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samedi 31 juillet 2021

Blanc et noir


Je dois à cet extraordinaire écrivain qu'était Jorge Luis Borgès l'idée de l'envie blanche et de l'envie noire : l'envie noire détruit ce que l'on n'a pas, tandis que l'envie blanche conduit à faire mieux.

Pendant des années, j'ai ainsi propagé l'idée... mais je suis un âne, qui s'est fait éblouir, car comment n'ai-je pas pensé que, entre le noir et le blanc, il y a le gris ? Et bien plus de gris que de noir ou de blanc !

Oui, entre l'envie noire et l'envie blanche, il y a l'envie grise, qui ne fait rien qu'avoir de l'envie, ou qui pousse à détruire, ou qui aurait envie de faire mieux mais ne fait rien, que sais-je ?

Oui, décidément, j'avais bien raison de dire à mes enfants, quand ils me proposaient pile ou face, que je voulais la tranche. Refusons le manichéisme, gardons les extrêmes, mais n'oublions pas que nous ne sommes pas toujours condamnés aux alternatives que l'on nous tend.

lundi 9 septembre 2019

Une question d'envie


Dans une discussion avec un professeur,  je m'aperçois que nous ne sommes pas sur la même planète : alors qu'il agite devant moi des questions d'évaluation, je ne pense qu'aux moyens de donner envie d'étudier aux jeunes collègues. 

Ne pourrions-nous pas évoquer la beauté des sujets ? En mathématiques, il est vrai qu'il y a quelques démonstrations superbes de subtilité, d'intelligence. En physique, des méthodes comme les variations, ou les calculs ab initio sont vraiment merveilleux, mais la thermodynamique statistique, aussi, est extraordinaire. En chimie ? Il y a des synthèse qui sont d'extraordinaires chemins dans une sorte d'espace de la synthèse organique. En analyse ? La spectroscopie de résonance magnétique est extraordinaire : elle montre les atomes !

Bien sûr, pour d'autres, plus pragmatiques parce que clairement destinés à une carrière d'ingénieur, il y a une question essentielle d'utilité, d'efficacité. Je suis moins bon pour vous en donner des exemples, mais cela court les matières, de même.

Quoi d'autres ? L'actualité est clairement un moteur important, pour une partie de nos collègues. Cela tombe bien, car c'est une partie de notre mission que de montrer des théories modernes. Et là, c'est l'abondance, puisque chaque article récemment publié donne un exemple supplémentaire.

D'autres possibilités ?

dimanche 1 septembre 2019

Passionnantes études

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.


Dans mes discussions sur l'enseignement et ce que je préfère nommer des études (on peut professer, mais il est bien impossible d'enseigner),  j'ai préservé la fonction des professeurs et je me demande si même celle-ci ne doit pas être discutée.
On parlait jadis de travailler sous la férule du maître : il y avait une baguette pour vous taper sur les doigts et vous remettre dans le droit chemin tel le bâton qui garde les oies... Cela semble évidemment tout à fait contre-productif, car on ne peut passer du temps sur des études que si l'on est dans un état d'esprit extrêmement positif, si l'on  envie d'apprendre. Si le professeur ne parvient pas à donner (en supposant qu'ils ne l'aient pas déjàà aux collègues plus jeunes l'envie d'étudier, alors l'étude sera toujours un pensum, condamnée à l'échec.

A l'analyse, je m'aperçois que nous avons des moyens pour donner aux collègues plus jeunes l'envie d'étudier et notamment la socialité, moteur extraordinairement puissant au point de réunir des milliers de personnes dans les stades. Ne pourrions-nous pas l'utiliser mieux pour aider nos amis à étudier ?
Je suis d'accord pour observer que cet argument serait extrinsèque et non pas intrinsèque, de sorte que je ne répond pas vraiment à la question que je pose. Il y a lieu de trouver dans les études sa propre beauté, et nous avons  j' donc là la tâche prioritaire :  montrer la beauté des études pour la tendre à ceux qui viennent apprendre près de nous. Tout doit y passer  : la beauté, l'élégance, l'efficacité,
D'ailleurs, je suis moins  pour parler moins d'un gai savoir que d'une amusante étude.

samedi 20 octobre 2018

La direction scientifique ?

