lundi 31 juillet 2017

Jour après jour, le sous blog "bonnes pratiques scientifiques" se constitue, sur le blog que je tiens dans le Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra.
L'adresse du Centre ? C'est http://www.agroparistech.fr/Nouvelles-annonces.html

L'adresse du blog ? http://www.agroparistech.fr/-Le-blog-de-Herve-This-Vive-la-connaissance-.html

L'adresse du sous-blog ? http://www.agroparistech.fr/-Les-bonnes-pratiques-scientifiques-.html

Aujourd'hui, le billet concerne la recherche de théories, à partir des lois. Et c'est ici : http://www.agroparistech.fr/Abstraire-et-generaliser.html

samedi 29 juillet 2017

Bonne pratique : la conservation des données

J'ai déjà évoqué la question de la conservation des données, mais j'y reviens, parce que trouve le livre Responsible Science (vol 1, 1992), de l'Académie américaine des sciences. Voici ce que j'y lis (je traduis) : 

De nombreux laboratoires gardent habituellement les données primaires pendant une période déterminée (3 à 5 ans) après qu'elles ont été obtenues. Les données qui sont à l'appui des publications sont généralement conservées pendant une période plus longue que celles qui ont déjà fait l'objet  de résultats rapportés. Certains laboratoires de recherche considèrent qu'ils sont propriétaires des données et des cahiers de laboratoires. D'autres considèrent que c'est la responsabilité des individus qui ont obtenu les résultats d'en assurer la conservation, qu'ils soient ou non dans le laboratoire où ils ont obtenu les données.

Cette idée est générale, et pas propre à la science faite aux Etats-Unis : c'est une bonne pratique de conserver les résultats de recherche (échantillons, spectres, cahiers de laboratoire) pendant une période "raisonnable", tout comme c'est une bonne pratique de bien conserver des traces de tous les travaux effectués, surtout pour les résultats publiés ou qui sont la base d'autres travaux.
Evidemment, il faut exercer son jugement : il n'est pas utile de conserver des échantillons qui se dégradent, par exemple, et ce n'est pas le peine se conserver des produits qui seront jetés par nos successeurs ! Inversement, je peux témoigner d'avoir eu en main des échantillons de composés préparés par Louis Pasteur ou son élève Jungfleisch, et ils étaient très intéressants... car un siècle après, on a pu voir des témoins historiques. Certes, c'est un peu du fétichisme, mais ne conserve-t-on pas les cathédrales, ou la Tour Eiffel ? Ou des incunables ?


Dépassons les sentiments, et considérons surtout l'avancée des sciences. Nous devons pouvoir justifier que les résultats que nous pensons avoir obtenus (je parle aussi bien des résultats que des interprétations) sont tels que nous le disons. A qui présenter cette justification ? A nous-mêmes, tout d'abord, puis à des rapporteurs, d'article, de thèse, par exemple, Non pas que l'on nous croie pas, mais surtout parce qu'il peut y avoir des interprétations différentes d'un même résultat. Et c'est ce qui peut pousser à reprendre des échantillons pour les réanalyser.
D'ailleurs, il arrive que nous ayons envie de ré-analyser des échantillons que nous avons conservés, parce que nous pouvons y voir ultérieurement autre chose que ce que nous avions vu initialement, à l'aide d'idées théoriques préliminaires.

Bref, il ne faut pas être trop rapides dans les "rangements", et c'est un "postulat, pour notre groupe de recherche, que de garder tous les échantillons. Tous !

vendredi 28 juillet 2017

Un autre enseignant remarquable des Hautes Etudes du Goût

Voila quelques mois, j'avais commencé à vous vanter les mérites des enseignants de l'Institut des Hautes Etudes du Goût, de la Gastronomie et des Arts de la Table ().
Semaine après semaine, je vous ai présenté quelques uns de mes merveilleux collègues, et puis, le temps a passé...

Mais nous sommes loin d'avoir fait le tour de nos enseignants, et, aujourd'hui, je suis heureux de vous signaler que mon confrère Jean-Christophe Augustin, à l'Académie d'agriculture de France, a accepté de participer à nos enseignements :





Jean-Christophe Augustin est professeur à l'Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, dans l'Unité Pédagogique d’hygiène, qualité et sécurité des aliments.


Il est responsable du module « microbiologie des aliments » du Certificat d’Etudes Approfondies Vétérinaires, Spécialité « Gestion de la sécurité et de la qualité des denrées alimentaires » et du diplôme d’école « Maîtrise de la sécurité sanitaire des aliments ».


Il est expert à l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation).


Il est l'auteur de nombreuses publications d'enseignement et de communications scientifiques.

mercredi 26 juillet 2017

prix de l'information de l'Académie d'agriculture de France

L'Académie d'agriculture de France vient de créer un  Prix de l'information, qui sera décerné chaque année à compter de 2018.
Il pourra concerner la presse écrite, les émissions de radio ou de télévision, les sites Internet ou les blogs, sur des supports classiques ou numériques.
Avec ce Prix, l'Académie d'agriculture de France souhaite mettre à l'honneur, dans ses champs de compétence, des travaux journalistiques remarquables et encourager les journalistes à prendre en compte les enjeux du développement de demain.

Elle souhaite ainsi récompenser l'esprit critique et la rationalité plus que jamais nécessaires au débat public.

Vous trouverez plus d’informations sur ce Prix en cliquant sur l’un des deux liens suivants :


A vos candidatures  !

Les bonnes pratiques en science : l'accès aux données

Il est amusant de voir comment la même idée peut facilement verser du côté sombre ou du côté clair. Et l'évocation de ces deux côtés doit faire  immanquablement penser à l'opposition  éternelle que décrivait déjà François Rabelais, entre la jovialité et le pisse vinaigre, ou encore Jorge Luis Borges, entre l'envie blanche (qui construit) et l'envie noire (qui détruit ce que l'on n'a pas). On devine  évidemment de quel côté je me range !

Ces réflexions me viennent alors que je relis {Responsible Science}, vol 1, 1992, publié par l'académie américaine des sciences. Le texte est tout lassant de moralisation : il faut faire de la science raisonnable, il ne faut pas, il ne faut pas, il ne faut pas...
Ces gens croient-ils que l'on suscite ainsi beaucoup d'enthousiasme ? beaucoup d'envie de bien faire ?
Par exemple,  je lis :   

Refusing to give peers reasonable access to unique research materials or data that support published papers;

Il s'agit là de dénoncer une mauvaise pratique. Dénoncer, mauvaise... Si l'on proposait plutôt de faire de la science merveilleuse, cela ne serait-il pas plus attrayant ? Je maintiens que l'on fera alors mieux. Pourquoi ne transformons-nous pas aussitôt le paragraphe précédent en :

C'est une bonne pratique que de proposer à tous (notamment les pairs) un accès très large aux échantillons ou aux données qui soutiennent les articles publiés : n'ayant rien à cacher, puisque nous œuvrons avec honnêteté et passion, nous qui avons été aidés par nos prédécesseurs pouvons contribuer à l'avancement des sciences en proposant à nos amis de prolonger nos propres travaux.

Cela n'est-il pas plus "lumineux" ? Michael Faraday était un être merveilleux, comme le prouve son "la science rend aimable". Suivons Faraday !

lundi 24 juillet 2017

Le mot du jour : indulgence !

INDULGENCE, subst. fém.

