En sciences de la nature, il y a la question très compliquée des points aberrants, ce que l'on nomme en anglais des outlyers. De quoi s'agit-il ? Je propose de partir d'un exemple simple, puis de tirer les leçons de l'analyse de ce cas élémentaire.
Un exemple imaginaire
Imaginons le physicien allemand Georg Ohm qui met en série une pile et une résistance électrique.
Il applique une différence de potentiel (une "tension électrique") et mesure l'intensité du courant. Puis il applique une autre différence de potentiel, à l'aide d'une autre pile, et obtient une autre intensité électrique. Et il fait cela pour plusieurs différences de potentiel, mesurant chaque fois l'intensité électrique.
Ayant ces données, il trace un diagramme, où les deux mesures forment les coordonnées de points... et il observe que ces points semblent s'aligner, qu'il y a une proportionnalité entre l'intensité électrique et la différence de potentiel (quand on double la différence de potentiel, on double l'intensité, par exemple).
Jusque là, tout va bien... sauf que les points ne sont pas parfaitement alignés, en réalité. Mais comme les mesures sont (toujours) imprécises, il se dit que la "loi" de proportionnalité est valable, et il la publie.
Oui, mais imaginons qu'il y ait eu une circonstance quelconque qui, pour une mesure, fait une perturbation qui engendre un point de mesure très éloigné des autres. Que faire ?
Évidemment, la première chose à faire est de répéter l'expérience particulière qui étonne, et, alors, deux cas se présentent :
- soit on retrouve la valeur bizarre
- soit on trouve ensuite des valeurs qui correspondent mieux à la loi de proportionnalité qui semble s'imposer expérimentalement.
Le cas le plus simple est celui où l'on retrouve la valeur bizarre. Si cette valeurs apparaît expérimentalement plusieurs fois, ce n'est pas à nous de dire que l'expérience est mauvaise et que la loi de proportionnalité s'impose; nous devons nous interroger sur la raison de cet écart à la proportionnalité, en imaginant soit que l'expérience particulière que nous avons faite ne permet pas de voir cette proportionnalité, soit que la nature n'a pas mis là de proportionnalité.
Ainsi, au cours de mes recherches, je me souviens avoir mesuré la viscosité d'un sirop de sucre à l'aide d'une bille que nous laissions tomber et dont nous mesurions la vitesse. La variation était régulière... mais quand le sirop était très visqueux, le comportement de la bille de venait bien différent de celui décrit par la loi classique, un peu comme pour le point aberrant indiqué ci-dessus. A l'analyse, il était facile de voir, pour ce cas très simple, que le récipient, étroit, ne permettait pas aux écoulements de se faire librement, ce qui modifiait le résultat.
Les valeurs bizarres sont en réalité très intéressantes, car il y a cet adage qui stipule que lorsqu'on fait une expérience et que l'on obtient le résultat qu'on attendait, on a une confirmation, mais si l'on a un résultat que l'on n'attendait pas, alors on a peut-être une découverte.
Considérons maintenant le cas où, répétant l'expérience, au moins celle particulière qui a fait apparaître le point aberrant, on trouve une valeur qui correspond mieux à la loi de proportionnalité. Là, c'est ennuyeux, car on est en réalité face à deux valeurs tout aussi probables (même s'il y a cette présomption de proportionnalité qui semble donner plus de poids à une valeur bien alignée), de sorte que l'on doit faire une autre répétition.
Ici, il faut quand même que j'observe, pour ceux qui l'ignorent, que l'expérience décrite pour la mesure de l'intensité et du potentiel électrique se fait en quelques instants, mais que, souvent, la répétition d'une expérience ne se fait pas en un claquement de doigts : certaines expériences prennent des mois, voire des années, de sorte qu'il est essentiel de bien choisir la stratégie que l'on utilise. Pour des expériences comme la détection du boson de Higgs ou des ondes gravitationnelles, il hors de question de décider légèrement de répéter une expérience, et l'on doit avoir une stratégie très intelligente -dans le cadre des bonnes pratiques-, c'est-à-dire de ne pas céder à ses croyances ou à ses fantasmes. Admettons ainsi que deux mesures semblent correspondre, alors qu'une troisième valeur est bizarre ; il y a lieu de mettre en œuvre des statistiques et d'afficher des résultats avec des probabilités, pas plus
Et l'on retrouve ici cette idée que la science n'est pas en train de démontrer des théories, mais plutôt de les réfuter : les valeurs bizarre que l'on ne retiendra pas doivent être conservées, et elles doivent notamment être signalées lors de la publication d'un résultat.
Un exemple
A titre d'exemple, le cas le pire que nous ayons rencontré dans notre groupe était à propos de la dégradation d'un composé, dans des conditions particulières très rigoureusement définies : nous utilisions des matériels très propres, des produits très purs, des conditions très exactement contrôlées. Lors d'une première expérience (3 semaines de travail), nous avons mesuré la vitesse de dégradation du composé. Puis, quand nous avons répété l'expérience (nous répétons toutes nos expériences au moins trois fois), nous avons obtenu une dégradation beaucoup plus lente.
Évidemment la première chose à faire était de répéter encore l'expérience et nous avons retrouvé la dégradation plus lente. Je répète que ce qui se dit ici en quelques mots correspond à des semaines de travail... pour donner à évaluer le sentiments des chercheurs face à ces points aberrants, que seuls les malhonnêtes occultent (la poussière sous le tapis). Bref, nous n'avons jamais réussi à retrouver la première vitesse de dégradation, qui semble donc être aberrante, mais que faire, devant une telle situation ? On se doute que nous avons tout analysé en détail : repris les cahiers de laboratoire pour voir comment les choses avaient été faites, par exemple... mais rien.
Dans un tel cas, la bonne pratique s'impose : valider les mesures ultérieures par une autre expérience, différente, ce qui correspond à des "validations". Mais, aussi, lors d'une publication du résultat, évoquer ce premier résultat qui peut découler de causes innombrables : n'a-t-on pas vu, au centre de recherches d'études des particules de Genève, une oscillation d'un signal électrique due au passage du TGV près de l'anneau de collision ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 24 janvier 2019
mercredi 23 janvier 2019
Comment organiser des stages pour les étudiants ?
Comment les enseignants doivent-ils encadrer les stages ? Depuis des décennies, je reçois en stage des étudiants qui, dans le meilleur des cas, reçoivent une vague feuille de papier où il est écrit en moins de 400 signes comment ils devront faire leur rapport de stage. Parfois ils ont eu une séance rapide pour leur décrire les stages, et nous les recevons le mieux que nous pouvons. Parfois aussi, un enseignant vient visiter de laboratoire à mi-stage pour s'assurer que tout va bien. C'est un encadrement très insuffisant !
Je veux ici dénoncer ces pratiques que je trouve extrêmement médiocres, notamment quand je les compare à ce que je viens de voir, pour un étudiant venu d'Australie. Cet étudiant, avant de venir, m'interrogeait sur mille détails, et je me réjouissais qu'il prenne tant intérêt à sa venue dans notre groupe de recherche, mais ce qui était mieux encore, c'est qu'il m'a communiqué un document, qui décrivait parfaitement le travail de l'étudiant en stage : des dizaines de pages disent exactement ce qui lui est demandé, en termes de qualité, en termes de sécurité, en termes de traçabilité, en termes de comportement, en termes de du travail lui-même, de la façon de le faire... Quelle différence ! Ne devrions-nous pas suivre cet excellent exemple ?
Je veux ici dénoncer ces pratiques que je trouve extrêmement médiocres, notamment quand je les compare à ce que je viens de voir, pour un étudiant venu d'Australie. Cet étudiant, avant de venir, m'interrogeait sur mille détails, et je me réjouissais qu'il prenne tant intérêt à sa venue dans notre groupe de recherche, mais ce qui était mieux encore, c'est qu'il m'a communiqué un document, qui décrivait parfaitement le travail de l'étudiant en stage : des dizaines de pages disent exactement ce qui lui est demandé, en termes de qualité, en termes de sécurité, en termes de traçabilité, en termes de comportement, en termes de du travail lui-même, de la façon de le faire... Quelle différence ! Ne devrions-nous pas suivre cet excellent exemple ?
My view of studies
My view of studies:
The "younger colleages" (formerly called "students") are at the centre.
They rely on older friends ("professors"), books, internet... in order to build their own knowledge and skills, in full responsability
And the students contribute to make the knowledge grow.
The "younger colleages" (formerly called "students") are at the centre.
They rely on older friends ("professors"), books, internet... in order to build their own knowledge and skills, in full responsability
And the students contribute to make the knowledge grow.
mardi 22 janvier 2019
Les bonnes pratiques en science : les collaborations avec l'industrie
Pendant longtemps, les scientifiques ont collaboré avec l'industrie et ils ont reçu des financements soit pour leur laboratoire, soit pour eux-mêmes. Dans certaines disciplines telles la médecine, on sait qu'il y a eu des excès très malhonnêtes, et on peut se réjouir qu'il y ait maintenant une réglementation sur la transparence des activités collaboratives de ce type... à condition qu'on ne tombe ni dans la dénonciation imbécile, ni dans l'administration tatillonne.
Plus récemment, les institutions scientifiques ont voulut également faire prendre conscience à la communauté scientifique de comportements aberrants ou malhonnêtes, notamment à propos d'expertises, ce qui a conduit à toutes ces affaires de ce que l'on nomme, je crois de façon inappropriée, des conflits d'intérêt.
Pourquoi ne puis-je me résoudre à parler de conflits d'intérêts ? Parce que les humains ont des conflits, mais pas les intérêts. Ce que l'on voulait désigner, ce sont des intérêts cachés. Mais je revendique que des scientifiques qui ont collaboré ou qui collaborent avec une société industrielle ne soient pas récusé comme experts, quand ils affichent leurs intérêts, car si un travail effectué a été rémunéré, alors aucune des deux parties ne doit plus rien à l'autre. De surcroît, un expert qui déclare ses intérêts aurait bien du mal à influencer ses collègues, qui risquent, au contraire, de sur-réagir à tout argument en faveur de l'industriel donné par leur collègue engagé dans une collaboration.
Bref, je suis très favorable à la déclaration des intérêts, mais peut-être pas à l'étalage sur la place publique : il y a une sorte de voyeurisme inutile... et dangereux pour la démocratie, car j'observe, ces temps-ci, que des positions rationnelles sont critiquées de façon assez malhonnête, idéologique et ad hominem par des opposants à ces positions. Les exemples sont innombrables, et la dénonciation est délétère : elle doit donc être encadrée, et je crois bon que, si les déclarations d'intérêts doivent être faites, leur communication puisse être réservée à l'administration.
Dans mon cas, puisque notre laboratoire a eu beaucoup de collaborations avec des sociétés de l'industrie, la question est surtout... que je serais bien en peine de ne pas oublier certaines d'entre elles : il ne s'agit pas de "conflits d'intérêts" ni d'"intérêts cachés", mais de "collaborations oubliées"... car je n'ai pas d'intérêt stricto sensu dans ces collaborations anciennes, où je crois d'ailleurs avoir donné plus que je n'ai reçu. Mais, surtout, cela ne m'intéresse pas de tenir une comptabilité de ces travaux faits par le passé : ce qui m'intéresse, c'est la science que je ferai demain... et je crois que beaucoup de mes collègues sont ainsi.
Plus généralement, il y a la question des malhonnêtes, des "mauvais élèves" : les lois mal faites retombent sur les bons élèves, alors que les mauvais élèves trouvent toujours des moyens d'y échapper. C'est nuisible à l'avancement des travaux, et la question de pourchasser les malhonnêtes n'est pas résolue. Alors ?
Plus récemment, les institutions scientifiques ont voulut également faire prendre conscience à la communauté scientifique de comportements aberrants ou malhonnêtes, notamment à propos d'expertises, ce qui a conduit à toutes ces affaires de ce que l'on nomme, je crois de façon inappropriée, des conflits d'intérêt.
Pourquoi ne puis-je me résoudre à parler de conflits d'intérêts ? Parce que les humains ont des conflits, mais pas les intérêts. Ce que l'on voulait désigner, ce sont des intérêts cachés. Mais je revendique que des scientifiques qui ont collaboré ou qui collaborent avec une société industrielle ne soient pas récusé comme experts, quand ils affichent leurs intérêts, car si un travail effectué a été rémunéré, alors aucune des deux parties ne doit plus rien à l'autre. De surcroît, un expert qui déclare ses intérêts aurait bien du mal à influencer ses collègues, qui risquent, au contraire, de sur-réagir à tout argument en faveur de l'industriel donné par leur collègue engagé dans une collaboration.
Bref, je suis très favorable à la déclaration des intérêts, mais peut-être pas à l'étalage sur la place publique : il y a une sorte de voyeurisme inutile... et dangereux pour la démocratie, car j'observe, ces temps-ci, que des positions rationnelles sont critiquées de façon assez malhonnête, idéologique et ad hominem par des opposants à ces positions. Les exemples sont innombrables, et la dénonciation est délétère : elle doit donc être encadrée, et je crois bon que, si les déclarations d'intérêts doivent être faites, leur communication puisse être réservée à l'administration.
Dans mon cas, puisque notre laboratoire a eu beaucoup de collaborations avec des sociétés de l'industrie, la question est surtout... que je serais bien en peine de ne pas oublier certaines d'entre elles : il ne s'agit pas de "conflits d'intérêts" ni d'"intérêts cachés", mais de "collaborations oubliées"... car je n'ai pas d'intérêt stricto sensu dans ces collaborations anciennes, où je crois d'ailleurs avoir donné plus que je n'ai reçu. Mais, surtout, cela ne m'intéresse pas de tenir une comptabilité de ces travaux faits par le passé : ce qui m'intéresse, c'est la science que je ferai demain... et je crois que beaucoup de mes collègues sont ainsi.
Plus généralement, il y a la question des malhonnêtes, des "mauvais élèves" : les lois mal faites retombent sur les bons élèves, alors que les mauvais élèves trouvent toujours des moyens d'y échapper. C'est nuisible à l'avancement des travaux, et la question de pourchasser les malhonnêtes n'est pas résolue. Alors ?
Les collègues plus jeunes
Je viens de comprendre quelque chose d'intéressant, à propos des "étudiants".
Partons de l'observation de Michel Eugène Chevreul, l'homme qui fonda la chimie des lipides : à l'âge de cent ans, il se disait le doyen des étudiants de France.
Et je partage son point de vue : moi aussi, comme les étudiants qui me font l'honneur de croire que je peux leur apporter quelque chose et qui viennent faire des travaux de laboratoire ou bien qui viennent m'écouter professer, je suis un étudiant, puisque je ne cesse d'étudier. Bien sûr, je suis un "professeur", puisque j'ai donc cette prétention (imposée, réclamée) de "professer", au sens de "parler devant", sous entendu "de façon qui rend service" à de plus jeunes. Toutefois, même si l'Université ne me donne pas de carte d'étudiant, je veux être dans le groupe des Amis de la Connaissance et de la Compétence, sans distinction d'âge, ni de sexe, ni d'opinions politiques, ni d'origine, ni de culture, ni...
Ainsi, étant étudiant comme les étudiants, la séparation entre "professeurs" et "étudiants", que je veux absolument combattre (à bas la lutte des classes qui déconstruit nos collectivités, au lieu de les souder), me trouble depuis longtemps.
J'ajoute que, dans notre Groupe de gastronomie moléculaire, je refuse d'être le "patron", le "directeur", le "président", que sais-je ? Dans mon groupe de recherche, nous sommes tous amis par "postulat", par engagement initial. Il n'y a pas de titre ("Monsieur le Professeur"), et tout le monde se tutoie, sans quoi je quitte le groupe : je ne veux travailler qu'avec des amis avec qui je partage une passion.
Une évolution ?
Mais me vient à l'esprit une lecture récente d'une biographie du flûtiste Pierre-Yves Artaud, qui raconte qu'au conservatoire, l'un de ses professeurs, puis lui-même, considérait les jeunes musiciens comme de "jeunes collègues". Artaud explique d'ailleurs comment des études dans cette perspective permettent d'éviter bien des écueils de l'enseignement classique, et il dit aussi combien, quand il étudia au conservatoire, il apprécia cette position éclairée du professeur d'alors.
"Jeunes collègues" : je trouve cette expression très juste... mais avec une connotation qu'on peut améliorer toutefois : au lieu de parler de jeunes collègues, ce qui accentue l'âge de celui qui utilise cette expression, je propose de parler de "collègues plus jeunes".
D'un seul coup, avec ce changement de dénomination, toute la perspective des études supérieures change !
Tout d'abord, j'observe que les barrières de diplôme dressées entre l'élève de lycée et le professeur de première classe d'université ne sont que des séparations inutiles ; ce sont seulement des signes extérieurs qui attestent d'un "niveau" de connaissances ou de connaissances, mais ce sont des barrières artificielles dans la continuité des études. Ainsi, celui qui a sa licence de la veille n'est pas différent, du point de vue des connaissances et des compétence du même un jour avant l'attribution du diplôme.
D'autre part, j'observe que la suppression des barrières facilite les collaborations entre tous ceux qui sont intéressés par la Connaissance, tous ceux qui peuvent travailler ensemble à la poursuite de cette dernière, ou à sa diffusion, chacun à son niveau.
Le changement de dénomination n'empêche pas les professeurs de professer, mais il responsabilise chacun, et permet de réunir les individus de tous âges, de tous sexes, de toutes origines... On parlait de la République des Lettres, mais il s'agit maintenant de parler d'une République de la Connaissance, d'un Banquet de la Connaissance auquel tous sont conviés.
Y a-t-il des inconvénients ?
Pour les professeurs, je n'en vois guère, et, mieux, je vois surtout la possibilité, pour eux, de parler - utilement- à leurs collègues plus jeunes de ce qui les passionne, de ce qui les anime : n'est-ce pas cela leur compétence ? Pour les plus jeunes, il y a la découverte de sujets qui sont les véritables sujets d'études, actuels, et non pas une connaissance au rabais qu'on leur distribuerait parce qu'ils sont plus faibles. Avec ma proposition, on comprend que disparaît une infantilisation qui conduisait à parler de pédagogie, d'éducation (le role des parents, non ?), la volonté d'instruire (laissons nos amis s'instruire eux-mêmes). Je vois disparaître la responsabilisation des collègues plus jeunes. Quelle merveilleuse perspective !
En tout cas, pour ce qui me concerne, c'est décidé : je vais corriger tous mes documents pour supprimer le mot "étudiant", et je vais me corriger oralement. Je suis très heureux de ce changement.
PS. Je viens de tester mon idée auprès d'un groupe de professeurs un peu... avancés en âge... et ce fut un tollé (de certains) contre cette idée : de quoi ces personnes ont-elles peur ? Pourquoi une réaction aussi vigoureuse, au lieu d'une discussion sereine ? Je me doute que, pour réagir si énergiquement, et sans argument réel, j'ai touché aux "idoles" !
Partons de l'observation de Michel Eugène Chevreul, l'homme qui fonda la chimie des lipides : à l'âge de cent ans, il se disait le doyen des étudiants de France.
Et je partage son point de vue : moi aussi, comme les étudiants qui me font l'honneur de croire que je peux leur apporter quelque chose et qui viennent faire des travaux de laboratoire ou bien qui viennent m'écouter professer, je suis un étudiant, puisque je ne cesse d'étudier. Bien sûr, je suis un "professeur", puisque j'ai donc cette prétention (imposée, réclamée) de "professer", au sens de "parler devant", sous entendu "de façon qui rend service" à de plus jeunes. Toutefois, même si l'Université ne me donne pas de carte d'étudiant, je veux être dans le groupe des Amis de la Connaissance et de la Compétence, sans distinction d'âge, ni de sexe, ni d'opinions politiques, ni d'origine, ni de culture, ni...
