means nothing


 Je traduis : rien ne fait autant vendre aux Américains que le mot fabuleusement ambigu "naturel". Parmi les 35 propositions santé ou alimentation, il y a des mots tels que "naturel", "bio", "sans graisse", "écologiquement responsable"... Ces indications permettent de vendre pour plus 377 milliards de dollars d'articles aux Etats-Unis, pour la seule dernière année (source Nielsen).

L'industrie alimentaire américaine vend pour 41 milliards de dollars, chaque année, d'aliments dont l'étiquetage porte ce mot, et le mot n'a pas de définition par la Food and Drug Administration. Cette dernière indique sur son site : "D'un point de vue scientifique, il est difficile de définir un produit "naturel", parce que l'aliment a certainement été transformé, et qu'il n'est plus le produit de la terre.

Bref, tous les pays reconnaissent que l'industrie alimentaire ne fait pas bien, de ce point de vue.

Il faut le dire  : aucun aliment n'est naturel !

mercredi 13 août 2014

On n'a pas assez enseigné la micro-chimie.


Les travaux pratiques de chimie ? Il y en a autant de sortes que d'établissement... mais je m'étonne du résultat : sans sourciller, les étudiants qui ont été formés par ces séances utilisent des expériences qui utilisent des grammes ou des dizaines de grammes de réactifs, et des centaines de grammes de solvants. Tout cela est très fautif !
En quoi ?
D’abord, les réactifs coûtent parfois extraordinairement chers, de sorte qu'il y a une indécence économique à procéder sur de telles quantités. D'autre part, les solvant doivent être recyclés, ou jetés, ce qui pose des problèmes de pollution, mais, aussi, ils exposent les expérimentateurs à des vapeurs dangereuses, d'autant plus dangereuses que les volumes de solvant ont été grands. Et puis il y a le risque d'explosion et d'intoxication, toujours présent, et qu'il faut réduire autant que possible : alors qu'un milligramme de produit ferait une explosion anodine, un gramme suffit à endommager un bâtiment, à mettre des vies en danger !
Il est donc tout à fait anormal de faire des expériences qui utilisent des quantités de produit du même ordre de grandeur que celle qui sont utilisées lors de trop nombreux travaux pratiques. Des travaux pratiques qui font manipuler des quantités de l'ordre du gramme sont de la mauvaise formation, en plus des risques que l'on fait courir aux étudiants. Bien sûr, on peut choisir des expériences pour lesquelles le danger est limité, mais elles ne préparent alors pas aux véritables travaux de chimie. Dans la vraie vie, dans la vraie vie scientifique au quotidien, on ne manipule pas de telles quantités, et si les étudiants n'ont pas appris à manipuler de très petites quantités, alors ils ne sont pas préparés.
Une des raisons pour lesquelles la chimie physique s'est dotée d'appareils d'analyse capables d'identifier les produits en très petite quantités est précisément la nécessité de réduire les quantités à utiliser lors des expériences. La conclusion s'impose : les enseignants de chimie ou de chimie physique ne doivent pas proposer aux étudiants en travaux pratiques d'utiliser des quantités notables de produits ou de solvant.
Évidemment, au lieu de dénoncer des fautes, nous ferions mieux d'encourager la communauté tout entière à apprendre la microchimie aux étudiants. Cela passe par une rénovation des matériels, car il est vrai que les ballons où l'on manipule des milligrammes sont bien différents de ceux où l'on manipule des grammes.

Dans les laboratoire de chimie, chassons les verreries susceptibles de contenir plus que quelques grammes au total !

dimanche 10 août 2014

Le moment où le vert des feuilles change presque de jour en jour...



Le printemps est le moment où l'on s'aperçoit que le vert change, le moment où nous prêtons attention à ces changement, parce que le vert apparaît sur des branches jusque là dénudées. L'été est le moment où l'on voit que le vert des feuilles change, parce que le chaud alterne avec l'humide. L'automne est le moment où l'on s'intéresse à la couleur des feuilles, parce que le vert cède la place à d'autres teintes. En réalité, le vert des feuilles change sans cesse, comme l'analyse suivante permet de le comprendre.
Le vert des feuilles, c'est leur contenu en pigments que sont les chlorophylles et les caroténoïdes, notamment. Pour certains feuillages, il peut y avoir aussi des composés phénoliques, mais le raisonnement serait le même que celui que nous allons faire. Chlorophylles et caroténoïdes, donc. Dans les feuillages, les chlorophylles sont les chlorophylles a, a', b, b', et les caroténoïdes ont pour nom carotène, lutéine, violaxanthine... Chacun de ces composés a un spectre d'absorption particulier, ce qui signifie qu'il absorbe des rayonnements particuliers du spectre de la lumière visible. La lumière du jour arrive donc sur la feuille ; une partie est absorbée et le reste est réfléchi. Plus les pigments sont nombreux, et plus leurs absorptions sont différentes, plus la feuille paraît sombre.
Imaginons que les feuilles ne contiennent que la chlorophylle a : on aurait une certaine couleur. Puis imaginons que les feuilles contiennent de la chlorophylle a et du carotène bêta : la couleur serait différente.
Or les feuilles qui croissent synthétisent les pigments, mais elles ne les synthétisent pas tous à la même vitesse, parce que les voies métaboliques sont différentes pour les divers pigments. La proportion de chlorophylle a, par exemple, change avec le temps, de sorte que la couleur change, puisque tout est affaire de proportion.
Et voilà pourquoi il n'est pas étonnant que la couleur des feuilles change avec les jours qui passent, du premier jour où elles apparaissent, jusqu'au jour où telles tomberont.