INDULGENCE, subst. fém.
A. Attitude ou caractère d'une personne qui excuse, pardonne les fautes d'autrui, qui n'est pas sévère, qui s'abstient de punir ou punit avec peu de sévérité. Synon. bienveillance, bonté, clémence, compréhension, mansuétude, miséricorde, tolérance; anton. dureté, rigueur, sévérité. Indulgence d'un regard, d'un sourire, d'un verdict. Je crois à un dieu d'indulgence et de miséricorde; le dieu de vengeance est mort et ne renaîtra plus (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p. 236). Il s'obstinait à nier tout, le vol et sa qualité de forçat. Un aveu (...) eût mieux valu, à coup sûr, et lui eût concilié l'indulgence de ses juges (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 326). On n'avait eu aucune indulgence pour ses plus légères peccadilles (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 248) :
1. La direction jésuite n'est point sévère, elle n'a pas la dureté que lui prête le préjugé populaire : elle est plutôt faite à l'image du gouvernement romain, de ce gouvernement généralement doux, un gouvernement d'indulgence presque paternelle et de facile absolution pour les fautes qui ne s'attaquent pas à son principe...
GONCOURT, Mme Gervaisais, 1869, p. 189.
P. méton. Manifestation de cette attitude. Des rires et des indulgences pour les fautes du mari et des sévérités pour les peccadilles de la femme (GONCOURT, Journal, 1895, p. 865).
B. RELIG. (CATH.)
1. Rémission totale (indulgence plénière) ou partielle (indulgence partielle) des peines temporelles dues aux péchés déjà pardonnés, accordée par l'Église. Gagner des indulgences. Le promeneur qui, au pied du calvaire, dit un Pater et un Ave, a droit à quarante jours d'indulgences (RENARD, Journal, 1906, p. 1070). Avec quelle douceur je parlai en prêtre à cette âme si bien disposée, lui donnai l'absolution et lui appliquai l'indulgence plénière à l'article de la mort! (BILLY, Introïbo, 1939, p. 196) :
2. Quand on a cherché quelles causes avaient déterminé ce grand événement, les adversaires de la Réforme l'ont imputée à des accidens, à des malheurs dans le cours de la civilisation, à ce que, par exemple, la vente des indulgences avait été confiée aux Dominicains, ce qui avait rendu les Augustins jaloux; Luther était un Augustin, donc c'était là le motif déterminant de la Réforme.
GUIZOT, Hist. civilisation, leçon 12, 1828, p. 16.
Loc. fig. et fam., vieilli. Gagner, mériter les/des indulgences (plénières). Accomplir quelque chose de pénible, de difficile ou de désagréable. Vous avez mérité des indulgences par votre empressement (Ac. 1835, 1878).
HIST. L'affaire, la querelle des indulgences. Conflit religieux au début du XVIe siècle, né de l'abus avec lequel étaient accordées ou prêchées les indulgences, et qui conduisit à la crise de la Réforme. De l'affaire des indulgences à la rupture avec Rome (Hist. des relig., t. 2, 1972, p. 918 [Encyclop. de la Pléiade]).
2. P. méton., au sing. Démarche de foi (pèlerinage, prière) qui entraîne cette rémission. Indulgence du chemin de la Croix, de la Terre sainte. L'indulgence de croisade avait longtemps dû son prestige à ce qu'elle était la seule indulgence plénière; de même à son tour l'indulgence du jubilé (E. DELARUELLE, E.-R. LABANDE, P. OURLIAC, L'Église au temps du grand schisme et de la crise conciliaire, Paris, Bloud et Gay, 1964, p. 815).
REM. Indulgencier, verbe trans. a) Relig. (cath.). Attacher une indulgence à un acte, à un objet de piété, à une pratique pieuse. Indulgencier un chapelet (Ac. 1935). Part. passé en emploi adj. Médaille indulgenciée. Son chapelet d'or indulgencié (BOREL, Champavert, 1833, p. 49). b) Rare. Faire preuve d'indulgence envers quelqu'un. Synon. excuser, pardonner. Lockroy disait que toutes les accusations portées contre Baüer, toutes étaient vraies, mais qu'on avait voulu l'indulgencier (GONCOURT, Journal, 1888, p. 766). Nous avons affaire à un féministe convaincu, et disons-le bienvaillant. S'il rend pleine justice aux trente beautés d'Hélène ou de Bellotte, en séance, ses clémences n'en savent pas moins indulgencier jusqu'à Laideronnette (MONTESQUIOU, P. Helleu, 1913, p. 40).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin XIIe s. « pardon (cont. relig.) » (Sermons de S. Bernard, 106, 32 ds T.-L. : ensi cum li pechiet habondent, habonst assi li indulgence); spéc. 1268, relig. cath. « remise accordée par l'Église de la peine temporelle due aux péchés; acte accordant cette rémission » (Lettre ds G. ESPINAS, Vie urbaine de Douai au Moy. Age, t. 3, p. 383 : jou renonce... à toutes indulgences... à toutes lettres impetrées... d'apostoile ou de legat); 2. 1606 « facilité à excuser, à pardonner » lang. commune (NICOT). Empr. au lat indulgentia « bienveillance, complaisance » à l'époque class.; « remise d'une peine, pardon » en b. lat.; « pardon des péchés » en lat. chrét., spéc. « remise de la peine due au péché » à l'époque médiév. (XIe s., plur. ds BLAISE Latin. Med. Aev.). Fréq. abs. littér. : 1 400. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2 561, b) 1 413; XXe s. : a) 1 752, b) 1 956.

Intégrité et théorisation


Quelles sont les valeurs de la science ? L'objectif est partagé : chercher les mécanismes des phénomènes. Et, pour cela, aucune malhonnêteté n'est possible. Par exemple, inventer des données qui n'existent pas est idiot, parce que c'est un acte social et qui ne rapproche pas de l'objectif. Ou bien encore plagier : ce n'est pas ainsi que l'on se rapproche de l'objectif. Utiliser des méthodes inappropriées ou désuètes ? Là encore, ce n'est pas faire ce que l'on désire, donc c'est idiot. Bref, vu l'objectif, qui n'est pas social, ce n'est pas étonnant que la loyauté la plus grande soit de mise.

Loyauté ? Intégrité ?
Loyauté ? Fidélité manifestée par la conduite aux engagements pris, au respect des règles de l'honneur et de la probité.
Probité ? Droiture qui porte à respecter le bien d'autrui, à observer les droits et les devoirs de la justice.
Honneur ? Principe moral d'action qui porte une personne à avoir une conduite conforme (quant à la probité, à la vertu, au courage) à une norme sociale et qui lui permette de jouir de l'estime d'autrui et de garder le droit à sa dignité morale.
 Intégrité ?  Caractère, qualité d'une personne intègre, incorruptible, dont la conduite et les actes sont irréprochables.

Je propose de méditer ces quatre termes, en relation avec les sciences de la nature, mais voici comment le physicien américain Richard Feynman a décrit l'approche informelle de communication des principes de base des sciences en 1974, lors de son discours à l'Institut de technologie de Californie (Feynman, 1985, 311-312):

 "Il y a une idée que nous espérons tous que vous avez appris, lors des cours de science à l'école  -nous n'avons jamais explicitement dit ce que c'est, mais nous avons seulement espéré que vous la trouveriez à partir de tous les exemples de recherche scientifique... C'est une sorte d'intégrité scientifique, un principe de pensée scientifique qui correspond à une sorte d'honnêteté extrême - une sorte de fondation absolue. Par exemple, si vous faite une expérience, vous devez rapport tout ce que vous pensez qui peut la rendre invalide - et pas seulement ce que vous pensez qui va bien ; vous devez évoquer d'autres causes qui pourraient expliquer vos résultats différemment de la façon dont vous croyez devoir le faire ; et vous devez évoquer des choses que vous pensez que vous avez éliminé lors d'autres expérience, afin que personne ne puisse dire que vous les avez éliminées.
Il faut donner des détails qui pourraient faire douter de votre interprétation, si vous en avez. Vous devez vous efforcer d'expliquer tout ce qui pourrait être une cause d'erreur de votre part. Si vous faites une théorie, par exemple, et si vous la publiez, vous devez rassembler tous les faits qui vont à son encontre, à coté des faits qui la supportent. En résumé, l'idée est d'essayer de donner toutes les informations qui aideront les autres à évaluer votre contribution, et non pas seulement l'information qui pousse le jugement dans une seule direction".

dimanche 23 juillet 2017

Les sciences cherchent moins la "vérité" qu'une description mécanistique et rationnelle du monde.

Dans un texte de 2010, l'académie américaine des sciences commence par citer Albert Einstein : "The right to search for truth implies also a duty; one must not conceal any part of what one has recognized to be true" [le droit de chercher la vérité impose aussi un devoir : on ne doit cacher aucun élément de ce qui a été reconnu comme vrai].Cette phrase est écrite sur la statue d'Albert Einstein qui se trouve en face de l'immeuble de l'académie, à Washington. Et l'académie  d'ajouter que la recherche de la vérité serait la vocation de tout scientifique, une vocation qui pousserait à rechercher des idées excitante parce que nouvelles, donc controversées, qui pousserait à s'engager à des échanges éventuellement critiques avec nos collègues, etc.

Pourtant, je suis désolé de ne pas être d'accord avec Einstein ou avec l'académie américaine des sciences, mais je crois qu'ils ont tort de parler de vérité. Je sais évidement une bonne partie de ce qui a été dit et écrit à ce sujet, mais je propose une vision qui se fonde sur l'idée suivante : les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes, par une méthode qui comprend :
- l'identification desdits phénomènes
- leur caractérisation quantitative
- la réunion des données de mesure en "lois" (entendons équations) synthétiques
- par induction, la constitution de "théories" ou "modèles", qui identifient des notions et concepts nouveaux, quantitativement compatibles avec les lois
- la recherche de conséquences des théories
- le test expérimental de ces conséquences théoriques, en vue de réfuter les théories ainsi établies, ce qui a pour objectif de les "améliorer", c'est-à-dire d'en trouver de nouvelles, qui décrivent mieux (mais jamais parfaitement) les phénomènes.
On le voit : aucune place pour la "vérité", ici, ce qui tombe bien, car les termes trop compliqués sont toujours l'occasion de se demander s'ils désignent des objets bien identifiés.

Oui, je crois que ce serait bon que les sciences de la nature cessent de parler de "vérité", pour parler seulement d'adéquation des théories aux faits expérimentaux. Un peu de modestie : puisque les "lois" sont induites, et non déduites, nous ne pouvons pas être certains qu'elles s'appliquent dans tous les cas où elles n'ont pas été vérifiées, et, d'autre part, nous devons répéter qu'un modèle réduit de la réalité (les théories) n'est pas la réalité. Ainsi, nous ne pouvons que réfuter nos théories, et jamais les démontrer (les démonstrations sont pour les mathématiciens, pas pour les physiciens).

Chaque faute a son remède

Aujourd'hui, c'est sur le blog qui évoque des questions culinaires que j'interviens : à propos d'une mousse à l'abricot, j'identifie des possibilités d'échec, d'où se déduisent quasi automatiquement des remèdes.


Voir http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/07/la-mousse-labricot.html

vendredi 21 juillet 2017

La clé de l'innovation alimentaire, pour la partie technique, c'est la physique et les sciences chimiques.

Innover du point de vue alimentaire ?

Les innovations que proposent l'industrie alimentaire sont parfois bien faibles, et ce ne sont souvent que des  variations de systèmes classiques, qui  s'apparentent en réalité à l'empirisme des cuisiniers.
D'ailleurs, les élèves ingénieurs ne sont  pas mieux placés que ces derniers, voire moins bien, car ils sont souvent bien ignorants ce qui s'est déjà fait. Car nos étudiants n'ont pas de connaissances spécifiques pour faire bien, et on n'oublie pas que certains cuisiniers sont des individus de talent, dont le savoir et l'intelligence dépassent parfois largement ceux de nos étudiants… qui n'ont donc que très peu à apporter.