Ainsi, étant étudiant comme les étudiants, la séparation entre "professeurs" et "étudiants", que je veux absolument combattre (à bas la lutte des classes qui déconstruit nos collectivités, au lieu de les souder), me trouble depuis longtemps.
J'ajoute que, dans notre Groupe de gastronomie moléculaire, je refuse d'être le "patron", le "directeur", le "président", que sais-je ? Dans mon groupe de recherche, nous sommes tous amis par "postulat", par engagement initial. Il n'y a pas de titre ("Monsieur le Professeur"), et tout le monde se tutoie, sans quoi je quitte le groupe : je ne veux travailler qu'avec des amis avec qui je partage une passion.
Une évolution ?
Mais me vient à l'esprit une lecture récente d'une biographie du flûtiste Pierre-Yves Artaud, qui raconte qu'au conservatoire, l'un de ses professeurs, puis lui-même, considérait les jeunes musiciens comme de "jeunes collègues". Artaud explique d'ailleurs comment des études dans cette perspective permettent d'éviter bien des écueils de l'enseignement classique, et il dit aussi combien, quand il étudia au conservatoire, il apprécia cette position éclairée du professeur d'alors.
"Jeunes collègues" : je trouve cette expression très juste... mais avec une connotation qu'on peut améliorer toutefois : au lieu de parler de jeunes collègues, ce qui accentue l'âge de celui qui utilise cette expression, je propose de parler de "collègues plus jeunes".
D'un seul coup, avec ce changement de dénomination, toute la perspective des études supérieures change !
Tout d'abord, j'observe que les barrières de diplôme dressées entre l'élève de lycée et le professeur de première classe d'université ne sont que des séparations inutiles ; ce sont seulement des signes extérieurs qui attestent d'un "niveau" de connaissances ou de connaissances, mais ce sont des barrières artificielles dans la continuité des études. Ainsi, celui qui a sa licence de la veille n'est pas différent, du point de vue des connaissances et des compétence du même un jour avant l'attribution du diplôme.
D'autre part, j'observe que la suppression des barrières facilite les collaborations entre tous ceux qui sont intéressés par la Connaissance, tous ceux qui peuvent travailler ensemble à la poursuite de cette dernière, ou à sa diffusion, chacun à son niveau.
Le changement de dénomination n'empêche pas les professeurs de professer, mais il responsabilise chacun, et permet de réunir les individus de tous âges, de tous sexes, de toutes origines... On parlait de la République des Lettres, mais il s'agit maintenant de parler d'une République de la Connaissance, d'un Banquet de la Connaissance auquel tous sont conviés.
Y a-t-il des inconvénients ?
Pour les professeurs, je n'en vois guère, et, mieux, je vois surtout la possibilité, pour eux, de parler - utilement- à leurs collègues plus jeunes de ce qui les passionne, de ce qui les anime : n'est-ce pas cela leur compétence ? Pour les plus jeunes, il y a la découverte de sujets qui sont les véritables sujets d'études, actuels, et non pas une connaissance au rabais qu'on leur distribuerait parce qu'ils sont plus faibles. Avec ma proposition, on comprend que disparaît une infantilisation qui conduisait à parler de pédagogie, d'éducation (le role des parents, non ?), la volonté d'instruire (laissons nos amis s'instruire eux-mêmes). Je vois disparaître la responsabilisation des collègues plus jeunes. Quelle merveilleuse perspective !
En tout cas, pour ce qui me concerne, c'est décidé : je vais corriger tous mes documents pour supprimer le mot "étudiant", et je vais me corriger oralement. Je suis très heureux de ce changement.
PS. Je viens de tester mon idée auprès d'un groupe de professeurs un peu... avancés en âge... et ce fut un tollé (de certains) contre cette idée : de quoi ces personnes ont-elles peur ? Pourquoi une réaction aussi vigoureuse, au lieu d'une discussion sereine ? Je me doute que, pour réagir si énergiquement, et sans argument réel, j'ai touché aux "idoles" !
lundi 21 janvier 2019
Encadrer des stages : des bonnes pratiques ?
Dans la série des bonnes pratiques relatives aux études, il y a certainement à s'interroger sur l'encadrement des stages.
Il est très rare que les encadrants de stage reçoivent des universités des recommandations concernant lesdits stages. Du moins cela vaut pour la France : je n'ai jamais reçu de consignes ou de conseils d'aucune université, à ce jour. L'étudiant arrive donc en stage, et, là, on lui confie un travail. Quelle responsabilité ! Ne s'agit-il pas, lors du stage, d'aider l'étudiant à transformer des connaissances en compétences ? C'est en tout cas ce qu'indique la réglementation, en ligne sur le site du ministère de l'enseignement supérieur.
Comment les encadrants doivent-ils donc se comporter ? Peuvent-ils demander la même chose aux étudiants qu'à leurs collègues ? Certainement non, puisque l'expérience prouve que les étudiants n'ont pas encore les compétences pour faire les travaux qu'on leur demande : ils viennent précisément pour les obtenir, pour transformer leurs connaissances en compétences... et s'ils les ont, alors le stage est inutile, puisqu'ils sont mis en position de production, et non d'apprentissage ; or ils sont en phase d'apprentissage, puisque les stages sont un élément de leurs études.
Bref, en France, on est dans un flou que je condamne, et chacun fait comme il veut, en réalité. Ce qui a d'ailleurs que les stages sont très inégaux, et que les étudiants tombent parfois très mal, ce qui n'est pas admissible.
Je m'étonne d'ailleurs que le gouvernement ait réglementé à propos du nombre de stagiaire par entreprise ou des gratification, c'est-à-dire sur la forme, mais pas sur les questions de fond, les questions de contenu. D'ailleurs ledit gouvernement serait bien en peine d'imposer quoi que ce soit aux encadrants... sans quoi les entreprises ne prendraient plus de stagiaires !
Est-ce une raison pour baisser les bras ? Je ne crois pas car à défaut d'imposer des comportements aux encadrants, on peut leur soumettre des propositions, proposer des réflexions. Pourrions-nous en identifier l'amorce ?
Tout d'abord, il faut donc confier des tâches aux stagiaires qui permettent de transformer des connaissances en compétences. Les stagiaires ne sont pas en stage pour faire des photocopies. D'autre part, il faut des conditions de travail décentes, telles qu'on en donne à de jeunes collègues : pas de cagibi bruyant, sans air, sans lumière, sans avoir même de quoi s'asseoir.
Mais cela est élémentaire. Ne pourrions-nous pas admettre que l'encadrant doit doser les demandes pour que l'objectif du stage soit atteint ?
Récemment, j'ai reçu un stagiaire auquel son université demandait de s'intéresser aux questions de sécurité en chimie : cela n'aurait-il pas dû figurer initialement, dans le "contrat" que l'on aurait établi ?
Mais je vois que ma réponse est bien insuffisante, pour cette question difficile, et j'invite les collègues, les étudiants, les encadrants à me soumettre des propositions, critiques, etc. à icmg@agroparistech.fr
dimanche 20 janvier 2019
A propos de pesticides : je ne réponds donc pas, puisque je me suis engagé ;-)
On se souvient que j'ai pris l'engagement de ne plus parler de nutrition ou de toxicologie, mais hélas, on me prête des talents que je n'ai pas. Ici, je profite de l'occasion pour montrer comment on se comporte en scientifique.
Voici la question :
Voici le conseil que je reçois sur mon blog, après avoir raconté qu’un ami avait épluché ses radis chez moi (il craignait les pesticides) :
« Mettre à tremper 20 minutes vos légumes dans 1, ou 2, ou 3 litres d'eau selon la quantité à rendre bio, avec 1cs pour 1 litre, 2 cs pour 2 litres, etc etc de bicarbonate de soude, il n'y aura plus de pesticides, le bicarbonate est un pesticivore de première, et en plus ça gardera la couleur primale des légumes, et voili voilou, pas plus compliqué, on peut rincer après si on veut... pour les maniaques… »
C’est un point bien intéressant, et ce n’est pas la première fois que j’en entends parler : mais d’après vous, est-ce vrai ?
Une matière X, ici le bicarbonate, peut-elle vraiment manger (en 20 mn qui plus est) des pesticides peut-être multiples ? Comment fait le bicarbonate ? Quel est le principe de son action ?
Pour répondre sans répondre, j'analyse, donc (et on verra que cela suffit à répondre)
Et je commence par observer qu'un ami de ma correspondante épluchait les radis pour éviter les "pesticides".
Mais au fait, cet ami savait-il que les végétaux se protègent spontanément contre les "pestes" (micro-organismes, rongeurs, etc.) par des composés que l'on nomme donc des "pesticides" ? Et le toxicologue mondialement connu Bruce Ames a mesuré que 99,99 pour cent des pesticides de notre alimentation sont d'origine naturelle. Et ces pesticides sont dans les parties externes : par exemple, les glycoalcaloïdes des peaux de pomme de terre. Enfin, ajoutons que ces pesticides naturels ne sont pas moins dangereux que les pesticides de synthèse !
Donc faut-il peler les radis ? Face aux peurs de ce type, j'ai toujours tendance à demander à mes interlocuteurs s'ils fument, boivent (trop) d'alcool, font (trop) peu de sport, et mangent beaucoup (trop) ? Si oui, qu'ils ne s'inquiètent que très modérément des pesticides, car les études montreront qu'ils mourront de tous leurs comportement précédemment évoqués.
Mais là, je suis sur un terrain où je ne veux pas aller, et, même j'ai les bons arguments, je n'entre pas dans la discussion.
J'arrive maintenant à cette partie de phrase "1, ou 2, ou 3 litres d'eau selon la quantité à rendre bio" : là, l'ami de ma correspondante a parfaitement tort, car le trempage des végétaux dans de l'eau ne suffit pas pour rendre les végétaux bio ! Le "bio", c'est un ensemble de règles de production... et ce serait trop simple si tous les agriculteurs pouvaient se contenter de tremper leurs produits pour faire payer bien plus cher !
Le bicarbonate suffit-il, lui ? Pas plus. Mais l'ami en question dit en outre autre chose, à savoir que le bicarbonate supprimerait les pesticides des végétaux.
Il y a plusieurs commentaires à faire. Le premier est que les pesticides, s'ils sont lessivables, auront été lessivés sur les plantes. D'autre part, j'ai évoqué les glycoalcaloïdes toxiques des pommes de terre, dans les trois premiers millimètres sous la surface, et aucun bicarbonate ne supprimera ces pesticides naturels.
La couleur des légumes ? Ce que dit l'ami est parfaitement faux, car les pigments des végétaux, en toute généralité, changent de couleur avec le "pH", disons l'acidité ou la basicité. C'était d'ailleurs ainsi que l'on distinguait les produits végétaux des produits animaux, dans le temps. Pensons au chou rouge, qui vire au rouge ou au bleu selon qu'on ajoute un peu de vinaigre ou de bicarbonate. Pensons au thé au citron, qui change de couleur quand on ajoute du bicarbonate !
Et puis, il y a des questions de langue : couleur "primale" ? Je suppose que notre ami veut parler de couleur... naturelle, par exemple. J'insiste un peu, parce que, dans ces questions, la pensée (juste) repose sur des mots justes ! Et les confusions qui engendrent ces débats interminables et sans intérêt sur les réseaux sociaux naissent souvent de l'emploi inconsidéré des mots. Un chat n'est pas un chien, un tournevis n'est pas un marteau. De quoi parle-t-on ? Bien sûr, nos amis peuvent dire n'importe quoi au café du commerce numérique, mais je n'ai pas de temps à perdre pour aller à ce bistrot : il y a des urgences plus grandes, à savoir s'interroger sur l'alimentation de tous ceux qui ont fait, et des dix milliards de personne qu'il faudra nourrir en 2050... sans compter mes travaux scientifiques.
Mais, en restant dans ce domaine, je profite de la faute de langue qui est faite pour discuter le mot "naturel" : je rappelle que le dictionnaire définit ce mot comme "ce qui n'a pas fait l'intervention d'un être humain". Or la cuisine, c'est bien l'intervention d'un être humain. Oui, il faut le dire et le répéter, la cuisine produits des mets, qui sont parfaitement "artificiels", au sens du dictionnaire, et non au sens de nos fantasmes. Et artificiels a la même racine qu'art, artiste.
Passons maintenant aux commentaires de ma correspondante. Le bicarbonate peut-il éliminer des pesticides qui seraient à la surface des végétaux ?
C'est là la partie qui m'intéresse : face à une telle question, le ou la scientifique commence par faire une "bibliographie", à savoir que l'on va sur des sites scientifiques, pour chercher des articles scientifiques faisant état d'études rigoureuses sur la question. J'observe d'ailleurs qu'il ne s'agit pas que le bicarbonate "mange" les pesticides, mais soit qu'il les dégrade chimiquement, soit qu'il les lessive mieux que l'eau pure, par exemple.
Mais ici, le billet serait trop long s'il donnait le résultat de l'étude, et je me mettrais dans la position de répondre à des questions de toxicologie ou de nutrition, ce que je me suis engagé à ne pas faire. Je me contente donc d'observer que "les pesticides", c'est une catégorie bien trop vaste, et les panacées n'existent pas ! Une panacée, c'est par définition une drogue qui guérit tout : un fantasme, donc. De même, un composé qui aurait toutes les propriétés, vis à vis de tous les pesticides différents, cela n'est pas possible.
Reste que, même si je ne donne pas ici le résultat de mon étude bibliographique, il est intéressant de savoir que le mécanisme d'action du bicarbonate... est encore très mal connu, au point que vient d'être publié un article scientifique de belle qualité qui examine la question : cela date de moins d'un mois !
Et voilà pourquoi nous avons besoin de bien plus de science !
Mais je pressens que mes interlocuteurs ne seront pas content de moi, et il faut que je revienne à leur question.
Je propose de répondre : mes amis, n'ayons pas peur, et faisons confiance aux experts beaucoup trop nombreux (qui veillent sur notre alimentation) ! N'ayons pas peur de tout ce que nous mangeons, ne cédons pas à l'orthorexie qui conduit à des déviances alimentaires et sociales délétères !
Craignons plus l'hygiénisme que l'empoisonnement par des "traces de composés potentiellement dangereux" (une expression que je vous invite à méditer).
PS. Un petit début de la longue liste d'articles que j'ai consultés (je ne dis pas que tous ces articles sont bons) :
Graziela C. R. M. Andrade,* ,a Sérgio H. Monteiro, b Jeane G. Francisco, a
Leila A. Figueiredo, a Aderbal A. Rocha c and Valdemar L. Tornisielo a, Effects of Types of Washing and Peeling in Relation to Pesticide Residues in
Tomatoes, J. Braz. Chem. Soc., Vol. 26, No. 10, 1994-2002, 2015.
Y. Liang a,b , W. Wang a , Y. Shen b , Y. Liu b , X.J. Liu a, Effects of home preparation on organophosphorus pesticide residues in
raw cucumber, Food Chemistry 133 (2012) 636–640
AM FADAEI 1 , MH DEHGHANI *1 , AH MAHVI 1 , S. NASSERI 1 ,
N. RASTKARI 2 , AND M. SHAYEGHI 3, Degradation of Organophosphorus Pesticides in
Water during UV/H 2 O 2 Treatment: Role of Sulphate
and Bicarbonate Ions, E-Journal of Chemistry 2012, 9(4), 2015-2022
T. E. ARCHER and J. D. STOKES, REMOVAL O F CARBOFURAN RESIDUES FROM STRAWBERRIES
BY VARIOUS WASHES AND JAM PRODUCTION ,University
of California, Toxicology Davis, CA 95616,
Tianxi Yang, † Jeffery Doherty, ‡,§ Bin Zhao, † Amanda J. Kinchla, † John M. Clark, ‡,§ and Lili He* ,† Effectiveness of Commercial and Homemade Washing Agents in Removing Pesticide Residues on and in ApplesJ. Agric. Food Chem. 2017, 65, 9744-9752
Voici la question :
Voici le conseil que je reçois sur mon blog, après avoir raconté qu’un ami avait épluché ses radis chez moi (il craignait les pesticides) :
« Mettre à tremper 20 minutes vos légumes dans 1, ou 2, ou 3 litres d'eau selon la quantité à rendre bio, avec 1cs pour 1 litre, 2 cs pour 2 litres, etc etc de bicarbonate de soude, il n'y aura plus de pesticides, le bicarbonate est un pesticivore de première, et en plus ça gardera la couleur primale des légumes, et voili voilou, pas plus compliqué, on peut rincer après si on veut... pour les maniaques… »
C’est un point bien intéressant, et ce n’est pas la première fois que j’en entends parler : mais d’après vous, est-ce vrai ?
Une matière X, ici le bicarbonate, peut-elle vraiment manger (en 20 mn qui plus est) des pesticides peut-être multiples ? Comment fait le bicarbonate ? Quel est le principe de son action ?
Pour répondre sans répondre, j'analyse, donc (et on verra que cela suffit à répondre)
Et je commence par observer qu'un ami de ma correspondante épluchait les radis pour éviter les "pesticides".
Mais au fait, cet ami savait-il que les végétaux se protègent spontanément contre les "pestes" (micro-organismes, rongeurs, etc.) par des composés que l'on nomme donc des "pesticides" ? Et le toxicologue mondialement connu Bruce Ames a mesuré que 99,99 pour cent des pesticides de notre alimentation sont d'origine naturelle. Et ces pesticides sont dans les parties externes : par exemple, les glycoalcaloïdes des peaux de pomme de terre. Enfin, ajoutons que ces pesticides naturels ne sont pas moins dangereux que les pesticides de synthèse !
Donc faut-il peler les radis ? Face aux peurs de ce type, j'ai toujours tendance à demander à mes interlocuteurs s'ils fument, boivent (trop) d'alcool, font (trop) peu de sport, et mangent beaucoup (trop) ? Si oui, qu'ils ne s'inquiètent que très modérément des pesticides, car les études montreront qu'ils mourront de tous leurs comportement précédemment évoqués.
Mais là, je suis sur un terrain où je ne veux pas aller, et, même j'ai les bons arguments, je n'entre pas dans la discussion.
J'arrive maintenant à cette partie de phrase "1, ou 2, ou 3 litres d'eau selon la quantité à rendre bio" : là, l'ami de ma correspondante a parfaitement tort, car le trempage des végétaux dans de l'eau ne suffit pas pour rendre les végétaux bio ! Le "bio", c'est un ensemble de règles de production... et ce serait trop simple si tous les agriculteurs pouvaient se contenter de tremper leurs produits pour faire payer bien plus cher !
Le bicarbonate suffit-il, lui ? Pas plus. Mais l'ami en question dit en outre autre chose, à savoir que le bicarbonate supprimerait les pesticides des végétaux.
Il y a plusieurs commentaires à faire. Le premier est que les pesticides, s'ils sont lessivables, auront été lessivés sur les plantes. D'autre part, j'ai évoqué les glycoalcaloïdes toxiques des pommes de terre, dans les trois premiers millimètres sous la surface, et aucun bicarbonate ne supprimera ces pesticides naturels.
La couleur des légumes ? Ce que dit l'ami est parfaitement faux, car les pigments des végétaux, en toute généralité, changent de couleur avec le "pH", disons l'acidité ou la basicité. C'était d'ailleurs ainsi que l'on distinguait les produits végétaux des produits animaux, dans le temps. Pensons au chou rouge, qui vire au rouge ou au bleu selon qu'on ajoute un peu de vinaigre ou de bicarbonate. Pensons au thé au citron, qui change de couleur quand on ajoute du bicarbonate !
