samedi 27 mars 2010

La maison du grand père

Je m'aperçois que des textes pourtant utiles n'ont pas été suffisamment lus. En voici un exemple, que j'avais produit il y a quelque temps, et auquel je continue d'adhérer parfaitement.



Soyons clairs : mes divers textes sont une émanation de mon travail de « gastronomie moléculaire », laquelle est une étude scientifique de la cuisine. Discipline iconoclaste ? Certes, elle montre parfois que la cuisine est un mélange d’observations remarquables, d’interprétations souvent fautives et des gestes pas toujours utiles, mais elle cherche surtout la vérité. Si de grands cuisiniers du passé ont fait des erreurs, il peut sembler iconoclaste de le souligner, mais doit-on transmettre des erreurs ou la vérité ? Doit-on cacher les drames familiaux ou, au contraire, les reconnaître avec sincérité ?


Cette question s’accompagne d’autres interrogations que je vous propose d’examiner ici : avons-nous le droit de mettre en cause la tradition culinaire ? devons-nous respecter la tradition culinaire française ? pouvons-nous endosser la responsabilité de conduire la cuisine à évoluer ?

Des faits, tout d’abord : la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique, c’est-à-dire une recherche ; ce n’est ni une méthode d’enseignement, ni une technique. La différence ? La technique, premièrement, c’est l’exécution de gestes ; l’enseignement, deuxièmement, est une transmission des connaissances ; la science, enfin, est une exploration du monde.
C’est ainsi que la cosmologie explore l’Univers (comment s’est-il formé ? comment évolue-t-il ?), que la géologie veut comprendre le Globe terrestre (a-t-il un noyau solide au coeur du plasma liquide qu’il a en son centre ?), que la botanique veut comprendre les plantes, la zoologie les animaux, la chimie les réactions chimiques, la physique les phénomènes physiques… A chaque science son objet d’étude, lequel est une partie du monde où nous vivons. Pour la gastronomie moléculaire, cette partie du monde est la cuisine (et, un peu, la dégustation). Partie importante, si l’on songe que chaque foyer, si petit qu’il soit, a toujours une cuisine ! Il fallait bien une science pour en explorer les mystères.

Science, ai-je dit : qu’est-ce que la science ? 

La science est cette activité qui observe les phénomènes et qui cherche à les comprendre. Pour la gastronomie moléculaire, il s’agit de chercher les mécanismes des transformations culinaires, lesquelles sont essentiellement de nature chimique, physique ou biologique.
La méthode d’étude que pratiquent les chercheurs est ce que l’on nomme la méthode expérimentale, qui procède de la façon suivante : partant d’un phénomène (les soufflés gonflent), on effectue des mesures pour caractériser le phénomène ; puis, sur la base de ces mesures, on cherche une théorie (on se demande si les soufflés gonflent parce que les bulles d’air des blancs en neige se dilatent) ; puis on cherche à réfuter la théorie, soit par le calcul, soit par des expériences (on calcule très facilement que, si les soufflés gonflaient en raison de la dilatation des bulles, le gonflement ne serait au maximum que de 20 pour cent) ; sur la base des réfutations effectuées, on change la théorie ou on l’affine (les soufflés gonflent surtout en raison de l’évaporation de l’eau), et on continue à chercher des réfutations.
On le voit, la science n’est jamais satisfaite d’elle-même, parce qu’elle sait que toute théorie est fausse, ou, du moins, que toute théorie ne décrit qu’imparfaitement les phénomènes. Et c’est parce qu’elle « tient le probable pour faux jusqu’à preuve du contraire » que la science évite le dogmatisme, le contentement de soi, l’aplomb de la certitude.

A bas les idoles


La cuisine, au moins pour sa composante technique (j’ai suffisamment crié que la cuisine, c’est de l’amour, de l’art et de la technique), est étudiée par la gastronomie moléculaire de deux façons, parce que les recettes, transmises par écrit ou oralement, ont deux aspects : la recette donne une définition (un pot-au-feu, dans le principe, s’obtient par chauffage de viande dans l’eau), d’une part, et des « précisions », d’autre part (ce que je nommais naguère des dictons, tours de main, pratiques, on dit…). Du coup, la gastronomie moléculaire doit comprendre les définitions, et tester les précisions.
Ces études conduisent évidemment à réfuter les grands auteurs du passé : Marin, Carême, Escoffier, Nignon, Gouffé… La science serait-elle alors iconoclaste ? Oui, d’une certaines façon : les faits sont les faits, et les erreurs, même proférées par les plus grands des cuisiniers du passé, sont des erreurs. Est-ce pour autant que nous cesserons d’admirer les grands du passé ? Certainement pas ! L’illustre chimiste Antoine-Laurent de Lavoisier, le père de la chimie moderne, a cru que tous les acides contenaient de l’oxygène, et l’on sait aujourd’hui que ce n’est pas vrai (l’acide chlorhydrique, par exemple, ne contient que de l’hydrogène et du chlore) ; pour autant, les chimistes ne cesseront pas d’admirer Lavoisier, individu à la pensée remarquablement lucide, claire, intelligente, qui ne s’est trompé (dans quelques cas), que parce qu’il défrichait un pays broussailleux. N’importe qui, sans la carte du pays chimique que nous a légué Lavoisier, se serait sans doute trompé bien plus que lui, et bien d’autres, à son époque, n’ont pas obtenu les résultats qui lui sont dus.
J’en reviens à la gastronomie moléculaire : ce n’est pas parce qu’elle remet en question des idées du passé, qu’elle montre des erreurs, qu’elle est une entreprise de « déconstruction ». Au contraire : c’est une entreprise de rénovation, telle qu’il y aurait dû en avoir depuis longtemps !

Rénovation d’un héritage


Du coup, la question est posée : si nous apprenons à faire des soufflés plus gonflés que par le passé, des mayonnaises avec des goûts différents, des mousses plus légères, des gnocchis mieux cuits, des mousses au chocolat sans œuf, et ainsi de suite, nous risquons de modifier la cuisine française. Est-ce bien raisonnable ?

Je vous propose de considérer que la cuisine française, la grande cuisine française que nous envient tant d’autres états, est comme la maison de nos aïeux. C’est une superbe bâtisse… dépourvue du confort moderne. Pas de salle de bain, des toilettes au fond du jardin, un antique poêle à bois... Devons-nous conserver la maison en l’état, même si les autres nous l’envient ?
Il serait irresponsable de vendre la maison : nous la regretterions tout le reste de notre vie. La démolir, aussi, serait une façon de perdre toute l’intelligence qui s’y trouve : par exemple, ces murs épais, en pierre, nous protègent mieux du froid en hiver et de la chaleur en été que des parpaings doublés d’amiante. Nous devons conserver la maison, mais nous devons l’aménager, pour y vivre mieux que n’y vivaient nos aïeux (en raison du manque d’hygiène et de mille autres raisons, leur espérance de vie était bien inférieure à la nôtre, leur vin plus souvent piqué, leurs fruits fréquemment tavelés, leurs œufs moins frais…).
J’arrive donc à la grande question : que pouvons-nous transformer sans le regretter plus tard ? La question s’impose avec urgence, car, si nous ne la considérons pas, nous risquons de faire des modifications regrettables. En revanche, nous ne devons pas remettre à un futur trop éloigné les travaux, sans quoi elle s’effondrera.

Retour en cuisine


Chacun a compris où je voulais en venir. Les cuisiniers créateurs (les « cuisiniers artistes ») ne m’ont pas attendu pour changer la cuisine française, et même les « cuisiniers artisans » y sont allés de leurs changements : personne ne pratique plus les crèmes anglaises comme Auguste Escoffier, parce que le nombre de jaunes d’œufs au litre leur semble excessif. Bref, nous avons tous «bidouillé » la maison des aïeux sans cherché à en avoir une idée d’ensemble.

N’est-il pas temps de poser la question : que pouvons-nous transformer ? que devons-nous conserver ?
Poser ces questions systématiquement, institutionnellement, c’est la seule façon de transformer en connaissance de cause. Connaissance de cause : c’est ainsi que la cuisine est belle !

La maison du grand père

Je m'aperçois que des textes pourtant utiles n'ont pas été suffisamment lus. En voici un exemple, que j'avais produit il y a quelque temps, et auquel je continue d'adhérer parfaitement.

Soyons clairs : mes divers textes sont une émanation de mon travail de « gastronomie moléculaire », laquelle est une étude scientifique de la cuisine. Discipline iconoclaste ? Certes, elle montre parfois que la cuisine est un mélange d’observations remarquables, d’interprétations souvent fautives et des gestes pas toujours utiles, mais elle cherche surtout la vérité. Si de grands cuisiniers du passé ont fait des erreurs, il peut sembler iconoclaste de le souligner, mais doit-on transmettre des erreurs ou la vérité ? Doit-on cacher les drames familiaux ou, au contraire, les reconnaître avec sincérité ?
Cette question s’accompagne d’autres interrogations que je vous propose d’examiner ici : avons-nous le droit de mettre en cause la tradition culinaire ? devons-nous respecter la tradition culinaire française ? pouvons-nous endosser la responsabilité de conduire la cuisine à évoluer ?

Des faits, tout d’abord : la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique, c’est-à-dire une recherche ; ce n’est ni une méthode d’enseignement, ni une technique. La différence ? La technique, premièrement, c’ est l’exécution de gestes ; l’enseignement, deuxièmement, est une transmission des connaissances ; la science, enfin, est une exploration du monde.
C’est ainsi que la cosmologie explore l’Univers (comment s’est-il formé ? comment évolue-t-il ?), que la géologie veut comprendre le Globe terrestre (a-t-il un noyau solide au coeur du plasma liquide qu’il a en son centre ?) , que la botanique veut comprendre les plantes, la zoologie les animaux, la chimie les réactions chimiques, la physique les phénomènes physiques… A chaque science son objet d’étude, lequel est une partie du monde où nous vivons. Pour la gastronomie moléculaire, cette partie du monde est la cuisine (et, un peu, la dégustation). Partie importante, si l’on songe que chaque foyer, si petit qu’il soit, a toujours une cuisine ! Il fallait bien une science pour en explorer les mystères.

Science, ai-je dit : qu’est-ce que la science ? La science est cette activité qui observe les phénomènes et qui cherche à les comprendre. Pour la gastronomie moléculaire, il s’agit de chercher les mécanismes des transformations culinaires, lesquelles sont essentiellement de nature chimique, physique ou biologique. La méthode d’étude que pratiquent les chercheurs est ce que l’on nomme la méthode expérimentale, qui procède de la façon suivante : partant d’un phénomène (les soufflés gonflent), on effectue des mesures pour caractériser le phénomène ; puis, sur la base de ces mesures, on cherche une théorie (on se demande si les soufflés gonflent parce que les bulles d’air des blancs en neige se dilatent) ; puis on cherche à réfuter la théorie, soit par le calcul, soit par des expériences (on calcule très facilement que, si les soufflés gonflaient en raison de la dilatation des bulles, le gonflement ne serait au maximum que de 20 pour cent) ; sur la base des réfutations effectuées, on change la théorie ou on l’affine (les soufflés gonflent surtout en raison de l’évaporation de l’eau), et on continue à chercher des réfutations.
On le voit, la science n’est jamais satisfaite d’elle-même, parce qu’elle sait que toute théorie est fausse, ou, du moins, que toute théorie ne décrit qu’imparfaitement les phénomènes. Et c’est parce qu’elle « tient le probable pour faux jusqu’à preuve du contraire » que la science évite le dogmatisme, le contentement de soi, l’aplomb de la certitude.