Que  faut-il  à nos étudiants pour être capables pour dépasser l'empirisme, d'une part, et, d'autre part, pour avoir une compétence qui soit réellement supérieure à celle d'un cuisinier (d'un point de vue technique) ?
Dans notre master IPP, à AgroParisTech, nous avons notamment répondu avec une unité d'enseignement qui s'intitule « physico-chimie pour la structuration des aliments », et plus j'y pense, plus cela est légitime, car les aliments sont en réalité des assemblages physico-chimiques, de sorte que leur compréhension, leur construction, leur analyse, reposent sur des connaissances physiques et chimiques. Nous devons comprendre la constitution des composés qui entrent dans la composition des aliments, et nous devons aussi comprendre comment ces composés sont organisés.

La question des forces intermoléculaires est évidement essentielle, et l'on aurait toujours intérêt à se souvenir que ces forces se classent utilement par ordre d'énergie croissante. Les plus faibles sont les forces de van der Waals … qu'il faut donc connaître. Puis il y a les liaisons hydrogène… qu'il faut donc connaître. Puis il y a les ponts disulfure, qu'il faut aussi connaître, et qu'il faut notamment connaître parce qu'ils sont responsables de « coagulations »,  importantes pour la constitution des aliments. Il y a aussi les liaisons covalentes qu'il faut connaître, mais il faut surtout savoir entre quels composés ces liaisons covalentes peuvent s'établir et dans quelles conditions. Enfin il y a les liaisons électrostatiques, qu'il faut connaître aussi, et, là, une connaissance supplémentaire utile est la portée de telles liaisons, en plus de leur intensité.

J'ai esquissé à propos des liaisons covalentes une nouvelle discussion, qui est celle de la compréhension des possibilités de réaction. C'est la nature des composés, leur constitution atomique, qui détermine leur réactivité, de sorte que s'imposent absolument des cours de chimie organique pour nos étudiants ingénieurs.
Mais ce n'est pas suffisant, car la compréhension de la structure physico-chimique des aliments montre bien que la physique est largement à l’œuvre, aussi. Par exemple, la turgescence des cellules de racines de carotte est la clé de leur fermeté, quand ces ingrédients culinaires sont « frais ». Cette fois, il n'est pas question de chimie, mais de physique. De même, la clé de l'amollissement des tissus végétaux chauffés, par exemple des rondelles de carotte dans une casserole, découle également d'interactions physiques en plus des modifications chimiques.
A vrai dire l'échelle des énergies de liaison n'est pas segmentée, avec  d'un côté la physique pour les forces faibles et d'un autre côté les forces fortes pour la chimie. Non, c'est une échelle continue, où il est arbitraire de séparer les liaisons covalentes, à savoir la chimie pour faire simple. D'ailleurs, l'introduction de la chimie supramoléculaire fut exactement l'occasion de reconnaître qu'il y avait des édifices polymoléculaires qui s’apparentaient à la fois à ces édifices atomiques qu'on nomme molécules et à des systèmes plus labiles, tels des cristaux de sucre qui se dissolvent dans l'eau, et qui relèvent de la physique. En réalité, la chimie reconnaît bien que l'échelle des énergies est continue, et elle ne veut pas faire de distinction inutile qui gênerait le raisonnement de l'ingénieur quand il doit constuire des aliments.

Et la gastronomie moléculaire dans tout cela ? D'une part, il faut préciser que cette discipline scientifique n'est pas de la technologie ou de l'ingénierie, mais de la science, c'est-à-dire de la production de connaissances, et plus spécifiquement la recherche des mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation des aliments. D'autre part, il faut signaler que la gastronomie moléculaire explore des phénomènes bien particuliers, et que, à ce titre, elle a toute sa place dans la formation d'étudiants ingénieurs, en cela qu'elle fait apparaître des informations qui seront utiles pour la construction des aliments. C'est bien parce que l'on analyse les phénomènes qui se produisent lors des phénomènes culinaires, de production des aliments, que l'on identifie des mécanismes que l'on peut ultérieurement mettre à l’œuvre lors de la constructions d'aliments par des méthodes qui ne sont plus empiriques.

Oui, la gastronomie moléculaire est une sous-partie de la science des aliments, et oui, elle nécessite des recherches de physique et de chimie. Mais on a plus de discernement, plus de clairvoyance, si l'on ne fait pas un grand sac et si, au contraire, on cherche plus spécifiquement de quelle partie il s'agit. L'ayant expliqué ailleurs, je n'y reviens pas, mais je conclus en répétant combien nos étudiants ont besoin d'une formation de physico-chimie !

Tu lis trop vite !



A propos d'étude...



Dans notre groupe de gastronomie moléculaire, nous avons de nombreux documents à l'attention des étudiants. Ces documents sont tous rédigés de façon très détaillée, très précise, et les calculs sont tous expliqués pas à pas : on prend les étudiants par la main, et l'on avance lentement, parce que l'objectif est absolument que les étudiants comprennent bien les tâches qu'ils feront. Certains de ces textes sont méthodologiques, mais d'autres expliquent la théorie (souvent physique ou chimique) qui sous-tend ces tâches. Par exemple, pour calculer un écart-type, il faut savoir ce que c'est, s'être demandé si c'est l'écart-type d'une population ou d'un échantillon que l'on cherche, etc. Par exemple, pour enregistrer un spectre UV-visible, il faut connaître la loi de Beer-Lambert, et pour traiter des spectres de résonance magnétique nucléaire, il faut connaître l'équation des lorentziennes, savoir ce que c'est qu'une intégrale…

Comme nous voulons produire des résultats scientifiques de qualité, il est absolument essentiel que nous parvenions à bien faire comprendre à tous les étudiants les matières théoriques, support des gestes expérimentaux. Nous passons donc beaucoup de temps à confectionner nos textes, et il y a même une emphase excessive en vue d'une bonne compréhension.


Pourtant, malgré nos efforts considérables, nous recevons en stage des étudiants intelligents qui ne comprennent pas nos textes. Pourquoi ?

En raison du climat de confiance qui règne dans notre groupe, nous pouvons analyser individuellement les causes des difficultés. La première est évidemment une insuffisance des connaissances. Par exemple, si la racine cubique est inconnue d'un étudiant (cas rencontré récemment pour des étudiants en licence de chimie venant d'une université de la région parisienne), il aura beaucoup de mal à l'utiliser pour calculer le rayon d'une sphère à partir de son volume. Mais comme nos documents sont très détaillés, les difficultés de ce type peuvent être résolues. Une autre cause essentielle de difficultés, c'est une lecture trop rapide de nos documents, ce qui m'a conduit à faire l'hypothèse que s'il faut apprendre sept fois pour savoir, c'est que, en moyenne, nous sautons un mot sur sept quand nous lisons. Oui, j'identifie clairement que beaucoup d'étudiants lisent trop vite, raison pour laquelle recopier ce qu'on lit est parfois utile. Bien sûr, lire ou écrire mécaniquement, sans s'intéresser au sens des mots que l'on écrit ou qu'on lit, c'est bien inutile… mais c'est là un défaut que j'ai souvent observé. Et, à ce propos, il faut rappeler que le mathématicien français Laurent Schwartz, lauréat de la Médaille Field, a écrit dans ses mémoires qu'il était un élève très lent parce qu'il lui fallait beaucoup de temps pour mettre les nouvelles notions au milieu des anciennes, faire de la place pour ces idées nouvelles avant de faire des connexions entre l'idée nouvelle et les idées anciennes environnantes, comme une pièce dans un puzzle.

Dans d'autres billets, j'ai discuté la différence entre les connaissances et les compétences, et je crois pouvoir proposer ici qu'il vaut mieux que les compétences sont fondées sur les connaissances, de sorte qu'il faut d'abord ces dernières. Ce que je viens de dire au début de ce texte s'applique aux connaissances, et pas aux compétences, pour lesquelles il faudra une discussion différente.

En tout cas, on ne saurait trop répéter qu'un texte scientifique n'est pas compris si chacun de ses aspects n'est pas parfaitement clair, parfaitement compris. Il y a des roues dans les roues, des engrenages dans les engrenages, disait le prophète Ezéchiel, et, oui, l'apprentissage est long parce que la découverte d'un texte nous conduit à des notions que nous devons explorer parce que nous les connaissons trop mal, c'est-à-dire en pratique que vouloir comprendre le texte initial conduit à d'autres textes pour lesquels il y aura des notions que nous devrons explorer davantage, et ainsi de suite jusqu'à ce que l'ensemble tienne parfaitement debout.

C'est ce que j'ai nommé la méthode du pitbull intellectuel : il faut planter les dents dans un morceau et ne pas le lâcher. Ainsi nous aurons « compris » et nous pourrons partir vers la transformation des connaissances en compétences.

lundi 17 juillet 2017

Pourquoi un texte déjà publié dans une revue scientifique ne peut pas être soumis à une autre revue, dans une langue différente.