Chers Amis,

Ce qui suit est une réflexion par quelqu'un qui se méfie de la poutre dans son
oeil, de sa tache aveugle. Quelqu'un qui sait que les conclusions ne peuvent
être bonnes que si les prémisses le sont, et quelqu'un qui n'est pas assez fou
pour être assuré de ses propres certitudes. Quelqu'un qui n'a pas toujours su
que l' "excellence" pouvait être dans le collectif, et non seulement dans
l'individuel. Donc de quelqu'un qui vous invite à contribuer à améliorer les
réflexions qu'il propose.

La question, c'est celle d'une "direction scientifique".

Commençons par l'objectif, ou, mieux, les objectifs. Le travail principal de la
direction scientifique n'est-il pas que la science se fasse activement, et bien
? Dans cette hypothèse, il y aurait donc une question d'explication (qu'est-ce
que la bonne science ?), mais aussi d'encouragement, de soutien et d'évaluation.
Examinons les questions les unes après les autres, en nous souvenant que chacun, dans un groupe, n'a pas les mêmes besoins : pas de loi générale, donc, qui empêtrent certains.

1. Pour l'explication, il faut donc que nous sachions ce qu'est la "bonne"
science. Et, à défaut de le savoir soi-même, pourquoi ne pas organiser un
séminaire, afin que la réflexion soit partagée ? Cela nous éviterait de nous
gargariser de mots creux tels qu'"excellence", dont on a même vu une femme
politique déclarer imbécilement que "c'est le meilleur" ! Et nos institutions
d'enchaîner avec les pôles d'excellence, les centres d'excellence, les voies
d'excellence, les recherches d'excellence, et j'en passe... d'autant que je
n'avais pas eu de réponse, naguère, quand j'avais demandé à un "Directeur" ce
qu'était la bonne science.
Bref, un peu de modestie ne messied pas, quand il est question de contenu, comme d'ailleurs quand il est question de communication, car pourrions-nous nous regarder dans la glace si nous étions comparés à tant de "Minables de la langue de bois pour qui s'imposent avec des paroles verbales" (une catégorie que je propose de bien identifier, afin de nous en méfier) ?
Et reste la question lancinante de la "bonne science" : question difficile, question constante, question qui doit empêcher les bons scientifiques de dormir,
ou, du moins, qui doit être leur souci constant... car il vaut mieux bien dormir
pour être efficace dans nos travaux scientifiques.

2. Pour l'encouragement, il y a peut-être un saut conceptuel à passer
d'encouragement à animation, comme cela est si souvent fait. Et je propose de
distinguer les deux, tout en observant que les deux peuvent être personnels ou
collectifs, par groupes, équipes, laboratoires, institutions... Nous ne pouvons
pas nous payer le luxe de négliger un de ces axes.
Mais commençons par les scientifiques individuels, car ce sont quand même eux
qui font la science, quoi qu'on en dise, et, surtout, quoi qu'en disent ceux
qui, pour des raisons variées (souvent d'organisation) préfèrent des groupes que
des individus, oubliant que le théorème de Fermat ne fut démontré qu'au prix
d'un travail individuel isolé, que la théorie de la relativité fut le travail d'un homme, que Gauss et tant d'autres (Newton, Faraday, etc.) furent des savants isolés, individualistes...
Bref, du point de vue individuel, il y a des soutiens en termes intellectuels ou matériels. Bien sûr, en termes matériels, il y a des sous ou des sous indirects (un bureau agréable, un laboratoire propre...), mais je laisse la réflexion selon ces axes à d'autres, pour me consacrer ici à la question du soutien intellectuel. Et la question : comment aider un scientifique à penser mieux ?
Certainement en discutant avec lui sur les points qui l'intéressent. Je vois le directeur scientifique comme quelqu'un qui irait parler à chacun, pour savoir ce qu'il fait, pour comprendre pourquoi il le fait, pourquoi ce qu'il fait est bien, etc... et l'on ne manquera donc pas, ici, de renvoyer vers la question de l'évaluation, qui n'est pas, on le dira, une question de sanction d'une qualité, mais de compréhension d'un travail. D'ailleurs, je déplore que nos évaluations scientifiques ne soient généralement que la production un peu convenue de nos
résultats, avec un rapport fait par un collègue : pour un scientifique ouvert, seule compte la bonne compréhension de ce que nous faisons, et je compte sur mes interlocuteurs pour me révéler des taches aveugles, ou me faire comprendre des idées sous-jacentes que je n'aurais pas perçues.
Mais on peut aussi encourager des groupes : et là, c'est la cohérence du groupe
qui est en question, avec cette préoccupation : comment l'augmenter ? Comment l'augmenter afin que le travail de chacun soit perfectionné ? Bien sûr, là encore, il y a à organiser des flux de discussions entre les membres du groupe... en évitant de penser que des réunions soient la panacée... car elles
prennent du temps sur la recherche.
Dans notre groupe de gastronomie moléculaire, nous avons mis en place des systèmes variés, tels les "bonheurs du matin" ou encore les "emails du soir" :
c'est l'occasion pour chacun de faire les indispensables synthèse personnelles
tout en partageant avec les autres. Il n'y a pas d'évaluation, mais seulement de
la réflexion sur l'activité, laquelle réflexion ne doit d'ailleurs pas être
encombrante, sans quoi elle n'est pas faite, les scientifiques considérant qu'il
s'agit d'une tâche administrative supplémentaire.
Mais je termine avec cette question d'encouragement en rappelant ce dont il
s'agit, en un mot : encourager nos amis !