A bas les idoles


La cuisine, au moins pour sa composante technique (j’ai suffisamment crié que la cuisine, c’est de l’amour, de l’art et de la technique), est étudiée par la gastronomie moléculaire de deux façons, parce que les recettes, transmises par écrit ou oralement, ont deux aspects : la recette donne une définition (un pot-au-feu, dans le principe, s’obtient par chauffage de viande dans l’eau), d’une part, et des « précisions », d’autre part (ce que je nommais naguère des dictons, tours de main, pratiques, on dit…). Du coup, la gastronomie moléculaire doit comprendre les définitions, et tester les précisions.
Ces études conduisent évidemment à réfuter les grands auteurs du passé : Marin, Carême, Escoffier, Nignon, Gouffé… La science serait-elle alors iconoclaste ? Oui, d’une certaines façon : les faits sont les faits, et les erreurs, même proférées par les plus grands des cuisiniers du passé, sont des erreurs. Est-ce pour autant que nous cesserons d’admirer les grands du passé ? Certainement pas ! L’illustre chimiste Antoine-Laurent de Lavoisier, le père de la chimie moderne, a cru que tous les acides contenaient de l’oxygène, et l’on sait aujourd’hui que ce n’est pas vrai (l’acide chlorhydrique, par exemple, ne contient que de l’hydrogène et du chlore) ; pour autant, les chimistes ne cesseront pas d’admirer Lavoisier, individu à la pensée remarquablement lucide, claire, intelligente, qui ne s’est trompé (dans quelques cas), que parce qu’il défrichait un pays broussailleux. N’importe qui, sans la carte du pays chimique que nous a légué Lavoisier, se serait sans doute trompé bien plus que lui, et bien d’autres, à son époque, n’ont pas obtenu les résultats qui lui sont dus.
J’en reviens à la gastronomie moléculaire : ce n’est pas parce qu’elle remet en question des idées du passé, qu’elle montre des erreurs, qu’elle est une entreprise de « déconstruction ». Au contraire : c’est une entreprise de rénovation, telle qu’il y aurait dû en avoir depuis longtemps !

Rénovation d’un héritage


Du coup, la question est posée : si nous apprenons à faire des soufflés plus gonflés que par le passé, des mayonnaises avec des goûts différents, des mousses plus légères, des gnocchis mieux cuits, des mousses au chocolat sans œuf, et ainsi de suite, nous risquons de modifier la cuisine française. Est-ce bien raisonnable ?
Je vous propose de considérer que la cuisine française, la grande cuisine française que nous envient tant d’autres états, est comme la maison de nos aïeux. C’est une superbe bâtisse… dépourvue du confort moderne. Pas de salle de bain, des toilettes au fond du jardin, un antique poêle à bois... Devons-nous conserver la maison en l’état, même si les autres nous l’envient ?
Il serait irresponsable de vendre la maison : nous la regretterions tout le reste de notre vie. La démolir, aussi, serait une façon de perdre toute l’intelligence qui s’y trouve : par exemple, ces murs épais, en pierre, nous protègent mieux du froid en hiver et de la chaleur en été que des parpaings doublés d’amiante. Nous devons conserver la maison, mais nous devons l’aménager, pour y vivre mieux que n’y vivaient nos aïeux (en raison du manque d’hygiène et de mille autres raisons, leur espérance de vie était bien inférieure à la nôtre, leur vin plus souvent piqué, leurs fruits fréquemment tavelés, leurs œufs moins frais…).
J’arrive donc à la grande question : que pouvons-nous transformer sans le regretter plus tard ? La question s’impose avec urgence, car, si nous ne la considérons pas, nous risquons de faire des modifications regrettables. En revanche, nous ne devons pas remettre à un futur trop éloigné les travaux, sans quoi elle s’effondrera.

Retour en cuisine


Chacun a compris où je voulais en venir. Les cuisiniers créateurs (les « cuisiniers artistes ») ne m’ont pas attendu pour changer la cuisine française, et même les « cuisiniers artisans » y sont allés de leurs changements : personne ne pratique plus les crèmes anglaises comme Auguste Escoffier, parce que le nombre de jaunes d’œufs au litre leur semble excessif. Bref, nous avons tous «bidouillé » la maison des aïeux sans cherché à en avoir une idée d’ensemble.
N’est-il pas temps de poser la question : que pouvons-nous transformer ? que devons-nous conserver ?
Poser ces questions systématiquement, institutionnellement, c’est la seule façon de transformer en connaissance de cause. Connaissance de cause : c’est ainsi que la cuisine est belle !

dimanche 21 mars 2010

Un ministère italien déraille

La revue Nature vient de publier quelques réactions suite à une décision du gouvernement italien d'interdire certains additifs et l'azote liquide en cuisine (on me signale toutefois qu'il s'agit seulement d'obliger les cuisiniers à signaler l'usage d'additifs sur leur carte).

Puis-je vous inviter à lire le texte, sachant que :
- la notion d'additif est bien étrange, le sucre est le sel n'étant pas classés dans les additifs, alors que le caramel y est, par exemple?
- les pâtissiers utilisent classiquement du dioxyde de titane pour obtenir du blanc en surface


Voici la liste :



Les colorants : code en 100
Colorants pour la masse du produit :

E 100 curcumine (colorant jaune) : colorant contenu dans le rhizome d’une plante de la famille des Zingibéracées, Curcuma longa. C’est un additif de code E 100, qui est utilisé dans la fabrication du curry.

E 101 riboflavine ou phosphate-5’-de riboflavine (colorant jaune) (il n'est pas obtenu par synthèse chimique, car ce serait bien trop pénible!

E 102 tartrazine (colorant jaune)

E 104 jaune de quinoléine (colorant jaune)

E 110 sunset yellow FCF ou jaune orangé S (colorant orange)

E 120 cochenille, acide carminique, carmins (colorant rouge); je rappelle que la cochenille est un petit insecte, utilisé pour colorer en rouge depuis des siècles, mais écraser un insecte dans son assiette?

E 122 azorubine, carmoisine (colorant rouge) 

E 123 amarante (colorant rouge)

E 124 ponceau 4R, rouge cochenille A (colorant rouge)

E 127 erythrosine (colorant rouge)

E 128 rouge 2G (colorant rouge)

E 129 rouge allura AC (colorant rouge)

E 131 bleu patenté V (colorant bleu) : celui de nos Curacaos!

E 132 indigotine, carmin d’indigo (colorant bleu)

E 133 bleu brillant FCF (colorant bleu),

E 140 chlorophylles et chlorophyllines (colorant vert) : les chlorophylles sont les pigments jaune à bleu des légumes verts ; ici, ils ont été extraits, généralement de la luzerne, par des procédés en tous points identiques à la préparation du vert d'épinard.

E 141 complexes cuivre-chlorophylles et complexes cuivre-chlorophyllines (colorant vert)

E 142 vert S (colorant vert)

E 150 caramel ordinaire (colorant brun) : le caramel!!!!!

E 150b caramel de sulfite caustique (colorant brun)

E 150c caramel ammoniacal (colorant brun)

E 150d caramel au sulfite d’ammonium (colorant brun)

E 151 noir brillant BN, noir PN (colorant noir

E 153 charbon végétal médicinal (colorant noir) : on s'en sert pour se soigner!

E 154 brun FK (colorant brun)

E 155 brun HT (colorant brun)

E 160a caroténoïdes (mélangés, ou bêta-carotène) (colorant) : les caroténoïdes sont les pigments des carottes, et des végétaux en général : comment les interdire?

E 160b rocou, bixine, norbixine (colorant) : mes amis d'Amérique du Sud ne vont pas être heureux que l'Italie leur interdise ce colorant traditionnel

E 160c extrait de paprika, capsanthine, capsorubine (colorant)

E 160d lycopène (colorant) : celui ci donne ses belles couleurs à la tomate

E 160e bêta-apocaroténal-8’(colorant couleur variée)

E 160f ester éthylique de l’acide bêta-caroténique-8’ (colorant)

E 161 xanthophylles (colorant) : encore des pigments "naturels"

E 161b lutéine (colorant)

E 161g canthaxanthine (colorant)

E 162 rouge de betterave, bétanine (colorant) : faut-il vraiment un commentaire?

E 163 anthocyanes (colorant)


Colorants utilisables pour les surfaces seulement :

E 170 carbonates de calcium (carbonate et carbonate acide) (colorant pour surfaces seulement)

E 171 dioxyde de titane (colorant pour surfaces seulement) : je vous l'avais dit!

E 172 oxyde et hydroxyde de fer (colorant pour surfaces seulement)

E 173 aluminium (colorant pour surfaces seulement)


E 174 argent (colorant pour surfaces seulement)

E 174 or (colorant pour surfaces seulement) : les feuilles d'or, interdites même dans les risotto?


Colorant pour les croutes de fromage :
E 180 lithol-rubine BK (colorant pour croûtes de fromage)


Agents conservateurs : codes en 200 : pour ces produits, une interdiction d'utilisation par les restaurateurs serait moins gênante, parce que la cuisine fait peu usage de conservateurs, mais se pose surtout la question de savoir comment la réglementation pourait être appliquée. En effet, les petits industriels, comme les gros, ont besoin de ces produits, sans quoi nos épiceries vont se vider dramatiquement. Quelle est la différence entre un chef qui anime une dizaine de restaurants, et qui, de ce fait, peut être à la tête d'une centaine de personnes, et un petit industriel qui emploierait une dizaine de personnes ?

E 200 acide sorbique (conservateur)

E 201 sorbate de sodium (conservateur)

E 202 sorbate de potassium (conservateur)

E 203 sorbate de calcium (conservateur)

E 210 acide benzoïque (conservateur)

E 211 benzoate de sodium (conservateur)

E 212 benzoate de potassium (conservateur)

E 214 parahydroxybenzoate d’éthyle (conservateur)

E 215 forme sodique de E 214 (conservateur)

E 216 parahydroxybenzoate de propyle (conservateur)

E 217 forme sodique de E 216 (conservateur)

E 218 parahydroxybenzoate de méthyle (conservateur)

E 219 forme sodique de E 218 (conservateur)

E 220 anhydride sulfureux (conservateur et agent antioxygène secondaire) : celui-ci, si on l'interdit, on abat les vignerons, puisque c'est le produit qui conserve les vins!!!!!

E 221 sulfite de sodium (conservateur et agent antioxygène secondaire)

E 222 sulfite acide de sodium (bisulfite) (conservateur et agent antioxygène secondaire)

E 223 disulfite de sodium (pyrosulfite ou métabisulfite) (conservateur et agent antioxygène secondaire)

E 224 disulfite de potassium (conservateur et agent antioxygène secondaire)

E 226 sulfite de calcium (conservateur et agent antioxygène secondaire)

E 227 sulfite acide de calcium (bisulfite) (conservateur)

E 230 diphényle (conservateur)

E 231 orthophénylphénol de sodium (conservateur)

E 232 orthophénylphénate de sodium (conservateur)

E 233 thiabendazole (conservateur)

E234 nisine : utilisée en Europe pour la conservation ; c’est une bactériocine produite par Lactococcus lactis, qui tue les micro-organismes Gram +

E 235 natamycine (pimaricine) (conservateur)

E 236 acide formique (conservateur)

E 237 formate de sodium (conservateur)

E 238 formate de calcium (conservateur)

E 239 hexaméthylène diamine (conservateur)

E 242 diméthyldicarbonate (conservateur)


Agents conservateurs secondaires :
E 249 nitrite de potassium (conservateur secondaire)

E 250 nitrite de sodium (conservateur secondaire)

E 251 nitrate de sodium (conservateur secondaire) : : au fait, il faut dire que le salpètre est utilisé dans toutes les bonnes charcuterie!