Partons d'un sain principe : au vingt-et-unième siècle, les scientifiques sont payés par les contribuables, et ils ont l'obligation de mettre à la disposition de la communauté les résultats de leurs travaux. Ils doivent donc publier des articles scientifiques. Mieux encore, on comprend que leur travail sera d'autant plus efficace que leurs publications seront plus lues : ils doivent donc privilégier des revues où leurs publications ne passeront pas inaperçues. Et cela quelle que soit la discipline : science de la nature, ou science de l'humain et de la société, il faut que les publications permettent l'avancée des sciences. Bref, c'est une bonne pratique que de faire des choix de publications qui valorisent le plus possible les travaux.
En quelle langue publier ? La langue anglaise étant à ce jour la langue de la communauté scientifique, il y a lieu de privilégier l'anglais. Peut-on publier le même travail deux fois en anglais ? Certainement pas, car cela impose une double charge sur la communauté, à qui il revient d'organiser et de mettre en œuvre le processus d'évaluation et d'édition : les auteurs qui n'ont pas été éditeurs sous-estiment le temps d'édition, et tous ceux qui ont été rapporteurs savent combien cela prend de temps de faire correctement le travail. Il faut donc économiser les forces, les énergie, l'argent de la communauté ;
Pourrait-on imaginer de publier le même travail en français et en anglais dans deux revues scientifiques différentes ? Pour ce qui serait du même texte, cela n'est pas possible, car l'auteur cède à la revue qui publie son article les droits de reproduction de ce texte ; une fois le texte publié, il n'en est plus le propriétaire, de sorte qu'il n'a plus la possibilité de céder les droits une seconde fois. Et dans une revue « open », où l'auteur paye pour être publié ? Cette fois, je me refuse à considérer ce cas, car je déteste en réalité cette formule, dans laquelle se sont engouffrés des sociétés d'édition assez malhonnêtes, qui deviennent juges et parties : on comprends que, si l'auteur paye, la revue ait moins de scrupules à lui refuser son texte. Et puis, le foisonnement des publications fait peser une charge sur la communauté, dans la mesure où les recherches bibliographiques sont alors compliquées. Il y a une sorte d'irrespect des collègues à multiplier la publication d'un texte.
Pour en revenir à la question, d'une publication d'un même travail, en français et en anglais, il y aurait un argument qui serait que la version anglaise s'adresse à une communauté internationale et que la version française touche mieux le public français. Toutefois, à cet argument, il faut répondre que la communauté scientifique française lit les textes en anglais, et que, quand même, ce choix fait peser une double charge éditoriale sur les mêmes personnes, les rapporteurs d'une bonne revue -qu'elle soit en français ou en anglais- étant choisis internationalement.
Et puis, pourquoi l'auteur d'un texte publié initialement en français, après évaluation, édition, publication, ne se contenterait-il pas de traduire le texte en anglais et de le mettre en ligre sur un site personnel, avec une mention qui signalerait l'origine du texte traduit ? Inversement il est parfaitement possible qu'un texte publié en anglais soit traduit en français dans les mêmes conditions… et toujours dans le respect des règles du droit d'auteur, qui veulent, pour beaucoup de revues scientifiques à l'ancienne, que l'auteur ne puisse en faire qu'un usage privé, à savoir transmettre des tirés à part (aujourd'hui, des documents pdf) à des collègues qui les demandent.

Reste le cas d'un texte qui serait publié dans une langue minoritaire, et que l'auteur voudrait publier dans une autre langue également minoritaire. Le bon principe précédent (il faut publier aussi efficacement que possible) montre qu'un auteur qui est dans ce cas fait deux fois un choix malheureux : or perservare diabolicum ! Et puis, cela impose à nouveau une double charge sur la communauté, car je répète que les rapporteurs nationaux sont en réalités des rapporteurs internationaux. Au nom de quel argument imposer une double évaluation ? Je trouve que cela n'est pas respecter les collègues, et j'invite tous mes collègues qui font un travail d'édition scientifique à refuser de tels textes. Pour ce qui concerne les auteurs, je propose que nous considérions commue une bonne pratique ne pas se mettre dans cette position défavorable.

Enfin, il faut signaler que la traduction automatique, qui nous vient de la révolution numérique, change les choses : un texte en n'importe quelle langue est aujourd'hui accessible. L'argument qui consistait à dire que l'on ferait une diffusion plus efficace en publiant en plusieurs langues ne tient plus.

samedi 15 juillet 2017

cuisson de carottes

Aujourd'hui, je discute la cuisson des carottes sur http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/07/cuire-des-carottes.html

jeudi 13 juillet 2017

La musique dépasse les notes et les mesures, en cuisine comme en peinture !

Quelques films montrent des cours par de vrais musiciens artistes qui expliquent que la musique n'est pas l'exécution de notes, ni la réalisation de mesures, mais la production de phrases musicales. Ici, je me propose d'observer que cette idée, un peu insuffisante, vaut pour tout !

 Commençons par la musique. Quand un compositeur veut transcrire cette musique qu'il a en lui, comme le mathématicien Poincaré avait en lui des idées mathématiques, il identifie un rythme, et il divise donc sa musique en mesures, selon un rythme donné : valse à deux temps, trois temps..., par exemple. On comprend que, lors de l'exécution, une note isolée ne vaut rien, puisqu'elle doit être inscrite dans un groupe de plusieurs notes, mais on comprends surtout qu'une mesure ne vaut rien non plus, et c'est la phrase musicale qui commence à prendre du sens, s'étendant sur plusieurs mesures. C'est que l'on trouve bien expliqué dans quelques cours ("master class") de quelques beaux artistes : je vous recommande le film de Jean-Louis Comolly, avec Michel Portal, ou les cours publics de Paul Tortelier, également en ligne. Voir par exemple https://www.youtube.com/watch?v=rrspe5ntGfI ou encore https://www.youtube.com/watch?v=DkEYHxpmgSM.
Mais on ne dit pas assez, et pas assez clairement, que la phrase elle-même est insuffisante, parce que l'oeuvre est faite de plusieurs phrases, qui ne sont pas indépendantes et dont l'assemblage forme l'oeuvre. Chaque phrase ne peut donc être jouée que par rapport aux autres, et il ne peut y avoir d'hétéroclite : si quatre accords sont funèbres, à un moment donné du concerto de Mozart pour clarinette, alors il ne peut y avoir ailleurs, dans la pièce, de parties interprétées selon une autre idée que celle qui prendrait en compte ces quatre accords.

Et plus généralement ?

En cuisine, par exemple, il y a bien sûr les vieux plats, qui sont en réalité assez sommairement faits, et des cuisines plus artistiques. Les vieux plats ? Un cassoulet, c'est la totalité des ingrédients qui est mise dans la "cassole", laquelle est placée sur le feu. La part d'interprétation se résume au choix des ingrédients.
En revanche, pour des mets plus modernes, composés de parties qu'il faut réunir, on comprend que leur préparation ne puisse se comprendre, ni donc se faire, sans considération pour les autres parties, et, surtout, sans compréhension de l'idée générale du plat.
En littérature, Flaubert a tout dit, et il suffit de comparer la dixième et la onzième versions de sa Tentation de Saint Antoine pour observer, admirer, comprendre la transposition de l'idée musicale : le changement d'un mot, en un point d'une phrase, fait basculer le sens, la coloration, la tonalité de tout un paragraphe, de toute l'oeuvre. Tout est nécessaire, tout se tient, telle une toile d'araignée qui vibre entièrement quand on agite l'une de ses parties.
En sculpture, en cinéma, en danse, en... Et en science ?
Certes, un autre de mes billets évoque le style en science, mais quand même, nous sommes sur les rails du calcul, des phénomènes saillants du monde, et la question est autre. A part la cohérence de l'Homme et de ses travaux, je vois mal, et j'ai besoin de l'intelligence de mes amis pour y voir plus clair.

mercredi 12 juillet 2017

Qu'est-ce qu'un rapporteur ?


Il semble que j'ai été un peu vite, dans des billets précédents, car des correspondants m'interrogent : qu'est-ce qu'un rapporteur ?
La question est d'autant plus légitime que le Trésor de la langue française informatisé n'est pas bien clair. Expliquons donc, et notamment sur des exemples, que les commissions, les jurys sont composés de membres qui sont chargés de statuer, d'évaluer, de juger, de décider... Bien sûr, il y a des cas où chaque membre se fait individuellement une idée du dossier, après avoir fait lui-même la totalité de l'exploration, mais il y a aussi des cas où des membres sont mandatés pour faire un travail préparatoire, qui est alors exposé au groupe. Ces personnes sont des rapporteurs.

En science, on voit des rapporteurs d'abord pour les publications  scientifiques: l'éditeur en charge d'un manuscrit soumis par publication, afin de rester en position d'arbitrage impartial, envoie le manuscrit  à deux collègues, qui sont chargés d'en faire une analyse, suivie d'un rapport qui permettra  de prendre une décision. Les deux collègues sont des "rapporteurs", et ils ont pour mission de vérifier d'abord que le travail est nouveau, et ensuite qu'il est de bonne qualité. Je passe sur les détails de ce travail, mais je veux quand même signaler que les bons rapporteurs font un travail considérable, de lecture des références, de recherche bibliographique de novo, d'évaluations de chaque mot, de chaque phrase, de chaque calcul... Car l'enjeu est considérable : la publication équivaut à une sorte de "brevet de qualité" scientifique.
Un autre cas se rencontre lors des thèses : deux rapporteurs sont chargés de lire la thèse dans le plus grand des détails, afin de garantir la qualité académique.
Mais il y a aussi les évaluations des scientifiques, avec des dossiers (personnels, d'équipe, etc.) qui sont envoyés à des rapporteurs. Ou encore des discussions, auquel cas les rapporteurs comme comme les examinateurs des examens.

Je propose évidemment que nos amis qui endossent ces habits de rapporteurs soient bienveillants, qu'ils n'abusent pas de la position "d'autorité" qu'ils ont, se souvenant -sans céder sur la qualité des travaux, sans compromission- qu'ils seront également évalués à leur tour. Je crois que les rapporteurs doivent être donc bienveillants, et qu'ils se limitent à interroger, afin de s'assurer, a minima, que les collègues audités n'ont pas fait les choses au hasard, qu'ils ont des réponses rationnelles -et donc justes- à toutes les questions qu'on peut leur poser.

La sécurité alimentaire n'est pas la sécurité des aliments

Il y a des cercles qui ont leur jargon, mais il y a aussi des raisons réelles d'avoir des mots distincts, quand ils s'appliquent à des idées distinctes. Et, notamment, l'usage des adjectifs est toujours compliqué par la possible "faute du partitif" : l'exemple généralement utilisé est "cortège présidentiel", qui ne se confond pas avec "cortège du président". En effet, soit un président, et son cortège. Comme le cortège n'est pas présidentiel lui-même, c'est le cortège du président, et non pas le cortège présidentiel. Et voilà pourquoi j'ai critiqué le nom de la "société chimique de France", qui devrait être la "société française de chimie"... comme cela était le cas avant un remaniement insuffisamment considéré du nom.