Et puis, il y a des questions de langue : couleur "primale" ? Je suppose que notre ami veut parler de couleur... naturelle, par exemple. J'insiste un peu, parce que, dans ces questions, la pensée (juste) repose sur des mots justes ! Et les confusions qui engendrent ces débats interminables et sans intérêt sur les réseaux sociaux naissent souvent de l'emploi inconsidéré des mots. Un chat n'est pas un chien, un tournevis n'est pas un marteau. De quoi parle-t-on ? Bien sûr, nos amis peuvent dire n'importe quoi au café du commerce numérique, mais je n'ai pas de temps à perdre pour aller à ce bistrot : il y a des urgences plus grandes, à savoir s'interroger sur l'alimentation de tous ceux qui ont fait, et des dix milliards de personne qu'il faudra nourrir en 2050... sans compter mes travaux scientifiques.
Mais, en restant dans ce domaine, je profite de la faute de langue qui est faite pour discuter le mot "naturel" : je rappelle que le dictionnaire définit ce mot comme "ce qui n'a pas fait l'intervention d'un être humain". Or la cuisine, c'est bien l'intervention d'un être humain. Oui, il faut le dire et le répéter, la cuisine produits des mets, qui sont parfaitement "artificiels", au sens du dictionnaire, et non au sens de nos fantasmes. Et artificiels a la même racine qu'art, artiste.
Passons maintenant aux commentaires de ma correspondante. Le bicarbonate peut-il éliminer des pesticides qui seraient à la surface des végétaux ?
C'est là la partie qui m'intéresse : face à une telle question, le ou la scientifique commence par faire une "bibliographie", à savoir que l'on va sur des sites scientifiques, pour chercher des articles scientifiques faisant état d'études rigoureuses sur la question. J'observe d'ailleurs qu'il ne s'agit pas que le bicarbonate "mange" les pesticides, mais soit qu'il les dégrade chimiquement, soit qu'il les lessive mieux que l'eau pure, par exemple.
Mais ici, le billet serait trop long s'il donnait le résultat de l'étude, et je me mettrais dans la position de répondre à des questions de toxicologie ou de nutrition, ce que je me suis engagé à ne pas faire. Je me contente donc d'observer que "les pesticides", c'est une catégorie bien trop vaste, et les panacées n'existent pas ! Une panacée, c'est par définition une drogue qui guérit tout : un fantasme, donc. De même, un composé qui aurait toutes les propriétés, vis à vis de tous les pesticides différents, cela n'est pas possible.
Reste que, même si je ne donne pas ici le résultat de mon étude bibliographique, il est intéressant de savoir que le mécanisme d'action du bicarbonate... est encore très mal connu, au point que vient d'être publié un article scientifique de belle qualité qui examine la question : cela date de moins d'un mois !
Et voilà pourquoi nous avons besoin de bien plus de science !
Mais je pressens que mes interlocuteurs ne seront pas content de moi, et il faut que je revienne à leur question.
Je propose de répondre : mes amis, n'ayons pas peur, et faisons confiance aux experts beaucoup trop nombreux (qui veillent sur notre alimentation) ! N'ayons pas peur de tout ce que nous mangeons, ne cédons pas à l'orthorexie qui conduit à des déviances alimentaires et sociales délétères !
Craignons plus l'hygiénisme que l'empoisonnement par des "traces de composés potentiellement dangereux" (une expression que je vous invite à méditer).
PS. Un petit début de la longue liste d'articles que j'ai consultés (je ne dis pas que tous ces articles sont bons) :
Graziela C. R. M. Andrade,* ,a Sérgio H. Monteiro, b Jeane G. Francisco, a
Leila A. Figueiredo, a Aderbal A. Rocha c and Valdemar L. Tornisielo a, Effects of Types of Washing and Peeling in Relation to Pesticide Residues in
Tomatoes, J. Braz. Chem. Soc., Vol. 26, No. 10, 1994-2002, 2015.
Y. Liang a,b , W. Wang a , Y. Shen b , Y. Liu b , X.J. Liu a, Effects of home preparation on organophosphorus pesticide residues in
raw cucumber, Food Chemistry 133 (2012) 636–640
AM FADAEI 1 , MH DEHGHANI *1 , AH MAHVI 1 , S. NASSERI 1 ,
N. RASTKARI 2 , AND M. SHAYEGHI 3, Degradation of Organophosphorus Pesticides in
Water during UV/H 2 O 2 Treatment: Role of Sulphate
and Bicarbonate Ions, E-Journal of Chemistry 2012, 9(4), 2015-2022
T. E. ARCHER and J. D. STOKES, REMOVAL O F CARBOFURAN RESIDUES FROM STRAWBERRIES
BY VARIOUS WASHES AND JAM PRODUCTION ,University
of California, Toxicology Davis, CA 95616,
Tianxi Yang, † Jeffery Doherty, ‡,§ Bin Zhao, † Amanda J. Kinchla, † John M. Clark, ‡,§ and Lili He* ,† Effectiveness of Commercial and Homemade Washing Agents in Removing Pesticide Residues on and in ApplesJ. Agric. Food Chem. 2017, 65, 9744-9752
samedi 19 janvier 2019
A propos de mousses et de cuisson
Aujourd'hui, deux questions que je n'avais jamais eues, de sorte que je réponds sans attendre :
1. J'ai lu que vous aviez fait l’expérience des blancs en neige avec la pompe à vélo, mais pourquoi ? Le batteur est plus pratique
Oui, il y a environ 40 ans (déjà !), je m'étais interrogé sur la production des blancs en neige, et j'avais compris qu'il s'agissait de simples mousses, avec des bulles d'air dans un liquide fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Pour montrer que le fouet n'était rien qu'une des milles possibilités d'obtenir une telle mousse, j'avais utilisé une pompe à vélo... mais n'oubliez quand même pas que j'ai une forte tendance à la "rigolade sérieuse".
Bref, dans la foulée, j'avais montré qu'une pompe d'aquarium soufflant de l'air dans les blancs faisait des mousses aux bulles bien plus grosse que pour du blanc d'oeuf. Et, surtout, j'avais proposé de faire mousser des mélanges variés : pensons par exemple à du jus de framboise additionné de protéines.
Là, c'était plus pratique que la pompe à vélo, parce que l'on appuie sur un bouton, et tout se fait automatiquement. Mais il ne s'agissait que de deux exemples, et j'avais montré également l'utilisation de siphons... qui sont aujourd'hui partout en vente dans les grandes surfaces, et là, c'est bien plus pratique de fouetter au fouet !
J'ajoute que l'histoire n'est pas finie : je n'aime pas beaucoup les siphons actuels, parce que les recharges sont un peu du gaspillage... et aussi que des jeunes se droguent au protoxyde d'azote qui est dedans. Je préfère des compresseurs qui font le même travail, avec de l'air.
2. Je ne doute pas que la cuisson au lave vaisselle soit intéressante, mais pourquoi pas à la vapeur directement ?
Je vois que mon interlocutrice ne connait pas la "cuisson à basse température", qui est un progrès considérable pour l'économie familiale ! Transformer des viandes dures, qui coûtent 4 euros le kilogramme, en viandes fondantes, telles qu'on les paierait plus de 20 euros, c'est quand même quelque chose d'essentiel !
Sans compter que le résultat est constant, que le bouillon a beaucoup de goût... et que l'on perd moins de masse à la cuisson. Imaginez un rôti de un kilogramme : si vous le cuisez à 180 degrés ou même à 100 degrés, il perd entre 20 et 30 pour cent de sa masse : en pratique, on achète un kilogramme, et l'on ne sert que 700 grammes ! En revanche, à basse température, la perte est très faible. Mais, surtout, avec oeufs, poissons, volaille, le résultat est absolument merveilleux. Et c'est plus facile à régler qu'à la vapeur (laquelle, d'ailleurs ?).
Mais, ayant expliqué l'intérêt de la cuisson à basse température, il faut en venir au lave-vaisselle : cette fois, c'est de l'économie sur l'énergie dépensée pour la cuisson, puisque les aliments (protégés dans des plastiques de qualité "alimentaire") cuisent sans utiliser d'autre énergie que celle qui serait déjà dépensée pour faire la vaisselle !
Cela dit, il y a mille façons de faire, mais, j'y repense, pourquoi un attachement particulier à la vapeur ? Et nous pourrions-nous pas penser à encore d'autres méthodes encore plus modernes ? D'ailleurs, pour la "cuisine note à note", comment cuire au mieux ?
A noter que les questions technologiques et techniques sont notamment abordées dans
1. J'ai lu que vous aviez fait l’expérience des blancs en neige avec la pompe à vélo, mais pourquoi ? Le batteur est plus pratique
Oui, il y a environ 40 ans (déjà !), je m'étais interrogé sur la production des blancs en neige, et j'avais compris qu'il s'agissait de simples mousses, avec des bulles d'air dans un liquide fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Pour montrer que le fouet n'était rien qu'une des milles possibilités d'obtenir une telle mousse, j'avais utilisé une pompe à vélo... mais n'oubliez quand même pas que j'ai une forte tendance à la "rigolade sérieuse".
Bref, dans la foulée, j'avais montré qu'une pompe d'aquarium soufflant de l'air dans les blancs faisait des mousses aux bulles bien plus grosse que pour du blanc d'oeuf. Et, surtout, j'avais proposé de faire mousser des mélanges variés : pensons par exemple à du jus de framboise additionné de protéines.
Là, c'était plus pratique que la pompe à vélo, parce que l'on appuie sur un bouton, et tout se fait automatiquement. Mais il ne s'agissait que de deux exemples, et j'avais montré également l'utilisation de siphons... qui sont aujourd'hui partout en vente dans les grandes surfaces, et là, c'est bien plus pratique de fouetter au fouet !
J'ajoute que l'histoire n'est pas finie : je n'aime pas beaucoup les siphons actuels, parce que les recharges sont un peu du gaspillage... et aussi que des jeunes se droguent au protoxyde d'azote qui est dedans. Je préfère des compresseurs qui font le même travail, avec de l'air.
2. Je ne doute pas que la cuisson au lave vaisselle soit intéressante, mais pourquoi pas à la vapeur directement ?
Je vois que mon interlocutrice ne connait pas la "cuisson à basse température", qui est un progrès considérable pour l'économie familiale ! Transformer des viandes dures, qui coûtent 4 euros le kilogramme, en viandes fondantes, telles qu'on les paierait plus de 20 euros, c'est quand même quelque chose d'essentiel !
Sans compter que le résultat est constant, que le bouillon a beaucoup de goût... et que l'on perd moins de masse à la cuisson. Imaginez un rôti de un kilogramme : si vous le cuisez à 180 degrés ou même à 100 degrés, il perd entre 20 et 30 pour cent de sa masse : en pratique, on achète un kilogramme, et l'on ne sert que 700 grammes ! En revanche, à basse température, la perte est très faible. Mais, surtout, avec oeufs, poissons, volaille, le résultat est absolument merveilleux. Et c'est plus facile à régler qu'à la vapeur (laquelle, d'ailleurs ?).
Mais, ayant expliqué l'intérêt de la cuisson à basse température, il faut en venir au lave-vaisselle : cette fois, c'est de l'économie sur l'énergie dépensée pour la cuisson, puisque les aliments (protégés dans des plastiques de qualité "alimentaire") cuisent sans utiliser d'autre énergie que celle qui serait déjà dépensée pour faire la vaisselle !
Cela dit, il y a mille façons de faire, mais, j'y repense, pourquoi un attachement particulier à la vapeur ? Et nous pourrions-nous pas penser à encore d'autres méthodes encore plus modernes ? D'ailleurs, pour la "cuisine note à note", comment cuire au mieux ?
A noter que les questions technologiques et techniques sont notamment abordées dans
Les notes, les mesures, les phrases, les carrures
On se souvient que les jésuites recommandent de se comporter en chrétien plutôt qu'en tant que chrétien : il ne s'agit pas de paraître, mais d'être.
# De même, en science, Louis Pasteur recommandait d'y penser toujours... mais peut-on se forcer à y penser toujours ? En réalité, un ou une scientifique véritable se comporte évidemment en scientifique, et il n'a pas besoin du conseil : il y pense toujours !
Toute cette introduction pour observer que le "complémentaire de la science dans le monde", à savoir tout ce qui n'est pas la science (de la nature, bien sûr), est pour les véritables scientifiques une occasion de penser à la science.
# La musique, par exemple, dont des naïfs amateurs de musique diront sans doute qu'il y a une relation "évidente" entre musique et science (tandis que des amateurs de peinture diraient qu'il y a une relation évidente entre science et peinture, etc.). Observons que la musique est faite de notes, organisées en mesures, ces dernières étant groupées en phrases musicales. Une notion importante, de surcroît, pour un tendance musicale particulière, classique (pour l'Occident), est celle des "carrures" : les phrases musicales sont très souvent organisées de la manière suivante : de durées équivalentes, elles sont en nombre divisible par deux, ou mieux, par quatre. Ce mode de répartition périodique est appelé carrure, par référence aux quatre côtés égaux d'un carré, s'opposant deux par deux.
La question est : l'on voit une belle organisation des travaux des musiciens (classiques occidentaux, je le répète), mais quelle serait l'analogue, en science ?
# De même, en science, Louis Pasteur recommandait d'y penser toujours... mais peut-on se forcer à y penser toujours ? En réalité, un ou une scientifique véritable se comporte évidemment en scientifique, et il n'a pas besoin du conseil : il y pense toujours !
Toute cette introduction pour observer que le "complémentaire de la science dans le monde", à savoir tout ce qui n'est pas la science (de la nature, bien sûr), est pour les véritables scientifiques une occasion de penser à la science.
# La musique, par exemple, dont des naïfs amateurs de musique diront sans doute qu'il y a une relation "évidente" entre musique et science (tandis que des amateurs de peinture diraient qu'il y a une relation évidente entre science et peinture, etc.). Observons que la musique est faite de notes, organisées en mesures, ces dernières étant groupées en phrases musicales. Une notion importante, de surcroît, pour un tendance musicale particulière, classique (pour l'Occident), est celle des "carrures" : les phrases musicales sont très souvent organisées de la manière suivante : de durées équivalentes, elles sont en nombre divisible par deux, ou mieux, par quatre. Ce mode de répartition périodique est appelé carrure, par référence aux quatre côtés égaux d'un carré, s'opposant deux par deux.
La question est : l'on voit une belle organisation des travaux des musiciens (classiques occidentaux, je le répète), mais quelle serait l'analogue, en science ?
vendredi 18 janvier 2019
Je vous présente l'actine et la myosine
Cela fait longtemps que j'aurais dû évoquer ces protéines que sont l'actine et la myosine ; d'ailleurs, je devrais dire "les actines et les myosines", ce qui serait plus juste.
Examinons tout cela dans une perspective historique.
Il y a environ trois siècles, les chimistes ont identifié l'albumine, principe coagulant du blanc d'oeuf, ou albumen. Cette "matière", cette "substance", avait des particularités, par rapport aux composés végétaux, à savoir que, comme elle contenait de l'azote (on l'ignorait à l'époque), sa putréfaction engendrait de l'ammoniac, composé basique qui fait virer la couleur d'indicateurs colorés, à savoir, à l'époque, les sirops de violette (on broie des fleurs dans l'eau et l'on filtre).
Puis, progressivement, les chimistes comprirent que les viandes, aussi, avaient cette même propriété, et l'on se mit à parler d'albumine pour l'oeuf, la viande, les poissons.
Soudain, vers 1800, les chimistes découvrirent, dans des plantes des composés qui avaient les mêmes propriétés : des "albumines végétales" ! Ce fut un bouleversement, car la division établie par la religion entre le règne animal et le règne végétal tombait !
Mais, bientôt, les progrès de l'analyse chimique révélèrent l'existence d'entités plus précises que l'albumine, et plus diverses aussi, et l'on identifia les "protéines", mais aussi les acides aminés.
Aujourd'hui, on nomme "albumines" une catégorie très particulière de protéines : de petites protéines solubles dans l'eau et capables de coaguler à la chaleur, notamment.
Et c'est ainsi que, dans le blanc d'oeuf, il y a une vingtaine de sortes de protéines différentes, dont seulement certaines sont des albumines. Pour les viandes ou poissons, il y a aussi des albumines, telle l'albumine sérique, dans le sang.
Aujourd'hui, parlons de protéines
Il y a donc des protéines très différentes, et, notamment, certaines coagulent et d'autres non. Ainsi les viandes sont des assemblages de "fibres musculaires" (des sortes de tuyaux très fins), en faisceaux regroupés eux-mêmes en super-faisceaux. Les fibres musculaires sont comme de tuyaux, comme dit précédemment, qui contiennent une matière qui a des ressemblances avec le blanc d'oeuf. La "peau" de ces fibres, c'est du "tissu collagénique", une matière faite d'une protéine qui est nommée collagène. Et cette protéine ne coagule pas, mais elle peut former des gels : ce sont les gels de gélatine, qui se forment d'ailleurs spontanément quand on laisse refroidir le bouillon formé par la cuisson d'une viande dans une petite quantité d'eau (ou de vin).
L'intérieur des fibres musculaires, ce sont de l'eau et deux sortes de protéines, qui sont nommées actines et myosines. Ces protéines permettent aux fibres de se raccourcir quand elles reçoivent un ordre du cerveau (un signal électrique transmis par les "nerfs"), et c'est cela qui conduit à la contraction entière du muscle. Et ces protéines, contrairement au collagène, peuvent coaguler : la preuve, c'est que quand on broie une viande, puis que l'on chauffe, on obtient... des terrines, où les protéines que sont actines ou myosines ont coagulé.
Examinons tout cela dans une perspective historique.
Il y a environ trois siècles, les chimistes ont identifié l'albumine, principe coagulant du blanc d'oeuf, ou albumen. Cette "matière", cette "substance", avait des particularités, par rapport aux composés végétaux, à savoir que, comme elle contenait de l'azote (on l'ignorait à l'époque), sa putréfaction engendrait de l'ammoniac, composé basique qui fait virer la couleur d'indicateurs colorés, à savoir, à l'époque, les sirops de violette (on broie des fleurs dans l'eau et l'on filtre).
Puis, progressivement, les chimistes comprirent que les viandes, aussi, avaient cette même propriété, et l'on se mit à parler d'albumine pour l'oeuf, la viande, les poissons.
Soudain, vers 1800, les chimistes découvrirent, dans des plantes des composés qui avaient les mêmes propriétés : des "albumines végétales" ! Ce fut un bouleversement, car la division établie par la religion entre le règne animal et le règne végétal tombait !
Mais, bientôt, les progrès de l'analyse chimique révélèrent l'existence d'entités plus précises que l'albumine, et plus diverses aussi, et l'on identifia les "protéines", mais aussi les acides aminés.
Aujourd'hui, on nomme "albumines" une catégorie très particulière de protéines : de petites protéines solubles dans l'eau et capables de coaguler à la chaleur, notamment.
Et c'est ainsi que, dans le blanc d'oeuf, il y a une vingtaine de sortes de protéines différentes, dont seulement certaines sont des albumines. Pour les viandes ou poissons, il y a aussi des albumines, telle l'albumine sérique, dans le sang.
Aujourd'hui, parlons de protéines
Il y a donc des protéines très différentes, et, notamment, certaines coagulent et d'autres non. Ainsi les viandes sont des assemblages de "fibres musculaires" (des sortes de tuyaux très fins), en faisceaux regroupés eux-mêmes en super-faisceaux. Les fibres musculaires sont comme de tuyaux, comme dit précédemment, qui contiennent une matière qui a des ressemblances avec le blanc d'oeuf. La "peau" de ces fibres, c'est du "tissu collagénique", une matière faite d'une protéine qui est nommée collagène. Et cette protéine ne coagule pas, mais elle peut former des gels : ce sont les gels de gélatine, qui se forment d'ailleurs spontanément quand on laisse refroidir le bouillon formé par la cuisson d'une viande dans une petite quantité d'eau (ou de vin).