E 252 nitrate de potassium (conservateur secondaire)

E 260 acide acétique (conservateur secondaire) : l'acide de tous nos vinaigres! Tiens à propos de vinaigre, et si l'on faisait d'abord cesser ce scandale des "vinaigres balsamique de Modène" qui ne sont souvent que des mélanges de vinaigre et de caramel? Et puis, tant qu'on y est, et si l'Italie faisait mieux le ménage à propos de la mozzarella, dont on vient de découvrir qu'un quart (affiché : vous imaginez ce que la réalité doit être) était fait au lait de vache, et non au lait de bufflonne?

E 261 acétate de potassium(conservateur secondaire)

E 262 acétates de sodium (acétate et diacétate) (conservateur secondaire)

E 263 acétate de calcium (conservateur secondaire)

E 270 acide lactique (conservateur secondaire et agent renforçateur d’oxygène) : il s'en forme dans tous les laitages fermentés!!!!

E 280 acide propionique (conservateur secondaire)

E 281 propionate de sodium (conservateur secondaire)

E 282 propionate de calcium (conservateur secondaire)

E 283 propionate de potassium (conservateur secondaire)

E 290 dioxyde de carbone (conservateur secondaire)

E 296 acide malique (conservateur secondaire)

E 297 acide fumarique (conservateur secondaire)


Agents antioxygènes :
E 300 acide ascorbique (agent antioxygène)

E 301 ascorbate de sodium (agent antioxygène)


E 302 ascorbate de calcium (agent antioxygène)

E 303 diacétate d’ascorbyle (agents antioxygènes)

E 304 esters gras de l’acide ascorbique (palmitate d’ascobyle et stéarate d’ascorbyle) (agent antioxygène)

E 306 extraits riches en tocophérols (agent antioxygène)

E 307 alpha-tocophérol (agent antioxygène)

E 308 delta-tocophérol (agent antioxygène)

E 308 gamma-tocophérol (agent antioxygène)

E 309 delta tocophérol (agent antioxygène)

E 311 gallate d’octyle (agent antioxygène)

E 312 gallate de dodécyle (agent antioxygène)

E 315 acide érythorbique (agent antioxygène)

E 320 BHA (butylhydroxyanisol) (agent antioxygène)

E 321 butylhydroxytoluène (BHT) (agent antioxygène)


Antioxygène secondaires :
E 322 lécithines (agent antioxygène secondaire et émulsifiant/épaississant)


Agents renforçateurs anti-oxygène :

E 325 lactate de sodium (et agent renforçateur d’oxygène)

E 326 lactate de potassium (et agent renforçateur d’oxygène)

E 327 lactate de calcium (et agent renforçateur d’oxygène)

E 330 acide citrique (acidifiant et agent renforçateur d’oxygène) : l'acide principal du jus de citron!

E 331 citrates de sodium (citrate monosodique, citrate disodique, citrate trisodique) (et agent renforçateur d’oxygène)

E 332 citrates de potassium (monopotassique, tripotassique) et agent renforçateur d’oxygène)

E 333 citrates de calcium (mono, di, tri) et agent renforçateur d’oxygène)

E 334 acide tartrique (L(+) et agent renforçateur d’oxygène)

E 335 tartrates de sodium (mono et di) et agent renforçateur d’oxygène)

E 336 tartrates de potassium (mono et di) et agent renforçateur d’oxygène)

E 337 tartrate double de sodium et de potassium et agent renforçateur d’oxygène)

E 338 acide orthophosphorique (et agent renforçateur d’oxygène)


Agents de texture :
E 1105 lysozyme (conservateur secondaire)

E 1200 polydextrose

E 1400 dextrine blanche (émulsifiant/épaississant )

E 1401 amidon fluide (émulsifiant/épaississant ) : interdire l'amidon?

E 1402 amidon alcalin (émulsifiant/épaississant )

E 1403 amidon alcalin blanchi (émulsifiant/épaississant )

E 1404 amidon oxydé (émulsifiant/épaississant )

E 1410 phosphate d’amidon (émulsifiant/épaississant)

E 1412 phosphate de diamidon émulsifiant/épaississant)

E 1413 phosphate de diamidon phosphaté (émulsifiant/épaississant)

E 1414 phosphate de diamidon acétylé (émulsifiant/épaississant)

E 1420 amidon acétylé (émulsifiant/épaississant)

E 1422 adipate de diamidon acétylé (émulsifiant/épaississant)

E 1440 amidon hydroxypropylé (émulsifiant/épaississant)

E 1442 phosphate de diamidon hydroxypropylé (émulsifiant/épaississant)

E 1450 octényle succinate d’amidon sodique (émulsifiant/épaississant)

E 339 orthophosphate de sodium (et agent renforçateur d’oxygène et émulsifiant/épaississant)

E 340 orthophosphate de potassium (émulsifiant/épaississant et agent renforçateur d’oxygène)

E 341 orthophosphate de calcium (émulsifiant/épaississant et agent renforçateur d’oxygène)

E 350 malate de sodium (malate et malate acide)

E 351 malates de potassium

E 352 malates de calcium (malate et malate acide)

E 354 tartrate de calcium

E 380 citrate de triammonium

E 400 acide alginique (émulsifiant/épaississant et gélifiant

E 401 alginate de sodium (émulsifiant/épaississant)

E 402 alginate de potassium (émulsifiant/épaississant)

E 403 alginate d’ammonium (émulsifiant/épaississant)

E 404 alginate de calcium (émulsifiant/épaississant)

E 406 agar-agar (émulsifiant/épaississant)

E 407 carraghénanes (émulsifiant/épaississant)

E 410 farines de graines de caroube (émulsifiant/épaississant)

E 412 gomme guar (émulsifiant/épaississant)

E 413 gomme adragante, tragacanthe (émulsifiant/épaississant)

E 414 gomme d’acacia ou gomme arabique (émulsifiant/épaississant)

E 415 gomme xanthane (émulsifiant/épaississant)

E 417 gomme tara

E 418 gomme cellane

E 420 sorbitol (sorbitol ou sirop)

E 421 manitol

E 422 glycérol

E 440 pectines (pectine, pectine amidée) (émulsifiant/épaississant)

E 450 polyphosphates de sodium et de potassium (émulsifiant/épaississant)

E 460 cellulose (microcristalline, en poudre) (émulsifiant/épaississant)

E 461 méthylcellulose (émulsifiant/épaississant)

E 462 éthylcellulose (émulsifiant/épaississant )

E 463 hydroxypropylcellulose (émulsifiant/épaississant)

E 464 hydroxypropylméthylcellulose (émulsifiant/épaississant)

E 465 éthylméthylcellulose (émulsifiant/épaississant)

E 466 carboxyméthylcellulose ou carboxyméthylcellulose de sodium

E 470a sels de sodium, de potassium et de calcium d’acides gras (émulsifiant/épaississant)

E 470b sels de magnésium d’acides gras (émulsifiant/épaississant)

E 471 mono- et diglycérides d’acides gras (émulsifiant/épaississant

E 472a esters acétiques des mono- et diglycérides d’acides gras (et agent renforçateur d’oxygène)

E 472b esters lactiques des mono- et diglycérides d’acides gras (et agent renforçateur d’oxygène)

E 472c esters citriques des mono- et diglycérides d’acides gras (et agent renforçateur d’oxygène)

E 472d esters tartriques des mono- et diglycérides d’acides gras (et agent renforçateur
d’oxygène)

E 472e esters monoacétyltartrique et diacétyltartrique des mono et diglycérides d’acides gras (et agent renforçateur d’oxygène)

E 472f esters mixtes acétiques et tartriques des mono- et diglycérides d’acides gras (et agent renforçateur d’oxygène)

E 473 sucresters (saccharose, acides gras) (émulsifiant/épaississant )

E 474 sucroglycérides (saccharose, mono et diglycérides d’acides gras) émulsifiant/épaississant )

E 475 esters polyglycériques d’acides gras (émulsifiant/épaississant )

E 477 monoesters du polyéthylène glycol (émulsifiant/épaississant

E 480 acide stéraoyl-2-lactylique (émulsifiant/épaississant )

E 481 sel sodique de E 480 (émulsifiant/épaississant )

E 482 sel calcique de E 480 (émulsifiant/épaississant )

E 483 tratrate de stéraoyle (émulsifiant/épaississant )

E 500 carbonates de sodium (carbonate, carbonate acide, sesquicarbonate)

E 501 carbonates de potassium (carbonate et carbonate acide)

E 503 carbonates d’ammonium (carbonate, carbonate acide)

E 504 carbonates de magnésium (carbonate, carbonate acide)

E 507 acide chlorhydrique divers

E 508 chlorure de potassium

E 509 chlorure de calcium

E 511 chlorure de magnésium

E 513 acide sulfurique

E 514 sulfates de sodium (sulfate, sulfate acide)

E 515 sulfates de potassium (sulfate, sulfate acide)

E 516 sulfate de calcium

E 524 hydroxyde de sodium

E 525 hydroxyde de potassium

E 526 hydroxyde de calcium

E 527 hydroxyde d’ammonium

E 528 hydroxyde de magnésium

E 529 oxyde de calcium

E 530 oxyde de magnésium

E 570 acides gras

E 574 acide gluconique

E 575 glucono-delta-lactone

E 576 gluconate de sodium

E 577 gluconate de potassium

E 578 gluconate de calcium

E 640 glycine et son sel de sodium

E 938 argon

E 939 hélium

E 941 azote

E 942 protoxyde d’azote

E 948 oxygène

E 950 acesulfame K édulcorant

E 951 aspartame

E 952 acide cyclamique (cyclohexylsulfamique) et ses sels de Na et Ca ; DL50 entre 5 et 10 g/kg, par voie orale ; DJA 11 mg/kg, bien que l’on ait observé une cancérogénicité et des troubles de la reproduction. (i)

E 953 isomalt

E 954 saccharine et ses sels de Na, K, Ca

E 957 thaumatine

E 959 néohespéridine DC

E 965 maltitol (maltitol, sirop)

E 967 xilitol


Au terme de cette liste, j'ai vu trop de produits "traditionnels" pour ne pas, une fois de plus, m'étonner. Mais je crains que cet étonnement ne me vaille une accusation de "collusion avec l'industrie chimique", qui, hélas, n'existe pas. Si seulement l'industrie chimique donnait des sous à mon laboratoire!!!!!!

samedi 6 février 2010

La "formation par la recherche"?

Je commence à avoir l'habitude de ne pas être politiquement correct, mais si je supporte ainsi les critiques, c'est parce que j'ai un objectif supérieur : le bien des étudiants!

Et puis, le dogme est quelque chose d'assez ennuyeux, et stérile, une façon paresseuse de ne pas penser, non?

Dans nos cercles universitaires, il y a ainsi l'expression "sauver la recherche" : je me suis exprimé précédemment sur la différence entre "recherche" et "recherche scientifique", ou encore "recherche technologique". Sauver la recherche : laquelle? La recherche artistique? La recherche technologique?

La recherche artistique ne relevant pas du champ de la science, je crois qu'il faut laisser aux artistes le soin de s'en préoccuper. Pour nos champs "scientifiques", la seule qui nous concerne est la recherche... scientifique : normal, non?

La recherche technologique ? Puisque la technologie est (relisons le mot, cherchons son étymologie, au lieu de projeter nos acceptions très idiosyncratiques) le perfectionnement de la technique, laissons à l'industrie le soin de faire son travail, et consacrons-nous, dans les laboratoires scientifiques, à produire des connaissances qui seront utiles pour l'innovation technologique, le transfert technologique. Sans ces connaissances nouvelles, les ingénieurs ne pourront transférer que de vieilles choses, et leur sacro-sainte innovation sera très périmée.

