mardi 15 janvier 2019

Il y a quand même des questions cocasses !

 Chaque jour, il y a un lot de questions qui m'arrivent par des élèves qui font des travaux personnels encadrés, et je les renvoie souvent sur mon site pour les questions auxquelles j'ai répondu précédemment. Mais il y a parfois des questions nouvelles, comme aujourd'hui, et mes réponses viendront s'ajouter à celles qui sont déjà présentes par milliers, en français et en anglais, sur : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses

1. Peut-on considéré la gastronomie moléculaire comme une révolution scientifique, médicale et alimentaire ? 
On verra plus loin que nos amis confondent gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire, science de la nature et technique+art (culinaire.
Il faut donc commencer par leur expliquer la gastronomie moléculaire, c'est une discipline scientifique (comme la physique, la chimie, la biologie, l'astronomie...), qui, tout particulièrement, cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent en cuisine.
Par exemple, quand un cuisinier fait de la cuisine, et qu'il fait par exemple griller une viande, la viande brunit : c'est un phénomène.
La question de savoir pourquoi la viande brunit n'est pas de la cuisine, mais si l'on s'interroge scientifiquement sur cette question, on fait de la science (de la nature; rien à voir avec les sciences de l'humain et de la société).
 J'insiste un peu : s'interroger scientifiquement, c'est mettre en oeuvre la méthode des sciences de la nature, expliquée dans plein d'autres billets et résumée sur la figure suivante :


Finalement, il y a la question de "révolution", mot souvent galvaudé. Que signifie-t-il ? Je montre pédagogiquement l'exemple en allant chercher son sens sur le TLFi, le seul dictionnaire qui vaille  :
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=3944010540;r=1;nat=;sol=1;
Je trouve :
# Mouvement en courbe fermée autour d'un axe ou d'un point, réel ou fictif, dont le point de retour coïncide avec le point de départ : cela n'est pas le cas.
#  Trajectoire effectuée par un satellite artificiel : ce n'est pas le cas non plus.
# Retour périodique; durée déterminée par un cycle : ça ne va pas.
# État, forme de ce qui est enroulé sur soi-même : non plus.
# Changement brusque et profond : ah, oui, l'introduction de cette discipline scientifique a été un changement brusque et profond, en 1988.

Reste à savoir si c'était une révolution scientifique, médicale ou alimentaire. La création d'une nouvelle discipline scientifique est certainement une révolution scientifique. Mais la gastronomie moléculaire a-t-elle influé sur la médecine ? Je ne sais pas. Sur l'alimentation ? Certainement, puisque nous avons même rénové les études dans les lycées hôteliers.

3. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre la cuisine et la gastronomie moléculaire ?
Ici, nos amis font une amphibologie, parce que l'on ne sait pas si l'adjectif "moléculaire" s'applique au mot cuisine, comme au mot "gastronomie". Je reformule donc pour répondre.
La cuisine : c'est la préparation des aliments à partir des ingrédients. Il y a des aspects techniques, artistiques, et sociaux, comme je l'explique dans mon livre que voici :
La gastronomie moléculaire, c'est donc une science de la nature.
La cuisine moléculaire : c'est une forme de cuisine qui, au lieu d'utiliser les ustensiles anciens, utilise aussi des ustensiles venus des laboratoires : siphons, azote liquide, sondes à ultrasons, thermocirculateurs pour la cuisson à basse température.

4. Peut-on dire que la gastronomie moléculaire joue déjà un rôle  dans notre alimentation quotidienne ? 

La gastronomie moléculaire joue un rôle par ses applications, qui sont de deux types :
- pédagogiques
- techniques.
Oui, la gastronomie moléculaire a un rôle éducatif... puisque les programmes incluent des considérations scientifiques sur l'aliment. Voir aussi les Ateliers expérimentaux du goût. Et l'on ne cuisine plus avec des dictons culinaires dépassés (par exemple, la croyance que les règles féminines auraient fait tourner les sauces !)
D'autre part, oui, la gastronomie moléculaire a eu une influence sur notre alimentation quotidienne : la cuisson à basse température est partout, les siphons sont en vente dans les supermarchés, et les agar-agar et autres se sont ajoutés à la gélatine, par exemple.

