Qui suis-je pour parler de musique ? Seulement un "enfant" qui entend ce qui se dit. Et j'ai entendu que la phrase, c'est tout... mais j'ai aussi entendu qu'il faut danser. La phrase, avec sa respiration, c'est... la phrase. Mais la danse a un rythme que la phrase n'a pas... et je comprends que l'un n'est pas l'autre.
De même, j'entends parfois que la musique est "communication", avec une rhétorique, de la grammaire (Couperin), mais j'entends aussi qu'il y a d'abord le mouvement "allant" : c'est ce que dit notamment Pedro de Alcantavar, qui propage la "méthode Alexander", à l'aide, d'ailleurs, de termes dont je récuse l'aspect métaphorique qui ratisse trop large.
Mais... Et s'il y avait des musiciens qui chantent, et d'autres qui dansent ? Et d'autres qui, évidemment, font tout autre chose. Vouloir dire au compositeur ce qu'il fait, c'est d'une "critique" assez minable, qui oublie que l'artiste échappe aux règles, en musique comme en cuisine !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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jeudi 30 novembre 2017
vendredi 21 juillet 2017
Tu lis trop vite !
A propos d'étude...
Dans notre groupe de gastronomie moléculaire, nous avons de nombreux documents à l'attention des étudiants. Ces documents sont tous rédigés de façon très détaillée, très précise, et les calculs sont tous expliqués pas à pas : on prend les étudiants par la main, et l'on avance lentement, parce que l'objectif est absolument que les étudiants comprennent bien les tâches qu'ils feront. Certains de ces textes sont méthodologiques, mais d'autres expliquent la théorie (souvent physique ou chimique) qui sous-tend ces tâches. Par exemple, pour calculer un écart-type, il faut savoir ce que c'est, s'être demandé si c'est l'écart-type d'une population ou d'un échantillon que l'on cherche, etc. Par exemple, pour enregistrer un spectre UV-visible, il faut connaître la loi de Beer-Lambert, et pour traiter des spectres de résonance magnétique nucléaire, il faut connaître l'équation des lorentziennes, savoir ce que c'est qu'une intégrale…
Comme nous voulons produire des résultats scientifiques de qualité, il est absolument essentiel que nous parvenions à bien faire comprendre à tous les étudiants les matières théoriques, support des gestes expérimentaux. Nous passons donc beaucoup de temps à confectionner nos textes, et il y a même une emphase excessive en vue d'une bonne compréhension.
Pourtant, malgré nos efforts considérables, nous recevons en stage des étudiants intelligents qui ne comprennent pas nos textes. Pourquoi ?
En raison du climat de confiance qui règne dans notre groupe, nous pouvons analyser individuellement les causes des difficultés. La première est évidemment une insuffisance des connaissances. Par exemple, si la racine cubique est inconnue d'un étudiant (cas rencontré récemment pour des étudiants en licence de chimie venant d'une université de la région parisienne), il aura beaucoup de mal à l'utiliser pour calculer le rayon d'une sphère à partir de son volume. Mais comme nos documents sont très détaillés, les difficultés de ce type peuvent être résolues. Une autre cause essentielle de difficultés, c'est une lecture trop rapide de nos documents, ce qui m'a conduit à faire l'hypothèse que s'il faut apprendre sept fois pour savoir, c'est que, en moyenne, nous sautons un mot sur sept quand nous lisons. Oui, j'identifie clairement que beaucoup d'étudiants lisent trop vite, raison pour laquelle recopier ce qu'on lit est parfois utile. Bien sûr, lire ou écrire mécaniquement, sans s'intéresser au sens des mots que l'on écrit ou qu'on lit, c'est bien inutile… mais c'est là un défaut que j'ai souvent observé. Et, à ce propos, il faut rappeler que le mathématicien français Laurent Schwartz, lauréat de la Médaille Field, a écrit dans ses mémoires qu'il était un élève très lent parce qu'il lui fallait beaucoup de temps pour mettre les nouvelles notions au milieu des anciennes, faire de la place pour ces idées nouvelles avant de faire des connexions entre l'idée nouvelle et les idées anciennes environnantes, comme une pièce dans un puzzle.
Dans d'autres billets, j'ai discuté la différence entre les connaissances et les compétences, et je crois pouvoir proposer ici qu'il vaut mieux que les compétences sont fondées sur les connaissances, de sorte qu'il faut d'abord ces dernières. Ce que je viens de dire au début de ce texte s'applique aux connaissances, et pas aux compétences, pour lesquelles il faudra une discussion différente.
En tout cas, on ne saurait trop répéter qu'un texte scientifique n'est pas compris si chacun de ses aspects n'est pas parfaitement clair, parfaitement compris. Il y a des roues dans les roues, des engrenages dans les engrenages, disait le prophète Ezéchiel, et, oui, l'apprentissage est long parce que la découverte d'un texte nous conduit à des notions que nous devons explorer parce que nous les connaissons trop mal, c'est-à-dire en pratique que vouloir comprendre le texte initial conduit à d'autres textes pour lesquels il y aura des notions que nous devrons explorer davantage, et ainsi de suite jusqu'à ce que l'ensemble tienne parfaitement debout.
C'est ce que j'ai nommé la méthode du pitbull intellectuel : il faut planter les dents dans un morceau et ne pas le lâcher. Ainsi nous aurons « compris » et nous pourrons partir vers la transformation des connaissances en compétences.
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