Donc la recherche? Non, la science. Abandonnons le mot "recherche", qui est un fourre-tout confus, et parlons de science.

Faut-il "sauver la science"? Aux échecs, la défense sait bien qu'elle est désavantagée. Donc ne sauvons pas la science, mais développons la très positivement, en n'oubliant pas de penser que c'est la production scientifique qui fera l'innovation, laquelle devra être, ensuite, le travail de l'industrie, des ingénieurs.

Alors, la "formation par la recherche", dans ce contexte? Veut-on dire "formation par la science"? Pourquoi pas, mais qui pourra démontrer que la formation par la science est une bonne formation pour des élèves ingénieurs? Pourquoi l'entraînement à la recherche des mécanismes des phénomènes (la science expérimentale) serait-il utile à l'exercice du métier d'ingénieur?
Après tout, l'ingénieur doit savoir chercher des connaissances, et les transférer. Je ne vois pas que, dans ces tâches, la pratique scientifique intervienne.

A ce stade, j'ai bien peur d'être gravement dans l'erreur. Qui aura la gentillesse de réfuter l'argumentation précédente?

L'évaluation tue? Ne projetons pas nos acceptions idiosyncratiques sur les mots!

Une certaine évaluation, qui serait une sorte de lit de Procruste (je dis bien "Procruste", et non "Procuste", puisque cette dernière graphie est fautive, bien qu'acceptée laxistement par l'Académie), serait évidemment imbécile, condamnable.

Toutefois, prendre du recul, se mettre un pas en arrière de soi-même pour se demander si l'on a bien fait ce que l'on voulait faire, c'est une évaluation, également. Et celle-la est utile, merveilleuse, source de progrès.

Donc, non, l'évaluation n'est pas une mauvaise chose. Au contraire!

Cessons donc de "confisquer" le sens des mots pour n'y mettre que ce que nous y voyons. L'évaluation, c'est la recherche de la valeur des choses. Ce n'est pas une sanction. La sanction, c'est la sanction, qui est bien distincte de l'évaluation.

Oui, dans l'évaluation, il y a une appréciation de la valeur des choses, et les critères de valeur doivent être clairs, pour que l'évaluation le soit aussi.

Dans le cas de l'évaluation des scientifiques, par exemple, il doit y avoir une discussion de ces critères, mais pourquoi y aurait-il une critique de l'évaluation en elle-même, puisqu'elle peut être positive?

Et puis, même quand l'évaluation est faite non pas par soi-même mais par des collègues, ne pourrait-on espérer qu'à côté de "chers collègues" jaloux, envieux, malhonnêtes, méchants, autoritaires... il y en ait aussi de bienveillants, encourageants, amicaux, aidants, collaborants, intelligents? Mieux encore : pourquoi ne fixerait-on comme critère au recrutement des experts pour les évaluations leur adhésion à l'idée selon laquelle "Le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture?"

C'est ainsi que l'évaluation pourrait devenir quelque chose de merveilleusement positif! Et c'est ainsi que la science sera encore plus belle

La "formation par la recherche"?

Je commence à avoir l'habitude de ne pas être politiquement correct, mais si je supporte ainsi les critiques, c'est parce que j'ai un objectif supérieur : le bien des étudiants!

Et puis, le dogme est quelque chose d'assez ennuyeux, et stérile, une façon paresseuse de ne pas penser, non?

Dans nos cercles universitaires, il y a ainsi l'expression "sauver la recherche" : je me suis exprimé précédemment sur la différence entre "recherche" et "recherche scientifique", ou encore "recherche technologique". Sauver la recherche : laquelle? La recherche artistique? La recherche technologique?

La recherche artistique ne relevant pas du champ de la science, je crois qu'il faut laisser aux artistes le soin de s'en préoccuper. Pour nos champs "scientifiques", la seule qui nous concerne est la recherche... scientifique : normal, non?

La recherche technologique? Puisque la technologie est (relisons le mot, cherchons son étymologie, au lieu de projeter nos acceptions très idiosyncratiques) le perfectionnement de la technique, laissons à l'industrie le soin de faire son travail, et consacrons-nous, dans les laboratoires scientifiques, à produire des connaissances qui seront utiles pour l'innovation technologique, le transfert technologique. Sans ces connaissances nouvelles, les ingénieurs ne pourront transférer que de vieilles choses, et leur sacro-sainte innovation sera très périmée.

Donc la recherche? Non, la science. Abandonnons le mot "recherche", qui est un fourre-tout confus, et parlons de science.

Faut-il "sauver la science"? Aux échecs, la défense sait bien qu'elle est désavantagée. Donc ne sauvons pas la science, mais développons la très positivement, en n'oubliant pas de penser que c'est la production scientifique qui fera l'innovation, laquelle devra être, ensuite, le travail de l'industrie, des ingénieurs.

Alors, la "formation par la recherche", dans ce contexte? Veut-on dire "formation par la science"? Pourquoi pas, mais qui pourra démontrer que la formation par la science est une bonne formation pour des élèves ingénieurs? Pourquoi l'entraînement à la recherche des mécanismes des phénomènes (la science expérimentale) serait-il utile à l'exercice du métier d'ingénieur?
Après tout, l'ingénieur doit savoir chercher des connaissances, et les transférer. Je ne vois pas que, dans ces tâches, la pratique scientifique intervienne.

A ce stade, j'ai bien peur d'être gravement dans l'erreur. Qui aura la gentillesse de réfuter l'argumentation précédente?

samedi 30 janvier 2010

Ceci vient d'être mis en ligne

Les Cours 2010 de gastronomie moléculaire s'achèvent. Ils ont été filmés, et ils figureront sur le Campus Numérique d'AgroParisTech dans quelques jours.

Pour patienter, un lien, vers le Palais de la Découverte, où, avec mon ami Pierre Gagnaire, nous avions été invités à une présentation.

http://www.dailymotion.com/video/xbxa50_la-cuisine-moleculaire-de-pierre-ga_tech

dimanche 10 janvier 2010

Des textes

Les élèves qui consacrent leur TPE (travaux personnels encadrés) ou TIPE à la gastronomie moléculaire ou à la cuisine moléculaire sont légion, depuis plusieurs années.

Souvent, les questions sont analogues, de sorte que j'ai mis sur le site http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/pour-en-savoir-plus/des-articles un lien vers des textes à télécharger.

Bon courage!

jeudi 7 janvier 2010

Une autre conférence

Un de mes fils me dit que je ne souris pas beaucoup, ce jour là, mais parfois, le militantisme l'emporte sur l'humour :
http://www.les-ernest.fr/herve_this

La maison du grand-père

Il y a des idées qu'il n'est pas inutile de continuer à propager. C'est pourquoi je viens de mettre sur http://www.agroparistech.fr/Des-reflexions-a-propos-de-la.html un texte qui évoque la question de la tradition culinaire.


Vive la connaissance

lundi 4 janvier 2010

L'homme et la machine

Oui, les progrès techniques posent la question de la place de l'être humain, dans la production... et l'histoire de Jacquard,avec ses métiers à tisser, est terrible : alors qu'il voulait supprimer le travail des enfants, il mit Lyon au chômage!
De même, si des sondes à ultrasons font des émulsions, si le "pianocktail" s'introduit dans les cuisines, faisant toutes les sauces imaginables d'un clic, où sera le cuisinier?

Je ne crains rien pour lui (ou elle), parce que la cuisine, ce n'est pas d'abord de la technique.. mais d'abord de l'amour que l'on donne à ceux que l'on reçoit, pour qui l'on cuisine.

Du coup, je viens de me souvenir d'un texte que j'avais écrit à ce sujet, et que je mets immédiatement sur mon site (http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/pour-en-savoir-plus/des-articles).

Très bonne année!

samedi 26 décembre 2009

Joyeuses fêtes

Tous les sites et blogs y vont de leurs "Joyeuses Fêtes", ou "Bonne année", mais il serait anormal que je me laisse aller à cette forme de superstition. Il vaut mieux, sans doute, chercher à comprendre.

Pourquoi faire des voeux ? "Tout ce qui est du domaine du vivant doit être interprété en termes de biologie de l'évolution", disait Theodosius Dobzhansky. Le voeu, c'est une forme de relation sociale, et l'on sait, notamment avec internet et ses réseaux, combien cette tentation du lien est importante.

Reste à savoir si l'être humain a mieux à proposer que cette interprétation évolutive terrible... et à vous souhaiter une très bonne année!

jeudi 24 décembre 2009

Un champ largement en friche

La forme "blog" conduit parfois à d'étranges choses. Je m'aperçois que, ayant voulu expliquer une partie du projet de la gastronomie moléculaire, lors d'un précédent billet, la construction de l'affaire m'a détourné d'une idée que je crois utile d'afficher.

A savoir que la cuisine est, pour la science, un champ très largement inexploré... ce qui la rend particulièrement intéressante (en plus de ses "vertus gourmandes").

Oui, l'ambition de la science, c'est (classiquement, mais on pourra y revenir) de lever un coin du grand voile, de faire des "découvertes", de comprendre les mécanismes des phénomènes.

De ce fait, il y a une méthode qui consiste à reprendre inlassablement les théories, toujours insuffisantes, pour les affiner, les réfuter, les préciser...

Cependant, il y a aussi la possibilité d'aller examiner des phénomènes qui ont été négligés... comme la transformation culinaire. Evidemment, il serait naïf ou ignorant de croire que la science ne s'est jamais intéressée aux transformations culinaires, mais il faut aussi rappeler que, si nous avons créé la gastronomie moléculaire, dès les années 1980, c'est précisément parce que les sciences des aliments avaient dérivé vers la connaissance fine des ingrédients, d'une part, et l'exploration des procédés industriels d'autre part. La cuisine n'était pas étudiée.

Une preuve? Le livre classique (et excellent) intitulé Food Chemistry, dans sa version de 1999, contient très peu de choses sur la cuisson des viandes, et rien sur les transformations des vins quand on les cuit. Or on sait que les viandes sont faites pour être cuites, et que les vins sont indispensables en cuisine, pas seulement sur la table, dans les verres!

Bref, la gastronomie moléculaire considère la cuisine surtout par le nombre considérable de phénomènes qu'elle fait apparaître, lors des transformations.

Ce sont des phénomènes inédits que la gastronomie moléculaire peut espérer découvrir, et des mécanismes inconnus, de ces phénomènes inédits.

Tout cela, c'est de la science, et pas de la cuisine, mais il n'est pas interdit que les deux champs collaborent!

mercredi 23 décembre 2009

Un débat à venir

Vous savez que je pose souvent des questions gênantes. Par exemple, il y a cette question du "beau produit" qu'il faudrait "respecter".

Je m'étonne toujours de ces mots, parce que les grands peintres font des œuvres superbes avec un simple fusain.

Pourquoi la cuisine serait-elle différente? Pourquoi un vrai artiste culinaire ne pourrait-il pas faire du très bon avec des produits "ordinaires"?

En réalité, la question c'est : qu'est-ce qu'un bon produit? Qu'est-ce qu'un produit "ordinaire".

Et faut il vraiment du bon pour faire du très bon?

Tel sera le thème d'un débat auquel je vous invite à assister, et qui réunira :

Jean-Pierre Lepeltier (cuisinier)

Pierre Gagnaire (cuisinier)

René Zakine (inspecteur honoraire de l'agriculture)



Sous la houlette de Vincent Olivier (L'express)


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dimanche 20 décembre 2009

Un powerpoint en ligne

Un correspondant amical vient de laisser un message demandant que je mette en ligne la présentation faite à l'Imperial College de Londres, il y a quelques jours.