L'intérieur des fibres musculaires, ce sont de l'eau et deux sortes de protéines, qui sont nommées actines et myosines. Ces protéines permettent aux fibres de se raccourcir quand elles reçoivent un ordre du cerveau (un signal électrique transmis par les "nerfs"), et c'est cela qui conduit à la contraction entière du muscle. Et ces protéines, contrairement au collagène, peuvent coaguler : la preuve, c'est que quand on broie une viande, puis que l'on chauffe, on obtient... des terrines, où les protéines que sont actines ou myosines ont coagulé.
mercredi 16 janvier 2019
La cuisine moléculaire est-elle chimique ou naturelle ?
J'aime beaucoup les "questions qui fâchent", parce que, essayant d'être honnête, je n'ai jamais peur d'y répondre !
Je recois un message d'un groupe d'élèves engagés dans un travail personnel encadré qui et libellé ainsi :
De nos jours, une cuisine dite moléculaire, le grand public sous entends "chimique" ; "mauvaise pour notre santé", à éviter, ou encore occasionnelle. Pourtant, les techniques employées ainsi que les ingrédients n'ont rien de plus mauvais que la cuisine traditionnelle.
Alors, selon vous la cuisine moléculaire est -elle : "chimique" ou "naturelle" ?
Voilà pour le message. Examinons la réponse.
Tout d'abord, la première phrase doit être un peu corrigée, ainsi que la dernière, qui propose de comparer les ingrédients de la cuisine moléculaire à la cuisne traditionnelle (au lieu de « ceux de la cuisine traditionnelle »), mais ne chipotons pas.
D'autre part, je vois immédiatement que la « cuisine note à note » ne fait pas partie de la question, et je le déplore, car la cuisine moléculaire est quelque chose d'ancien, que je veux absolument remplacer par la cuisine note à note, pour laquelle des questions merveilleuses se posent. Mais passons.
Je veux commencer par discuter la question du « grand public », que mes jeunes amis évoquent, parce que je ne suis pas certain qu'il existe. C'est comme le Français moyen: si j'aime le vin rouge, et qu'un ami aime le vin blanc, il n'y pas de personne « moyenne » qui aime le rosé. Avec les années, j'ai appris à me méfier de ce prétendu grand public. Je crois plutôt qu'il y a des publics variés, très différents. Par exemple, je croyais naguère que les Français n'aimaient pas la science, mais ce n'est pas vrai : il y en a qui aiment, d'autres qui n'aiment pas, d'autres qui n'ont pas d'opinion, d'autres qui sont indifférents, d'autres qui ne savent pas ce que c'est, d'autres qui… De même, il y a quelques années, je voulais « réconcilier le public avec la science », mais pourquoi réconcilier des personnes qui n'ont pas à être réconciliées. Tout se rencontre, dans ce fameux « public », qu'il soit ou non « grand », et bien malin serait celui qui pourrait dire ce que pense ce grand public, voire identifier ce dit grand public.
Et, de ce fait, je me méfie des idées qui sont attribuées au public. Et puis, prononcer l'expression « grand public, au fond, c'est agiter une notion qui n'existe pas pour faire penser qu'il s'agit de 60 millions de Français, ce qui n'est pas le cas
Pour autant, il est vrai qu'une certaine proportion de nos concitoyens a des idées variées sur la cuisine moléculaire. Et souvent, comme le public ignore parfaitement ce dont il s'agit, c'est le questionnement de ce public qui fait apparaître des idées qui étaient jusque-là inexistantes, et que les personnes interrogées inventent pour la circonstance.
Mais revenons à cette cuisine moléculaire : puisqu'une bonne partie du public ignore ce dont il s'agit, je crois nécessaire de commerncer par la définir ici. Je peux le faire, puisque c'est moi qui l'ai introduite en France dès 1980, avec mon vieil ami Nicholas Kurti (qui faisait cela en Angleterre), c'est moi qu'il l'ai définie, et, surtout, c'est moi qui l'ai nommée (en 1999, soit 19 ans après nos premiers travaux) : la cuisine moléculaire, c'est une cuisine qui fait usage d'ustensiles modernes, venus des laboratoires de chimie. Par exmeple, j'ai proposé d'utiliser l'azote liquide des laboratoires pour faire des glaces ou des sorbets. Par exemple, j'ai proposé d'utiliser des thermocirculateurs pour cuire viande, poissons, œufs à des températures précises, ce qui a notamment engendré, par exemple, cet œuf cuit à basse température et que j'avais naïvement nommé « œuf parfait » (je préfère aujourd'hui l'appeler œuf à 64 degrés quand il est cuit à 64 , œuf à 67 degrés quand il est cuit à 67 degrés, etc.).
Bref la cuisine moléculaire, c'est surtout une affaire d'ustensiles, de matériels, pas d'ingrédients.
Il est vrai quand même que, dans la foulée de l'introduction des nouveaux matériels, j'avais proposé d'utiliser quelques nouveaux gélifiants : agar-agar, carraghénanes, alginates, etc., parce que je voyais naguère que les cuisiniers étaient limités à l'usage de gélatine ou bien de protéines animales pour des gels respectivement physiques ou chimiques, alors que bien d'autres polysaccharides permettent de faire des gels biens différents : cassants, qui résistent à la chaleur, souples, opaques, transparents, etc.
Donc effectivement il y a eu quelques ingrédients en plus des matériels, et tout cela a fait la cuisine moléculaire.
Est-ce « chimique » ?
Là s'impose une discussion sur la nature de la chimie : la chimie est une science, et une science ne produit que de la connaissance, pas des ingrédients, pas des matériels. Autrement dit, l'agar-agar ou les alginates ne sont pas chimiques, puisque ce ne sont pas des résultats de la science ; ce sont des produits. On pourrait dire que ce sont des applications de cette science que j'ai nommée gastronomie moléculaire (attention à la différence entre gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire!). On pourrait se demander si les nouveaux gélifiants sont des produits « de synthèse », ce qui est différent de produits « chimiques ». Par produits de synthèse, on entend des produits qui ont été synthétisés. En l'occurrence, pour ces gélifiants, il n'y a pas eu de synthèse, mais seulement une « extraction », par le même type de procédés que pour l'extraction du sucre de table (saccharose) à partir de la bettrevave, ou de la gélatine des os des animaux. Dit-on que le sucre est chimique ? Non : le sucre est extrait de produits végétaux, la betterave ou la canne à sucre.
De mêmes, ces gélifiants sont des extraits de ces produits naturels que sont les algues, par exemple. Il peut aussi y avoir des exsudations d'arbres, pour certaines gommes. Donc il n'y a pas de chimie, mais seulement de l'extraction, tout comme pour la fécule de pomme de terre ou de riz, ou encore que la farine, qui est extraite du blé.
Bref il y a lieu de réfléchir au mot « chimique », que beaucoup emploient de façon plus que vague, et il faut surtout reconnaître qu'une grande partie des Français ignore ce dont il s'agit et ne fait pas la diférence entre ce qui est naturel, artificiel ou de synthèse.
Et c'est là qu'il faut revenir aux définitions du dictionnaire, puisque ce dernier est la base de nos communications humaines : « est naturel ce qui n'a pas fait l'objet de l'intervention d'un être humain ». Là il y a lieu de s'arrêter un peu, car la cuisine traditionnelle n'est donc pas naturelle, mais parfaitement artificielle. Tous les aliments sont artificiels. Pas synthétiques, mais artificiels : il faut bien un cuisinier pour cuire un poulet, non ? Enfin, j'ajoute que dans le mot « artificiel », il y a le mot « art », comme dans « artiste ».
Voilà pour l'artificiel. Mais il est vrai qu'il y a des artificiels de différents types. Il y a des artificiels extraits (la farine est extraite du blé), et il y a des artificiels qui sont synthétisés. Pas beaucoup quand même, car il est bien plus économique de les extraire. Il y a aussi des cas plus intéressants intellectuellement, comme cette vanilline qui est produite soit par extraction, soit par fermentation d'aiguilles de pin, soit par transformation moléculaire de pâte à papier.
La vanilline est un composé qui est présent dans la vanille, après la fermentation des gousses. Elle a une merveilleuse odeur de vanille, de sorte que, si l'on n'a pas de gousses, on peut très bien utiliser de la vanilline. Ce n'est pas identique, mais très semblable. D'autre part, pour le procédé à partir des aiguilles de pin : ces dernières sont parfaitement naturelles, ainsi que les micro-organismes qui assurent la fermentation. Cette dernière est un procédé tout à fait analogue à celui qui est mis en œuvre pour la fabrication du vin ou de la bière, de sorte que, si l'on finassait, on pourrait dire que la vanilline produite après purification du milieu de fermentation est « naturelle ». En réalité, elle ne l'est pas, puisque quelqu'un a orchestré les opérations. Et pour la production de cette même vanilline à partir de pâte à papier, il suffit presque d'un chauffage sous pression, pas bien différent d'une cuisson dans une cocotte minute ; il y a bien une transformation moléculaire, mais pas différence de la confection d'un caramel en cuisine ! Alors ? Alors terminons en observant que j'ai pris soin de ne pas nommer « industrie chimique » l'industrie qui effectue cette transformation, parce que je crois que l'expression serait indue : au mieux, on peut parler d'une industrie qui met en œuvre des connaissances de chimie. C'est plus long à dire, mais c'est plus juste.
Je reviens maintenant à la cuisine moléculaire : est-elle mauvaise pour la santé ? C'est un peu la même question que si l'on s'interrogeait sur le danger des marteaux. Sont-ils dangereux ? Avec un marteau je peux taper sur la tête de quelqu'un et le tuer, ce qui serait évidemment mauvais pour sa santé, mais je peux aussi faire attention et me contenter d'enfoncer des clous, ce qui sera bon pour la fabrication des meubles.
La question n'a donc pas de sens. Bien sûr, ceux qui ne réfléchissent pas assez peuvent tout confondre et dire que la cuisine moléculaire est mauvaise pour la santé, mais l'est-elle vraiment ? La réponse est : cela dépend de l'usage que l'on en fait. Ce n'est donc pas la cuisine moléculaire qui serait bonne ou mauvaise, mais l'usage qu'on en fait qui détermine son utilité ou son danger. D'ailleurs, à propos d'usage, il faut absolument arriver à la personne qui fait usage de la cuisine moléculaire. Cette personne peut très bien utiliser la qu'une moléculaire pour empoisonner quelqu'un ou, au contraire, pour le nourrir mieux qu'il ne se nourrissait par la cuisine traditionnelle. N'évitons jamais de désigner les vrais responsables !
En tout cas, il faut absolument que je signale ici que la cuisine moléculaire avait pour objectif de faciliter le travail culinaire. C'est-à-dire qu'au lieu d'utiliser des ustensiles très anciens, mal adaptés, etc. j'avais proposé d'utiliser des ustensiles appropriés, plus propres à leurs fonctions.
De même si je veux aller à New York, je peux bien sûr essayer d'y aller à la nage, mais j'irai plus vite en avion. Dans ce débat, il y a lieu de se souvenir qu'aucun d'entre nous n'écrit plus avec une plume et de l'encre : nous avons des ordinateurs, et d'ailleurs je réponds ici par ordinateur à des questions qui me sont posées par ordinateur.
Les transports ont évolué, les communications ont évolué, tout a évolué, et je ne suis pas à dos d'âne à Paris, pas plus que mes jeunes amis qui m'interroge ne sont à dos de mulet à Nantes. D'ailleurs j'ajoute que je ne voudrais pas avoir vécu il y a un siècle, et que je suis très friand de tous les progrès techniques qui me rendent la vie plus simple. Imagine-t-on d'écrire des journaux à la main comme les copistes du Moyen-Âge ? Enfin, sur ce chapitre, je veux quand même rappeler que nous sommes, grâce aux progrès technique, la première génération de l'histoire de l'humanité à ne pas avoir connu de famine, et encore, pas dans tous les pays. Je rappelle aussi qu'à l'époque où on a introduit les tracteurs, c'est-à-dire des machines qui voulaient faciliter le travail épuisant des agriculteurs, il y a eu des utilisateurs de faucille qui venaient détruire les tracteurs chez ceux qui en possédaient. Ils faisaient suite aux Luddites, en Angleterre… Il y a toujours eu, il y a et il y aura encore tout ce public qui a peur de ce qu'il ne comprend pas.
Arriverons maintenant à la question : la cuisine moléculaire a-t-elle occasionnelle ? Jadis oui, aujourd'hui non. J'ai dit oui, puisqu'il a fallu une vingtaine d'années pour arriver à ce résultat qui est que l'on trouve aujourd'hui des siphons dans les supermarchés les plus populaires, que des fonctions basse température sont sur tous les fours électriques, que les supermarchés vendent aujourd'hui l'agar-agar, les carraguénanes, etc., à côté des feuilles de gélatine.
Donc l'usage de la cuisine moléculaire est devenu très populaire. Par ailleurs, oui on peut aller manger occasionnellement chez un cuisinier qui fait de la cuisine moléculaire au sens du style, et qui va faire des plats tout à fait nouveaux et remarquables grâce à ces nouveaux outils de la cuisine moléculaire, mais la cuisine moléculaire est très démocratisée et c'était la mon objectif : rendre service à celles et ceux qui cuisinent tous les jours, à la maison.
La cuisine moléculaire n'est pas une cuisine pour les riches. C'est une cuisine pour tous, au contraire. C'est l'utilisation de connaissances pour faire mieux avec ce que l'on a.
Les ingrédients sont-ils plus dangereux que ceux de la cuisine traditionnelle ? Certainement pas ! D'ailleurs, si l'on se limite à une définition de la cuisine moléculaire comme une cuisine qui utilise des ustensiles moderne, il y a pas de raison de penser que la cuisine moléculaire puisse produire des aliments plus mauvais que la cuisine traditionnelle. Mais de toute façon j'y reviens : la cuisine traditionnelle n'est pas saine, comme le prouve la pandémie d'obésité… et il faut que notre cuisine évolue pour que nous ayons une alimentation mieux adaptée à notre vie dans les villes, plutôt qu'à la campagne ! Sans compter que des procédés comme le fumage sont certainement assez malsains, quand ils sont pratiqués comme à l'ancienne.
Enfin, selon moi, la cuisine moléculaire est-elle chimique ou naturelle ? J'ai expliqué au début que toute la cuisine est artificielle, qu'aucune cuisine n'est chimique, de sorte que je crois avoir répondu à toutes les questions !
Je recois un message d'un groupe d'élèves engagés dans un travail personnel encadré qui et libellé ainsi :
De nos jours, une cuisine dite moléculaire, le grand public sous entends "chimique" ; "mauvaise pour notre santé", à éviter, ou encore occasionnelle. Pourtant, les techniques employées ainsi que les ingrédients n'ont rien de plus mauvais que la cuisine traditionnelle.
Alors, selon vous la cuisine moléculaire est -elle : "chimique" ou "naturelle" ?
Voilà pour le message. Examinons la réponse.
Tout d'abord, la première phrase doit être un peu corrigée, ainsi que la dernière, qui propose de comparer les ingrédients de la cuisine moléculaire à la cuisne traditionnelle (au lieu de « ceux de la cuisine traditionnelle »), mais ne chipotons pas.
D'autre part, je vois immédiatement que la « cuisine note à note » ne fait pas partie de la question, et je le déplore, car la cuisine moléculaire est quelque chose d'ancien, que je veux absolument remplacer par la cuisine note à note, pour laquelle des questions merveilleuses se posent. Mais passons.
Je veux commencer par discuter la question du « grand public », que mes jeunes amis évoquent, parce que je ne suis pas certain qu'il existe. C'est comme le Français moyen: si j'aime le vin rouge, et qu'un ami aime le vin blanc, il n'y pas de personne « moyenne » qui aime le rosé. Avec les années, j'ai appris à me méfier de ce prétendu grand public. Je crois plutôt qu'il y a des publics variés, très différents. Par exemple, je croyais naguère que les Français n'aimaient pas la science, mais ce n'est pas vrai : il y en a qui aiment, d'autres qui n'aiment pas, d'autres qui n'ont pas d'opinion, d'autres qui sont indifférents, d'autres qui ne savent pas ce que c'est, d'autres qui… De même, il y a quelques années, je voulais « réconcilier le public avec la science », mais pourquoi réconcilier des personnes qui n'ont pas à être réconciliées. Tout se rencontre, dans ce fameux « public », qu'il soit ou non « grand », et bien malin serait celui qui pourrait dire ce que pense ce grand public, voire identifier ce dit grand public.
Et, de ce fait, je me méfie des idées qui sont attribuées au public. Et puis, prononcer l'expression « grand public, au fond, c'est agiter une notion qui n'existe pas pour faire penser qu'il s'agit de 60 millions de Français, ce qui n'est pas le cas
Pour autant, il est vrai qu'une certaine proportion de nos concitoyens a des idées variées sur la cuisine moléculaire. Et souvent, comme le public ignore parfaitement ce dont il s'agit, c'est le questionnement de ce public qui fait apparaître des idées qui étaient jusque-là inexistantes, et que les personnes interrogées inventent pour la circonstance.
Mais revenons à cette cuisine moléculaire : puisqu'une bonne partie du public ignore ce dont il s'agit, je crois nécessaire de commerncer par la définir ici. Je peux le faire, puisque c'est moi qui l'ai introduite en France dès 1980, avec mon vieil ami Nicholas Kurti (qui faisait cela en Angleterre), c'est moi qu'il l'ai définie, et, surtout, c'est moi qui l'ai nommée (en 1999, soit 19 ans après nos premiers travaux) : la cuisine moléculaire, c'est une cuisine qui fait usage d'ustensiles modernes, venus des laboratoires de chimie. Par exmeple, j'ai proposé d'utiliser l'azote liquide des laboratoires pour faire des glaces ou des sorbets. Par exemple, j'ai proposé d'utiliser des thermocirculateurs pour cuire viande, poissons, œufs à des températures précises, ce qui a notamment engendré, par exemple, cet œuf cuit à basse température et que j'avais naïvement nommé « œuf parfait » (je préfère aujourd'hui l'appeler œuf à 64 degrés quand il est cuit à 64 , œuf à 67 degrés quand il est cuit à 67 degrés, etc.).
Bref la cuisine moléculaire, c'est surtout une affaire d'ustensiles, de matériels, pas d'ingrédients.
Il est vrai quand même que, dans la foulée de l'introduction des nouveaux matériels, j'avais proposé d'utiliser quelques nouveaux gélifiants : agar-agar, carraghénanes, alginates, etc., parce que je voyais naguère que les cuisiniers étaient limités à l'usage de gélatine ou bien de protéines animales pour des gels respectivement physiques ou chimiques, alors que bien d'autres polysaccharides permettent de faire des gels biens différents : cassants, qui résistent à la chaleur, souples, opaques, transparents, etc.
Donc effectivement il y a eu quelques ingrédients en plus des matériels, et tout cela a fait la cuisine moléculaire.
Est-ce « chimique » ?
Là s'impose une discussion sur la nature de la chimie : la chimie est une science, et une science ne produit que de la connaissance, pas des ingrédients, pas des matériels. Autrement dit, l'agar-agar ou les alginates ne sont pas chimiques, puisque ce ne sont pas des résultats de la science ; ce sont des produits. On pourrait dire que ce sont des applications de cette science que j'ai nommée gastronomie moléculaire (attention à la différence entre gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire!). On pourrait se demander si les nouveaux gélifiants sont des produits « de synthèse », ce qui est différent de produits « chimiques ». Par produits de synthèse, on entend des produits qui ont été synthétisés. En l'occurrence, pour ces gélifiants, il n'y a pas eu de synthèse, mais seulement une « extraction », par le même type de procédés que pour l'extraction du sucre de table (saccharose) à partir de la bettrevave, ou de la gélatine des os des animaux. Dit-on que le sucre est chimique ? Non : le sucre est extrait de produits végétaux, la betterave ou la canne à sucre.