Pour la sécurité alimentaire et la sécurité des aliments, s'agit-il de la même distinction ? Oui et non. En réalité, il y a une convention derrière le sens donné à ces deux expressions, et cette convention, qui est connue des bons spécialistes, n'est pas une règle grammaticale, mais une convention.

La sécurité alimentaire : c'est la question de produire assez d'aliments pour nourrir les populations. La sécurité des aliments, c'est la question de savoir si ces aliments sont sains, et le terme de "sûreté" est parfois utilisé, ou encore l'expression "sécurité sanitaire des aliments".


 Il suffit d'être au courant...

mardi 11 juillet 2017

On peut être un rapporteur bienveillant... avec du recul

Faut-il de la naïveté ? Certains, simples, diront que oui, parce que leur simplicité leur fait croire que la naïveté est une qualité, mais c'est en réalité un "petit arrangement avec la vie" (on verra la notion développée dans mon livre qui paraît en septembre aux éditions de la Nuée bleue). D'autres, qui sauront que "naïf" signifie "indigène", "autochtone", se diront que la culture vient quand même faire de nous autre chose que les animaux que nous sommes par nature, de sorte que la naïveté est une sorte de paresse.

Mais, au fait, quel rapport entre naïveté et rapporteur ? Il se trouve que je ne cesse de proposer que les évaluations soient toujours faites par des individus a priori bienveillants, et qu'elles se limitent à s'assurer que les individus ou organisations évalués puissent répondre quand au choix des caractéristiques, comportements, méthodes, structures en place. Par exemple, si l'on fait de la recherche scientifique, il semble essentiel que l'on puisse expliciter le projet scientifique, les questions scientifiques posées. Puis, si l'on met en oeuvre une méthode d'analyse particulière, on doit pouvoir expliquer pourquoi on utilise celle-là et pas une autre. Si l'on publie des articles dans un journal particulier, on doit pouvoir dire pourquoi on a choisi ce journal. Et ainsi de suite.
On le voit, les rapporteurs sont là pour aider à faire mieux, en dépistant ce que l'on fait sans y penser, irrationnellement, c'est-à-dire peut-être mal. Tout va bien quand nos rapporteurs sont honnêtes, amicaux, justes, droits. Et je ne vais certainement pas revendiquer autre chose... mais de tels rapporteurs ne sont-ils pas un peu naïfs ? Ne devraient-ils pas être bienveillants, certes, mais avec plus de recul ?

On a compris au ton de ce billet que je demande plus, aux rapporteurs, que de la droiture et de la bienveillance. Je demande aussi de l'intelligence... et c'est évidemment le plus difficile.

lundi 10 juillet 2017

Les éternels insatisfaits

Il y a des individus malheureux. Jules Renard, que sa mère n'aimait pas, fut malheureux toute sa vie, malgré sa femme charmante et ses enfants merveilleux. Il était malheureux... mais il était charmant. Il reconnaissait sa chance et comprenait que son malheur n'était pas dans les circonstances actuelles, mais dans une enfance terrible.




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A l'opposé, il y a ceux qui, malheureux aussi, sans doute, expriment leurs revendications avec hargne, sans intelligence. Rabelais les nommait des pisse vinaigre, et ils sont ceux qui vous font des procès. Borgès, lui, distinguait l'envie blanche, qui pousse à construire, et l'envie noire, la jalousie qui pousse à détruire.

N'est-il pas indispensable de montrer au moins ces deux possibilités, en espérant que les éternels insatisfaits remontent la pente du côté sombre, pour enfin marcher du côté clair ?

samedi 8 juillet 2017

Euh... En fait, j'veux dire...

Notre groupe de gastronomie moléculaire accueille depuis des décennies des étudiants qui veulent apprendre. Pas de sélection sur les "compétences", sur les "connaissances", sur les "capacités", mais seulement cette volonté d'apprendre, assortie d'une assiduité active, dans cette voie de l'apprentissage.
Evidemment, ce mode de "recrutement" (le mot est mal choisi, parce que nous ne recrutons pas, mais nous contentons d'accepter de nouveaux amis qui nous sollicitent) ne nous vaut pas toujours les meilleurs, mais des étudiants de tous les niveaux : aussi bien des étudiants parmi les meilleurs de leur tranche d'âge que des "naufragés". Et, pour chacun, notre groupe s'efforce de contribuer à les aider à s'améliorer. On observe la tournure de phrase compliquée que j'utilise, mais je vois pas comment simplifier. Car il y a bien un effort de notre part, d'abord. Puis une contribution, et seulement une contribution, car il n'y a que nos amis qui peuvent s'améliorer, et nous sommes bien impuissants : nous pouvons seulement leur donner des moyens de parvenir à ces améliorations, que ces moyens soient matériels ou amicaux.

Toute cette longue introduction pour pouvoir reconnaître que, bien souvent, nos jeunes amis arrivent avec des phrases  qui n'en sont pas, avec des "euh", des "en fait", des "j'veux dire", des "tu vois", des "effectivement"  à tous les coins de phrase. Quand on chronomètre, on est atterré tant il y en a, et, évidemment, l'effet sur leurs interlocuteurs est désastreux. De sorte que, en vue de les aider pour leur projet professionnel,  nous nous évertuons à faire remarquer à chacun ses tics, ses clichés.
Mais stigmatiser n'est pas bien efficace. En revanche, nous avons trouvé bien mieux :  l'entraînement. Qui dit élocution corrigée dit Démosthène, qui s'entraîna à parler avec de petits galets dans la bouche, ou même s'exerça à dominer de la voix le bruit d'une mer furieuse. Dans notre cas, nous proposons seulement à nos amis de dire chaque jour trois phrases : ce qu'il a fait, ce qui a coincé, ce qu'il fera, mais trois phrases parfaites, pensées avant d'être dites ; pas nécessairement des phrases compliquées, des phrases avec seulement un sujet, un verbe, un complément... Mais ça marche : après quelques jours ou semaine, nos amis deviennent capables de parler aussi proprement qu'ils savent s'habiller.

Mais pourquoi n'ont-ils pas appris l'essentiel d'abord ?

vendredi 7 juillet 2017

Une bonne pratique en science : documenter les calculs



Documenter les calculs  : le monde informatique connaît bien la chose, après le monde mathématique ; un calcul est une écriture qui se double de l'idée en français.
Commençons par les mathématiques, avant de passer à l'informatique, puis d'arriver à la recherche scientifique en général.

Pour les mathématiques, j'ai vu d'innombrables collégiens et lycéens qui s'étonnaient de ce que leurs devoirs soient mal notés. Ils n'avaient pas compris, ou on ne leur avait pas dit (je ne tranche pas, entre les deux parties), que des calculs se font en français, avant que le formalisme ne vienne recouvrir les mots. Cela, c'est pour le chemin, mais, surtout, ils étaient censés expliquer ce qu'ils faisaient, et pourquoi ils le faisaient, au lieu de simplement faire... avec plus ou moins de succès.
Le pire, c'est la question des proportions, et du détestable "produit en croix", que font les étudiants jusqu'au master, en se trompant une fois sur deux : je répète que j'ai sur mon mur de bureau une proportion simple faite par deux étudiants de master différents... et qui sont deux résultats différents. L'un est faux, bien sûr, mais, surtout, aucun des deux étudiants n'étaient prêt à parier une bouteille de champagne que son résultat était juste.
Cette observation n'est pas une critique de quiconque, mais une observation factuelle, et, plus précisément, une observation du fait que nous ne disons pas assez aux écoliers, collégiens, lycéens, puis étudiants, et enfin nous-mêmes, que les calculs se font (sauf pour quelques génies) en langue française, avant que le formalisme ne soit présent. C'est la garantie d'une lisibilité pour les autres (on rappelle qu'un devoir est aussi destiné au professeur qui l'évalue)... et surtout pour soi-même : car pour s'assurer que l'on a fait un calcul juste, il faut pouvoir se relire et se comprendre.

Pour l'informatique, la question est identique, mais plus récente. Et les sociétés qui produisent du code connaissent la plaie des programmes mal documentés, que personne ne parvient plus à modifier quelque temps après qu'ils ont été produits. C'est que, là encore, il est très difficile de refaire le chemin quand il est caché sous le code, et même avec des langages qui semblent plus intuitif, il est essentiel de "documenter". Pour soi et pour les autres, comme précédemment. Je n'insiste pas beaucoup, car il y a en ligne  des milliers de pages consacrées à ce problème.

Arrivons donc enfin à la question de la recherche scientifique. Pour les sciences de la nature, il y a donc des calculs, plutôt que des mathématiques. J'explique la nuance : les mathématiques visent le développement des mathématiques, alors que le calcul est du calcul, appliqué à des questions pratiques.
Bref, il y a du calcul, et, de ce fait, ce calcul doit être documenté. Rien de pire que ces documents de recherche que, là encore, personne ne parvient à décoder quelques mois après qu'on les a produits. Le pire, c'est que leurs auteurs eux-mêmes ont bien du mal à s'y retrouver.
 Or la science est produite par des scientifiques qui, le plus souvent, sont des agents de l'Etat. Il n'est donc pas normal qu'elle ne puisse être mise à disposition du public. D'autre part, elle se fait souvent dans des groupes de recherche, de sorte que la communication entre membres du groupe est essentielle : là, c'est une question non plus de citoyenneté, mais d'amitié.
Surtout, il y a le fait, souvent négligé, qu'il est essentiel de se parler à soi-même. Se relire après quelques mois, par exemple. Sans une bonne documentation des calculs, on est condamné à perdre son travail, ou à perdre du temps à retrouver les idées qu'on avait eues.