J'ai dit « il n'est pas étonnant », mais je me reprends, car une telle expression banalise le phénomène, qui est bien mystérieux et merveilleux pour qui n'est pas chimiste. Au contraire, ces changements de couleur sont très étonnants ! La preuve : il a fallu que les sciences viennent donner l'analyse précédente pour que l'on y voie plus clair. Sans les éclaircissements des sciences, les mystères tels que les verts changeants des feuillages sont de ceux qui ont conduit l'humanité à imaginer des dieux, des elfes, des lutins, des feux follets. Naguère, ce type de phénomène appelait des puissances imaginaires, et chacun pouvait ajouter sa voix à la grande cacophonie publique des mythes, des légendes.
Aujourd'hui la chimie physique a-t-elle mis fin à cet « enchantement » ? Je ne crois pas, car la théorie scientifique, bien plus fiable que l'imagination, est toujours « insuffisante » par principe (faut-il dire « incomplète » ?), de sorte que, jour après jour, notre compréhension du monde s'embellit. Ce serait une erreur de croire que la chimie physique de la couleur des feuilles a dit son dernier mot, au contraire. La science n'a pas de fin parce qu'elle perfectionne à l'infini ses théories, ses explications, qu'elle améliore ses mécanismes, en vue de produire un discours toujours plus approprié. Il est là, l'enchantement du monde.
Et puis, il faut quand même s'étonner de ces synthèses différentielles des chlorophylles et des caroténoïdes. Il y a de quoi s'émerveiller de la constitution moléculaire des molécules de ces composés qui absorbent la lumière visible.
Les chlorophylles ? Des molécules qui sont construites autour d'un noyau « tétrapyrrolique », avec des atomes qui forment une sorte de « plaquette », et un atome de magnésium au centre, des électrons étant répartis (on dit « délocalisés ») sur tout le plan du noyau. Les caroténoïdes ? Des molécules également remarquables, mais différemment : elles ont un long squelette fait d'atomes de carbone, avec des liaisons simples et des liaisons doubles qui alternent, ce qui permet, à nouveau, la délocalisation des électrons, laquelle permet l'absorption de la lumière visible.
Dans les deux cas, il y a un mécanisme analogue, et très remarquable. Ordinairement, quand il n'y a pas de délocalisation des électrons, les molécules n'absorbent que des rayonnements très énergétiques, ultraviolets par exemple. En revanche, quand les électrons de doubles liaisons sont ainsi délocalisés, ils sont moins « tenus » par le squelette moléculaire, et interagissent plus facilement avec les rayonnements, de sorte qu'ils peuvent absorber ces derniers, avant de revenir à l'état initial, souvent par réémission de rayonnement invisible, infrarouge par exemple.
Je m'arrête là : j'avais juste esquissé la suite du récit afin de montrer qu'il y a lieu de s'étonner chaque seconde... de la couleur changeante du vert des feuilles.