De mêmes, ces gélifiants sont des extraits de ces produits naturels que sont les algues, par exemple. Il peut aussi y avoir des exsudations d'arbres, pour certaines gommes. Donc il n'y a pas de chimie, mais seulement de l'extraction, tout comme pour la fécule de pomme de terre ou de riz, ou encore que la farine, qui est extraite du blé.
Bref il y a lieu de réfléchir au mot « chimique », que beaucoup emploient de façon plus que vague, et il faut surtout reconnaître qu'une grande partie des Français ignore ce dont il s'agit et ne fait pas la diférence entre ce qui est naturel, artificiel ou de synthèse.
Et c'est là qu'il faut revenir aux définitions du dictionnaire, puisque ce dernier est la base de nos communications humaines : « est naturel ce qui n'a pas fait l'objet de l'intervention d'un être humain ». Là il y a lieu de s'arrêter un peu, car la cuisine traditionnelle n'est donc pas naturelle, mais parfaitement artificielle. Tous les aliments sont artificiels. Pas synthétiques, mais artificiels : il faut bien un cuisinier pour cuire un poulet, non ? Enfin, j'ajoute que dans le mot « artificiel », il y a le mot « art », comme dans « artiste ».
Voilà pour l'artificiel. Mais il est vrai qu'il y a des artificiels de différents types. Il y a des artificiels extraits (la farine est extraite du blé), et il y a des artificiels qui sont synthétisés. Pas beaucoup quand même, car il est bien plus économique de les extraire. Il y a aussi des cas plus intéressants intellectuellement, comme cette vanilline qui est produite soit par extraction, soit par fermentation d'aiguilles de pin, soit par transformation moléculaire de pâte à papier.
La vanilline est un composé qui est présent dans la vanille, après la fermentation des gousses. Elle a une merveilleuse odeur de vanille, de sorte que, si l'on n'a pas de gousses, on peut très bien utiliser de la vanilline. Ce n'est pas identique, mais très semblable. D'autre part, pour le procédé à partir des aiguilles de pin : ces dernières sont parfaitement naturelles, ainsi que les micro-organismes qui assurent la fermentation. Cette dernière est un procédé tout à fait analogue à celui qui est mis en œuvre pour la fabrication du vin ou de la bière, de sorte que, si l'on finassait, on pourrait dire que la vanilline produite après purification du milieu de fermentation est « naturelle ». En réalité, elle ne l'est pas, puisque quelqu'un a orchestré les opérations. Et pour la production de cette même vanilline à partir de pâte à papier, il suffit presque d'un chauffage sous pression, pas bien différent d'une cuisson dans une cocotte minute ; il y a bien une transformation moléculaire, mais pas différence de la confection d'un caramel en cuisine ! Alors ? Alors terminons en observant que j'ai pris soin de ne pas nommer « industrie chimique » l'industrie qui effectue cette transformation, parce que je crois que l'expression serait indue : au mieux, on peut parler d'une industrie qui met en œuvre des connaissances de chimie. C'est plus long à dire, mais c'est plus juste.
Je reviens maintenant à la cuisine moléculaire : est-elle mauvaise pour la santé ? C'est un peu la même question que si l'on s'interrogeait sur le danger des marteaux. Sont-ils dangereux ? Avec un marteau je peux taper sur la tête de quelqu'un et le tuer, ce qui serait évidemment mauvais pour sa santé, mais je peux aussi faire attention et me contenter d'enfoncer des clous, ce qui sera bon pour la fabrication des meubles.
La question n'a donc pas de sens. Bien sûr, ceux qui ne réfléchissent pas assez peuvent tout confondre et dire que la cuisine moléculaire est mauvaise pour la santé, mais l'est-elle vraiment ? La réponse est : cela dépend de l'usage que l'on en fait. Ce n'est donc pas la cuisine moléculaire qui serait bonne ou mauvaise, mais l'usage qu'on en fait qui détermine son utilité ou son danger. D'ailleurs, à propos d'usage, il faut absolument arriver à la personne qui fait usage de la cuisine moléculaire. Cette personne peut très bien utiliser la qu'une moléculaire pour empoisonner quelqu'un ou, au contraire, pour le nourrir mieux qu'il ne se nourrissait par la cuisine traditionnelle. N'évitons jamais de désigner les vrais responsables !
En tout cas, il faut absolument que je signale ici que la cuisine moléculaire avait pour objectif de faciliter le travail culinaire. C'est-à-dire qu'au lieu d'utiliser des ustensiles très anciens, mal adaptés, etc. j'avais proposé d'utiliser des ustensiles appropriés, plus propres à leurs fonctions.
De même si je veux aller à New York, je peux bien sûr essayer d'y aller à la nage, mais j'irai plus vite en avion. Dans ce débat, il y a lieu de se souvenir qu'aucun d'entre nous n'écrit plus avec une plume et de l'encre : nous avons des ordinateurs, et d'ailleurs je réponds ici par ordinateur à des questions qui me sont posées par ordinateur.
Les transports ont évolué, les communications ont évolué, tout a évolué, et je ne suis pas à dos d'âne à Paris, pas plus que mes jeunes amis qui m'interroge ne sont à dos de mulet à Nantes. D'ailleurs j'ajoute que je ne voudrais pas avoir vécu il y a un siècle, et que je suis très friand de tous les progrès techniques qui me rendent la vie plus simple. Imagine-t-on d'écrire des journaux à la main comme les copistes du Moyen-Âge ? Enfin, sur ce chapitre, je veux quand même rappeler que nous sommes, grâce aux progrès technique, la première génération de l'histoire de l'humanité à ne pas avoir connu de famine, et encore, pas dans tous les pays. Je rappelle aussi qu'à l'époque où on a introduit les tracteurs, c'est-à-dire des machines qui voulaient faciliter le travail épuisant des agriculteurs, il y a eu des utilisateurs de faucille qui venaient détruire les tracteurs chez ceux qui en possédaient. Ils faisaient suite aux Luddites, en Angleterre… Il y a toujours eu, il y a et il y aura encore tout ce public qui a peur de ce qu'il ne comprend pas.
Arriverons maintenant à la question : la cuisine moléculaire a-t-elle occasionnelle ? Jadis oui, aujourd'hui non. J'ai dit oui, puisqu'il a fallu une vingtaine d'années pour arriver à ce résultat qui est que l'on trouve aujourd'hui des siphons dans les supermarchés les plus populaires, que des fonctions basse température sont sur tous les fours électriques, que les supermarchés vendent aujourd'hui l'agar-agar, les carraguénanes, etc., à côté des feuilles de gélatine.
Donc l'usage de la cuisine moléculaire est devenu très populaire. Par ailleurs, oui on peut aller manger occasionnellement chez un cuisinier qui fait de la cuisine moléculaire au sens du style, et qui va faire des plats tout à fait nouveaux et remarquables grâce à ces nouveaux outils de la cuisine moléculaire, mais la cuisine moléculaire est très démocratisée et c'était la mon objectif : rendre service à celles et ceux qui cuisinent tous les jours, à la maison.
La cuisine moléculaire n'est pas une cuisine pour les riches. C'est une cuisine pour tous, au contraire. C'est l'utilisation de connaissances pour faire mieux avec ce que l'on a.
Les ingrédients sont-ils plus dangereux que ceux de la cuisine traditionnelle ? Certainement pas ! D'ailleurs, si l'on se limite à une définition de la cuisine moléculaire comme une cuisine qui utilise des ustensiles moderne, il y a pas de raison de penser que la cuisine moléculaire puisse produire des aliments plus mauvais que la cuisine traditionnelle. Mais de toute façon j'y reviens : la cuisine traditionnelle n'est pas saine, comme le prouve la pandémie d'obésité… et il faut que notre cuisine évolue pour que nous ayons une alimentation mieux adaptée à notre vie dans les villes, plutôt qu'à la campagne ! Sans compter que des procédés comme le fumage sont certainement assez malsains, quand ils sont pratiqués comme à l'ancienne.
Enfin, selon moi, la cuisine moléculaire est-elle chimique ou naturelle ? J'ai expliqué au début que toute la cuisine est artificielle, qu'aucune cuisine n'est chimique, de sorte que je crois avoir répondu à toutes les questions !
mardi 15 janvier 2019
Il y a quand même des questions cocasses !
Chaque jour, il y a un lot de questions qui m'arrivent par des élèves qui font des travaux personnels encadrés, et je les renvoie souvent sur mon site pour les questions auxquelles j'ai répondu précédemment. Mais il y a parfois des questions nouvelles, comme aujourd'hui, et mes réponses viendront s'ajouter à celles qui sont déjà présentes par milliers, en français et en anglais, sur : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses
1. Peut-on considéré la gastronomie moléculaire comme une révolution scientifique, médicale et alimentaire ?
On verra plus loin que nos amis confondent gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire, science de la nature et technique+art (culinaire.
Il faut donc commencer par leur expliquer la gastronomie moléculaire, c'est une discipline scientifique (comme la physique, la chimie, la biologie, l'astronomie...), qui, tout particulièrement, cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent en cuisine.
Par exemple, quand un cuisinier fait de la cuisine, et qu'il fait par exemple griller une viande, la viande brunit : c'est un phénomène.
La question de savoir pourquoi la viande brunit n'est pas de la cuisine, mais si l'on s'interroge scientifiquement sur cette question, on fait de la science (de la nature; rien à voir avec les sciences de l'humain et de la société).
J'insiste un peu : s'interroger scientifiquement, c'est mettre en oeuvre la méthode des sciences de la nature, expliquée dans plein d'autres billets et résumée sur la figure suivante :
Finalement, il y a la question de "révolution", mot souvent galvaudé. Que signifie-t-il ? Je montre pédagogiquement l'exemple en allant chercher son sens sur le TLFi, le seul dictionnaire qui vaille :
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=3944010540;r=1;nat=;sol=1;
Je trouve :
# Mouvement en courbe fermée autour d'un axe ou d'un point, réel ou fictif, dont le point de retour coïncide avec le point de départ : cela n'est pas le cas.
# Trajectoire effectuée par un satellite artificiel : ce n'est pas le cas non plus.
# Retour périodique; durée déterminée par un cycle : ça ne va pas.
# État, forme de ce qui est enroulé sur soi-même : non plus.
# Changement brusque et profond : ah, oui, l'introduction de cette discipline scientifique a été un changement brusque et profond, en 1988.
Reste à savoir si c'était une révolution scientifique, médicale ou alimentaire. La création d'une nouvelle discipline scientifique est certainement une révolution scientifique. Mais la gastronomie moléculaire a-t-elle influé sur la médecine ? Je ne sais pas. Sur l'alimentation ? Certainement, puisque nous avons même rénové les études dans les lycées hôteliers.
3. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre la cuisine et la gastronomie moléculaire ?
Ici, nos amis font une amphibologie, parce que l'on ne sait pas si l'adjectif "moléculaire" s'applique au mot cuisine, comme au mot "gastronomie". Je reformule donc pour répondre.
La cuisine : c'est la préparation des aliments à partir des ingrédients. Il y a des aspects techniques, artistiques, et sociaux, comme je l'explique dans mon livre que voici :
La gastronomie moléculaire, c'est donc une science de la nature.
La cuisine moléculaire : c'est une forme de cuisine qui, au lieu d'utiliser les ustensiles anciens, utilise aussi des ustensiles venus des laboratoires : siphons, azote liquide, sondes à ultrasons, thermocirculateurs pour la cuisson à basse température.
4. Peut-on dire que la gastronomie moléculaire joue déjà un rôle dans notre alimentation quotidienne ?
La gastronomie moléculaire joue un rôle par ses applications, qui sont de deux types :
- pédagogiques
- techniques.
Oui, la gastronomie moléculaire a un rôle éducatif... puisque les programmes incluent des considérations scientifiques sur l'aliment. Voir aussi les Ateliers expérimentaux du goût. Et l'on ne cuisine plus avec des dictons culinaires dépassés (par exemple, la croyance que les règles féminines auraient fait tourner les sauces !)
D'autre part, oui, la gastronomie moléculaire a eu une influence sur notre alimentation quotidienne : la cuisson à basse température est partout, les siphons sont en vente dans les supermarchés, et les agar-agar et autres se sont ajoutés à la gélatine, par exemple.
5. Des aliments déjà commercialisés comme le steak de soja ont-ils été fait suivant la gastronomie moléculaire ?
Le steak de soja est-il un produit de la gastronomie moléculaire ?
Non.
6. La gastronomie moléculaire est-elle un atout pour résoudre les problèmes d’alimentation (malnutrition, sous-nutrition) dans le monde ?
Certainement, et cela se fera par la "cuisine note à note"... qui devrait être le thème principal du travail de nos jeunes amis !
7. Pensez-vous que l’on puisse encore exploiter ce domaine ? Il y a-t-il encore des découvertes possibles sur ce sujet ?
Des découvertes à faire ? J'ai 25 000 questions dont je n'ai pas la réponse, et, chaque jour, j'abonde sur le blog Inra pour proposer des questions testables aux internautes : http://blogs.inra.fr/herve_this_cuisine
Mais, surtout, quiconque connaît la méthode scientifique (image ci dessus) comprend que la science n'a pas de fin !
8. Comment avez-vous rencontré Nicolas Kurti ? D’où vous est venu l’idée de développer ensemble la gastronomie moléculaire?
Là, la raison est déjà donnée dans mes "Questions/réponses" de mon site.
9. Pourquoi vous considérez vous comme un physico-chimiste ?
Là, j'ai bien rigolé. Parce que c'est mon métier ! D'ailleurs, on verra ci dessous que nos jeunes amis m'ont confondu avec un cuisinier.
Il faut qu'ils aillent en ligne voir comment est mon laboratoire, ce que l'on y fait. Tiens, j'ai un lien pour eux :
https://www.youtube.com/watch?v=IgpLkcDp8h4&feature=youtu.be
10. La cuisine moléculaire peut-elle amener tous les nutriments nécessaires (protéines, glucides, vitamines) au bon fonctionnement de notre organisme ?
Cette fois, nos amis parlent de cuisine moléculaire, et j'espère qu'ils savent bien :
- ce que c'est
- que c'est bien dépassé par la "cuisine note à note"
Et je crois que la question se pose pour la cuisine note à note... mais j'ai répondu de nombreuses fois sur ce blog : qu'ils aillent y chercher les réponses.
11. Les plats de la cuisine moléculaire peuvent-ils constituer un régime alimentaire diététique ?
La cuisine moléculaire ne m'intéresse plus depuis longtemps, et la seule question intéressante est à propos de la cuisine note à note. La réponse est donnée dans mon livre :
Cela étant, j'invite mes amis à réfléchir à leur formulation "régime alimentaire diététique" ? La consultation du dictionnaire leur montrera que cela n'a pas grand sens.
12. Pensez-vous que la cuisine moléculaire peut répondre aux besoins alimentaires de toute la population mondiale de demain ?
Pour la cuisine moléculaire, non. Pour la cuisine note à note, j'espère. Voir mon livre.
13. Est-ce que la cuisine moléculaire est-elle appropriée pour une alimentation quotidienne au niveau de la santé ? Nuit-elle à l’environnement ?
Même réponse que pour 12... et elle nuit certainement moins à l'environnement que la cuisine classique, qui est un véritable gaspillage !
14. Pensez-vous que c’est l’esthétique des plats qui attirent la clientèle ?
J'ai peur que nos jeunes amis ignorent que l'esthétique est une branche de la philosophie : celle qui s'intéresse au beau.
Mais bon, j'interprète : les jolis plats attirent-ils la clientèle ? Je le suppose. Et cela est discuté tout particulièrement dans mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".
15. Avez-vous beaucoup de concurrents qui pratiquent aussi la cuisine moléculaire ?
Mais moi je ne fais pas de cuisine moléculaire ! Je fais de la gastronomie moléculaire, à savoir de la science.
Et je n'ai pas des "concurrents", mais des tas de collègues merveilleux dans des tas de pays du monde... au point que nous faisons tous ensemble un gros Handbook of molecular gastronomy.
Et puis, je trouve cette idée de concurrents enfantine, limitée (pardon, mais c'est mon vrai sentiment). En musique, Bach et Buxtehude n'étaient pas "concurrents". En science, Einstein et Marie Curie n'étaient pas "concurrents".
16. Pensez-vous que la cuisine moléculaire est accessible pour le monde entier (possible dans tous les pays, prix abordables) ?
Oui, et c'est pour le public que je l'ai créée, comme un moyen d'aider l'économie familiale... mais la réponse détaillée est dans les questions/réponses de mon site.
17. La cuisine moléculaire est-elle rentable ? Votre marge de profit est-elle inférieure ou supérieure à celle d’un restaurant servant des plats traditionnels ? Et vos coûts intermédiaires sont-ils plus ou moins élevés que ceux des autres restaurants d’autres types ?
Je vous avais averti que nos jeunes amis croyaient que j'étais cuisinier !
JE NE SUIS PAS CUISINIER MAIS SCIENTIFIQUE, et plus particulièrement PHYSICOCHIMISTE !
18. Est-ce facile de se procurer les ingrédients (gomme de xanthane, alginate de sodium) ? Sont-ils chers ? Peut-on en acheter en masse et réduire son coût ? Où en achetez-vous ?
Oui, non, au supermarché.
19. Quels sont les plats les plus coûteux (pour vous en terme de coût intermédiaire) que vous présentés sur votre carte ?
Au laboratoire, je n'ai pas de carte, désole (lol).
20. Comment justifiez-vous le prix élevé des plats de la cuisine moléculaire ? Ce coût dérange-t-il la clientèle ? Pensez-vous qu’il est possible de diminuer son coût ?
Voir mon site.
21. Pensez-vous que des particuliers puissent réaliser les mêmes plats que vous (trouver tous les ingrédients, matériels) ?
Voir mon site.
22. Pourquoi pensez-vous qu’aussi peu de cuisiniers le pratiquent ? Avez-vous alors du mal à trouver des cuisiniers spécialisés dans ce domaine ?
Il y a de la cuisine moléculaire dans le monde entier, mais, encore une fois, c'est dépassé par la cuisine note à note. Et ce n'est pas une question d'argent, mais de mentalité; voir les billets correspondants.
23. Les gens appréhendent-ils de goûter à vos plats ? Pensent-ils que cela est très chimique ?
Idem 22, mais, au fait, savez-vous ce que signifie le mot "chimique" ?
24. Avez-vous déjà rencontrés des clients qui n’ont pas pu tolérer vos plats ? Ont-ils rencontré des problèmes de santé ? Si oui, quels ont été les éventuelles causes de ces imprévus ?
Je ne suis pas cuisinier !
15. En moyenne, combien de temps vous faut-il pour confectionner vos plats ? Quels sont les plats les plus rapides ? Quels sont les plats qui vous prennent le plus de temps ? Quels sont les plats les plus populaires ?
Je ne suis pas cuisinier !
16. Pouvez-vous nous donner une recette rapide et facile à faire chez soi ?
Voir les podcasts d'AgroParisTech, en particulier ceux sur le gibbs ou le dirac, mais aussi les plats que fait mon ami Pierre Gagnaire à partir de mes inventions mensuelles : https://www.pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve
17. Dans vos plats, sur quels procédés vous reposez-vous pour solliciter les sensations cognitives de vos clients ?
Je ne suis pas cuisinier !
1. Peut-on considéré la gastronomie moléculaire comme une révolution scientifique, médicale et alimentaire ?
On verra plus loin que nos amis confondent gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire, science de la nature et technique+art (culinaire.
Il faut donc commencer par leur expliquer la gastronomie moléculaire, c'est une discipline scientifique (comme la physique, la chimie, la biologie, l'astronomie...), qui, tout particulièrement, cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent en cuisine.