Oui, il a raison : je la mets sur le site : http://www.agroparistech.fr/Des-conferences.html

Rire, pleurer, être en colère...

Un paradoxe : alors que n'importe quel drame fait sortir des salles entières de cinéma en larmes, alors que les salles d'opéré sont pleines de mélomanes chavirés, nos salles de cours, dans les établissements d'enseignement, laissent les étudiants de marbre.

Pourtant, il est largement admis que les professeurs doivent se donner, autant que des acteurs, pour faire passer les matières ; il est largement admis qu'il faut faire vivre la classe pour que les prétendus apprenants apprennent!

Et si l'on avait tout faux? Et s'il fallait d'abord faire rire, pleurer, mettre en colère... les élèves? Rires, c'est facile : le moindre calembour proféré au milieu d'une démonstration mathématique a le cocasse nécessaire (interrogeons-nous d'ailleurs sur ce cocasse). Pleurer? Quel enseignant a déjà réussi ce tour de force? Je veux dire évidemment : pleurer d'émotion, pas d'humiliation ni de coups!

Et les autres sentiments : quel enseignant a réussi à les faire naître au milieu de son cours de chimie, de physique? Comment? Pourquoi?

Ne devrions-nous pas commencer la nouvelle année par un enseignement enfin renouvelé?

jeudi 17 décembre 2009

La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine traditionnelle?

Je sais qu'il y a des questions qu'il ne faut pas poser (par exemple, celle qui sera examinée le 8 février : "faut-il vraiment du bon pour faire du très bon?"), mais je ne cesse de recevoir la suivante :

La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine traditionnelle ?

Puisque ce n'est pas moi qui la pose, je peux essayer d'y répondre.

D'une part, oui, on sait ce qu'est la cuisine moléculaire : c'est une cuisine qui fait usage de nouveaux ustensiles, de nouveaux ingrédients, de nouvelles méthodes.
En revanche, on ne sait pas bien ce qu'est la cuisine traditionnelle : la tradition des Provençaux n'est pas celle des Bretons, et la tradition des Normands n'est pas celle des Alsaciens.
Même entre deux régions voisines, les traditions diffèrent : pensons à la Lorraine et à l'Alsace.

Pis encore, les traditions changent selon les familles d'une même région, voire entre les individus d'une même famille. Par exemple, je célèbre Saint Nicolas, et pas mon frère.

Bref, je ne sais pas ce qu'est la cuisine traditionnelle, et je crois même qu'elle n'existe pas.

Et si l'on changeait maintenant la question pour :

La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine classique ?

Cette fois, le classique peut être considéré comme ce qu'il y a dans les livres. C'est mieux défini.
La cuisine moléculaire peut-elle améliorer la cuisine classique?

Prenons une comparaison : le jazz peut-il améliorer la musique classique? La peinture abstraite peut-elle améliorer la peinture classique?
La question est intéressante, parce qu'elle est en réalité sans sens. Si la cuisine moléculaire n'est pas la cuisine classique, mais séparée d'elle, comment pourrait-elle l'améliorer?

Ce que l'on peut dire, c'est que le répertoire musical s'est enrichi, embelli, quand le jazz, la musique sérielle, etc. se sont ajoutés à la musique classique. Jean-Sébastien Bach toute la journée, c'est bien mais lassant. Avec en plus Mozart, c'est mieux. Avec en plus Debussy, c'est encore mieux. Avec en plus Messiaen, Saint-Saens, Isoir, etc., le bonheur ne cesse d'augmenter.

En cuisine, n'est ce pas pareil : ne devons nous pas être heureux d'avoir aujourd'hui toutes les cuisines, de toutes les époques, et, en plus, la cuisine moléculaire?

D'un point de vue technique, d'autre part, il est certain que cuisiner avec des pots de terre qui cassent, c'est pénible. Si l'on ajoute des casseroles en inox (qui ne rouillent pas, qui ne cassent pas!), c'est bien mieux. Et si l'on ajoute des matériels modernes, c'est comme si l'on s'éclairait à l'électricité au lieu de s'éclairer à la bougie!

Donc oui, résolument, la cuisine moléculaire est un bel ajout à la cuisine. Non pas à la cuisine classique, mais tout simplement à la cuisine.

A noter que la bonne cuisine moléculaire est bonne, et la mauvaise cuisine moléculaire est mauvaise, mais que la bonne cuisine classique est bonne, et la mauvaise cuisine classique est mauvaise.

Ne devons-nous pas questionner les questions?

Enfin, n'oublions pas de lutter contre les questions idiotes : préfères-tu les pommes ou les poires? Je préfère les framboises!

vendredi 11 décembre 2009

Des mots

Terrible impression de m'être fait piégé : je me suis retrouvé publiquement, aujourd'hui, à la même table que des "scientifiques" qui évoquaient des vibrations des molécules lesquelles auraient rejailli sur la santé, de grandes "résonances", etc.

Du discours, de la poésie, de l'aveuglement ou de la fraude?

Evidemment, on m'a argumenté que Galilée et Einstein avaient révolutionné la science en réfutant la science ancienne... mais est-ce un vrai argument?
Evidemment, on m'a argumenté des publications dans des revues... mais je rappelle que tous les rapporteurs ne font pas bien leur travail, et qu'il est passé des tas de publications foireuses : l'eau superlourde, les rayons N, et bien d'autres.

Pardon, chers amis, de faire état de ces états d'âme, mais la question est posée : comment expliquer à un public exposé à de l'incompréhensible sans doute faux qu'il s'agit d'élucubrations insensées?

A ce stade, j'entends ma correspondante qui me reprochait de dire du mal de la théorie non scientifique (je le maintiens) du "food pairing", et qui était déçue que je sois moins positif que d'habitude. Ici, je vois que je viens de perdre à nouveaux des amis : tous ceux qui soutiennent des théories "farfelues", et qui considère que la "science officielle" est dogmatique, parce qu'elle n'accepte pas leurs élucubrations (évidemment, il y a alors le syndrome de l'incompris, voire du persécuté, qui pointe son nez aussitôt).

Désolé, mais je ne suis pas prêt à accepter que l'on promeuve devant nos enfants n'importe quelle théorie idiote : "N'est-il pas honteux que les fanatiques aient du zèle et que les autres n'en aient pas?", disait justement Voltaire?

Pourfendons les théories fausses! Ne laissons pas s'installer les confusions... qui profitent toujours aux malhonnêtes.

Luttons pour de la belle connaissance!

samedi 28 novembre 2009

Une question de projet

Au cours d'une discussion avec mon ami Pierre (Gagnaire), il m'invite à m'expliquer sur le projet de la gastronomie moléculaire, parce que je répondais à un tiers présent que la science m'intéresse plus que la cuisine.

En réalité, la question est plus une question personnelle qu'une question de projet scientifique, parce que la gastronomie moléculaire, en tant que discipline, n'a pas à aimer ou non la cuisine : elle se contente d'être la discipline scientifique qui explore les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires... et dans son exercice, elle est de la science, où la cuisine est loin.
Pour preuve : nous n'avons pas de casseroles au laboratoire, et nous ne mangeons pas.

Je sais, tout cela manque de gourmandise, mais après tout, est-ce étonnant : les concepts ne sont ni gourmands ni austères ; ce sont des concepts.


D'autre part, la question du projet personnel ne devrait pas être abordée : le "moi" est haïssable, n'est-ce pas?
Toutefois, si Pierre juge intéressant que je donne ma vision des choses, c'est sans doute qu'il en ressent le besoin.
Gourmand? Certainement.
Cuisinier? Je cuisine chaque jour... mais, comme un peintre du dimanche face à Rembrandt, comment dire que l'on est cuisinier?
En réalité, la cuisine n'est quasiment pour rien dans le travail lui-même, qui est un travail de science, et se détache entièrement de la cuisine.

Oui, j'adore les équations aux dérivées partielles, les mécanismes de chimie organique, la physico-chimie, en bref. J'adore à la fois l'aspect expérimental, qui doit être parfaitement maîtrisé sous peine que les calculs ne vaillent rien, et le versant théorique, de modélisation, qui est en constante interaction avec la pratique expérimentale.
Oui, la science est une activité complète, merveilleuse.

D'ailleurs, il y avait écrit sur mon mur cette phrase prise sur la poutre du Musée du compagnonnage de Tours "La tête guide la main"... mais je l'ai barrée, parce que je viens de comprendre qu'elle n'est pas juste : ce n'est pas la tête qui guide la main, ou la main qui donne les sensations à la tête... parce que la tête et la main ne sont pas dissociables. Au centre du projet, il y a l'individu tout entier, qui pense et agit, pensant parce qu'il agit et agissant parce qu'il pense...


Mais voilà des matières bien sérieuses pour quelqu'un qui prône un peu de jovialité. Laissons nous donc aller à la gourmandise!

samedi 21 novembre 2009

On ne convainc jamais, hélas

Un correspondant, donc un "ami", me signale que si mes livres sont positifs, le billet récent consacré au prétendu "food pairing" est méprisant, négatif...

Il a raison : j'ai tort de vouloir convaincre!
Mais c'est vrai aussi que je supporte mal que mes amis se fourvoient, alors que l'on peut démontrer qu'ils se fourvoient.

Oui, laissons nos amis faire leur propre chemin, et contentons nous d'admirer ce qui est admirable, en laissant de côté ce qui n'est pas inintéressant, ou faux, ou malhonnête. Focalisons les regards sur des choses merveilleuses.

Tien, aujourd'hui, laissez moi vous entretenir de la beauté d'une loi de physico-chimie découverte par Louis Joseph Gay-Lussac : le volume d'une "mole" de gaz, dans les conditions ordinaires de pression et de température, est de 22,4 litres.

C'est quelque chose d'extraordinaire, parce que c'est vrai -de façon approchée- pour tous les gaz. Quelle beauté!

Et en cuisine? En cuisine, il faut penser que la vapeur d'eau n'est pas à 20°C, à la pression ambiante, sans quoi les molécules d'eau se recondensent, et le gaz n'est plus un gaz, mais de l'eau liquide.

D'où la question : comment calculer le volume d'une mole d'eau à 100 °C?


Ce type de questions "élémentaires" (pour un physico-chimiste) sont ce que je nomme des "questions du jour", au laboratoire : des incitations à penser, des invitations à calculer.

N'est pas ainsi que la physico-chimie est belle?

La question de la précision en cuisine!

La "cuisine note à note" pose mille questions passionnantes, et un ami lecteur de ce blog a souligné qu'elle pose une question environnementale.

La séparation des ingrédients des tissus végétaux ou animaux conduirait à un coût environnemental plus grand que la cuisine classique ?

C'est très discutable : en effet, un cuisinier qui réduit un fonds utilise une quantité considérable d'énergie, et il n'est pas certain qu'un procédé d'extraction bien pensé consomme plus d'énergie que ces procédés artisanaux qui n'ont jamais été réfléchis dans ces termes. D'ailleurs je ne donne donc pas ici de réponse péremptoire, mais je pose la question à la communauté : le commentaire laissé par notre ami est-il exact ? Et j'attends une réponse en termes quantitatifs, le seul type de réponses qui me satisfasse vraiment... En faisant remarquer que les bilans carbone sont parfois bien difficiles à calculer.

Aujourd'hui, toutefois, ce n'est pas la question de l'environnement qui me préoccupe, mais la question de la précision en cuisine. Avant d'être négatif, soyons positifs. Avant d'avoir peur, avançons.