vendredi 8 août 2014

Il doit me manquer des gènes


Le monde s'enflamme pour la coupe du monde (je suppose que c'est la coupe du monde) de football... mais ce serait pour moi l'enfer que d'être obligé de regarder un match à la télévision. Il doit me manquer le gène du football.
De même pour les voitures : je ne vois que de la mauvaise foi (je n'ai pas dit de la malhonnêteté : seulement des justifications très personnelles qu'ils donnent) dans le discours de mes amis qui en sont amateurs. Là encore, un gène doit me manquer.
Mais il y a pire : au jardin du Luxembourg, des groupes assis dans l'herbe au soleil. Que peuvent-ils donc bien faire, pendant tout ce temps ? Il doit encore me manquer le gène du groupe au soleil.
J'en vois qui sont étudiants, et qui ont un polycopié à la main, de sorte qu'ils pourraient être en train d'apprendre des cours, mais, quand je m'approche, je les entends parler d'une soirée qui s'est tenue la veille. Est ce vraiment une méthode efficace pour apprendre ? Là, quel est le gène ?
Sur un banc, au soleil, je vois une jeune femme très bronzée, allongée, qui ne fait rien. Elle n'a pas l'air fatiguée, de sorte qu'il est douteux qu'elle ait besoin de se reposer, et elle n'a sans doute pas pu éviter les messages des dermatologues signalant que le soleil est mauvais pour la peau. Pourquoi son comportement ?
Je passe maintenant devant la terrasse d'un bistrot, sans soleil cette fois, mais en plein air, juste devant la rue. Il y a à peine de quoi s'asseoir, les clients se gênent et les voitures sont bruyantes. Quel plaisir ont-ils ?
Un autre jardin public, un homme qui semble en parfaite santé est assis, sans lire, sans écrire, sans rien faire, à l'ombre. Que fait-il ?
Plus loin, une dame plus âgée fait des mots croisés. A quoi bon ? Ce type de questions me vaudra évidemment la rancune de mes amis cruciverbistes, mais je répète : à quoi bon ? Il s'agit d'une occupation, au sens d'occuper un vide, et la question n'est pas de savoir si elle élève l'esprit ou non, mais de se demander à quoi bon ? L'être humain revendique à chaque seconde de changer de condition, mais le fait est que beaucoup se contentent d'occuper leur temps, et leurs revendications ne sont donc guère que des gesticulations.
Une étudiante qui ne réussit pas particulièrement ses études me dit que, en réalité, elle est moins intéressée par la chimie physique que par « écrire ». A-t-elle déjà écrit ? Non. A-t-elle déjà pris du temps pour apprendre à écrire ? Non : ses compétences se limitent à celles qu'elle a eues lors de ses cours de français du collège ou du lycée... Cours où, m'avoue-t-elle, ses notes étaient médiocres. Comment peut-elle croire qu'elle gagnera sa vie alors que lui manquent, au minimum, des compétences, lesquelles ne s'obtiennent pas par des claquements de doigts ? Mon incompréhension d'une telle... naïveté (inconséquence ? Inconscience ?).
Un étudiant me dit avoir deux heures de transport en commun, touts les jours, pendant lesquelles il écoute de la musique ? Pourquoi ne fait-il rien ? Ses réponses sont toutes de mauvaise foi (et, à nouveau, j'ai beaucoup de sollicitude). Ce qui est avéré, c'est que son seul profit est du « plaisir ».
Je passe devant un petit jardin, et je vois une personne que je connais, directeur de société, qui cultive des tomates, carottes, choux... Je l'interroge sur son activité, et il me répond qu'il produit ainsi assez pour produire sa famille. Dont acte, mais l'efficacité de cette culture ? Au temps passé, elle est nulle, et la qualité de ses produits reste inférieure à celle des plus beaux fruits et légumes de la place. Financièrement, c'est nul. De sorte qu'il faut conclure que seul son « plaisir », son  « envie », sa compulsion le guident. Pourquoi ce plaisir ? Cette envie ? Pourquoi rester cassé en deux au soleil, dans le froid, sous la pluie ?
Dans la rue, une femme marche difficilement perchée sur des talons aiguilles immense. A quoi bon ?

On aura compris que la liste de mes incompréhension est longue. Souvent, quand j'interroge ceux et celles dont je ne comprends pas le comportement, je ne reçois que la réponse « j'aime ». Je n'ai évidemment aucun droit à discuter leur goût, mais quelle étrange chose que ce « plaisir », qui conduit à des comportements extraordinaires, souvent irrationnels !

mardi 29 juillet 2014

Taxation et obésité

Cela nous vient de collègues de l'INRA  :


La taxe des boissons sucrées n’a pas réduit l’obésité    

Dans le but de réduire la prévalence de l’obésité, les pouvoirs publics ont appliqué en 2012 une taxe de 7,16 centimes d’euros à tous les produits du secteur des boissons sucrées, quelle que soit l’origine de la matière sucrante : sucre ou édulcorant, à l’exception des sirops et des purs jus de fruit. Cette taxe est communément appelée taxe « soda ».
L’impact global de cette taxe sur la consommation de sucre restera assez faible en raison des substitutions entre les boissons sucrées et les jus de fruit dont la teneur en sucre est équivalente à la moyenne en sucres ajoutés des boissons visées par la taxe. La taxation aurait été plus efficace en termes de changement de comportement alimentaire si elle n’avait ciblé que les produits sucrés et pas les boissons allégées car les consommateurs se seraient reportés sur les produits allégés. Cette taxe visait donc davantage à collecter des fonds plutôt qu’à limiter la consommation de sucres.

La taxation s’est traduite par une augmentation réelle des prix

Contrairement à l’idée souvent admise que les acteurs de la filière (industriels, distributeurs) absorbent une partie de ces taxes pour limiter l’impact sur le volume des ventes, les travaux de l’UMR GREMAQ montrent que ces acteurs ont intérêt à répercuter au consommateur plus que la taxe. L’augmentation des prix serait de l’ordre de 10 centimes d’euros par litre.
Ces travaux mettent en évidence la nécessité d’intégrer la réponse stratégique des acteurs lors de la mise en place de politiques de taxation.  L’efficacité d’une taxe nutritionnelle dépend du design de la taxe. Une taxe sur la TVA sera moins répercutée par les acteurs du marché qu’une taxe d’accise (taxe perçue sur la quantité et non sur la valeur).

Des méthodes d’évaluation ex ante en progression constante

Les méthodes développées par les chercheurs en économie structurelle permettent de réaliser des évaluations ex-ante de politiques publiques nutritionnelles en tenant compte des réactions des entreprises, industriels et distributeurs. Ces méthodes font l’objet de constantes améliorations tant du côté méthodologique – réaction en qualité des industriels par exemple – que par le couplage de ces analyses avec des modèles de santé pour évaluer les impacts globaux sur la santé. 

dimanche 27 juillet 2014

L'auto-organisation




En 1987, le prix Nobel de chimie à été attribué au chimiste français Jean Marie Lehn et à deux de ses collègues pour leurs travaux sur la chimie supramoléculaire. De quoi s'agit-t-il ?