Par exemple, quand un cuisinier fait de la cuisine, et qu'il fait par exemple griller une viande, la viande brunit : c'est un phénomène.
La question de savoir pourquoi la viande brunit n'est pas de la cuisine, mais si l'on s'interroge scientifiquement sur cette question, on fait de la science (de la nature; rien à voir avec les sciences de l'humain et de la société).
J'insiste un peu : s'interroger scientifiquement, c'est mettre en oeuvre la méthode des sciences de la nature, expliquée dans plein d'autres billets et résumée sur la figure suivante :
Finalement, il y a la question de "révolution", mot souvent galvaudé. Que signifie-t-il ? Je montre pédagogiquement l'exemple en allant chercher son sens sur le TLFi, le seul dictionnaire qui vaille :
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=3944010540;r=1;nat=;sol=1;
Je trouve :
# Mouvement en courbe fermée autour d'un axe ou d'un point, réel ou fictif, dont le point de retour coïncide avec le point de départ : cela n'est pas le cas.
# Trajectoire effectuée par un satellite artificiel : ce n'est pas le cas non plus.
# Retour périodique; durée déterminée par un cycle : ça ne va pas.
# État, forme de ce qui est enroulé sur soi-même : non plus.
# Changement brusque et profond : ah, oui, l'introduction de cette discipline scientifique a été un changement brusque et profond, en 1988.
Reste à savoir si c'était une révolution scientifique, médicale ou alimentaire. La création d'une nouvelle discipline scientifique est certainement une révolution scientifique. Mais la gastronomie moléculaire a-t-elle influé sur la médecine ? Je ne sais pas. Sur l'alimentation ? Certainement, puisque nous avons même rénové les études dans les lycées hôteliers.
3. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre la cuisine et la gastronomie moléculaire ?
Ici, nos amis font une amphibologie, parce que l'on ne sait pas si l'adjectif "moléculaire" s'applique au mot cuisine, comme au mot "gastronomie". Je reformule donc pour répondre.
La cuisine : c'est la préparation des aliments à partir des ingrédients. Il y a des aspects techniques, artistiques, et sociaux, comme je l'explique dans mon livre que voici :
La gastronomie moléculaire, c'est donc une science de la nature.
La cuisine moléculaire : c'est une forme de cuisine qui, au lieu d'utiliser les ustensiles anciens, utilise aussi des ustensiles venus des laboratoires : siphons, azote liquide, sondes à ultrasons, thermocirculateurs pour la cuisson à basse température.
4. Peut-on dire que la gastronomie moléculaire joue déjà un rôle dans notre alimentation quotidienne ?
La gastronomie moléculaire joue un rôle par ses applications, qui sont de deux types :
- pédagogiques
- techniques.
Oui, la gastronomie moléculaire a un rôle éducatif... puisque les programmes incluent des considérations scientifiques sur l'aliment. Voir aussi les Ateliers expérimentaux du goût. Et l'on ne cuisine plus avec des dictons culinaires dépassés (par exemple, la croyance que les règles féminines auraient fait tourner les sauces !)
D'autre part, oui, la gastronomie moléculaire a eu une influence sur notre alimentation quotidienne : la cuisson à basse température est partout, les siphons sont en vente dans les supermarchés, et les agar-agar et autres se sont ajoutés à la gélatine, par exemple.
5. Des aliments déjà commercialisés comme le steak de soja ont-ils été fait suivant la gastronomie moléculaire ?
Le steak de soja est-il un produit de la gastronomie moléculaire ?
Non.
6. La gastronomie moléculaire est-elle un atout pour résoudre les problèmes d’alimentation (malnutrition, sous-nutrition) dans le monde ?
Certainement, et cela se fera par la "cuisine note à note"... qui devrait être le thème principal du travail de nos jeunes amis !
7. Pensez-vous que l’on puisse encore exploiter ce domaine ? Il y a-t-il encore des découvertes possibles sur ce sujet ?
Des découvertes à faire ? J'ai 25 000 questions dont je n'ai pas la réponse, et, chaque jour, j'abonde sur le blog Inra pour proposer des questions testables aux internautes : http://blogs.inra.fr/herve_this_cuisine
Mais, surtout, quiconque connaît la méthode scientifique (image ci dessus) comprend que la science n'a pas de fin !
8. Comment avez-vous rencontré Nicolas Kurti ? D’où vous est venu l’idée de développer ensemble la gastronomie moléculaire?
Là, la raison est déjà donnée dans mes "Questions/réponses" de mon site.
9. Pourquoi vous considérez vous comme un physico-chimiste ?
Là, j'ai bien rigolé. Parce que c'est mon métier ! D'ailleurs, on verra ci dessous que nos jeunes amis m'ont confondu avec un cuisinier.
Il faut qu'ils aillent en ligne voir comment est mon laboratoire, ce que l'on y fait. Tiens, j'ai un lien pour eux :
https://www.youtube.com/watch?v=IgpLkcDp8h4&feature=youtu.be
10. La cuisine moléculaire peut-elle amener tous les nutriments nécessaires (protéines, glucides, vitamines) au bon fonctionnement de notre organisme ?
Cette fois, nos amis parlent de cuisine moléculaire, et j'espère qu'ils savent bien :
- ce que c'est
- que c'est bien dépassé par la "cuisine note à note"
Et je crois que la question se pose pour la cuisine note à note... mais j'ai répondu de nombreuses fois sur ce blog : qu'ils aillent y chercher les réponses.
11. Les plats de la cuisine moléculaire peuvent-ils constituer un régime alimentaire diététique ?
La cuisine moléculaire ne m'intéresse plus depuis longtemps, et la seule question intéressante est à propos de la cuisine note à note. La réponse est donnée dans mon livre :
Cela étant, j'invite mes amis à réfléchir à leur formulation "régime alimentaire diététique" ? La consultation du dictionnaire leur montrera que cela n'a pas grand sens.
12. Pensez-vous que la cuisine moléculaire peut répondre aux besoins alimentaires de toute la population mondiale de demain ?
Pour la cuisine moléculaire, non. Pour la cuisine note à note, j'espère. Voir mon livre.
13. Est-ce que la cuisine moléculaire est-elle appropriée pour une alimentation quotidienne au niveau de la santé ? Nuit-elle à l’environnement ?
Même réponse que pour 12... et elle nuit certainement moins à l'environnement que la cuisine classique, qui est un véritable gaspillage !
14. Pensez-vous que c’est l’esthétique des plats qui attirent la clientèle ?
J'ai peur que nos jeunes amis ignorent que l'esthétique est une branche de la philosophie : celle qui s'intéresse au beau.
Mais bon, j'interprète : les jolis plats attirent-ils la clientèle ? Je le suppose. Et cela est discuté tout particulièrement dans mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".
15. Avez-vous beaucoup de concurrents qui pratiquent aussi la cuisine moléculaire ?
Mais moi je ne fais pas de cuisine moléculaire ! Je fais de la gastronomie moléculaire, à savoir de la science.
Et je n'ai pas des "concurrents", mais des tas de collègues merveilleux dans des tas de pays du monde... au point que nous faisons tous ensemble un gros Handbook of molecular gastronomy.
Et puis, je trouve cette idée de concurrents enfantine, limitée (pardon, mais c'est mon vrai sentiment). En musique, Bach et Buxtehude n'étaient pas "concurrents". En science, Einstein et Marie Curie n'étaient pas "concurrents".
16. Pensez-vous que la cuisine moléculaire est accessible pour le monde entier (possible dans tous les pays, prix abordables) ?
Oui, et c'est pour le public que je l'ai créée, comme un moyen d'aider l'économie familiale... mais la réponse détaillée est dans les questions/réponses de mon site.
17. La cuisine moléculaire est-elle rentable ? Votre marge de profit est-elle inférieure ou supérieure à celle d’un restaurant servant des plats traditionnels ? Et vos coûts intermédiaires sont-ils plus ou moins élevés que ceux des autres restaurants d’autres types ?
Je vous avais averti que nos jeunes amis croyaient que j'étais cuisinier !
JE NE SUIS PAS CUISINIER MAIS SCIENTIFIQUE, et plus particulièrement PHYSICOCHIMISTE !
18. Est-ce facile de se procurer les ingrédients (gomme de xanthane, alginate de sodium) ? Sont-ils chers ? Peut-on en acheter en masse et réduire son coût ? Où en achetez-vous ?
Oui, non, au supermarché.
19. Quels sont les plats les plus coûteux (pour vous en terme de coût intermédiaire) que vous présentés sur votre carte ?
Au laboratoire, je n'ai pas de carte, désole (lol).
20. Comment justifiez-vous le prix élevé des plats de la cuisine moléculaire ? Ce coût dérange-t-il la clientèle ? Pensez-vous qu’il est possible de diminuer son coût ?
Voir mon site.
21. Pensez-vous que des particuliers puissent réaliser les mêmes plats que vous (trouver tous les ingrédients, matériels) ?
Voir mon site.
22. Pourquoi pensez-vous qu’aussi peu de cuisiniers le pratiquent ? Avez-vous alors du mal à trouver des cuisiniers spécialisés dans ce domaine ?
Il y a de la cuisine moléculaire dans le monde entier, mais, encore une fois, c'est dépassé par la cuisine note à note. Et ce n'est pas une question d'argent, mais de mentalité; voir les billets correspondants.
23. Les gens appréhendent-ils de goûter à vos plats ? Pensent-ils que cela est très chimique ?
Idem 22, mais, au fait, savez-vous ce que signifie le mot "chimique" ?
24. Avez-vous déjà rencontrés des clients qui n’ont pas pu tolérer vos plats ? Ont-ils rencontré des problèmes de santé ? Si oui, quels ont été les éventuelles causes de ces imprévus ?
Je ne suis pas cuisinier !
15. En moyenne, combien de temps vous faut-il pour confectionner vos plats ? Quels sont les plats les plus rapides ? Quels sont les plats qui vous prennent le plus de temps ? Quels sont les plats les plus populaires ?
Je ne suis pas cuisinier !
16. Pouvez-vous nous donner une recette rapide et facile à faire chez soi ?
Voir les podcasts d'AgroParisTech, en particulier ceux sur le gibbs ou le dirac, mais aussi les plats que fait mon ami Pierre Gagnaire à partir de mes inventions mensuelles : https://www.pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve
17. Dans vos plats, sur quels procédés vous reposez-vous pour solliciter les sensations cognitives de vos clients ?
Je ne suis pas cuisinier !
lundi 14 janvier 2019
Sauces à l'oeuf dur
Un ami italien me fait observer que la sauce au thon du vitello
tonnato (cette sauce sur des lamelles de veau cuit) ne comporte pas de
jaune d'oeuf, mais de l'oeuf dur, et de me dire que c'est quelque chose
de tout à faire unique au monde. Sourions, en nous souvenant que chaque
pays ou presque a cette naïveté de penser que ses ingrédients (les
produits, pour l'élevage, l'agriculture ou la pêche, mais des
ingrédients pour la cuisine) sont les "meilleurs".
Quant à la présence d'oeuf dur, il faut d'abord rappeler que le blanc d'oeuf a peu de goût, sauf quand on lui en donne en le chauffant excessivement, auquel cas il se charge de ce gaz toxique qu'est l'hydrogène sulfuré. Et c'est le jaune qui est connu des cuisiniers pour apporter des goûts somptueux.
Cela étant, je trouve aussi en 1887, sous la plume d'Emmeline Raymond, Le nouveau livre de cuisine (3e édition), Paris, Firmin-Didot, 1887, p. 96, la recette de sauce suivant :
« Sauce crevette. Mettez dans une casserole un bon morceau de beurre, avec une cuillerée de farine ; tournez sur le feu ; ajoutez un verre de vin blanc, deux verres de jus de viande, poivre, sel ; laissez mijoter pendant une heure. Faites cuire trois oeufs durs ; enlevez le jaune, maniez- le avec du beurre ; épluchez des crevettes cuites, ajoutez-les aux oeufs durs, passez le tout au tamis de fil de fer ; au moment de servir la sauce, mettez y cette pâte ; veillez à ce ue la sauce ne fasse aucun bouillon ; ajoutez encore des queues de crevettes entières épluchées ».
Ici, ce n'est pas thon et oeuf dur, mais crevettes et oeuf dur. Et ce n'est pas une innovation récente, puisque l'on a fait ce type de choses depuis la Renaissance. Observons d'ailleurs que, même au tamis de fil de fer, on a une sauce qui n'est pas parfaitement lisse, donc une sauce "rustique".
Quant à la présence d'oeuf dur, il faut d'abord rappeler que le blanc d'oeuf a peu de goût, sauf quand on lui en donne en le chauffant excessivement, auquel cas il se charge de ce gaz toxique qu'est l'hydrogène sulfuré. Et c'est le jaune qui est connu des cuisiniers pour apporter des goûts somptueux.
Cela étant, je trouve aussi en 1887, sous la plume d'Emmeline Raymond, Le nouveau livre de cuisine (3e édition), Paris, Firmin-Didot, 1887, p. 96, la recette de sauce suivant :
« Sauce crevette. Mettez dans une casserole un bon morceau de beurre, avec une cuillerée de farine ; tournez sur le feu ; ajoutez un verre de vin blanc, deux verres de jus de viande, poivre, sel ; laissez mijoter pendant une heure. Faites cuire trois oeufs durs ; enlevez le jaune, maniez- le avec du beurre ; épluchez des crevettes cuites, ajoutez-les aux oeufs durs, passez le tout au tamis de fil de fer ; au moment de servir la sauce, mettez y cette pâte ; veillez à ce ue la sauce ne fasse aucun bouillon ; ajoutez encore des queues de crevettes entières épluchées ».
Ici, ce n'est pas thon et oeuf dur, mais crevettes et oeuf dur. Et ce n'est pas une innovation récente, puisque l'on a fait ce type de choses depuis la Renaissance. Observons d'ailleurs que, même au tamis de fil de fer, on a une sauce qui n'est pas parfaitement lisse, donc une sauce "rustique".
dimanche 13 janvier 2019
Je vous présente l'acide oxalique
Wikipedia est la meilleure et la pire des choses. Dans certains cas, les informations, qui ont bénéficié de la contribution d'internautes parfois très savants, sont merveilleuses, et parfois, on trouve des trucs pourris... qu'il faut se hâter de corriger.
Ici, puisque je dois présenter l'acide oxalique, je propose de commenter l'article wikipedia français.
L'acide oxalique de structure HOOC-COOH, est l'acide éthanedioïque d'après la nomenclature officielle.
Oui, il existe une organisation internationale de nomenclature, avec un "Gold book", que l'on trouve en ligne : l'IUPAC. N'hésitez pas à le consulter, en cas de doute.
C'est le plus simple des acides dicarboxyliques aliphatiques : oui.
Le produit commercial est un dihydrate, HOOC-COOH,2H2O.
Pas de problème, mais cela doit alerter les élèves et étudiants qui doivent calculer, dans des exercices où figurent l'acide oxalique : il faut tenir compte de la masse de l'eau.
Grâce à la liaison entre les deux groupes carboxyles, il est l'un des acides organiques les plus utilisés (pKA1 = 1,27 et pKA2 = 4,27) car il se décompose facilement en gaz (CO2, CO). Les anions de l'acide oxalique ainsi que les sels et esters sont connus sous le nom d'oxalates.
Moi, j'aurais dit "groupes acide carboxylique", mais j'observe avec intérêt et approbation que cet article parle de groupe (ce qui est juste) et non de "groupement" (ce qui serait mauvais).
Encore appelé sel d'oseille, on le trouve à l'état naturel sous forme d'oxalate de potassium ou de calcium dans les racines et rhizomes de nombreuses plantes telles que l'oseille, la rhubarbe, la betterave et les plantes de la famille des oxalis.
Absolument. Et il est alors "naturel".
Le terme oxalis, d'origine grecque, signifie oseille.
Le composé chimique pur est isolé en 1776 par le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele à partir d'oseille ou de rhubarbe, par une méthode analogue à celle qu'il a déjà utilisée pour extraire d'autres acides. En 1784 il démontre qu'il s'agit du même acide que celui qu'on appelait alors acide du sucre ou acide saccharin.
Et là, c'est merveilleux, on a même des références !
Friedrich Wöhler synthétise l'acide oxalique en 1824. Cette première synthèse chimique d'un produit naturel (j'aurais écrit reproduction d'un produit naturel par synthèse chimique), est une étape essentielle vers l'abandon des doctrines vitalistes, qui séparaient autrefois le règne minéral du règne végétal ou animal.
Hélas, ces théories ont encore largement cours ! Et je ne crois pas que nous soyons si près de les éradiquer !
L'oxydation des glucides les plus communs, en particulier l'amidon, voire la sciure de bois, donne l'acide oxalique, qui était souvent transformé autrefois sous forme de sels de potassium, d'où le nom de sel d'oseille. Les différents procédés d'autrefois comportaient la fusion alcaline de la cellulose. On pouvait aussi obtenir l'acide oxalique avec le monoxyde de carbone et la soude à 300 °C. Un autre procédé équivalent consiste à chauffer le formiate de sodium.
RAS
L'acide oxalique et les oxalates sont des substances toxiques au-delà d'une certaine dose, mais présentes dans de nombreuses plantes (produit terminal du métabolisme de l'acide ascorbique et de l'acide glyoxylique)18,19, dont :
# le cacao et donc le chocolat
# les noix
# les noisettes
# les baies
# les fraises
# les agrumes
# la carambole
# la rhubarbe
# les épinards
# le céleri
# la carotte
# les blettes
# certaines salades, comme la roquette
# d'autres chénopodiacées
# les figues sèches
# les groseilles
# les framboises
# les prunes
# quelques produits à base de soja
# le thé
# le café lyophilisé
# le son (dans le pain gris)
# certaines graines dont :
# les haricots verts
# les haricots secs
# l'oseille
#
# Plante Acide oxalique
# (mg/100 g, masse sèche)
# cladodes de platyopuntia 13 000
# Feuilles de betterave >12 000
# Cacao 4500
# Thé 3700
# Épinards 460 – 3200
# Rhubarbe 500 – 2400
# Blette 690
# Oseille 300 – 500
# Betterave 340
# Persil 190
L'acide oxalique est un solide cristallin, incolore et inodore. La forme dihydratée translucide (poudre blanche) est soluble dans l'eau, soit 12,5 % en masse à 25 °C. Il présente une faible solubilité dans les solvants organiques. La forme anhydre est très soluble dans l'alcool, très peu dans l'éther, et insoluble dans le benzène et le chloroforme.
Tout cela va bien, avec références
Toxicité et biologie
L'acide oxalique provoque des irritations locales importantes : l'absorption aisée par les muqueuses et la peau provoque des troubles de la circulation sanguine et des dommages rénaux.
Oui, mais tout est une question de dose ! Ne nous effrayons pas inutilement !
Cet acide peut irriter la voie œsophagienne ou gastrique lors de son ingestion et provoquer des dommages rénaux (calculs, oligurie, albuminurie, hématurie).Il est mortel à forte dose ; chez l'humain, la dose orale LDLo (lowest published lethal dose) est de 600 mg/kg.
Il faut quand même observer que 600 mg/kg, c'est beaucoup ! L'eau aussi, est mortelle, à haute dose !
Les individus en bonne santé peuvent sans problème manger des aliments contenant de l'acide oxalique ou des oxalates, mais on recommande aux personnes atteintes de certains types de calcul rénaux, de goutte ou d'arthrite d'éviter leur consommation.
À cause de sa capacité à se lier à certains minéraux tels que le calcium, le fer, le sodium, le potassium ou le magnésium, la consommation d'aliments à forte dose en acide oxalique peut provoquer des carences alimentaires.
C'est exact.
Bref, beaucoup de choses excellentes, dans cet article... et des références pour aller plus loin !