5. Des aliments déjà commercialisés comme le steak de soja ont-ils été fait suivant la gastronomie moléculaire ?
Le steak de soja est-il un produit de la gastronomie moléculaire ? 
Non.

6. La gastronomie moléculaire est-elle un atout pour résoudre les problèmes d’alimentation (malnutrition, sous-nutrition) dans le monde ? 
Certainement, et cela se fera par la "cuisine note à note"... qui devrait être le thème principal du travail de nos jeunes amis !

7. Pensez-vous que l’on puisse encore exploiter ce domaine ? Il y a-t-il encore des découvertes possibles sur ce sujet ? 
Des découvertes à faire ? J'ai 25 000 questions dont je n'ai pas la réponse, et, chaque jour, j'abonde sur le blog Inra pour proposer des questions testables aux internautes : http://blogs.inra.fr/herve_this_cuisine
Mais, surtout, quiconque connaît la méthode scientifique (image ci dessus) comprend que la science n'a pas de fin !

8. Comment avez-vous rencontré Nicolas Kurti ? D’où vous est venu l’idée de développer ensemble la gastronomie moléculaire? 
Là, la raison est déjà donnée dans mes "Questions/réponses" de mon site.

9. Pourquoi vous considérez vous comme un physico-chimiste ? 
 Là, j'ai bien rigolé. Parce que c'est mon métier ! D'ailleurs, on verra ci dessous que nos jeunes amis m'ont confondu avec un cuisinier.
Il faut qu'ils aillent en ligne voir comment est mon laboratoire, ce que l'on y fait. Tiens, j'ai un lien pour eux :
https://www.youtube.com/watch?v=IgpLkcDp8h4&feature=youtu.be

10. La cuisine moléculaire peut-elle amener tous les nutriments nécessaires (protéines, glucides, vitamines) au bon fonctionnement de notre organisme ?
Cette fois, nos amis parlent de cuisine moléculaire, et j'espère qu'ils savent bien :
- ce que c'est
- que c'est bien dépassé par la "cuisine note à note"
Et je crois que la question se pose pour la cuisine note à note... mais j'ai répondu de nombreuses fois sur ce blog : qu'ils aillent y  chercher les réponses.

11. Les plats de la cuisine moléculaire peuvent-ils constituer un régime alimentaire diététique ? 
 La cuisine moléculaire ne m'intéresse plus depuis longtemps, et la seule question intéressante est à propos de la cuisine note à note. La réponse est donnée dans mon livre :


Cela étant, j'invite mes amis à réfléchir à leur formulation "régime alimentaire diététique" ? La consultation du dictionnaire leur montrera que cela n'a pas grand sens.

12. Pensez-vous que la cuisine moléculaire peut répondre aux besoins alimentaires de toute la population mondiale de demain ?  
Pour la cuisine moléculaire, non. Pour la cuisine note à note, j'espère. Voir mon livre.

13. Est-ce que la cuisine moléculaire est-elle appropriée  pour une alimentation quotidienne au niveau de la santé ? Nuit-elle à l’environnement ? 
Même réponse que pour 12... et elle nuit certainement moins à l'environnement que la cuisine classique, qui est un véritable gaspillage !

14. Pensez-vous que c’est l’esthétique des plats qui attirent la clientèle ? 
J'ai peur que nos jeunes amis ignorent que l'esthétique est une branche de la philosophie : celle qui s'intéresse au beau.
Mais bon, j'interprète  : les jolis plats attirent-ils la clientèle ? Je le suppose. Et cela est discuté tout particulièrement dans mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".