Normalement, en chimie, on forme des molécules nouvelles en coupant et en établissant des liaisons dites « covalentes », qui résultent de la mise en commun d'une paire d'électrons, entre deux atomes.
Toutefois, dans les années 1980, les chimistes ont étudié la possibilité de former des assemblages de plusieurs molécules à l'aide de liaisons plus faibles que les liaisons covalentes : des ponts disulfures, des liaisons hydrogène … Ces assemblages ont été nommé supermolécules, et la chimie qui les forme et les étudie a été nommée chimie supramoléculaire.
Il est tout à fait remarquable d'observer que, avant cette chimie supramoléculaire, les bibliothèques étaient pleines de livre sur les « complexes » de diverses sortes. Tout cela a été balayé par la chimie supramoléculaire, qui donné un cadre général à la description de ces divers objets.

Ce qui est le plus merveilleux, c'est que cette chimie permet d'envisager la création d'objets nouveaux, et, notamment, d'objets capables de s'assembler spontanément, de se dissocier et de se réassembler selon les circonstances chimiques. Notamment, Jean-Marie Lehn et ses collègues ont conçu et réalisé des molécules en formes de parts de tartes, avec des bords « collants ». Si l'on met de telles molécules dans une solution, elles diffusent, puis s'assemblent par les bords. Si l'angle au centre de ces molécules n'est pas un sous-multiple de 360°, alors les parts de tarte forment une structure hélicoïdale, identique à la capside de certains virus !
Voilà pourquoi la chimie supramoléculaire me semble si importante, et voilà pourquoi l'étude de chimie mérite que l'on réserve un chapitre particulier à cette chimie des forces faibles, qui conduit à l'étude de l'auto-organisation, un chapitre de la chimie qui se développera considérablement au XXIe.
Militons pour que Jean-Marie Lehn reçoive un deuxième prix Nobel !

samedi 26 juillet 2014

L'envie blanche et l'envie noire

En ces temps minables où l'on devrait à tout moment se justifier de gagner (ou pas) de l'argent, où l'on voudrait qu'aucune tête ne dépasse, je propose de rappeler que Jorge Luis Borges, l'écrivain merveilleux, disait bien qu'il y a deux sortes d'envies : l'envie blanche et l'envie noire.

L'envie noire, tout d'abord, c'est celle qui nous pousse à détruire ce que nous n'avons pas.
L'envie blanche : il s'agit, quand on voit quelque chose qu'on n'a pas, de travailler pour l'avoir.

On aura compris de quel côté je me place !

samedi 19 juillet 2014

La beauté de la science

Relisant un texte de Henri Poincaré, sur l'intérêt des mathématiques, je m'aperçois que, bien que souvent ébloui par la "beauté" de résultats mathématiques ou scientifiques, je n'ai pas cherché à faire partager cet éblouissement.
Dans l'enseignement des sciences, il y a mille exemples, de sorte que cela ne devrait pas être compliqué de trouver des exemples d'émerveillements à partager. En revanche, montrer cette beauté à ceux qui ne maîtrisent ni les mathématiques, ni les sciences, c'est là la vraie difficulté, et il serait bienvenu de s'y atteler.
J'ai écrit ailleurs que la vulgarisation avait pour tâche de montrer comment les résultats nouveaux s'imposent, en relation avec les équations qui soutiennent les théories, mais je crois qu'une deuxième tâche pourrait être de montrer la beauté des résultats mathématiques ou scientifiques.
Réfléchissons collectivement aux manières d'y parvenir !

lundi 14 juillet 2014

Clarifions



Dans ce « clarifions », il y a à la fois l'idée de la clarification, et aussi celle de l'entreprise faite en commun. Deux raisons d'aimer tout particulièrement ce mot.

La clarification, tout d'abord : on disait naguère « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement ». Est-ce vrai ? Dans un billet précédent, j'ai discuté la foi excessive que j'avais eu en Condillac et Lavoisier, à ce propos, et mes doutes actuels, nés de la relecture de Henri Poincaré, lequel pensait sans les mots, et avait ensuite bien des difficultés à mettre les mots sur les idées.
Cela étant, énoncer n'est pas une mauvaise idée, d'abord parce qu'une idée dans un tiroir n'est pas une idée : il faut communiquer nos résultats à la communauté humaine. Ensuite, parce que les mots exprimés sont ensuite la possibilité de discussions, de réfutations éventuelles. Bref, les mots posés sont une possibilité de les discuter.

Clarifions : le mot est évidemment un écho de la recherche scientifique, la recherche des mécanismes : d'une sorte de brouillard, on veut faire émerger des idées claires ; dans une eau trouble, on veut identifier un poisson brillant. Surtout dans l'écheveau tourbillonnant de nos pensées, nous voudrions être capables d'en saisir qui soient non pas isolées, sans quoi la perte du contexte risquerait de les tuer, mais plutôt qui soient identifiées, bien délimitées, avec une structure et des relations avec leur entourage.
La science, la technologie, la cuisine, l'art, la gastronomie moléculaire, la cuisine moléculaire, la cuisine note à note, la chimie, la physique... Tout cela ne mérite-t-il pas une clarification ?