Ici, puisque je dois présenter l'acide oxalique, je propose de commenter l'article wikipedia français.
L'acide oxalique de structure HOOC-COOH, est l'acide éthanedioïque d'après la nomenclature officielle.
Oui, il existe une organisation internationale de nomenclature, avec un "Gold book", que l'on trouve en ligne : l'IUPAC. N'hésitez pas à le consulter, en cas de doute.
C'est le plus simple des acides dicarboxyliques aliphatiques : oui.
Le produit commercial est un dihydrate, HOOC-COOH,2H2O.
Pas de problème, mais cela doit alerter les élèves et étudiants qui doivent calculer, dans des exercices où figurent l'acide oxalique : il faut tenir compte de la masse de l'eau.
Grâce à la liaison entre les deux groupes carboxyles, il est l'un des acides organiques les plus utilisés (pKA1 = 1,27 et pKA2 = 4,27) car il se décompose facilement en gaz (CO2, CO). Les anions de l'acide oxalique ainsi que les sels et esters sont connus sous le nom d'oxalates.
Moi, j'aurais dit "groupes acide carboxylique", mais j'observe avec intérêt et approbation que cet article parle de groupe (ce qui est juste) et non de "groupement" (ce qui serait mauvais).
Encore appelé sel d'oseille, on le trouve à l'état naturel sous forme d'oxalate de potassium ou de calcium dans les racines et rhizomes de nombreuses plantes telles que l'oseille, la rhubarbe, la betterave et les plantes de la famille des oxalis.
Absolument. Et il est alors "naturel".
Le terme oxalis, d'origine grecque, signifie oseille.
Le composé chimique pur est isolé en 1776 par le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele à partir d'oseille ou de rhubarbe, par une méthode analogue à celle qu'il a déjà utilisée pour extraire d'autres acides. En 1784 il démontre qu'il s'agit du même acide que celui qu'on appelait alors acide du sucre ou acide saccharin.
Et là, c'est merveilleux, on a même des références !
Friedrich Wöhler synthétise l'acide oxalique en 1824. Cette première synthèse chimique d'un produit naturel (j'aurais écrit reproduction d'un produit naturel par synthèse chimique), est une étape essentielle vers l'abandon des doctrines vitalistes, qui séparaient autrefois le règne minéral du règne végétal ou animal.
Hélas, ces théories ont encore largement cours ! Et je ne crois pas que nous soyons si près de les éradiquer !
L'oxydation des glucides les plus communs, en particulier l'amidon, voire la sciure de bois, donne l'acide oxalique, qui était souvent transformé autrefois sous forme de sels de potassium, d'où le nom de sel d'oseille. Les différents procédés d'autrefois comportaient la fusion alcaline de la cellulose. On pouvait aussi obtenir l'acide oxalique avec le monoxyde de carbone et la soude à 300 °C. Un autre procédé équivalent consiste à chauffer le formiate de sodium.
RAS
L'acide oxalique et les oxalates sont des substances toxiques au-delà d'une certaine dose, mais présentes dans de nombreuses plantes (produit terminal du métabolisme de l'acide ascorbique et de l'acide glyoxylique)18,19, dont :
# le cacao et donc le chocolat
# les noix
# les noisettes
# les baies
# les fraises
# les agrumes
# la carambole
# la rhubarbe
# les épinards
# le céleri
# la carotte
# les blettes
# certaines salades, comme la roquette
# d'autres chénopodiacées
# les figues sèches
# les groseilles
# les framboises
# les prunes
# quelques produits à base de soja
# le thé
# le café lyophilisé
# le son (dans le pain gris)
# certaines graines dont :
# les haricots verts
# les haricots secs
# l'oseille
#
# Plante Acide oxalique
# (mg/100 g, masse sèche)
# cladodes de platyopuntia 13 000
# Feuilles de betterave >12 000
# Cacao 4500
# Thé 3700
# Épinards 460 – 3200
# Rhubarbe 500 – 2400
# Blette 690
# Oseille 300 – 500
# Betterave 340
# Persil 190
L'acide oxalique est un solide cristallin, incolore et inodore. La forme dihydratée translucide (poudre blanche) est soluble dans l'eau, soit 12,5 % en masse à 25 °C. Il présente une faible solubilité dans les solvants organiques. La forme anhydre est très soluble dans l'alcool, très peu dans l'éther, et insoluble dans le benzène et le chloroforme.
Tout cela va bien, avec références
Toxicité et biologie
L'acide oxalique provoque des irritations locales importantes : l'absorption aisée par les muqueuses et la peau provoque des troubles de la circulation sanguine et des dommages rénaux.
Oui, mais tout est une question de dose ! Ne nous effrayons pas inutilement !
Cet acide peut irriter la voie œsophagienne ou gastrique lors de son ingestion et provoquer des dommages rénaux (calculs, oligurie, albuminurie, hématurie).Il est mortel à forte dose ; chez l'humain, la dose orale LDLo (lowest published lethal dose) est de 600 mg/kg.
Il faut quand même observer que 600 mg/kg, c'est beaucoup ! L'eau aussi, est mortelle, à haute dose !
Les individus en bonne santé peuvent sans problème manger des aliments contenant de l'acide oxalique ou des oxalates, mais on recommande aux personnes atteintes de certains types de calcul rénaux, de goutte ou d'arthrite d'éviter leur consommation.
À cause de sa capacité à se lier à certains minéraux tels que le calcium, le fer, le sodium, le potassium ou le magnésium, la consommation d'aliments à forte dose en acide oxalique peut provoquer des carences alimentaires.
C'est exact.
Bref, beaucoup de choses excellentes, dans cet article... et des références pour aller plus loin !
L'avais-je prévu ?
Encore des amis des "travaux personnels encadrés", qui m'interrogent à propos de cuisine moléculaire et de gastronomie moléculaire.
Pour aujourd'hui, voici les questions et les réponses.
Donc oui, mille fois oui, la cuisine peut exister sans la science ! Elle a longtemps existé sans elle, et ce n'est d'ailleurs qu'en 1988 que nous avons introduit la science nommée gastronomie moléculaire pour étudier la cuisine. On observe que pour étudier la cuisine (scientifiquement), il faut que la cuisine pré-existe !
3. Au final, la cuisine moléculaire est-elle un nouveau style de cuisine ou une simple chimie mise en application ?
Observons que l'expression "au final" n'est pas de bon français.
La cuisine moléculaire, un nouveau style ? Disons un style, oui, et l'anglais fait une différence entre "molecular cooking", qui désigne une technique (l'usage d'ustensiles venus des laboratoires) et "molecular cuisine", qui est un style fondé sur cette technique.
Un style "nouveau" ? Pas si nouveau que cela : la chose a commencé en 1980, et nos amis des TPE n'étaient pas nés ! Non, ce qui est nouveau, c'est la cuisine note à note !
Mais arrivons à la partie plus intéressante de la question "la cuisine moléculaire est-elle une simple chimie mise en application ?". Là, encore, il y a une confusion avec le mot "chimie", dont je rappelle que, malgré des usages dévoyés, il s'agit de science : la chimie est la science de la nature qui s'interroge sur les transformations moléculaires, et je milite pour que l'on ne désigne pas par "chimie" les applications de la chimie ; après tout, l'arbre n'est pas le fruit, non ? Mais oui, la cuisine moléculaire fait usage d’ustensiles venus des laboratoires de chimie. Est-ce alors une "application de la chimie" ? Très indirecte, car la chimie, elle, s'intéresse moins aux ustensiles qu'aux réactions, et la cuisine moléculaire, elle, se focalise sur les réactions.
Quant à la cuisine note à note, on pourra dire que c'est une application de la gastronomie moléculaire, mais hélas, nos jeunes amis de s'intéressent pas à cela.
Il faut maintenant conclure en rappelant que, pour aider les étudiants qui font des travaux sur
- la gastronomie moléculaire (ce n'est pas de la cuisine, mais de la science, et il faut ajouter que la discipline, scientifique donc, se développe dans des laboratoires du monde entier),
- ou bien sur la cuisine moléculaire (c'est complètement dépassé, notamment avec le développement de la cuisine note à note),
- ou encore sur la cuisine note à note (la cuisine du futur),
et pour répondre aux questions (qui sont souvent les mêmes : si vous avez choisi la mayonnaise ou les perles d'alginate, changez rapidement), j'ai publié récemment un livre intitulé "Mon histoire de cuisine" (Editions Belin, Paris).
D'autre part, j'ai construit UN TRES GROS SITE, que je viens d'ailleurs de refaire de fond en comble : http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
Il s'y trouve notamment un ESPACE TPE/TIPE :
http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/applications-pedagogiques/second-degre/tpe-et-tipe.
Je vous invite à aller l'explorer en détail, notamment parce qu'il explique ce que sont les travaux demandés par les institutions d'enseignement (TPE, TIPE, mémoires d'université...), et comment il faut les faire. En particulier, il dit clairement qu'il vaut mieux focaliser sur un point particulier que de faire une synthèse très générale.
Pour les QUESTIONS spécifiques sur la gastronomie moléculaire, ou sur la cuisine moléculaire (je répète : si la gastronomie moléculaire est parfaitement actuelle, la cuisine moléculaire, elle, est bien dépassée, et si c'est votre sujet, changez vite), ou sur la cuisine note à note, ou sur des préparations culinaires variées (le soufflé, la sauce mayonnaise, le chocolat chantilly, etc.), il y a une grosse série de pages "questions/réponses" (http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses), complétées par une série de pages "questions/answers", en anglais (http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/pour-en-savoir-plus/questions-and-answers).
Les deux groupes de pages ne disent pas la même chose, et ils renvoient vers des sous rubriques que je vous invite à explorer.
Evidemment, si certaines des questions n'avaient pas de réponse, je pourrais les ajouter... mais il y a déjà des montagnes d'informations.
J'allais oublier : je réponds le plus souvent aux questions non pas par email, par sur mo blog http://hervethis.blogspot.fr/. Il y a de nombreuses réponses à des questions posées par des élèves tels que vous.
Pour me rencontrer, c'est plus difficile, car je n'ai pas assez de temps pour consacrer ne fut-ce qu'une heure aux élèves (à raison de 10 à 30 demandes par jour, cela fait 10 à 30 heures par jour !). C'est pourquoi je propose aux élèves de venir à un des "Séminaires de gastronomie moléculaire", qui se tiennent le plus souvent (vérifiez les dates sur le site http://www.agroparistech.fr/Les-activites-de-Herve-This.html!) le troisième lundi de chaque mois, de 16 à 18 heures, à Paris. L'entrée est libre, mais il faut un laisser passer que l'on obtient en écrivant à icmg@agroparistech.fr ; et ils peuvent prendre des photos, faire des films, poser des questions... (mais pas aux questions dont la réponse est sur mon site !).
Voir le lien pour les conférences et séminaires : http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/liste-des-conferences-prevues
Je répète enfin que si la gastronomie moléculaire (de la science, donc) est très active, la cuisine moléculaire (de la cuisine) est très dépassée par la cuisine note à note (également de la cuisine, mais celle de demain).
Pour la cuisine note à note, voir :
- le cours 2012 podcasté sur le site AgroParisTech : http://www.agroparistech.fr/podcast/-Cours-2012-La-cuisine-note-a-note-.html
- les pages note à note du Centre international de gastronomie moléculaire, sur le site AgroParisTech : http://www.agroparistech.fr/-Centre-international-de-.html
- le podcast de la séance publique de l'Académie d'agriculture de France : http://www.academie-agriculture.fr/seances/la-cuisine-note-note-questions-nutritionnelles-toxicologiques-economiques-politiques?191212
- mon livre "La cuisine note à note", aux éditions Belin
- les pages sur mon site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
- à noter que, pour ceux qui veulent faire des expérimentations avec la cuisine note à note, il y a des adresses de fournisseurs de produits sur ma page https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/cuisine-note-a-note/des-produits
Groupe de Gastronomie moléculaire (Laboratoire de chimie analytique, UMR 1145 Ingénierie Procédés Aliment GENIAL)
16 rue Claude Bernard, 75005 Paris.
tel : +33 1 44 08 72 90
Courriel : herve.this@agroparistech.fr
Twitter : @Herve_This ; Skype : hervethis
site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
blogs :
http://www.agroparistech.fr/-Le-blog-de-Herve-This-Vive-la-.html
http://hervethis.blogspot.fr/
http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/
http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/
http://molecular-gastronomy-international.blogspot.fr/
http://hthisnoteanote.blogspot.fr/
Vient de paraître : Le terroir à toutes les sauces, éditions de la Nuée bleue
Pour aujourd'hui, voici les questions et les réponses.
1. Pensez-vous que la cuisine pourrait exister sans la science ?
La cuisine existe depuis que des humains ont préparé des plats, notamment en ménageant des cuissons ou des fermentations qui contribuaient à la digestibilité ou au goût, sans compter la troisième fonction essentielle de la cuisine, à savoir tuer les micro-organismes pathogènes qui contaminaient les ingrédients alimentaires. A ces époques reculées, il n'y avait pas de sciences de la nature.
Ce qui ne signifie pas que nos lointains ancêtres ne réfléchissaient pas sur les causes des phénomènes, mais la plupart invoquaient des "dieux", des divinités, pour expliquer le tonnerre (Zeus), la pluie, le soleil, les sources, le jour ou la nuit, les étoiles... D'où les mythes, notamment.
Les sciences de la nature, elles, sont devenues modernes vers la Renaissance, quand Galilée a proposé que l'on marche sur deux pieds : l'expérimentation et le calcul. Il n'est pas le seul, puisque Bacon a ajouté que tout devait être mesuré... Mais j'ai évoqué tout cela plus en détail dans mon livre "Cours de gastronomie moléculaire 1 : science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?"
Et puis, j'en profite parce que cela sera utile à nos amis, je recommande de diffuser partout cette image essentielle à leur travail, expliquée dans le livre :
2. L'utilisation
de cette innovation dans le monde gastronomique était-elle celle que
vous envisagiez de propager après avoir inventé la cuisine moléculaire ?
"Cette innovation" : de quelle innovation parlez-vous ? De la gastronomie moléculaire ? Et puis, je vois évoquée la "cuisine moléculaire" : il faut bien faire la différence, que je rappelle brièvement :
1. la cuisine moléculaire était une volonté de rénover techniquement la cuisine en y introduisant des ustensiles qui étaient utiles, et présents dans les laboratoires de chimie (azote liquide, siphons, thermocirculateurs, sondes à ultrasons...) ; la promotion de l'usage de ces ustensiles modernes s'est faite après 1980, mais je n'ai donné le nom "cuisine moléculaire" qu'en 1999, parce que beaucoup de monde confondait la cuisine moléculaire (de la cuisine, comme son nom l'indique) et la gastronomie moléculaire, qui est bien autre chose (de la science) ; elle est dépassée... par la "cuisine note à note".
2. la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique que j'ai commencé à pratiquer le 24 mars 1980, et qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent quand on cuisine ; c'est une science de la nature, et elle a été formalisée par moi-même et par Nicholas Kurti, et elle n'aura pas de fin. Elle se développe d'ailleurs dans les universités et laboratoires de recherche du monde entier... et nous préparons un gros Handbook of molecular gastronomy, qui sortira sans doute cette année.
3. Au final, la cuisine moléculaire est-elle un nouveau style de cuisine ou une simple chimie mise en application ?
Observons que l'expression "au final" n'est pas de bon français.
La cuisine moléculaire, un nouveau style ? Disons un style, oui, et l'anglais fait une différence entre "molecular cooking", qui désigne une technique (l'usage d'ustensiles venus des laboratoires) et "molecular cuisine", qui est un style fondé sur cette technique.
Un style "nouveau" ? Pas si nouveau que cela : la chose a commencé en 1980, et nos amis des TPE n'étaient pas nés ! Non, ce qui est nouveau, c'est la cuisine note à note !
Mais arrivons à la partie plus intéressante de la question "la cuisine moléculaire est-elle une simple chimie mise en application ?". Là, encore, il y a une confusion avec le mot "chimie", dont je rappelle que, malgré des usages dévoyés, il s'agit de science : la chimie est la science de la nature qui s'interroge sur les transformations moléculaires, et je milite pour que l'on ne désigne pas par "chimie" les applications de la chimie ; après tout, l'arbre n'est pas le fruit, non ? Mais oui, la cuisine moléculaire fait usage d’ustensiles venus des laboratoires de chimie. Est-ce alors une "application de la chimie" ? Très indirecte, car la chimie, elle, s'intéresse moins aux ustensiles qu'aux réactions, et la cuisine moléculaire, elle, se focalise sur les réactions.
Quant à la cuisine note à note, on pourra dire que c'est une application de la gastronomie moléculaire, mais hélas, nos jeunes amis de s'intéressent pas à cela.
Il faut maintenant conclure en rappelant que, pour aider les étudiants qui font des travaux sur
- la gastronomie moléculaire (ce n'est pas de la cuisine, mais de la science, et il faut ajouter que la discipline, scientifique donc, se développe dans des laboratoires du monde entier),
- ou bien sur la cuisine moléculaire (c'est complètement dépassé, notamment avec le développement de la cuisine note à note),
- ou encore sur la cuisine note à note (la cuisine du futur),
et pour répondre aux questions (qui sont souvent les mêmes : si vous avez choisi la mayonnaise ou les perles d'alginate, changez rapidement), j'ai publié récemment un livre intitulé "Mon histoire de cuisine" (Editions Belin, Paris).
D'autre part, j'ai construit UN TRES GROS SITE, que je viens d'ailleurs de refaire de fond en comble : http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
Il s'y trouve notamment un ESPACE TPE/TIPE :
http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/applications-pedagogiques/second-degre/tpe-et-tipe.
Je vous invite à aller l'explorer en détail, notamment parce qu'il explique ce que sont les travaux demandés par les institutions d'enseignement (TPE, TIPE, mémoires d'université...), et comment il faut les faire. En particulier, il dit clairement qu'il vaut mieux focaliser sur un point particulier que de faire une synthèse très générale.
Pour les QUESTIONS spécifiques sur la gastronomie moléculaire, ou sur la cuisine moléculaire (je répète : si la gastronomie moléculaire est parfaitement actuelle, la cuisine moléculaire, elle, est bien dépassée, et si c'est votre sujet, changez vite), ou sur la cuisine note à note, ou sur des préparations culinaires variées (le soufflé, la sauce mayonnaise, le chocolat chantilly, etc.), il y a une grosse série de pages "questions/réponses" (http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses), complétées par une série de pages "questions/answers", en anglais (http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/pour-en-savoir-plus/questions-and-answers).
Les deux groupes de pages ne disent pas la même chose, et ils renvoient vers des sous rubriques que je vous invite à explorer.
Evidemment, si certaines des questions n'avaient pas de réponse, je pourrais les ajouter... mais il y a déjà des montagnes d'informations.
J'allais oublier : je réponds le plus souvent aux questions non pas par email, par sur mo blog http://hervethis.blogspot.fr/. Il y a de nombreuses réponses à des questions posées par des élèves tels que vous.
Pour me rencontrer, c'est plus difficile, car je n'ai pas assez de temps pour consacrer ne fut-ce qu'une heure aux élèves (à raison de 10 à 30 demandes par jour, cela fait 10 à 30 heures par jour !). C'est pourquoi je propose aux élèves de venir à un des "Séminaires de gastronomie moléculaire", qui se tiennent le plus souvent (vérifiez les dates sur le site http://www.agroparistech.fr/Les-activites-de-Herve-This.html!) le troisième lundi de chaque mois, de 16 à 18 heures, à Paris. L'entrée est libre, mais il faut un laisser passer que l'on obtient en écrivant à icmg@agroparistech.fr ; et ils peuvent prendre des photos, faire des films, poser des questions... (mais pas aux questions dont la réponse est sur mon site !).