Bref, je crois que c'est une bonne pratique que de bien documenter les calculs !

L'évaluation des stages doit être responsable


Comment évaluer des stages ?
Pour les études supérieures, il y a fréquemment des évaluations des étudiants, selon le principe sain et juste que ces dernières sont à l'appui d'une reconnaissance officielle de capacités. On se souvient que, à propos de capacités, j'ai largement dit que quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris, de sorte que je ne vois pas les capacités comme innées, mais apprises.
Mais je reviens à des principes simples : si nos diplômes sont des reconnaissances de savoirs ou de savoir-faire, pourquoi n'organisons-nous pas d'abord des examens indépendants des cursus, où chacun serait libre de s'inscrire et de prétendre à ces reconnaissances ? C'est ensuite seulement que l'on doit -semble-t-il- organiser des systèmes pour aider les étudiants à apprendre. Quels sont ces systèmes ? Les "cours" ne sont pas une réponse, sauf à être autre chose que des litanies, et j'attends de la collectivité un sursaut intellectuel qui permettra de ne pas pérenniser des modalités mauvaises par principe.

Je pense à cela alors que vient le moment d'évaluer des stages : les universités qui m'envoient les étudiants me demandent des évaluations, mais que dois-je juger, et comment ? Pour moi qui ne suis pas engagé dans le dispositif universitaire d'études supérieures (en réalité, je le suis... mais pas pour ce qui concerne ces stages), suis-je vraiment habilité à évaluer les étudiants ? Quels critères dois-je avoir ? Certes, on me donne des fiches d'évaluation, mais, par exemple, est-il légitime de demander aux étudiants d'être autonomes... alors qu'on ne les a pas formé à cela, dans les (rares, trop rares) séances de travaux pratiques ? On me demande si les étudiants ont des connaissances, mais que puis-je savoir des connaissances requises pour un niveau donné d'une université donnée ? Certes, je peux appliquer à la lettre les consignes ministérielles, mais alors les zéro vont pleuvoir... puisqu'il n'y a pas de sélection à l'université (jusqu'à plus ample informé... et j'espère que cela va changer). On me demande si les étudiants sont "ponctuels", par exemple, mais c'est là de l'administration au pire sens du terme : je ne suis pas payé pour être garde chiourme.
Bref, les fiches d'évaluation que l'on me donne sont bâclées, et elles sont pire : elles sont une injure à ma conscience professionnelle.
Et puis, n'est-ce pas se défausser que de me demander d'évaluer les étudiants en stage, alors qu'ils relèvent de l'université, que le stage est une partie du cursus pédagogique ? Puisque ce sont les universités qui décernent les diplômes, c'est donc à elles de prendre la responsabilité de décider du niveau de savoir ou de savoir-faire qu'elles réclament.
Je réclame que les universités prennent leurs responsabilités, qu'elles fassent véritablement ce qui dit la loi. Et si elles considèrent que je ne fais pas ce que devrait faire un maître de stage, qu'elles arrêtent de m'envoyer des étudiants en stage... ainsi qu'à tous les autres, car en réalité, il y a beaucoup d'hypocrisie dans toute cette affaire. Le discours de terrain n'est pas le discours officiel, et cela n'est bon pour personne.

Pour ce qui me concerne, j'ai décidé d'être  là pour aider les étudiants à transformer les connaissances en compétences. Je m'évertue à le faire avec beaucoup d'énergie. J'accepte tous les étudiants, quelles que soient leurs connaissances, leurs "capacités", parce que je ne les accepte que par reconnaissance : quelqu'un, un jour, m'a accepté en stage, et j'ai donc le devoir collectif de poursuivre la chaîne de reconnaissance. Je me moque des "capacités", et j'encourage  la progression  : le stage est l'occasion de transformer des connaissances en compétences, dit la loi, et pas d'évaluer des connaissances ni des compétences.

 Bref, un stage dans notre groupe est tout entier focalisé sur la question quotidienne : qu'ai-je appris ? qu'ai-je appris à faire ?

Savoirs opératif et spéculatif à l'université

Certains de mes amis opposent le spéculatif et l'opératif, la tête et la main. Les organisations compagnonniques, maçonniques et autres seraient ainsi l'occasion de développer l'aspect spéculatif, tandis que le "métier" serait l'occasion de développer l'opératif. C'est dans des "études", spéculatives donc, que l'on découvrirait le nombre d'or (mais il y a quand même bien mieux à faire que de se focaliser sur ce nombre, en vue d'applications), et dans la construction des mets que l'on pourrait le mettre en oeuvre, opérativement, en répartissant les masses dans l'assiette ou autre.

Evidemment, ma description est caricaturale, parce qu'un bon travail spéculatif va plus loin que la découverte d'un nombre, fut-il encore plus passionnant que le nombre d'or : il y a la question du sens profond, et mille autres considérations qui vont même jusqu'à dépasser celui-ci. Mais ce n'est pas cela que je veux discuter ici. C'est bien, plutôt, la notion de spéculatif, qui a été trop souvent collée à "réflexion", "intellectuel", "scientifique", "théorique". Je propose qu'un "intellectuel qui est engagé dans l'étude théorique soit "opératif", s'il est au pas de charge, et même s'il fait bien. Il semble y avoir une sorte d'opérativité

Votre avis ?

jeudi 6 juillet 2017

Plus de papier dans les environnements professionnels modernes, plus de papier dans les universités !

Nous sommes bien d'accord : l'université ne doit pas pérenniser des pratiques périmées, mais donner à de jeunes citoyens des compétences qui leur assureront une vie sereine.
Derrière cette déclaration lénifiante, on peut voir une réalité économique plus cruelle, à savoir que les employeurs (pour ceux des étudiants qui seront employés, parce qu'ils n'auront pas eu le courage, la possibilité,  l'idée, etc. d'être leur propre maître) préfèrent des personnels compétents à des personnels incompétents. En corollaire inévitable, il y a le fait que les étudiants sortant des études supérieures doivent avoir des compétences modernes, si modernes même que les sociétés susceptibles de les employer doivent voir un intérêt à les embaucher, au lieu d'avoir le sentiment qu'elles devront former des jeunes employés insuffisamment formés.
Je récapitule : les étudiants diplômés des études supérieures doivent être en avance sur le monde de l'entreprise, et pas en retard.

Or le monde de l'entreprise est déjà numérique. Les sociétés les plus avancées, au moins, ont des méthodes d'organisation qui ne sont plus celles du siècle passé, et le numérique s'est imposé : pour l'administtration, pour la production, pour les ventes... Plus de papier, mais du numérique. Une saisie par un membre de la société, sur un clavier d'un terminal numérique, est immédiatement répercutée dans l'ensemble de l'entreprise, sans relais, et l'information est immédiatement traitée, parce que l'on a bien compris que cette rapidité était un gage d'efficacité, de rapidité, de compétitivité.
La conséquence ? Nos étudiants doivent apprendre à ne plus avoir de papier. Plus de cahier, plus d'agenda tels qu'ils en avaient au lycée, plus de carnetsa... D'ailleurs, ils ont des téléphones portables ; ils doivent donc avoir des ordinateurs portables pour leurs travaux, des tablettes, peu importe, mais plus de papier.
 Et c'est donc un scandale que quelques institutions d'enseignement continuent de demander des rapports de stage imprimés ! Un pdf fait l'affaire. Non seulement, la transmission sera plus fluide, mais, de surcroît, on aura bien montré à nos étudiants que le monde est numérique... et que l'université n'est pas en retard. Je ne parle pas de l'intérêt économique  et environnemental de la suppression du papier.

 Pour autant, la partie n'est pas gagnée : je sors du bureau où quatre étudiants avancés travaillaient, et j'ai vu trois cahier et des post-it !

 Sans relâche, banissons le papier !

Quelle différence entre un composé et une molécule ?


Je serais naïf de croire que, parce que j'ai fait un jour un bon podcast sur le site AgroParisTech, j'ai résolu la question. Et je m'aperçois, jour près jour, que la difficulté demeure... qui est celle qui empêtrait mes condisciples quand, au temps des maths modernes, nous étudiions les classes d'équivalence. La question est celle des "types", des "catégories", des "classes", des ensembles. Et j'analyse que s'il y a une difficulté, c'est que l'objet est concret, alors que la catégorie est abstraite. La difficulté, pour certains de mes amis, c'est donc l'abstraction.
Mais ne baissons pas les bras, ne manquons pas une occasion de montrer à nos amis qu'ils ont -évidemment- toute la tête qu'il faut pour maîtriser ces notions  : souvent, l'exemple est éclairant.
Et commençons donc par le concret. Prenons deux objets identiques (pensons à deux boules rouges) que nous nommons atomes d'hydrogène et un objet d'une autre sorte (pensons  à une boule blanche) que nous nommons atome d'oxygène. En les "collant", nous formons un objet en forme générale de V, que nous nommons "molécule d'eau".
Puis, avec d'autres "atomes", nous formons d'autres "molécules d'eau" : elles sont identiques à la première. Et la réunion (dans un récipient) de beaucoup de molécules d'eau fait une matière que l'on nomme de l'eau.
Dit à l'envers, si nous partons d'un verre de ce liquide que nous connaissons tous sous le nom d'eau et que nous regardons à l'aide d'un très puissant microscope, nous voyons des objets tous identiques, que nous nommons "molécules d'eau". Chacun des objets est une molécule d'eau.
L'eau ? C'est une matière, mais, en l'occurrence, c'est aussi un "composé", c'est-à-dire une catégorie de molécules. Une sorte de molécules. Et peu importe qu'il y en ait beaucoup ou peu dans un récipient, le composé présent est toujours l'eau. Peu importe que l'eau soit à l'état liquide, solide, gazeux : la catégorie est celle des molécules d'eau. Et "catégorie de molécules" est synonyme de "composé".