En commun, ce serait encore mieux, puisque nous sommes humains, donc membres de la grande communauté des humains.

dimanche 13 juillet 2014

Vu dans Proust

Vx ou littér. Qqn persuade à qqn qqc./que + ind. ou subj. Olivier lui persuada facilement qu'il devoit rester auprès de la duchesse (GENLIS, Chev. Cygne, t.3, 1795, p.355). Il ne suffit pas qu'une chose soit dite, il faut qu'elle soit publiée, prouvée, persuadée à tous, universellement reconnue (SENANCOUR, Obermann, t.2, 1840, p.171):
2. Je ne sais quelle amie intrigante était parvenue à persuader à cette âme naïve et si timide qu'il était de son devoir de partir pour Saint-Cloud, et d'aller se jeter aux genoux du roi Charles X.
STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.505.

dimanche 6 juillet 2014

6 juillet 2014 : Molécules, composés, composés chimiques, produits chimiques...



Souvent nos concitoyens (et nous mêmes) ne savent pas exactement la différence entre une molécule, un composé, un composé chimique, un produit chimique, un produit de synthèse...
J'ai donc expliqué la chose : Podcast : http://www.agroparistech.fr/podcast/Qu-est-ce-qu-un-compose.html
Dailymotion : http://www.dailymotion.com/video/x1r1o5y_qu-est-ce-qu-un-compose_school

Cela dit, pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller sur ces sites, une explication, à nouveau.
Un objet matériel, tel l'eau dans un verre, est fait de molécules. Pour l'eau du verre, ce sont des objets tous identiques, que l'on nomme des molécules d'eau. Et l'eau est liquide parce que ces molécules d'eau bougent en tous, un peu comme des boules de billard sur un billard qui serait secoué. Dans un cristal de sucre, il y a des objets tous identiques, empilés régulièrement : ce sont des molécules de « saccharose », et, cette fois, les mouvements se limitent à des vibrations.
Dans de la vodka, maintenant, c'est un peu (à peine) plus compliqué, parce qu'il y a des objets de deux sortes : d'une part, des molécules d'eau, et, d'autre part, des molécules d'une autre sorte : l'éthanol. Les molécules des deux sortes sont dispersées au hasard, comme des boules jaunes et des boules rouges sur un billard agité. Et, mieux, le fait que la vodka soit à 40 pour cent d'éthanol revient à dire qu'il y a environ six molécules d'eau pour quatre molécules d'éthanol. Les molécules sont des molécules... mais les catégories de molécules sont les composés. L'eau est un composé, et l'éthanol est un autre composé ; le saccharose est un troisième composé. Et les composés ont ce nom, parce que toutes leurs molécules des objets d'un même type, tous « composées » d'atomes organisés de la même façon. Par exemple, les molécules d'eau sont toutes composées d'un atome d'une sorte (l'oxygène) et de deux atomes d'une autre sorte (l'hydrogène). Pour les molécules de saccharose, il y a 12 atomes de carbone, 12 atomes d'oxygène et 24 atomes d'hydrogène.

Lorsque a été mis en ligne le podcast qui explique cela en images, sur le site d'AgroParisTech, je n'étais pas bien fier : que penseraient mes collègues ? Etait-ce bien raisonnable de donner des explications si simples sur le site de la plus grande école d'agronomie du monde ?
La réponse a été donnée par mes « amis » qui ont visité le site et visionné le podcast : il n'y a finalement eu que des remerciements.
C'est-à-dire, en définitive, une invitation à poursuivre dans cette direction, et je me dis que cela serait merveilleux si chaque profession faisait de même : sans « supériorité », simplement, avec la seule volonté de permettre à nos amis qui ont d'autres connaissances de mieux connaître notre propre champ. D'ailleurs, le physico-chimiste qui sait la physico-chimie n'est-il pas le plus souvent parfaitement ignorant de la découpe de la viande (par exemple) ou du travail du bois, que nos amis bouchers ou ébénistes savent parfaitement. C'est l'explication amicale de nos métiers qui nous réunira amicalement, tout en nous élevant un peu l'esprit, n'est-ce pas ?

dimanche 22 juin 2014

Les gonflements en cuisine



Naguère les livres de cuisine indiquaient que c'était l'oeuf qui faisait « souffler ». Il aurait fait souffler les soufflés, les choux, les petits choux, les cannelés, les quiches, etc. Toutefois le physico-cchimiste a de quoi s'étonner : pourquoi donc les œufs auraient-ils eu cette vertu soufflante ? Le blanc d'oeuf, c'est 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines. Si le blanc fait souffler, c'est soit en vertu de son eau, soit en vertu de ses protéines, soit en vertu d'une combinaison des deux. Pourtant l'expérience est simple : si l'ajout de protéines à une préparation culinaire, on n'observe pas de gonflement. En revanche, avec de l'eau, la préparation gonfle si elle est chauffée par le bas. En effet, l'eau qui s'évapore fait bien plus de volume de vapeur que le liquide initial.
Et c'est ainsi que l'on ne voit pas les soufflés gonfler si on les chauffe par le grill du four, par le dessus, alors qu'ils se développent considérablement si on pose le ramequin sur la « sole » du four, en bas. La vapeur formée au fond du ramequin pousse le soufflé ra le socuhefs vers le haut, et l'on voit le soufflé gonfler.
Il y avait donc bien lieu de rénover l'enseignement culinaire, en balayant toutes les scories de son développement, dans les décennies précédentes. Ce fut la réforme du CAP, réforme qu'il faut poursuivre aujourd’hui, tant il est vrai que les idées fausses ne meurent jamais, mais que ceux qui les soutiennent finissent pas disparaître (partir en retraite, mourir, se désintéresser de le question). Progressivement, en nous fondant sur des expérience répétables, que les professeurs produiront devant leur élèves, on arrivera à des théories plus justes de la technique culinaire.
La conclusion est qu'il semble bien essentiel de poursuivre les expériences, et d'encourager les enseignants à en faire avec leurs élèves, dans les établissements d'enseignements de la cuisine.