15. Avez-vous beaucoup de concurrents qui pratiquent aussi la cuisine moléculaire ? 
Mais moi je ne fais pas de cuisine moléculaire ! Je fais de la gastronomie moléculaire, à savoir de la science.
Et je n'ai pas des "concurrents", mais des tas de collègues merveilleux dans des tas de pays du monde... au point que nous faisons tous ensemble un gros Handbook of molecular gastronomy.
Et puis, je trouve cette idée de concurrents enfantine, limitée (pardon, mais c'est mon vrai sentiment). En musique, Bach et Buxtehude n'étaient pas "concurrents". En science, Einstein et Marie Curie n'étaient pas "concurrents".
16. Pensez-vous que la cuisine moléculaire est accessible pour le monde entier (possible dans tous les pays, prix abordables) ? 

Oui, et c'est pour le public que je l'ai créée, comme un moyen d'aider l'économie familiale... mais la réponse détaillée est dans les questions/réponses de mon site.

17. La cuisine moléculaire est-elle rentable ? Votre marge de profit est-elle inférieure ou supérieure à celle d’un restaurant servant des plats traditionnels ? Et vos coûts intermédiaires sont-ils plus ou moins élevés que ceux des autres restaurants d’autres types ? 
Je vous avais averti que nos jeunes amis croyaient que j'étais cuisinier !
JE NE SUIS PAS CUISINIER MAIS SCIENTIFIQUE, et plus particulièrement PHYSICOCHIMISTE !

18. Est-ce facile de se procurer les ingrédients (gomme de xanthane, alginate de sodium) ? Sont-ils chers ? Peut-on en acheter en masse et réduire son coût ? Où en achetez-vous ? 
Oui, non, au supermarché.

19. Quels sont les plats les plus coûteux (pour vous en terme de coût intermédiaire) que vous présentés sur votre carte ?
Au laboratoire, je n'ai pas de carte, désole (lol).

20. Comment justifiez-vous le prix élevé des plats de la cuisine moléculaire ? Ce coût dérange-t-il la clientèle ?  Pensez-vous qu’il est possible de diminuer son coût ? 
Voir mon site.

21. Pensez-vous que des particuliers puissent réaliser les mêmes plats que vous (trouver tous les ingrédients, matériels) ? 
Voir mon site.

22. Pourquoi pensez-vous qu’aussi peu de cuisiniers le pratiquent ? Avez-vous alors du mal à trouver des cuisiniers spécialisés dans ce domaine ? 
Il y a de la cuisine moléculaire dans le monde entier, mais, encore une fois, c'est dépassé par la cuisine note à note. Et ce n'est pas une question d'argent, mais de mentalité; voir les billets correspondants.

23. Les gens appréhendent-ils de goûter à vos plats ? Pensent-ils que cela est très chimique ?
Idem 22, mais, au fait, savez-vous ce que signifie le mot "chimique" ?

24. Avez-vous déjà rencontrés des clients qui n’ont pas pu tolérer vos plats ? Ont-ils rencontré des problèmes de santé ? Si oui, quels ont été les éventuelles causes de ces imprévus ?   
 Je ne suis pas cuisinier !

15. En moyenne, combien de temps vous faut-il pour confectionner vos plats ? Quels sont les plats les plus rapides ? Quels sont les plats qui vous prennent le plus de temps ? Quels sont les plats les plus populaires ? 
Je ne suis pas cuisinier !

16. Pouvez-vous nous donner une recette rapide et facile à faire chez soi ? 
Voir les podcasts d'AgroParisTech, en particulier ceux sur le gibbs ou le dirac, mais aussi les plats que fait mon ami Pierre Gagnaire à partir de mes inventions mensuelles  : https://www.pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve

17. Dans vos plats, sur quels procédés vous reposez-vous pour solliciter les sensations cognitives de vos clients ?   
Je ne suis pas cuisinier !

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