La cuisine note à note est beaucoup plus précise que la cuisine classique. En effet, dans la cuisine classique, le cuisinier est tributaire d'ingrédients dont il ne connaît pas la composition. Si la carotte est très sucrée, le plat sera plus sucré que si la carotte est moins sucrée.
Bien sûr, le cuisinier peut ajouter du sucre en quantité bien déterminée, mais quand on cuisine avec des composés, c'est chaque composé qui est ajouté dans la quantité exactement voulue.
De la sorte, tout est parfaitement contrôlé : les saveurs bien sûr, mais aussi les odeurs, les consistances...

mercredi 18 novembre 2009

Cuisine "note à note" : les questions de nutrition

Pour être en bonne santé, il faut notamment que notre alimentation ne soit pas déficiente en composés indispensables : protéines, lipides, saccharides, vitamines, oligo-éléments...
La cuisine note à note satisfera-t-elle nos besoins vitaux?

Il est amusant de se poser cette question, alors que la cuisine classique ne l'a pas posée. Il est bien difficile de vivre de la cuisine des restaurants étoilés, tant les goûts sont puissants, et les menus déséquilibrés, souvent. En effet, cette cuisine est une cuisine d'exception... sauf exception, et elle n'est pas faite pour être une cuisine du quotidien. Or c'est la variété qui, seule, peut nous sauver, en nous donnant tout ce que nous devons consommer.

De même, la cuisine note à note, bien sûr, peut se préoccuper de nous apporter des composés intéressants dans des quantités appropriées, mais elle n'a peut-être pas l'ambition de nous fournir un régime équilibré. Tout comme la cuisine d'apparat, on peut imaginer qu'elle soit exceptionnelle, et que, de ce point de vue, elle n'ait pas à nous apporter tout ce dont nous avons besoin.

D'ailleurs, cette observation devrait rassurer les craintifs : cette cuisine note à note ne remplacera pas la cuisine classique, pas plus que la cuisine moléculaire ne remplacera la cuisine classique ; il s'agit simplement d'augmenter la variété des possibilités culinaires, d'ajouter... des notes au piano des cuisiniers!

La cuisine note à note : pour demain si l'on comprend bien l'entreprise

L’expérience me prouve qu’il ne suffit pas de dire que la « cuisine moléculaire » est dépassée par la « cuisine note à note » pour que cela suffise à développer cette dernière : alors que j’étais avec des amis intéressés par toutes ces affaires, la terminologie « cuisine note à note » a suscité la question : de quoi s’agit-il, au juste ?
Apparemment, donc, je n’ai pas suffisamment expliqué les « règles du jeu ». Je le fais ici.

D’abord, débarrassons-nous de la cuisine moléculaire en rabâchant qu’il s’agit d’une cuisine qui fait usage de « nouveaux » ustensiles, de nouveaux ingrédients, de nouvelles méthodes. Je mets « nouveaux » entre guillemets, parce que ce qui était nouveau en 1980 ne l’est plus aujourd’hui, d’une part, et, aussi, parce que les « nouveautés » qui s’introduisent aujourd’hui (évaporateurs rotatifs, cryoconcentrateurs, etc.) sont déjà introduites depuis longtemps dans d’autres cercles que ceux de la cuisine. Il ne s’agit de nouveautés que pour le monde culinaire : il est juste de dire que ces matériels, ingrédients, méthodes, n’étaient pas mentionnés dans le Guide culinaire, par exemple, ni dans La cuisine du marché (Paul Bocuse, Flammarion, 1976).

Passons donc rapidement sur cette affaire de cuisine moléculaire pour arriver à la « cuisine note à note ». Cette dernière utilise ou non des nouveaux ingrédients, de nouvelles techniques, de nouveaux ustensiles : peu importe… La règle, c’est de construire le plat à partir de composés purs.
Des composés purs ? Nous en utilisons déjà de nombreux : l’eau, le chlorure de sodium, le saccharose (que l’on nomme abusivement « sucre de table », en oubliant que le glucose ou le fructose, par exemple, seraient des composés tout aussi légitimes, pour recevoir ce surnom), le glucose (c’est une poudre blanche, et non un sirop, lequel s’obtient par ajout d’eau à du glucose), le fructose, l’acide tartrique, l’acide citrique…
Bref, nous connaissons une foule de composés, nous en utilisons beaucoup, déjà, et la cuisine note à note préconise de n’utiliser qu’eux pour construire des plats.

C’est donc beaucoup plus difficile que de griller un steak ou même que de faire un coq au vin… parce que tout est à faire : à partir de ces poudres, de ces liquides, il faut réaliser des couleurs, des consistances, des saveurs, des odeurs, des goûts, enfin. Comme si le peintre partait des couleurs élémentaires pour arriver à des peintures, au lieu de partir de couleurs déjà constituées. On remarquera que le travail à faire est donc le même que celui qui fut entrepris par les acousticiens de l’IRCAM, il y a plusieurs décennies, quand les progrès de l’électronique permirent de construire les sons, pour ensuite faire des musiques. Il y eut, alors, des œuvres d’une modernité inouïe !
La musique produit était-elle belle ? En réalité, il ne faut pas confondre le principe et sa réalisation. Le principe est ce qu’il est, et, avec lui, on peut faire du « beau » ou du « laid »… et ce n’est pas le principe qui est en cause, mais le travail qui a produit l’œuvre. Il en sera de même avec la cuisine note à note.

Ce que je peux assurer, c’est qu’un continent encore inconnu est devant nous. Il faudra apprendre à l’explorer, sans empoisonner personne ! Car il y a du danger, tout comme quand on utilise de l’azote liquide… ou comme quand on utilise un couteau.
Et les questions abondent : des questions de nutrition, des questions de toxicologie, des questions économiques, des questions techniques, des questions politiques…
Les questions de nutrition : si l’on assemble complètement les composés des mets, comment s’assurer que tous ceux qui sont vitalement indispensables sont présents ?
Les questions de toxicologie : comment être certain que des composés qui ne semblent pas toxiques, dans les tissus végétaux ou animaux utilisés aujourd’hui ne le deviendront pas s’ils sont isolés ?
Les questions économiques : combien coûtera cette cuisine, en produits, en main d’œuvre…
Les questions techniques : comment obtenir les consistances désirées, les goûts désirés ?
Les questions politiques : si l’on cesse d’utiliser des produits végétaux ou animaux, comment les agriculteurs pourront-ils vivre ?

Je sais bien que c’est le rôle de la science de poser de telles questions, mais il faut aussi donner des pistes. Je propose de ne pas faire de trop grosses bouchées, et de réserver des discussions de ces questions pour des billets suivants.

samedi 14 novembre 2009

Osons critiquer les Grands Anciens, en doutant de nous...

"Ne touchez pas aux idoles, il vous en restera de l'or aux doigts", me conseillait cette homme remarquable qu'était le chimiste Guy Ourisson (à l'enterrement de Pierre Potier, il avait dit "Il nous a laissé le privilège de l'avoir connu ; disons cela de Guy).

Bref, contester les Grands Anciens serait "dangereux"? C'est pourtant ce que fait la science en permanence.
Aujourd'hui, je propose de réfuter le grand Claude Bernard, qui écrit dans son Introduction à l'étude de la médecine expérimentale (Garnier-Flammarion, 1966, p. 176.):

« La théorie est l’hypothèse vérifiée après qu’elle a été soumise au contrôle du raisonnement et de la critique. Une théorie, pour rester bonne, doit toujours se modifier avec le progrès de la science et demeurer constamment soumise à la vérification et la critique des faits nouveaux qui apparaissent. Si l’on considérait une théorie comme parfaite, et si on cessait de la vérifier par l’expérience scientifique, elle deviendrait une doctrine ».

Je propose le changement suivant :

« La théorie scientifique est l’hypothèse passée au tamis de la recherche de la réfutation, et donc de la quantification des phénomènes. Une théorie est toujours fausse, doit donc toujours se modifier : c’est là le progrès de la science. Si l’on considérait une théorie comme parfaite, et si on cessait de la réfuter par l’expérience scientifique, elle deviendrait une doctrine."

Vive la chimie!

mercredi 11 novembre 2009

Une ligne de conduite

Quelques étudiants me font beaucoup d'honneur, d'amitié et de plaisir en se transmettant un document qui réunit des monitions affichées dans notre laboratoire et, plus exactement, dans l'Equipe de gastronomie moléculaire.

Ces citations sont souvent attribuées (mais pas toujours, et si les attributions sont fautives ou manquantes, merci de m'aider à rectifier), et la discussion avec un étudiant me pousse à les donner ici. Plusieurs d'entre elles sont une façon de redire les valeurs qui animent notre travail scientifique (le "nous" n'est pas de majesté : il désigne l'ensemble des étudiants qui travaillent dans l'équipe... et je rappelle que le grand Michel Eugène Chevreul se disait, à l'âge de 100 ans, le "doyen des étudiants de Paris").

Voici la chose :

Quelques idées pour aider à se supporter
quand on se voit dans un miroir



IL FAUT S’AMUSER A FAIRE DES CHOSES PASSIONNANTES
H. This

Nous sommes ce que nous faisons : quel est ton agenda ?
H. This

Une colonne vertébrale !
H. This

Toujours considérer les résultats particuliers que l’on obtient comme la « projection » de cas généraux que nous devons inventer (abstraire et généraliser)
H. This

Quels sont les mécanismes ?
La science en général

Les mathématiques nous sauvent toujours : « Que nul ne séjourne ici s’il n’est géomètre »
Platon

Ne pas oublier de donner du bonheur.
H. This

Surtout ne pas manquer le moindre symptôme
H. This

Je ne sais pas, mais je cherche !
H. This

De quoi s’agit-il ?
Henri Cartier-Bresson

Puisque tout est toujours perfectible, que vais-je améliorer aujourd’hui ?
H. This

« Tenir le probable pour faux jusqu’à preuve du contraire ».
H. This ?

Combien ?
La science en général

D’r Schaffe het sussi Wurzel un Frucht
Proverbe alsacien modifié par H. This

Ni dieu ni maître

La devise des anarchistes

Tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait
?

La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets !
Jean Claude Risset

Se mettre un pas en arrière de soi même

?

Le summum de l’intelligence, c’est la bonté
(et la droiture)
Jorge Borgès

Regarder avec les yeux de l’esprit
H. This

Vérifier ce que l’on nous dit
Ne pas généraliser hâtivement
Ayez des collaborations
Y penser toujours
Entretenez des correspondances
Avoir toujours sur vous un calepin pour noter les idées
Ne pas participer à des controverses
Michael Faraday
et Isaac Waat

Penser avec humour des sujets sérieux (un sourire de la pensée)
H. This

« Comme chimiste, je passai cette oeuvre à la cornue ; il n'en resta que ceci : » ; se dissoudre dans, infuser, macérer, décoction, cristalliser, distiller, sublimer, purifier, alambiquer
Jean-Anthelme Brillat-Savarin

« Et c’est ainsi que la chimie est belle »
H. This d’après Alexandre Vialatte

Morgen Stund het Gold a Mund
Proverbe alsacien

Y penser toujours
Louis Pasteur

Ne pas confondre les faits et les interprétations
Elémentaire

Quand les lois sont mauvaises, il faut les changer
H. This

Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant
Cicéron

Dieu vomit les tièdes
La Bible

La tête guide la main
Musée du compagnonnage, Tours

Le calcul!!!!
Tous les scientifiques dignes de ce nom

Tout changer à chaque instant (vers du mieux !)
H. This

Chercher des cercles vertueux
H. This

Comme le poête, le chimiste et le physicien doivent maîtriser les métaphores
H. This

Le moi est haïssable
Blaise Pascal

Quels mécanismes ?
La science en général

N’oublions pas que nos études (scientifiques) doivent être JOVIALES
Hervé This

L’enthousiasme est une maladie qui se gagne
Voltaire

Clarifions (Mehr Licht)
Goethe

Tu viens avec une question, mais quelle est la réponse (utilise la méthode du soliloque)
H. This

Pardon, je suis insuffisant, mais je me soigne
H. This

Comment faire d’un petit mal un grand bien ?
H. This

Le diable est caché derrière chaque geste expérimental, et derrière chaque calcul
H. This

Les questions sont des promesses de réponse (faut-il tenir ces promesses). Vive les questions étincelles
H. This

La méditation est si douce et l’expérience si fatigante que je ne suis point étonné que celui qui pense soit rarement celui qui expérimente
Diderot

Comment pourrais-je gouverner autruy, moi qui ne me gouverne pas moi-même
François Rabelais

Prouvons le mouvement en marchant !

vendredi 6 novembre 2009

A nouveau la théorie fausse du "food pairing"

Un commentaire sur ce blog me conduit à y revenir... avec une idée amusante, juste un clin d'oeil, qui contribue à montrer combien la théorie du "food pairing", l'appariement des ingrédients, est idiote :

Si cette théorie dit que c'est le degré de ressemblance entre les ingrédients qui détermine leur associabilité, il faut conclure que tout ingrédient doit parfaitement s'associer avec lui-même.