Tiens, faisons un peu plus difficile, à "titre d'exercice". Dans le vin, il y a de l'eau : des dizaines de millions de milliards de milliards de molécules d'eau. Il y a aussi un autre composé, nommé l'éthanol, qui est l'alcool du vin et des eaux de vie : environ 10 à 15 pour cent, soit des millions de milliards de milliards de molécules d'éthanol, des molécules différentes de celles des molécules d'eau, parce que construites avec des atomes de carbone (deux par molécule), des atomes d'hydrogène (cinq par molécules) et un atome d'oxygène.
Mais, dans le vin, il y  a beaucoup d'autres composés : cela signifie "beaucoup d'autres sortes de molécules". Par exemple, pour les molécules odorantes, il y en a des milliards de milliards, mais de "seulement" quelques centaines de catégories. Il y a donc quelques centaines de composés odorants, mais un très très grand nombre de molécules odorantes. Idem pour les composés sapides, colorés, etc.

On le voit, une molécule n'est pas plus un composé qu'un individu n'est une population !

mercredi 5 juillet 2017

La question de l’autonomie des étudiants : pourquoi la sigmoïde s’impose



Combien d'heures de cours les étudiants doivent-ils recevoir ?
Je propose de montrer un raisonnement sain... qui semble à reprendre de fond en comble.
Le raisonnement sain est le suivant :
 - on commence l'école vers 6 ans, et l'on sort de l'université en fin de Master 2
 - quand on arrive, on n'est pas autonome pour ce qui est de l'étude, et quand on sort, on doit l'être, puisque, ensuite, on n'est pas payé pour apprendre (bien qu'il soit conseillé de le faire), mais pour produire
 - autrement dit, le pourcentage d'autonomie est compris entre 0 et 100
Sur cette base,  à quel rythme devons-nous devenir autonome ?
Ce serait une erreur de lancer trop vite les enfants dans l'autonomie : il faut donc que le rythme soit lent, au début. D'autre part, ce serait une erreur de conserver des étudiants de Master très peu autonomes, car ils seraient exposés à le devenir brusquement en trop peu de temps.
Conclusion inévitable : la courbe de l'autonomie en fonction de l'âge est nécessairement une sigmoïde.

 Sur la base de cette conclusion, tirons des conséquences. La première, l plus importante, à mon sens, c'est que, en début de master, les étudiants doivent apprendre avec environ 90 pour cent d'autonomie, ce qui, en pratique, signifie que pour une heure de "cours", il doit y avoir 9 heures de travail personnel. Un emploi du temps, sur une semaine de 40 heures (par exemple, mais on sait que je propose bien plus), ne doit comporter que 4 heures de cours ! Le reste, c'est du travail personnel, qui doit être guidé, évalué... non pas en termes de temps passé, de présence, mais de résultats : pour que le diplôme de Master, je propose de cesser de jouer à l'obligation de moyens, et que nous allions clairement à l'obligation de résultats... même si cette proposition n'est pas dans l'air du temps, même si elle peut sembler politiquement incorrecte (et cela me semble grave qu'elle puisse sembler ainsi).
En réalité, ma proposition n'est pas si iconoclaste... car, dans le système des "crédits", qui est je le rappelle un système mondialement retenu, l'idée que je propose est explicitement donnée.

Pourquoi ai-je écrit, en préambule, que ce raisonnement doit être repris de fond en comble ? Parce qu'il a été fait dans l'hypothèse d'un "enseignement", alors que j'ai dit cela impossible : il ne peut y avoir que d'études, par les étudiants, et pas d'enseignement par des enseignants.
On pourrait toutefois sauver les apparences, en disant que, puisque les étudiants deviennent autonomes, dans le système proposé, les enseignants s'effacent. Et l'on pourrait aussi dire que les "cours" ne sont pas nécessairement des enseignements.  Oui, mais ce n'est pas assez ; s'il n'y a pas d'opposition entre les deux idées, il y a un flou considérable qui subsiste. Ce qu'il faut, c'est bien analyser les études.
De quoi part-on ? D'enfants qui commencent à étudier. L'emphase, ce n'est pas l'apprentissage, mais l'étude, et ce qui est en jeu, c'est de donner à des individus une envie d'étudier, en vue d'obtenir des connaissances, mais surtout des compétences.
Les premières compétences sont évidemment la maîtrise de la lecture, de l'écriture, du calcul élémentaire... et de la vie en société démocratique. Dans le détail, comment faire ? Je ne peux certainement pas avoir la prétention de me substituer à des professionnels de talents, qui peuvent réfléchir à la chose, en connaissance -professionnelle, j'insiste- des enfants. Pour l'université, il me semble que mes billet précédents répondent à la question, avec peut-être, toutefois, trop peu d'emphase mise sur la discussion des MOOC.

A suivre, donc.

mardi 4 juillet 2017

La sauvegarde des données

Une anecdote pour commencer : il y a plusieurs années, j'avais un ordinateur... dont je faisais mollement les sauvegardes. Il est arrivé, un jour, qu'il est tombé en panne, et que les données ont été perdues... sur quinze jours ! Vous vous rendez compte : deux semaines de travail perdues ! J'étais atterré... mais je sais aussi que l'expérience est intransmissible.
Puis, j'ai eu des disques durs de sauvagegardes, et j'ai fait des sauvegardes quotidiennes. Or il est arrivé -je le jure- que j'ai eu plusieurs fois des disques durs en panne, puis, pire, que j'ai eu un jour une panne à la fois d'un ordinateur et d'un disque dur. Pour cet événement, cela n'a pas été très grave... car, par hasard, j'avais une sauvegarde sur un second disque dur externe... et je n'ai perdu qu'une journée de travail. Mais quand même, pour quelqu'un qui travaille sans relâche, une journée de travail perdu, c'est rageant.
Pis encore : il est arrivé que j'ai eu un jour un ordinateur qui me lâchait, en même temps que deux disques durs externes ! Ce joura-là, je suis tombé des nues... mais j'avais trois sauvegardes, et je n'ai perdu qu'une heure, parce que la panne s'est produite en début de journée (j'avais sauvegardé la veille, au soir).

Depuis ce temps, j'ai personnellement plus de trois sauvegardes, en plus de mon disque dur, et je synchronise mes données à des moments différents pour les différents disques durs, pour des raisons qui sont exposées abondamment sur internet.

 Mais passons à d'autres que moi.
1. Peut-on se contenter d'avoir des sauvegardes sur un dropbox ou sur le cloud ? Professionnellement, cela n'est admissible que si le serveur reconnaît la propriété des données à celui qui stocke, et non à celui qui héberge. Et, bien sûr, si l'on a plusieurs stockages différents, car on peut imaginer une panne du serveur, et la perte des données ainsi stockées.
2. Evidemment, on doit  avoir des mise à jour soit en permanence, soit à des intervalles si courts que la perte serait sans trop de gravité (mais quand même, une heure perdue d'idées intéressantes, c'est déjà beaucoup.
3. On notera que l'on peut faire une différence entre sauvegarder et synchroniser, le second étant plus rapide, surtout quand on a un volume de données important, comme n'importe quel professionnel.

Bref, combien de sauvegardes avez vous ?

Conseil à mes amis : organiser un disque dur

Je m'étonne de voir des ordinateurs avec des bureaux encombrés de fichiers, et des disques durs où le désordre règne. Interrogés, mes "amis" me répondent qu'ils s'y retrouvent, mais s'y retrouveront-ils encore quand ils auront 300 000 fichiers, comme on en a rapidement, quand on est un professionnel en activité ?
Je n'ai pas à me mêler des affaires des autres, mais je crois qu'il n'est pas honteux de conseiller à tous une division des documents en trois parties : administration, communication, travail.
Le travail, c'est le travail, ce pour quoi on est payé. L'administration, c'est l'ensemble des travaux qui visent à permettre le travail, ce qui va de l'administration personnelle à l'administration professionnelle. La communication, c'est la présentation du travail à d'autres.
On entrevoit, à cette description, des subdivisions. Si les données du travail peuvent être séparées, selon les types d'activités, la communication peut être divisée en communication orale (conférence, discours, correspondances...) et la communication écrite (rapports, articles...), avec un troisième partie pour des données générales de communication. Enfin, l'administration peut se diviser en administration personnelle, administration du travail, administration de la communication.

Et l'on voit ainsi s'esquisser un arbre, où chaque noeud conduit à un nombre d'autres noeuds assez petit, mais suffisamment grand pour que, comme dans la pâte feuilletée, un nombre réduit de clics permette de retrouver rationnellement n'importe quel fichier, parmi un grand nombre. Par exemple, avec des subdivisions en trois (mais on répète que ce nombre n'a pas de sens en toute généralité ; je ne le prends que pour l'exemple), il suffit de huit clics pour atteindre n'importe lequel de plus de 6500 fichiers. Sans avoir autre chose à faire qu'à se poser des questions simples, la première étant donc : s'agit-il d'administration, de communication, ou de travail ?