dimanche 15 juin 2014

Je reviens sur la question du code couleur des aliments



Il est proposé un code couleur pour dire si les aliments sont nutritionnellement bons ou mauvais. L'intention est (peut-être bonne), mais il faut réfléchir.
Tout tient dans le mot « nutritionnellement ». Tout d'abord, on aurait intérêt à bien distinguer la nutrition, qui est une science, la diététique, qui est une morale, et l'alimentation, qui est une pratique de tous, et, mieux, de tous qui sommes sains, pas malades. L'alimentation, c'est ce que l'on mange. La nutrition est la sccience qui explore les mécanisme des phénomènes de l'interaction de nos aliment avec notre organisme.
La question est de savoir si la science de la nutrition en sait assez pour que la diététique guide correctement notre alimentation... et la réponse est non (voir par exemple la séance publique de l'Académie d'agriculture du 11 juin 2014). Peut-on donc avoir une politique de santé publique du point de vue de la nutrition ? Sans doute pas parce que c'est une science. Du point de vue de l'alimentation ? Oui, on peut souhaiter faire savoir à tous qu'il y a des idées simples à avoir quand on s'alimente, mais devons-nous d'abord considérer que l'alimentation est pathologique ou habituelle ? Certains médecins qui voudraient prendre le pouvoir sur leurs congénères n'hésiteront pas de se parer des vertus de l'hygiénisme pour imposer aux autres leurs idées, mais décodons : est-ce le goût du pouvoir (médical) ? Est-ce une idée politique qui voudrait que l'Etat contrôle nos faits et gestes. Tout est là, dans ce débat, et plus particulièrement dans la deuxième question. Il y a d'un côté l'individu qui veut manger à sa guise, dans les limites qui sont celles de la vie en collectivité évidemment, et ceux qui voudraient que l'Etat ait un contrôle sur tout !
On a vu par le passé les écueils des deux excès. On a vu ces pouponnières terribles où des enfants emmaillotés étaient telles les fourmis d'une colonie, telles les ouvrières d'une ruche d'abeilles, bons ouvriers obéissant... à qui ? Inversement, on voit trop les méfaits de l'individualisme, qui fait des collectivités incohérentes. Les Grecs avaient donc raison : il faut de la mesure.
Pour en revenir à ce code couleur, je le crois aussi déraisonnable que la recommandation qui voulait nous faire manger dix fruits ou légumes par jour : l'alimentation n'est pas dans le choix d'un aliment particulier, mais dans un tout. Peu importe que je mange un aliment très gras si le suivant ne l'est pas. Finalement, j'aurais mon compte. Peu importe que je mange un aliment fumé, chargé de benzopyrènes cancérogènes, si je ne le mange qu'une fois l'an. Peu importe que je mange des acides gras trans... si j'en mange la quantité qu'il faut, puisque mon organisme en a besoin. En matière alimentaire, la difficulté vient de ce que nous avons du mal à organiser un régime équilibre, et nous avons du mal à supporter que la seule règle vraiment valable soit : mangeons de tout en quantités modérées, et, surtout, faisons de l'exercice.
Mangeons de tout : c'est du bon sens, et l'on y arrive asssez bien, même quand on a une passion pour les pâtes, la purée, les frites, le riz... En quantités raisonnables : là, ça devient difficile, parce que en réalité, nous sommes déraisonnables. Il faut le dire, le redire, le savoir, le comprendre, et sans doute essayer de nous d'améliorer un peu. Faisons de l'exercice : là, c'est le plus dur, et c'est un effort de tous les instants que de prendre l'escalier au lieu de l'ascenseur, que de marcher suffisamment dans la journée, que de sortir de nos fauteuils où nous nous sommes si confortablement assis.
Pourtant c'est la seule règle tenable... mais il est vrai que ce n'est pas un fonds de commerce suffisant pour ces médecins, hygiénistes, nutritionnistes ou diététiciens qui voudrait prendre le pouvoir sur notre alimentation. Répétons que nous ne sommes pas malades, qu'il est légitime de boire du vin, de manger du saucisson, du fromage, de la viande, des poissons, des fruits, des légumes, des frites, même des pâtisseries... Il faut manger en quantités aussi raisonnable que possible et faire de l'exercice.
Et ce n'est pas un code couleur infantile qui parviendra nous aider vraiment , d'autant que les expérimentations d'un tel code, en Angleterre, se sont déjà soldées par un échec. Militons donc pour qu'aucun État tout-puissant ne prenne le contrôle du plaisir que nous avons à manger.

samedi 14 juin 2014

À propos d'enseignement.