Quelle belle découverte! Quelle théorie puissante!

Une note à l'attention des amis étrangers qui lisent ce blog : attention, je suis capable de faire parfois un peu d'humour, de second degré: oui, je confirme ma pensée, en disant clairement que tout cela est sans intérêt.

D'ailleurs, dans un autre billet, je crois avoir dit que le propre d'une théorie scientifique, c'est d'être réfutable. C'est d'ailleurs parce que les théories scientifiques sont réfutables qu'elles sont intéressantes... et scientifiques : toute théorie scientifique est fausse, disons insuffisante, c'est ce qui cloche dans la théorie qui est passionnant.

Au contraire, avec les fausses sciences, qui s'affublent du nom trompeur de parasciences, il n'y a pas de réfutabilité, et l'on baigne dans le contentement de soi-même, la paresse, la prétention.

Vive la connaissance honnête, qui pousse à travailler, au lieu de se mettre à baver de contentement, couché sur le sol, comme le "sénateur" du roman de Boris Vian.

jeudi 5 novembre 2009

Arômes : j'y reviens

Un correspondant laisse un commentaire :

"Si un arôme est une sensation perçue par la voie retro nasale (donc pas exactement une odeur), comment peut -il se retrouver dans un flacon?
Un même mot pour deux significations?
Il y a de quoi s'y perdre..."

Oui, il y a de quoi s'y perdre, et c'est la raison pour laquelle je crois que nous devons combattre les mauvaises terminologie.
Un arôme, cela a toujours été (jusqu'à ce qu'une certaine industrie tente de s'en emparer) l'odeur d'une plante aromatique.

DONC :
- un arôme n'est pas spécifiquement rétronasal ou anténasal
- un arôme n'est en aucun cas un mélange de composés

C'est le sens d'un précédent billet : je propose que les produits utilisés pour donner du goût par l'industrie alimentaire n'aient plus le nom trompeur d'arômes, mais soient nommés, pour les raisons déjà évoqués, soit des "compositions", soit des "extraits".
L'honnêteté voudra que l'on nomme "composition" des mélanges savamment préparés, et que l'on nomme "extraits" des produits qui auront été extraits.

A noter que je n'ai rien contre les "compositions" et "extraits" : ceux qui sont bien faits sont... bien faits, et ceux qui sont mal faits sont... mal faits.
En revanche, je critique la confusion, et je condamne formellement toute ambiguité, en matière de commerce, d'artisanat ou d'industrie :


LES PRODUITS DOIVENT LOYAUX, MARCHANDS ET FRANCS!!!

vendredi 30 octobre 2009

Histoire de vanille (sans s, ou avec s à la fin du mot)

Une occasion d'être utile!!!

Je reçois d'un jeune pâtissier la question suivante :
"Je m'intéresse à la vanille en pâtisserie, et, notamment, aux différents arômes de vanille . J'aurai aimé avoir votre avis sur le choix entre des arômes naturels et de synthèses. Que choisir (indépendamment de l'aspect économique)? Dans les pâtisseries nous utilisons de la gousse. Est-ce justifié? Sommes-nous suffisamment éduqués pour faire la différence? Est-ce un problème d'éducation au goût ? Est-ce un phénomène de mode ?

Evidemment, je réponds sans attendre :

1. la vanille n'a rien à voir avec les "arômes", lesquels sont des produits au nom trompeur
2. la vanille est bonne si elle est bien préparée
3. certains "compositions" ou "extraits" ont un goût qui ressemble à la vanille ; je crois que c'est juste de les nommer "extraits de vanille", quand ce sont des extraits de vanille, mais je crois que c'est trompeur de les nommer "arômes vanille", quand il s'agit de composition qui contiennent des composés dont le mélange fait un goût qui ressemble à la vanille
4. il serait temps de reconnaître que des "aromes naturels" sont une tromperie
5. que choisir? Ce qui vous plait...
6. les pâtissiers utilisent la gousse? Pas tous.
7. est-il justifié que les pâtissiers utilisent la gousse? s'ils en ont l'envie... mais attention à ne pas, ensuite, tromper la clientèle en laissant penser qu'il y a de la vanille quand il n'y en a pas
8. sommes nous assez éduqués gustativement pour faire la différence? vraie question difficile, dans sa généralité
9. est-ce un phénomène de mode? quoi au juste?


Voilà le "menu" ; il faut maintenant que je développe :

1. la vanille n'a rien à voir avec les "arômes", lesquels sont des produits au nom trompeur :

La vanille, c'est ce que l'on obtient, classiquement, à partir de lianes, qui produisent des gousses que l'on fait sécher et fermenter. Les gousses brunies prennent un goût tout à fait remarquable, avec une odeur merveilleuse, et, aussi, une saveur de velours.
Quand on met la gousse dans un liquide (de l'eau, du lait, de la crème, du chocolat fondu, etc.), les molécules odorantes sont extraites, et les molécules sapides se dissolvent dans les solutions aqueuses. C'est d'ailleurs une découverte que je relate dans un article de la revue Pour la Science d'il y a quelques mois : on vient de découvrir certains des composés qui donnent le goût de velours.
L'odeur est due à une foule de composés différents, mais il est exact que l'un d'entre eux, la vanilline, est particulièrement important. La molécule de ce composé est petite, simple chimiquement... et les chimistes savent la synthétiser depuis longtemps, par des moyens variés, qui vont de la fermentation des aiguilles de pin, à des procédés parfaitement chimiques. La molécule est la même... mais l'odeur de la vanille ne se résume pas à celle de la vanilline : rappelez vous que j'ai annoncé que l'odeur de la vanille est due à tout un cocktail de composés différents.


2. la vanille est bonne si elle est bien préparée

La vanille n'est pas toujours de première qualité : imaginez que la fermentation ait été mal conduite! Il y a donc de belles vanilles bien faites, et d'autres qui sont mal faites.
Question difficile d'ailleurs que ce "bien fait" ou ce "mal fait", parce que l'on trouvera bien des individus qui préféreront la vanille pourrie à la vanille fermentée sans être pourrie.
D'ailleurs, il faut signaler que bien peu d'entre nous se préoccupent de la qualité toxicologique de la vanillle : on s'inquiète surtout de son goût!


3. certains "compositions" ou "extraits" ont un goût qui ressemble à la vanille ; je crois que c'est juste de les nommer "extraits de vanille", quand ce sont des extraits de vanille, mais je crois que c'est trompeur de les nommer "arômes vanille", quand il s'agit de composition qui contiennent des composés dont le mélange fait un goût qui ressemble à la vanille

Cela, c'est un gros morceau. Allons y doucement.
Tout d'abord, on nomme aujourd'hui "arômes" (je sais, la réglementation l'autorise) des produits qui, à mon sens, ne devraient pas porter ce nom.
Un arôme, en effet, c'est l'odeur d'un aromate, d'une plante aromatique.
Or ce que l'on nomme (abusivement, j'insiste) "arôme", ce sont de petits flacons qui contiennent des mélanges de deux types : soit ces mélanges ont été extraits, par divers moyens (extraction par distillation, dissolution dans de la matière grasse, dans du dioxyde de carbone supercritique, etc.). Ces extraits sont tous différents, et, notamment, tous différents de la vanille gousse. Chacun a un goût particulier, et une odeur particulière.
Sont-ils des arômes vanille? Non, puisque leur odeur n'est qu'une partie de celle de la vanille.
D'autre part, les parfumeurs savent faire des mélanges de molécules odorantes, mêlant des composés qu'ils trouvent (ou non) dans l'odeur de la vanille. Par exemple la vanilline, mais aussi l'éthylvanilline, qui sent encore plus la "vanille" que la vanille (en réalité, cela sent différent). Ces préparations sont des compositions, et elles peuvent mêler des molécules extraites de produits végétaux à des molécules de synthèse.
La vanilline de synthèse sent exactement comme la vanilline qui serait extraite de la vanille, donc, mais c'est le mélange qui sent différemment... parce qu'une copie de la Joconde ne sera pas la Joconde.
Il y a donc malhonnêteté tolérée par la loi à appeler "goût vanille" des produits qui ressemblent. Il vaudrait mieux dire "reproduction de la vanille", ou "copie de la vanille".



4. il serait temps de reconnaître que des "aromes naturels" sont une tromperie


Ici, il y a la question du "naturel", sur laquelle je me suis déjà exprimé souvent. Une gousse de vanille n'est pas naturelle, puisqu'il a fallu que des êtres humains fécondent la plante, récoltent les gousses, les fassent sécher, fermenter, etc. Tout cela, c'est du travail, et c'est donc artificiel.
De ce fait, les compositions et extraits reproduisant la vanille sont également artificiels. Il peut y avoir du travail bien fait, et du travail mal fait. Le travail bien fait me plait, l'autre non.


5. que choisir? Ce qui vous plait...


Quel produit choisir? Celui que vous préférez, car tous sont différents! Un extrait de vanille au dioxyde de carbone supercritique n'est pas une gousse, et une gousse n'est pas un flacon de vanilline pure, laquelle n'est pas l'éthylvanilline. Aucun n'est supérieur aux autres : en matière de goût, le seul juge, c'est soi-même.


6. les pâtissiers utilisent la gousse? Pas tous.


Oui, méfions-nous des généralisations. Certains pâtissiers utilisent de la vanilline, parce qu'ils aiment son goût, et ils ont raison, puisque c'est leur choix. Ce qui doit être interdit, c'est d'annoncer de la vanille quand il s'agit de vanilline... et inversement!



7. est-il justifié que les pâtissiers utilisent la gousse? s'ils en ont l'envie... mais attention à ne pas, ensuite, tromper la clientèle en laissant penser qu'il y a de la vanille quand il n'y en a pas


Rien à ajouter, j'ai tout dit plus haut à ce sujet, non? Mais je ne refuse pas d'expliquer plus s'il le faut...



8. sommes nous assez éduqués gustativement pour faire la différence? vraie question difficile, dans sa généralité


Oui, la question est difficile, parce que nous ne sommes pas tous égaux devant la vanille (ni le reste). Certains d'entre nous ont senti des milliers de gousses, se sont fait un nez, un palais, et ils peuvent faire la différence. Les autres non. Qu'en conclure?