L' "animation" ? Ayant vu tout ce qui précède, je crois qu'elle n'est qu'une
réponse bien convenue, et peu appropriée. Il semble plus judicieux de la diviser
en encouragement et soutien, que je discute maintenant.


3. Pour le "soutien", donc, je propose de considérer que la seule la question du
chercheur individuel est de savoir comment son environnement lui permet de
produire mieux en termes de production scientifique. Autrement dit, sa question
est : comment l'environnement aide-t-il à faire des découvertes ?
À cette fin, les scientifiques ont besoin de temps, d'équipements, d'aide et,
surtout d'intelligence, laquelle peut s'interpréter en terme d'information et en
termes de méthode, je crois.
Avec le mot "aide", s'introduit la notion de groupe, d'équipe, de laboratoire...
et la place de la direction scientifique... On n'oubliera pas, même quand les
vaches sont maigres, que les scientifiques peuvent être utilement aidés par
l'administration, pour les décharger de tâches qui prennent sur leur temps, par
des techniciens qui entretiendront les équipements, les feront fonctionner...
afin que les scientifiques puissent se concentrer sur les tâches qui sont leur
apanage, à savoir la création de notions, de concepts...
Moi directeur scientifique (c'est évidemment une mauvaise paraphrase
humoristique que je fais là), je m'efforcerais de toutes mes forces d'éviter les
"lois" qui veulent punir les mauvais élèves, mais qui en réalité sont inefficaces et font peser des charges supplémentaires sur les bons élèves. Je m'évertuerais également à réduire le plus possible les charges administratives qui, il faut le redire très vigoureusement, nuisent à l'activité scientifique.
On comprend bien que les institutions veulent pouvoir faire état d'une activité
bien encadrée, rassurante, fonctionnarisée, en vue des contribuables qui financent la recherche ou en vue de ceux qui représentent lesdits contribuables,
mais ce n'est pas en gonflant l'administration que l'on y parviendra. Et je crois que le directeur scientifique doit protéger les scientifiques, de ce point de vue.
Mais soyons plus positif, et envisageons méthodes et idées. C'est là que les institutions répondent souvent par des "séminaires". Commençons avec eux, en
observant qu'il peut y en avoir plusieurs sortes :
- des séminaires de formation pour les jeunes scientifiques, soit sur des
méthodes, soit sur des connaissances, soit sur des techniques... ;
- des séminaires de type recherche en cours, où l'on expose un cheminement
inachevé en invitant les collègues à discuter le travail ;
- des séminaires de résultats, pour partager du bonheur.
En matière de séminaires, je vois que nous sommes très souvent trop longs : une heure, c'est vraiment beaucoup par rapport à la durée d'une journée de travail ! Et c'est ce qui nous fait hésiter à y aller. Pourquoi n'utiliserions-nous pas plutôt le format des conférences TED, où l'on doit donner le meilleur de soi-même en un quart d'heure ou vingt minutes ? Cela se glisserait facilement dans une de ces pauses tels que les laboratoires britanniques en organisent encore : à 10 h 30 ou à 14 h.
Bien sûr, il y a au moins deux écueils connus, pour les séminaires :
- les collègues qui communiquent mal... et qu'il faut donc aider, et d'abord en
évitant de les placer dans des situations où ils sont condamnés à l'échec, tout
en condamnant l'auditoire à l'ennui ;
- les collègues qui n'ont jamais "rien à présenter" et qui, de ce fait, absorbent l'énergie du groupe au lieu de l'accroître. Là, le directeur scientifique a évidemment un rôle à jouer. Car quiconque a travaillé peut présenter les mille résultats de son travail, et, a contrario, les personnes qui ne travaillent pas n'ont rien à présenter... mais il faut faire alors le constat qu'elles n'ont pas travaillé, s'interroger sur les raisons de cette inactivité et chercher les moyens d'y pallier sans laisser ces collègues sombrer.
Mais à propos d'animation scientifique, je vois que nous sommes souvent dans le dogme, c'est-à-dire que nous répétons des structures (les séminaires, donc) que nous avons déjà vu faire sans les questionner, et, partant, sans les améliorer.
J'ai évoqué le fait que les séminaires sont souvent des séances un peu longues,
sont prises sur notre temps de recherche, de sorte que nous hésitons à y aller,
ou bien que, plus directement, nous n'y allons pas.
Ce sont donc des animations de façade, et il faut absolument trouver à la fois
les causes de l'échec et une solution au problème. Dans cette affaire, il y a
certainement lieu de bien analyser l'objectif. Or l'objectif, c'est de faire que
toute personne soit chauffée à blanc en vue de la recherche scientifique. Bien
sûr, le directeur scientifique peut partager son enthousiasme, mais pourquoi ne
pas utiliser toutes les compétences, tous les enthousiasmes des membres de
l'équipe ? On doit s'assurer que le langage utilisé est compréhensible par tous,
sans quoi ceux qui ne comprennent pas s'ennuient et ne viennent plus aux séances suivantes. On comprend que la règle d'interrompre chaque fois que l'on ne comprend pas s'impose absolument.