Récemment, j'ai lu l'annonce d'une réunion merveilleuse : des enseignants s'interrogeaient pour savoir pourquoi les étudiants font leurs travaux au dernier moment. Chacun sait que c'est une mauvaise méthode, qui conduit l'individu a manquer de temps, à faire l'impasse sur les matières pourtant importantes... Comment donc aider les étudiants à ne pas se retrouver à faire les travaux au dernier moment ?
Il y a évidemment plusieurs façons de répondre à cette question, mais il faut surtout se demander comment l'enseignement est organisé. Faut-il vraiment accumuler les heures de cours, afin de remplir les emplois du temps ? J'ai expliqué ailleurs pourquoi je crois que cette méthode est mauvaise, et pourquoi il vaut mieux des objectifs (compétences) bien identifiés, et je n'y reviens pas ici.
Toutefois, en vue pardonnez-moi cette question impertinente : pourquoi les enseignants chercheurs eux-mêmes rendent-ils le plus souvent leurs travaux bien tardivement ? Pourquoi sont-ils « débordés » ? Je n'arrive pas à penser que la question des étudiants soit entièrement déconnectée de celle des enseignants chercheurs, de sorte que, finalement, ce qui semblait être une bonne initiative paraît plutôt, à l'analyse, une façon de voir la paille dans l'oeil du voisin.
Chers collègues, pardonnez mon impertinence : j'ai du mal à oublier que les enseignants ont été des étudiants, d'autant que le chimiste Michel Eugène Chevreul, le père de la chimie des lipides, déclarait à l'âge de 100 ans qu'il était le doyen des étudiants de France !

Pas de bons points pour les aliments !



Mon collègue Jean-Paul Laplace, qui est un homme mesuré, savant et sage, vient d'être assez malhonnêtement attaqué par un journal « satirique » qui lui reproche d'être un suppôt de l'industrie.
Faut-il s'en émouvoir ? Après tout, on ne parle pas aux roquets...
Toutefois on peut s'interroger sur les motifs politiques de celui ou de cellee qui a attaqué notre collègue et, surtout, se demander pourquoi l'article arrive quand ce dernier attaque la proposition d'un code couleur qui serait appliqué aux aliments. 
Pourquoi un tel code est-il mal venu ? Parce que les aliments ne sont pas notre alimentation. Nous pouvons très bien manger un aliment gras un jour, si nous mangeons ensuite un aliment moins gras : c'est dans la durée que se construit l'alimentation. De surcroît, faut-il laisser des individus, voire l'Etat, nous dire ce que nous devons manger ? L'ingérence devient intolérable, et illégitime, voire dangereuse.
En réalité, nous le savons tous bien que nous devons avoir une alimentation variée : ne nous le répète-t-on pas tout le temps ? Et pourquoi pas de grosses étiquettes « le foie gras tue » sur nos menus de fêtes ?
Décidément, Jean-Paul Laplace a bien raison de réagir.

jeudi 12 juin 2014

Manuel Walls pour les OGM ?

Je lis :
"Si les dangers supposés des cultures transgéniques attendent toujours d'être vérifiés, les bénéfices espérés sont, eux, largement reconnus. En diminuant l'impact des intrants, les OGM joueraient un rôle essentiel dans la protection de l'environnement. Surtout, en augmentant les rendements agricoles sans épuiser les réserves d'eau, ils contribueraient, de manière décisive, à l'autonomie alimentaire des pays du sud. De toute évidence, ils méritent mieux que les procès d'intention et les acccusations de sorcellerie ! Plutôt que d'interdire les OGM, il faut donc augmenter les moyens en faveur de la recherche sur les biotechnologies afin de lever les doutes sur leur innocuité. Et il faut avoir le courage de reconnaître que cet objectif passe, inéluctablement, par des expérimentations en plein champ".

Ai-je bien lu ?

dimanche 8 juin 2014

Est-il bien vrai que l'on naît rôtisseur ?