Voir le lien pour les conférences et séminaires : http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/liste-des-conferences-prevues
Je répète enfin que si la gastronomie moléculaire (de la science, donc) est très active, la cuisine moléculaire (de la cuisine) est très dépassée par la cuisine note à note (également de la cuisine, mais celle de demain).
Pour la cuisine note à note, voir :
- le cours 2012 podcasté sur le site AgroParisTech : http://www.agroparistech.fr/podcast/-Cours-2012-La-cuisine-note-a-note-.html
- les pages note à note du Centre international de gastronomie moléculaire, sur le site AgroParisTech : http://www.agroparistech.fr/-Centre-international-de-.html
- le podcast de la séance publique de l'Académie d'agriculture de France : http://www.academie-agriculture.fr/seances/la-cuisine-note-note-questions-nutritionnelles-toxicologiques-economiques-politiques?191212
- mon livre "La cuisine note à note", aux éditions Belin
- les pages sur mon site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
- à noter que, pour ceux qui veulent faire des expérimentations avec la cuisine note à note, il y a des adresses de fournisseurs de produits sur ma page https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/cuisine-note-a-note/des-produits
Groupe de Gastronomie moléculaire (Laboratoire de chimie analytique, UMR 1145 Ingénierie Procédés Aliment GENIAL)
16 rue Claude Bernard, 75005 Paris.
tel : +33 1 44 08 72 90
Courriel : herve.this@agroparistech.fr
Twitter : @Herve_This ; Skype : hervethis
site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
blogs :
http://www.agroparistech.fr/-Le-blog-de-Herve-This-Vive-la-.html
http://hervethis.blogspot.fr/
http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/
http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/
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samedi 12 janvier 2019
Cuissons de viande (suite)
Dans la série des idées fausses qui traînent, on me signale celle-ci, selon laquelle, quand on sale une viande avant de la sauter, le sel mettrait entre 5 et 8 minutes à se dissoudre.
C'est faux, car le sel en présence de liquide commence immédiatement à se dissoudre, à partir de la surface, progressivement.
Ce qui est en jeu, c'est la fin de la dissolution, la disparition du cristal de sel... et cela intervient après un temps qui dépend évidemment de la taille des cristaux. Par exemple, pour ce "sel glace" que j'avais inventé, la dissolution est quasi instantanée.
La pénétration du sel dans la viande ? Il n'y a pas de règle générale, parce que tout dépend des viandes, et aussi de la découpe, avec les fibres parallèles ou perpendiculaires à la surface grillée. Il y a des viandes pour lesquelles le sel n'entre pas, même après plusieurs heures ou jours, et d'autre pour lesquelles le sel pénètre par capillarité entre les faisceaux de fibres musculaires (c'est surtout vrai pour les viandes très tendres, ou pour la chair de poisson, par exemple).
La meilleure solution, entre saler avant, après, pendant ? C'est celle que l'on préfère !
Je rappelle que l'art culinaire est de l'art : et le "meilleur", c'est celui que je préfère. Rien à voir avec la technique... surtout quand les conseils viennent d'incompétents.
J'entends parler de saler pour modifier la structure des protéines et éviter qu'elles se tordent à la cuisson en expulsant du jus : le collagène, qui sera désorganisé à la cuisson, se contracte en fonction de la température, et la perte en jus ne dépend pas de la viande, seulement, mais surtout de la température atteinte ! Et c'est la raison pour laquelle la cuisson à basse température donne des viandes si tendres et si juteuses : avec peu de contraction collagénique, il y a peu d'exclusion du jus.
Caramélisation et réactions de Maillard : quand une viande brunit, il n'y a pas de caramélisation, car cette réaction est un brunissement qui résulte de la désydratation intramoléculaire du saccharose, le sucre de table... qui est absent des viandes. Certains disent que le brunissement résulte de "réaction de Maillard", mais on doit parler au pluriel (les réactions de Maillard), d'une part, et, d'autre part, le brunissement des viandes grillées n'est pas un résultat de réactions de Maillard, mais surtout de diverses pyrolyses ou thermolyses. Mais évidemment, dire "réactions de Maillard", ça impressionne (disons : il y a de l'imposture, parce que cela fait savant ; pensons : plusieurs syllabes !)
Et je m'arrête là, parce que l'éventail des élucubrations ou des inventions est infini. Ne lisons que les bons auteurs !
C'est faux, car le sel en présence de liquide commence immédiatement à se dissoudre, à partir de la surface, progressivement.
Ce qui est en jeu, c'est la fin de la dissolution, la disparition du cristal de sel... et cela intervient après un temps qui dépend évidemment de la taille des cristaux. Par exemple, pour ce "sel glace" que j'avais inventé, la dissolution est quasi instantanée.
La pénétration du sel dans la viande ? Il n'y a pas de règle générale, parce que tout dépend des viandes, et aussi de la découpe, avec les fibres parallèles ou perpendiculaires à la surface grillée. Il y a des viandes pour lesquelles le sel n'entre pas, même après plusieurs heures ou jours, et d'autre pour lesquelles le sel pénètre par capillarité entre les faisceaux de fibres musculaires (c'est surtout vrai pour les viandes très tendres, ou pour la chair de poisson, par exemple).
La meilleure solution, entre saler avant, après, pendant ? C'est celle que l'on préfère !
Je rappelle que l'art culinaire est de l'art : et le "meilleur", c'est celui que je préfère. Rien à voir avec la technique... surtout quand les conseils viennent d'incompétents.
J'entends parler de saler pour modifier la structure des protéines et éviter qu'elles se tordent à la cuisson en expulsant du jus : le collagène, qui sera désorganisé à la cuisson, se contracte en fonction de la température, et la perte en jus ne dépend pas de la viande, seulement, mais surtout de la température atteinte ! Et c'est la raison pour laquelle la cuisson à basse température donne des viandes si tendres et si juteuses : avec peu de contraction collagénique, il y a peu d'exclusion du jus.
Caramélisation et réactions de Maillard : quand une viande brunit, il n'y a pas de caramélisation, car cette réaction est un brunissement qui résulte de la désydratation intramoléculaire du saccharose, le sucre de table... qui est absent des viandes. Certains disent que le brunissement résulte de "réaction de Maillard", mais on doit parler au pluriel (les réactions de Maillard), d'une part, et, d'autre part, le brunissement des viandes grillées n'est pas un résultat de réactions de Maillard, mais surtout de diverses pyrolyses ou thermolyses. Mais évidemment, dire "réactions de Maillard", ça impressionne (disons : il y a de l'imposture, parce que cela fait savant ; pensons : plusieurs syllabes !)
Et je m'arrête là, parce que l'éventail des élucubrations ou des inventions est infini. Ne lisons que les bons auteurs !
vendredi 11 janvier 2019
Je réponds à des questions
Bonjour et merci du message.
Je réponds point à point à un message (en me souvenant que le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture, et aussi qu'il n'est pas nécessaire d'être luguble pour être sérieux ; pensez que je vous souris souvent en écrivant... des choses justes, puisque je n'ai rien à vendre)
1.
Bonjour M. THIS.
Je suis un peu perdu dans les dénominations et donc dans les compositions des différents arômes.
Et vous avez des raisons de l'être : la législation ne marche pas parallèlement à la langue française. Je me bats depuis des décennies contre le syndicat des parfumeurs et "arômes" pour que l'on rectifie cela. A noter que la France, qui se targue de bien penser + parler est plutôt moins bien que le monde anglo-saxon. Aidez moi svp.
2.
Quand peut-on dire que l'on mange des composants naturels et quand peut-on dire que l'on ingurgite des produits chimiques?
Le dictionnaire le dit : un objet est "naturel" s'il n'a fait l'objet d'aucune intervention humaine. Par conséquent, rien en cuisine n'est naturel, sauf des champignons sauvages ou des poissons sauvages consommés crus ! Le reste : il y a le travail du cuisinier, de l'artiste. Artiste, artificiel !
Maintenant, la question du "chimique" : il y a là une faute qui menace, parce que le sel, par exemple, est le même qu'il soit synthétisé ou extrait d'une mine ou de la mer. Tout comme le sucre, etc.
La question, c'est de savoir si c'est extrait ou synthétisé, pas si c'est artificiel (cela l'est toujours).
Mais, là encore, l'extrait n'est pas nécessairement meilleur que le synthétisé. IL y a une question de loyauté sur l'origine des ingrédients (ce sont des ingrédients, pas les "produits", puisque les produits sont... ce qui est produit par le cuisinier, donc les mets.
Mais il existe des composés qui sont fabriqués par l'industrie dite chimique. A noter qu'il faut regarder cas par cas. Par exemple, le dioxyde de titane a le même statut que le sel. Et le caramel est le résultat d'une terrible synthèse. Tout cela est expliqué dans mon livre "Mon histoire de cuisine".
3.
Par exemple, j'ai acheté chez un grossiste en pâtisserie une pâte assez liquide (!) blanche intitulée "AROME BIGAFLOR PÂTE".
Sur l'étiquette est inscrit : " Eau osmosée, arômes.
Plus bas: "Géraniol, d-limonene, Citral, alpha-pinene.
À la lecture, tout semble faire croire que c'est de la chimie pure et dure que nous allons avaler.
Oui, le géraniol, le limonène, le citral et le pinène sont des composés qui sont dans les produits aromatiques ou dans divers végétaux. Par exemple, le limonène est extrait des écorces de citron ou d'orange par simple pressage. On en achète même du "kasher". Et ces ingrédients sont ceux de l'industrie des parfums et "arômes".
Je mets des guillemets à arômes, parce que le mot est déloyal, malhonnête : un arôme, en français, c'est l'odeur d'une plante aromatique, un point c'est tout. La législation ne devrait jamais reconnaitre sous le nom d'arômes des composés odorants.
J'ai proposé "compositions odorantes", ou "extraits odorants". Une composition, c'est quand c'est assemblé à partir de ces composés odorants ; un extrait, c'est quand c'est extrait. Simple, non ?
Et j'ajoute qu'il a fallu batailler pour que la réglementation n'admette pas l'expression "aliments naturels", ce qui aurait été un mensonge honteux !
Cela dit, la chimie est une science, et on ne mangera jamais une science.
4.
Or, les éléments cités ci-dessus sont des molécules
Non, des composés. Un composé, c'est une espèce moléculaire, avec toutes les molécules identiques. Par exemple, l'eau est un composé, une espèce moléculaire, et un verre d'eau est fait de très très nombreux objets tous identiques que l'on nomme des molécules (d'eau en l'occurrence).
5.
que l'on trouve dans diverses plantes et fruits (si je ne m'abuse).
Oui pour ceux que vous avez indiqués
6.
Et la société qui commercialise, en Tunisie (http://www.bigaflor.online.fr/spip.php?article1), est spécialisée dans la cueillette de fleurs d'oranger.
Je pense qu'il est moins couteux d'extraire, à partir d'autres fruits et plantes que la fleur d'oranger, les principales molécules qui entrent dans l'arôme de celui de la fleur d'oranger.
Non, on peut très bien synthétiser une composition "odeur de fleur d'oranger" à partir de plein d'autres sources, et même, c'est sans doute bien moins couteux.
Par exemple, la vanilline de la vanille se produit à partir de pâte à papier pour trois fois rien, et très facilement.
7.
Et ensuite, de les assembler pour obtenir l'arôme recherché.
C'est le métier des parfumeurs et "aromaticiens"
8.
Dans ces cas-là, nous avons bien de la "chimie" mais réalisée avec des molécules naturelles.
Vous comprenez maintenant que votre phrase est compliquée, parce que vous n'aviez pas les bons termes : chimie, molécules, naturel.
9.
Ce qui est de l'assemblage (synthèse) de ....produits naturels.
Me trompé-je ?
Il y a une différence, en chimie, entre un assemblage (ou mélange) et une synthèse.
Par exemple, à partir d'oxygène et d'hydrogène, on peut synthétiser des molécules d'eau. Et avec de l'eau et du sucre, on fait du sirop par assemblage.
10.
Pourriez-vous m'éclairer, s'il vous plait, ou m'indiquer où trouver des éléments de réponse ?
Je m'empresse de vous dire que je ne suis pas chimiste, ni même cuisinier.
Juste un amateur et passionné de cuisine et de produits naturels.
Des éléments de réponse : je fais une explication par jour sur mon blog https://hervethis.blogspot.com/
Et il y a mes livres, notamment celui que j'évoquais précédemment, où j'ai plus la place d'expliquer qu'ici.
Pardonnez moi de vous ennuyer, ;-)... mais vous avez le droit d'être passionné de cuisine... mais l'êtes vous vraiment de produits naturels ? Si vous aimez la cuisine, vous n'aimez donc pas les produits naturels, en vertu de tout ce que j'ai expliqué plus haut.
11.
Merci pour votre aide.
De rien, un plaisir !
Rendez vous sur mes blogs pour d'autres explications :
Une présentation des travaux : http://www.canalc2.tv/video/13472
Site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
Blogs :
https://hervethis.blogspot.com/
http://www2.agroparistech.fr/-Le-blog-de-Herve-This-Vive-la-connaissance-.html
http://blogs.inra.fr/herve_this_cuisine
http://www.scilogs.fr/
Podcasts :
http://www2.agroparistech.fr/podcast/-Gastronomie-Moleculaire-.html
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Je réponds point à point à un message (en me souvenant que le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture, et aussi qu'il n'est pas nécessaire d'être luguble pour être sérieux ; pensez que je vous souris souvent en écrivant... des choses justes, puisque je n'ai rien à vendre)
1.
Bonjour M. THIS.
Je suis un peu perdu dans les dénominations et donc dans les compositions des différents arômes.
Et vous avez des raisons de l'être : la législation ne marche pas parallèlement à la langue française. Je me bats depuis des décennies contre le syndicat des parfumeurs et "arômes" pour que l'on rectifie cela. A noter que la France, qui se targue de bien penser + parler est plutôt moins bien que le monde anglo-saxon. Aidez moi svp.
2.
Quand peut-on dire que l'on mange des composants naturels et quand peut-on dire que l'on ingurgite des produits chimiques?
Le dictionnaire le dit : un objet est "naturel" s'il n'a fait l'objet d'aucune intervention humaine. Par conséquent, rien en cuisine n'est naturel, sauf des champignons sauvages ou des poissons sauvages consommés crus ! Le reste : il y a le travail du cuisinier, de l'artiste. Artiste, artificiel !
Maintenant, la question du "chimique" : il y a là une faute qui menace, parce que le sel, par exemple, est le même qu'il soit synthétisé ou extrait d'une mine ou de la mer. Tout comme le sucre, etc.
La question, c'est de savoir si c'est extrait ou synthétisé, pas si c'est artificiel (cela l'est toujours).
Mais, là encore, l'extrait n'est pas nécessairement meilleur que le synthétisé. IL y a une question de loyauté sur l'origine des ingrédients (ce sont des ingrédients, pas les "produits", puisque les produits sont... ce qui est produit par le cuisinier, donc les mets.
Mais il existe des composés qui sont fabriqués par l'industrie dite chimique. A noter qu'il faut regarder cas par cas. Par exemple, le dioxyde de titane a le même statut que le sel. Et le caramel est le résultat d'une terrible synthèse. Tout cela est expliqué dans mon livre "Mon histoire de cuisine".
3.
Par exemple, j'ai acheté chez un grossiste en pâtisserie une pâte assez liquide (!) blanche intitulée "AROME BIGAFLOR PÂTE".
Sur l'étiquette est inscrit : " Eau osmosée, arômes.
Plus bas: "Géraniol, d-limonene, Citral, alpha-pinene.
À la lecture, tout semble faire croire que c'est de la chimie pure et dure que nous allons avaler.
Oui, le géraniol, le limonène, le citral et le pinène sont des composés qui sont dans les produits aromatiques ou dans divers végétaux. Par exemple, le limonène est extrait des écorces de citron ou d'orange par simple pressage. On en achète même du "kasher". Et ces ingrédients sont ceux de l'industrie des parfums et "arômes".
Je mets des guillemets à arômes, parce que le mot est déloyal, malhonnête : un arôme, en français, c'est l'odeur d'une plante aromatique, un point c'est tout. La législation ne devrait jamais reconnaitre sous le nom d'arômes des composés odorants.
J'ai proposé "compositions odorantes", ou "extraits odorants". Une composition, c'est quand c'est assemblé à partir de ces composés odorants ; un extrait, c'est quand c'est extrait. Simple, non ?
Et j'ajoute qu'il a fallu batailler pour que la réglementation n'admette pas l'expression "aliments naturels", ce qui aurait été un mensonge honteux !
Cela dit, la chimie est une science, et on ne mangera jamais une science.
4.
Or, les éléments cités ci-dessus sont des molécules
Non, des composés. Un composé, c'est une espèce moléculaire, avec toutes les molécules identiques. Par exemple, l'eau est un composé, une espèce moléculaire, et un verre d'eau est fait de très très nombreux objets tous identiques que l'on nomme des molécules (d'eau en l'occurrence).
5.
que l'on trouve dans diverses plantes et fruits (si je ne m'abuse).
Oui pour ceux que vous avez indiqués
6.
Et la société qui commercialise, en Tunisie (http://www.bigaflor.online.fr/spip.php?article1), est spécialisée dans la cueillette de fleurs d'oranger.
Je pense qu'il est moins couteux d'extraire, à partir d'autres fruits et plantes que la fleur d'oranger, les principales molécules qui entrent dans l'arôme de celui de la fleur d'oranger.
Non, on peut très bien synthétiser une composition "odeur de fleur d'oranger" à partir de plein d'autres sources, et même, c'est sans doute bien moins couteux.
Par exemple, la vanilline de la vanille se produit à partir de pâte à papier pour trois fois rien, et très facilement.
7.
Et ensuite, de les assembler pour obtenir l'arôme recherché.
C'est le métier des parfumeurs et "aromaticiens"
8.
Dans ces cas-là, nous avons bien de la "chimie" mais réalisée avec des molécules naturelles.
Vous comprenez maintenant que votre phrase est compliquée, parce que vous n'aviez pas les bons termes : chimie, molécules, naturel.
9.
Ce qui est de l'assemblage (synthèse) de ....produits naturels.
Me trompé-je ?
Il y a une différence, en chimie, entre un assemblage (ou mélange) et une synthèse.
Par exemple, à partir d'oxygène et d'hydrogène, on peut synthétiser des molécules d'eau. Et avec de l'eau et du sucre, on fait du sirop par assemblage.
10.
Pourriez-vous m'éclairer, s'il vous plait, ou m'indiquer où trouver des éléments de réponse ?
Je m'empresse de vous dire que je ne suis pas chimiste, ni même cuisinier.
Juste un amateur et passionné de cuisine et de produits naturels.
Des éléments de réponse : je fais une explication par jour sur mon blog https://hervethis.blogspot.com/
Et il y a mes livres, notamment celui que j'évoquais précédemment, où j'ai plus la place d'expliquer qu'ici.
Pardonnez moi de vous ennuyer, ;-)... mais vous avez le droit d'être passionné de cuisine... mais l'êtes vous vraiment de produits naturels ? Si vous aimez la cuisine, vous n'aimez donc pas les produits naturels, en vertu de tout ce que j'ai expliqué plus haut.
11.
Merci pour votre aide.
De rien, un plaisir !
Rendez vous sur mes blogs pour d'autres explications :
Une présentation des travaux : http://www.canalc2.tv/video/13472
Site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
Blogs :
https://hervethis.blogspot.com/
http://www2.agroparistech.fr/-Le-blog-de-Herve-This-Vive-la-connaissance-.html
http://blogs.inra.fr/herve_this_cuisine
http://www.scilogs.fr/
Podcasts :
http://www2.agroparistech.fr/podcast/-Gastronomie-Moleculaire-.html
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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