Une autre idée : et si, au lieu de se limiter à des exposés, on organisait des
séances structurées, où, par statut, on s'interrogerait sur les relations d'un
travail avec d'autres travaux, sur les prolongements, sur les applications ?
D'ailleurs, on aurait raison de dépasser nos amis anglais, qui se limitent à du
thé ou du café pendant la pause : pourquoi ne pas aller jusqu'au champagne, si
l'heure s'y prête ? A des gâteaux ? Bien sûr, on évitera que ces séances
scientifiques ne dégénèrent en agapes oiseux, comme je l'ai vu parfois faire, et
l'on s'assurera que la science est bien au coeur de l'affaire.

4. Pour l'évaluation, j'en ai parlé ailleurs beaucoup, signalant qu'un écueil
constant est de confondre évaluation et sanction. L'évaluation est une tâche objective, et les mesures qui peuvent être prises derrière cette dernière ne sont pas de l'évaluation, mais relèvent de la sanction, qu'elle soit d'ailleurs
positive ou négative.
Je veux des évaluations stimulantes !

lundi 10 juillet 2017

Les éternels insatisfaits

Il y a des individus malheureux. Jules Renard, que sa mère n'aimait pas, fut malheureux toute sa vie, malgré sa femme charmante et ses enfants merveilleux. Il était malheureux... mais il était charmant. Il reconnaissait sa chance et comprenait que son malheur n'était pas dans les circonstances actuelles, mais dans une enfance terrible.




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A l'opposé, il y a ceux qui, malheureux aussi, sans doute, expriment leurs revendications avec hargne, sans intelligence. Rabelais les nommait des pisse vinaigre, et ils sont ceux qui vous font des procès. Borgès, lui, distinguait l'envie blanche, qui pousse à construire, et l'envie noire, la jalousie qui pousse à détruire.

N'est-il pas indispensable de montrer au moins ces deux possibilités, en espérant que les éternels insatisfaits remontent la pente du côté sombre, pour enfin marcher du côté clair ?