Conseil à mes jeunes amis : deux fichiers


J'ai hésité à parler de "bonnes pratiques", pour ce billet, mais le fait est que les bons étudiants sont ceux qui savent s'organiser, et qui, en conséquence 
 - n'oublient pas ce qu'ils ont à faire
- prennent des notes, en vue d'explorations ultérieures, de valorisations, d'approfondissements...
Comment s'organiser, pour ne rien oublier ? Evidemment, prendre des notes : cela peut se faire en dictant ou en écrivant, et le support est évidemment ceux qui sera le plus efficace : un fichier nommé "à faire" dans un ordinateur que l'on a avec soi, des notes sur OneNote ou un logiciel libre équivalent sur une tablette, des mémos sur un téléphone... Dicter, ou écrire ? Dicter a l'inconvénient que l'on perturbe le dialogue, alors que l'on peut écrire pendant que l'on écoute. Ecrire en dactylographiant ou en écrivant ? A ce jour, les stylets électroniques permettent de noter sur de petits écrans tactiles, ce qui prend moins de place qu'un clavier... quoi que je connaisse des claviers repliables, gros comme une carte de crédit quand ils sont repliés.
Mais ce n'est pas à moi de décider : seul le résultat compte. La seule chose que je sache de façon sûre : c'est qu'aucun étudiant n'a réussi à se souvenir de tout ce que je l'invitais à faire quand il ne notait pas. Mieux encore, ce sont les moins "avancés" (on voit que je manie la litote) qui résistaient le plus à l'idée de bien noter.

Le cahier, d'autre part, se distingue un peu du fichier où l'on note, parce que la fonction n'est pas la même. Pour le "à faire", il s'agit de s'inviter personnellement à faire des actes dans un délai assez court. Pour le cahier, il s'agit de poser les notes, mais aussi le résultat des travaux effectués ensuite, notamment des "soliloques" (voir ce concept) que l'on aura fait, si possible de façon structurée.
Là, il y a évidemment le choix entre un cahier informatique (un ordinateur, une tablette) ou un cahier en papier... mais on verra dans un autre billet que, au 21e siècle, le papier doit disparaître, parce qu'il engendre des pollutions excessives, sans compte que c'est une mauvaise réponse, une réponse périmée, à un besoin, qui est celui de prendre des notes. De surcroît, le papier ne permet pas de se corriger facilement, et, à ce propos, à l'attention des historiens nostalgiques qui voudraient que nous conservions toutes nos hésitations (si nous nous appelons Gauss ou Flaubert), je rappelle que les brouillons ont été jetés, d'une part, et, d'autre part, je tiens à faire part de mon émerveillement quand j'ai eu ma première machine à écrire qui permettait de corriger les quatre ou cinq dernières lettres tapées, au lieu d'avoir des feuilles si raturées qu'elles en devenaient illisibles, sans compte le "blanc" dont on chargeait les feuilles, et dont on se souillait ! Décidément, je ne suis pas de ces nostalgiques qui regrettent la peau de bête que l'on devait racler avant d'écrire !

lundi 3 juillet 2017

Qu'est-ce qu'un bon enseignant ? La question est mal posée

Un bon enseignant ?
On se souvient que je me donne surtout comme mission de poser des questions et que j'attends de mes amis qu'ils m'aident à établir un corpus de connaissances un peu solides, au lieu de me laisser avec des pensées idiosyncratiques et sans doute de piètre qualité. C'est ainsi que, aujourd'hui, je m'interroge sur ce qu'est un bon enseignant… en faisant la faute de caractériser ce qui n'existe pas, tout comme se demander si un carré rond était rouge ou bleu.

La question est arrivée hier, alors que notre groupe de recherche accueillait un étudiant venu faire un stage. Ce dernier évoquait un « enseignant-chercheur » (son terme) de son université et semblait porter celui-ci aux nues, en le disait très bon « enseignant ». Mais qu'est-ce qu'un bon enseignant ? On doit se souvenir d'un remarquable rapport, préparé il y a plusieurs années par la Fondation Kastler sur l'évaluation des enseignants d'université, et qui avait bien établi que les enseignants ne sont pas évalués de la même façon juste après les examens qui sanctionnent des études ou quelques années plus tard, quand les étudiants ont eu le temps de se rendre compte de l'importance réelle, pratique, de ce qui leur avait été transmis. Tel enseignant un peu raide sur le moment, pas démagogue, est jugé plus tard comme remarquable, parce que les conseils qu'il a donnés, parfois, avec moins de grâce et de sourires qu'un enseignant plus démagogue, auront été parfaitement utiles dans la poursuite des études ou dans l'exercice professionnel. Alors ?
Qui dit « bon enseignant » dit aussi évaluation par les universités, et, là, c'est essentiellement le travail de recherche qui est évalué. L’étudiant que nous recevions hier s'en offusquait, mais il ignorait qu'un enseignant chercheur n'a pas pour mission d'aller le border dans son lit, mais plutôt de le porter le plus haut possible.
J'explique les deux métaphores. Le border dans on lit, cela signifie excuser ses insuffisances, l'aider personnellement, pallier gentiment ses insuffisances, en prenant du temps… Porter au sommet : cela renvoie à l'idée que je propose depuis déjà longtemps, et qui est de considérer le savoir comme une montagne accumulée au cours des siècles : à la base les savoirs scientifiques du début de la science : chez les Grecs, à la Renaissance, puis aux 18e, 19e, 20e siècles, avec, tout au sommet, les connaissances du 21e siècle. Pour que les étudiants puissent être de bons ingénieurs ou de bon scientifiques, il faut qu'ils ne restent pas à des connaissances périmées. La science du 19e siècle, par exemple, a été déjà largement exploitée par l'industrie, et quelqu’un qui se limiterait à ces connaissances pour faire de l'innovation manquerait certainement son objectif. D'autre part, un scientifique qui se serait arrêté aux connaissances du 19 e siècle serait en retard de deux siècles sur ses collègues qui auraient des connaissance du 21e siècle. Or, pour donner des connaissances modernes, il faut les connaître et les comprendre ; il faut savoir s'y repérer parmi l'immensité des données modernes. Cela, c'est le premier travail de l'enseignant chercheur, un travail qui impose des compétences scientifiques essentielles… Ce qui justifie que l'université évalue les enseignants chercheurs sur les compétences scientifiques, et non pas sur des compétences pédagogiques plus molles.
Alors, qu'est-ce qu'un bon enseignant ? C'est donc quelqu'un qui connaît parfaitement la science ou la technologie, selon le cursus concerné. Évidemment, entre deux individus ayant des compétences scientifiques ou technologiques égales, semble être meilleur « enseignant » celui qui permet le mieux aux étudiants d'apprendre. Et j'en arrive à une idée fausse qui m'est venue alors que je me posait la question du bon enseignant. J'étais prêt à penser que, si l'on met donc les compétences scientifiques ou technologiques à part, un bon enseignant est quelqu'un qui donne envie d'apprendre. J'avais même testé l'idée auprès de quelques amis enseignants chercheurs, qui n'avaient pas critiqué l'idée… mais je me suis finalement aperçu que j'étais en désaccord total avec ma proposition initiale. En effet, notre monde est gorgé de gens qui disent et ne font rien pour atteindre l'objectif qu'ils prétendent s'être fixés. Il s'agit de prétention ou de paresse, parfois, de sorte que je ne crois pas que le bon « enseignant » soit celui qui s’arrête à l'envie. Bien sûr, pour apprendre, l'étudiant a besoin de motivation, d'envie, mais toute cette envie ne remplacera pas le travail effectif que l'étudiant aura fait ! Le bon « enseignant » n’est donc pas celui qui donne envie d'apprendre, mais celui qui conduit l'étudiant à apprendre.

Arrivons enfin à ces guillemets que je traîne à propos du mot « enseignant », ce qui correspond à ce carré rond qu'il est fautif de vouloir caractériser. Nombre de billets précédents ont expliqué pourquoi je me refuse à parler d'enseignant, d'enseignement… N'en déplaise à des collègues qui aiment enseigner (et je n'ai pas dit que cela m'était désagréable personnellement), je maintiens que la question est pour les étudiants d'apprendre, et pas pour des « enseignants » d'enseigner : aucun enseignant ne pourra se substituer à l'étudiant qui doit apprendre, aucun « enseignant » ne pourra enseigner, et c'est ainsi qu'il faut interpréter à la fois la réponse d’Ambroise Paré au roi Philippe V et celle d’Archimède au roi Hiéron de Syracuse : au roi de France qui demandait qu’on le soigne particulièrement bien, Ambroise Paré avait répondu qu'il ne pourrait pas faire mieux qu'à son habitude, puisqu'il s’efforçait de soigner les pauvres comme des rois ; d'autre part au roi Hiéron de Syracuse, qui demandait de lui apprendre les mathématiques, Archimède répondait qu'il n'y a pas de voie royale.
L'apprentissage est un acte intérieur, personnel, et il n'est pas certain que les idées collaboratives ou participatives, même si elles sont chatoyantes, puissent être efficaces. De plus, on ne confondra pas connaissances et compétences, car l'étudiant qui sait n'est pas celui qui a appris à répéter comme un perroquet, mais celui qui a appris à mettre en œuvre les notions nouvelles qu'il a découvertes lors de ses apprentissages.
Mais je reviens à la question : qu'est-ce qu'un bon « enseignant », et j'en arrive à conclure que cela n' existe pas, mais qu'il existe des « professeurs » qui, parfaitement compétents du point de vue scientifique ou technologique, parviennent à mettre les étudiants dans une position active d'apprentissage. Faut-il faire acte de tutorat, répondre à des questions sur des points mal compris, par exemple ? Cela n'est pas certain. Peut-être que l'on aurait intérêt, au contraire, à souligner les incompréhensions dans le savoir que les étudiants auront trouvé eux-mêmes. S'il faut peut-être encourager (bien que la vertu soit sa propre récompense), le professeur doit diriger vers des manques dans le tableau intellectuel que les étudiants se sont construits…
En tout cas, la réponse de notre étudiant était donc extrêmement naïve... et ma réponse initiale fautive.

Je maintiens qu'il y a lieu d'organiser rapidement des discussions visant à mieux répondre à la question essentielle de l'université : qu'est ce qu'un bon professeur ?