Parmi les aphorismes de Jean-Anthelme Brillat-Savarin, il y en a un que je déteste parce qu'il stipule que l'on devient cuisinier, mais que l'on naît rôtisseur. Quoi : aucun travail ne pourrait nous donner la compétence de la rôtisserie, qui serait innée ?
En réalité, Brillat-Savarin a inventé des histoires, qu'il a merveilleusement racontées ; il a seulement colligé un grand nombre d'idées gastronomiques qui étaient dans l'air pour composer un bouquet bien plus beau que les fleurs qu'il avait amassées ça et là. Son génie littéraire nous a fait gober des tas d'idées, justes ou fausses... mais encore je trébuche sur le mot « génie », qui voudrait faire croire à des « dons » : dans le cas particulier de Brillat-Savarin, aucun don, puisque son livre fut un immense travail, celui de toute une vie.
Bref Brillat-Savarin a recueilli des fleurs, et toutes n'étaient pas d'égale qualité : l'aphorisme consacré à la rôtisserie est mauvais. Oui, tout d'abord, on peut devenir cuisinier si l'on travaille : si l'on travaille suffisamment, si l'on s'interroge sur l'acte de cuisiner, il y a fort à parier que l'on peut devenir un excellent cuisinier. Evidemment, tous les cuisiniers ne sont pas égaux, mais il suffit de les interroger pour voir que tous n'y ont pas passé le même temps, tous n'y ont pas mis le même soin, tous n'ont pas réfléchi avec autant d'intensité, d'incertitude, de doute, à l'acte de cuisiner, et cela fait toute la différence. Dans un registre artistique différent, la musique, je viens de visionner un cours public du violoncelliste Mstislav Rostropovitch, qui disait à ses jeunes élèves que seule une chose comptait, le nombre d'heures passées à travailler : et s'il n'avait pas tort ?
Venons en maintenant à la question de la rôtisserie. Est-elle innée ? Je ne le crois pas, car je me souviens trop bien de mes camarades de classe, au collège ou au lycée, qui nous disaient dédaigneusement qu'ils avaient de bon résultats sans rien faire. Renseignements pris, il y passaient des heures, et ce snobisme n'était pas à leur honneur. Je ne crois guère aux « facilités », et encore moins à l'impossibilité de ne pas devenir... par le travail, ce que l'on a décidé de devenir.
Evidemment, je ne parle pas des qualités physiques, la taille, le poids, car il y a une vraie différence. Je parle de compétences qui ne sont innées pour personne, et que l'on peut obtenir.
Tiens, d'ailleurs, la rôtisserie : et si l'on analysait un peu ? Commençons par un poulet. Il suffit d'une expérience, et d'une seule, de rôtissage d'un poulet trop près d'un feu vif pour observer qu'il charbonne. Et il suffit d'un thermomètre pour apprendre à mettre le poulet à une distance du feu telle que la température sera telle que nous le désirons. Cela parce que les feux modernes sont d'une régularité bien plus grande que les feux d'antan. Si nous voulons du 61 °C, nous l'aurons ; du 70 °C, itou. D'où les basses températures qui font des chairs parfaitementst tendres, pas sèches.
Ces deux expériences faites, posons-nous la question de l’objectif : comment voulons-nous notre poulet rôti. Cuit ? Cela signifie que les chairs doivent être portées à une température qui dépend de notre goût. Par exemple, pour ceux qui veulent non seulement la coagulation des chairs, mais aussi leur passage du rose au blanc, il faut un bon 70 °C. D'autre part, pouur que la peau soit croustillante, il faut que son eau soit évaporée. Et c'est là que des températures bien supérieures à 100 °C (l'ébullition de l'eau), comme pour les fritures, seront utiles. Si l'on dissocie ainsi la cuisson de l'intérieur, très simple grâce aux bases températures, et la cuisson de la peau, facile aussi avec les hautes températures que l'on peut atteindre, alors la question du rôtissage est réglée.
Il faut donc changer l'aphorisme : on devient cuisinier si l'on travaille, et l'on peut devenir également rôtisseur, si l'on travaille.

dimanche 1 juin 2014

Des changements jusqu'à la dernière minute






Cours de Gastronomie moléculaire
Année 2014




Vous aimez cuisiner ?
Vous aimez donc la chimie !
La cuisine opère des modifications moléculaires : autant les maîtriser, n'est-ce pas ?


Lieu :
AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, 75005 Paris (amphithéâtre Risler)

Dates :
2 et 3 juin 2014

Déroulé :

Lundi 2 juin 2014 :

Horaires
Scientifique
Thème traité
9.00
Hervé This
Physico-chimiste INRA/AgroParisTech
Les aliments sont faits de molécules de divers types, ce que l'on nomme des composés. Pourquoi ce monde des composé est merveilleux. Pourquoi le monde moléculaire est sublime. Et pourquoi les tables de composition sont insuffisantes : les relations sont essentielles, pour les structures et les transformations !
9.30
''
Il y a deux types d'environnement dans les aliments que l'on cuit : l'intérieur (température limitée à 100 °C par la présence d'eau) et l'extérieur (qui peut atteindre des températures considérables)

''
Les catégories de composés ; transformations des protéines (coagulation, hydrolyses...), des saccharides. Pourquoi cette jungle peut être jardinée.
10.45

Pause
11.00-12.30
Jean Louis Sébédio,
directeur de recherche INRA, Centre de Theix
Les transformations des lipides au cours des traitements culinaires ; le cas de la friture
12.30-14.00

Déjeuner libre
14.00
Juan Valverde,
directeur R&D Monoghan Mushrooms
Des questions de couleur : chlorophylles et caroténoïdes
16.30
Véronique Cheynier,
directeur de recherche INRA, Centre de Montpellier
Les modifications des polyphénols : encore des questions de couleur


Mardi :

9.00
Luc Eveleigh,
Maitre de conférences AgroParisTech
Les transformations des lipides : la protection par des anti-oxydants
10.45

Pause
11.00
Barbara Rega,
Maître de conférences AgroParisTech, Coordinatrice du Master international Food Innovation and Product Design (FIPDes)
Les arômes en cuisine : liaisons dangereuses entre réactivité des composés odorants, et interactions avec les matrices
14.00
Valérie Camel, Professeur AgroParisTech
Les composés néoformés
15.30
Gilles Gandemer,
DR INRA, directeur du Centre INRA de Lille
Les modifications chimiques qui surviennent lors de la cuisson des viandes
16.45

Conclusions, débats
17.45
Christine Cherbut, directrice
Gilles Trystram, directeur général AgroParisTech
Annonce du Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-INRA