9. est-ce un phénomène de mode? quoi au juste?


Au total, j'ai dû manquer des réponses, mais le message du jour est déjà long. Qui veut ajouter quelque chose?

jeudi 29 octobre 2009

Les "beaux produits" : un appel à discussion

Quelques amis m'en veulent d'avoir dit que le "produit" n'était rien, en cuisine, ou, du moins, qu'il ne devait être rien.

C'est exact que j'ai dit -car c'est vrai- que Rembrandt, Picasso, et bien d'autres ont fait des merveilleuses au fusain (un morceau de charbon, en quelque sorte!). C'est exact que mon ami musicien Daniel Humair fait un jazz remarquable avec des poireaux, des carottes, des casseroles... C'est exact que mon ami Pierre Gagnaire sait faire des choses époustouflantes avec des ingrédients simples. C'est exact que les boulangers partent souvent d'une simple farine pour faire des pains superbes.

Cela étant, il est également vrai qu'il y a un monde entre les tomates fades de mon supermarché, en hiver, et les tomates de mon voisin du Tarn, fendillées, mais sucrées, charnues... Mmmm....

Je pose la question : qu'est-ce qu'un beau produit?

Et je n'attends pas une simple description, mais plutôt une discussion, une justification.

Pourquoi, si un produit est sain (et cela ne se sent pas au goût : pensons aux Romains qui ajoutaient des sels de plomb toxiques à leurs vins pour leur donner un goût plus doux), n'est-il pas "beau"?

Prenons l'exemple d'un oeuf dur : en vertu de quelle loi un oeuf dur qui aurait son jaune cerné de vert, et une odeur soufrée, serait-il moins bon qu'un oeuf cuit moins de dix minutes?

C'est sincère : j'ignore la réponse à la question, depuis que j'ai croisé des amis qui préféraient l'oeuf cuit très longuement.

Appel à la discussion amicale : qu'est-ce qu'un beau produit?

Le "food pairing" : une théorie fausse... qui n'est pas scientifique, pour mille raisons

Un internaute amical envoie des informations sur une théorie nommée "food pairing", et je me vois dans l'obligation de faire quelques mises en garde.

Tout d'abord, en gros, cette théorie stipule que des "accords gustatifs" sont possibles quand deux ingrédients ont en commun une molécule odorante.

Cette théorie n'est pas scientifique, ni juste, pour de nombreuses raisons.

Tout d'abord, elle est contredite par l'expérience : chaque fois que j'ai demandé à mon ami Pierre Gagnaire d'associer deux ingrédients, il a fait une oeuvre superbe. Voir par exemple la recette "camembert+framboise", que nous avons donnée dans notre livre La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob).

Ensuite, cette théorie n'est pas scientifique, parce qu'elle n'est pas réfutable : on pourra (presque) toujours trouver des traces de composés présents dans deux ingrédients pris au hasard, tant les composés odorants sont nombreux, dans les aliments. Rappelons, en effet, que nos aliments sont le plus souvent dérivés de tissus (animaux ou végétaux), lesquels ont des parties métaboliques communes.

Les quelques amis qui soutenaient cette théorie fausse, poussés dans leurs retranchements, ont fini par admettre qu'il s'agissait seulement d'une source d'inspiration artistique. Dit ainsi, pourquoi pas... L'art a des voies dont je n'ai pas à juger, puisque je ne suis que chimiste!

samedi 17 octobre 2009

Décidément, je ne sais pas comment dire les choses

Un blog sur lequel je réponds à des internautes m'interroge sur des livres que j'ai publiés, d'une part ; d'autre part, des discussions avec des lecteurs me montrent que des éclaircissements sont nécessaires ; enfin, un commentaire sur ce blog, à propos de la redondance des livres contribue à me décider.

D'abord :

- les différents livres disent des choses différentes, à des moments différents, et je corrige ce qui doit l'être, chaque fois
- les différents livres s'adressent à des "amis" différents : on ne doit pas écrire un livre pour des amis scientifiques comme on écrit un livre pour des amis cuisiniers, ou pour des amis enfants, ou encore pour des amis ingénieurs.

Donc, de la redondance, certes, mais on ne peut pas m'en vouloir de m'évertuer à parler le langage de mes interlocuteurs.


De surcroît, voici très honnêtement l'état des choses :

1. Les secrets de la casserole : normalement, il se lit facilement, il doit piquer la curiosité de tous ; il était périmé par endroits, et la nouvelle édition a rectifié les "erreurs", en fonction de l'avancement des travaux scientifiques

2. Révélations gastronomiques : la suite, sous un format différent

3. La casserole des enfants : pour les enfants... mais je sais que des adultes se sont amusés à le lire

4. Casserole et éprouvettes
5. De la science au fourneau :
deux livres plus difficiles, pour un public différent

6. Traité élémentaire de cuisine : le livre avait été fait en vue de la réforme des CAP, pour les professeurs notamment ; je crois que les élèves des lycées hôteliers devraient tous l'avoir!

7. La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique : c'est le livre que je préfère, parce qu'il parle d'art culinaire, qu'il est "écrit", qu'il est "historique", en ce sens que, à ma connaissance, c'est le premier traité d'esthétiquque culinaire de l'histoire de la gastronomie (attention : esthétique ne signifie pas "beau à voir", mais "beau à manger", c'est-à-dire "bon"

8. Alchimistes aux fourneaux : un beau livre, et surtout la réédition d'un livre ancien, de Nicolas de Bonnefons. Ce dernier était un personnage remarquable, et c'est son texte que j'invite à lire, et pas le mien. De merveilleuses photographies par Rip Hopkins

9. Cours de gastronomie moléculaire 1 : science, technologie, technique, quelles relations : un livre pour des élèves ingénieur... mais c'est vrai que j'ai rassemblé toutes mes inventions (disons, certaines), avec des catégories, pour enseigner à inventer

10. j'en oublie, comme
- Six lettres gourmandes : introuvable, livre de collection, excessivement cher
- Construisons un repas : très simple à lire, des choses sur le constructivisme culinaire, ou sur la prochaine cuisine note à note; des réponses à des questions transmises par Marie-Odile Monchicourt.


Vive la connaissance!

lundi 5 octobre 2009

Le Petit Robert nous fait beaucoup d'honneur... mais

Alors que Paris et la France sont pleins d'affiches signalant que l'expression "cuisine moléculaire" s'introduit, je suis désolé d'envoyer au Petit Robert le courrier suivant :

Monsieur le Directeur,


Le Petit Robert m’honore indirectement en introduisant l’expression « cuisine moléculaire » dans ses pages et ses publicités, mais je suis désolé de vous signaler une erreur dans la définition, que vous donnez :

« approche scientifique de la cuisine basée sur l'études des réactions physicochimiques à l'oeuvre lors de la préparation des plats et qui consiste à modifier naturellement la teneur moléculaire des aliments »

En effet, la cuisine moléculaire n’est pas une approche scientifique de la cuisine, mais « une mode culinaire qui fait usage de résultats de la science, et introduit de «nouveaux » ingrédients, méthodes, ustensiles ; le terme « nouveau » est évidemment imprécis, mais il désigne ce qui n’était pas présent en cuisine, en France et dans les pays d’Occident, avant les années 1980.
D’autre part, je suis surpris que votre définition utilise un « basé sur », qui, bien qu’admis, choque des puristes qui préféreraient un « fondé sur ».
Ce n’est hélas pas tout : la cuisine moléculaire ne cherche pas à modifier « naturellement » la teneur moléculaire des aliments, expression qui n’a pas de sesn, car toute intervention humaine est artificielle, et non naturelle, par définition. Enfin, je crains que vos rédacteurs n’aient fait une confusion entre cuisine moléculaire, d’une part, et gastronomie moléculaire, d’autre part. Je préfère vous donner des définitions justes, pour une prochaine édition :

Gastronomie moléculaire : discipline scientifique, branche de la physico-chimie, qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires (introduite en 1988 par le physicien britannique Nicholas Kurti et par le chimiste français Hervé This).

Cuisine moléculaire : mode culinaire qui utilise les résultats de la gastronomie moléculaire, et contribue à rénover les techniques culinaires.




Croyez, Monsieur le Directeur, à mes sentiments distingués.

samedi 26 septembre 2009

Un texte de l'Humanité qui n'a pas été publié

Dernier document préparé pour l'Humanité, mais le nombre de jours dans la semaine étant inférieur à mon énergie (si l'on peut dire), il n'a pas fait l'objet d'une publication.

Pour autant, je ne crois pas qu'il soit indigne :



Dans cette satire sociale et politique que sont les Voyages de Gulliver, l’écrivain irlandais Jonathan Swift montre deux peuples qui s’affrontent pour savoir par quel bout on doit ouvrir un œuf dur : les gros boutistes luttent à mort contre les petit boutistes.
Est-ce bien raisonnable ? Les études historiques montrent que, trop souvent, les combats pour des vétilles alimentaires de ce type sont un rejet de l’ « étranger ». Pour les Grecs, les barbares étaient ceux qui ne mangeaient pas comme les Grecs, et, bien souvent, les conquérants se hâtaient d’imposer aux vaincus leurs façons de table. Doit-on mettre les mains sur la table ? sous la table ? est-il supportable de poser le pain à l’envers ? doit-on rompre le pain ou le couper ? Se comporter d’une certaine façon, à table, c’est montrer la culture à laquelle on appartient… et c’est souvent être enfant.
Pourquoi certains mangent-ils des fromages qui sentent les excréments (mais à la saveur subtile) et redoutent-ils l’odeur des durians, ces fruits asiatiques… à l’odeur d’excrément et à la saveur douce ? Pourquoi certains sont-ils rebutés par la consommation de cuisses de grenouilles alors qu’à la crème, avec du vin blanc, un peu de persil, une pointe d’ail, hmmmm…
En réalité, nous gagnerions à comprendre que, comme les singes (et l’on découvre que ces derniers ont des cultures alimentaires !), nous sommes à la fois protégés et affligés par un réflexe nommé « néophobie alimentaire » : nous ne mangeons pas ce que nous ne connaissons pas… et c’est dans l’enfance, depuis le stade fœtal, que nous apprenons ce qui est « bon ». Voilà pourquoi les grands chefs ne peuvent pas lutter contre la cuisine de la grand-mère : toutes leurs innovations ne vaudront pas, biologiquement, ce que nous avons appris à reconnaître comme comestible.
Du coup, nous aurons beaucoup de difficultés à manger comme l’ « autre », nous aurons beaucoup de difficultés à comprendre comment il peut se laisser aller à manger ces choses « immangeables ».La cuisine sépare.
Pourtant, regardons-y mieux, avec l’œil technique. Quelle différence entre un tajine et une braisé bien conduit (« cendre dessus et dessous ») ? Dans les deux cas, il s’agit d’une cuisson longue et lente. Dans les deux cas, on cuit de la viande, afin de lui donner du goût, de tuer les micro-organismes et parasites qui l’infestent, on modifie la consistance pour la rendre fondante. D’ailleurs, l’analyse technique peut réconcilier les Anciens et les Modernes : au fond, la cuisson « à basse température », sous vide ou non, si en vogue aujourd’hui dans les restaurants les plus en pointe, n’est que du braisage bien conduit. Correctement conduit, avec des matériels autrement plus appropriés que le feu, et ses cendres ou braises à la température quasi incontrôlable.
D’accord, on y perd en poésie, la nostalgie de l’enfance en prend un coup… Quoi que : si l’on va au clair de lune avec son amoureuse ou son amoureux, est-on moins amoureux quand on sait pourquoi la lune brille ?
Allons, réconcilions-nous à table. Vive la connaissance !