Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 5 août 2015
Le naturel ?
Contestable ? Entorse ? Oui, car est "naturel", en français, ce qui n'a pas fait l'objet d'une transformation par l'être humain. Nos aliments ne sont pas naturels, car ils ont été cuisinés. Et très peu de nos ingrédients alimentaires sont naturels, car même le sel, tiré de la mer ou des mines, a été extrait, purifié, raffiné. On ignore souvent que le sel est amendé avec de l'iode, par exemple, ou que nos fruits et légumes, qui semblent pousser tout seuls, ont en réalité été sélectionnés depuis des générations. Les arbres ont été greffés, la sélection a opéré, et nos pommes modernes n'ont plus rien des pommes sauvages, ni les carottes des carottes sauvages.
Bref, nous ne mangeons pas de produits naturels, et c'est une étrange idée que de le croire. Mais c'est un fait que même des individus qui savent lire, écrire et compter, parlent de produits naturels.
Récemment, lors de l'enregistrement d'une émission de télévision, il m'est venu qu'il est facile de montrer à nos interlocuteurs leurs contradictions. Cela s'est passé alors que je discutais avec une journaliste qui avait prononcé le mot "naturel". Naturel ? Je lui demandai d'abord si le sucre était naturel, et elle tomba dans le piège, puisqu'elle répondit que oui. Les protéines du lait ? Oui, l'acide tartrique, lequel est au fond des bouteilles de vin blanc ? Oui. L'huile ? Oui... Alors le "faux fromage" qu'elle voulait "dénoncer" était naturel, puisqu'il était fait de ces matières (j'abrège la liste et la démonstration).
Par la même technique, à peu près tous nos aliments sont naturels, sauf quand certains ingrédients ont été synthétisés, telle la vanilline des "vanilles artificielles".
Mais nous sommes bien d'accord : ce n'est pas charitable d'agir comme je le fais ! Et il n'est pas juste de dire que nos aliments sont naturels : en réalité, ils sont tous parfaitement artificiels, parce qu'ils ont été préparés. Et des cuisiniers qui parleraient d'une cuisine naturelle seraient dans l'erreur, même si le Michelin leur a donné des étoiles !
vendredi 14 juin 2013
Luttons contre les indications déloyales sur les emballages des aliments
samedi 20 juillet 2013
Vive la loyauté !
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vendredi 15 août 2014
Naturel ? Du commerce !
The word “natural” helps sell $40 billion worth of food in the U.S. every year—and the label means nothing
Je traduis : rien ne fait autant vendre aux Américains que le mot fabuleusement ambigu "naturel". Parmi les 35 propositions santé ou alimentation, il y a des mots tels que "naturel", "bio", "sans graisse", "écologiquement responsable"... Ces indications permettent de vendre pour plus 377 milliards de dollars d'articles aux Etats-Unis, pour la seule dernière année (source Nielsen).
L'industrie alimentaire américaine vend pour 41 milliards de dollars, chaque année, d'aliments dont l'étiquetage porte ce mot, et le mot n'a pas de définition par la Food and Drug Administration. Cette dernière indique sur son site : "D'un point de vue scientifique, il est difficile de définir un produit "naturel", parce que l'aliment a certainement été transformé, et qu'il n'est plus le produit de la terre.
Bref, tous les pays reconnaissent que l'industrie alimentaire ne fait pas bien, de ce point de vue.
Il faut le dire : aucun aliment n'est naturel !
vendredi 15 septembre 2023
L'ordre naturel des choses ?
Lors de la messe dite pour un ami défunt, le prêtre évoque le fait que le défunt a eu la douleur de perdre un enfant. Je comprends la douleur.
Mais il ajoute que la perte d'un enfant n'est pas dans l' "ordre naturel des choses". L'ordre naturel des choses ? Cela me semble bien discutable, car cet ordre naturel des choses, factuellement, c'est que les humains meurent, à des moments aléatoires. Certes, on meurt généralement quand on est vieux, mais les statistiques font mourir à la naissance, à l'adolescence, à tout moment
L'ordre naturel des chose, ce sont les catastrophes naturelles, la pluie, le vent, la bourrasque, la tempête, l'inondation, l'éruption du volcan, la peste, le choléra, et tout ce qui vient mettre un terme à la vie humaine, trop abondant pour qu'on puisse l'énumérer.
mercredi 28 août 2024
Au naturel : pardon je suis taquin
Je passe devant une pharmacie qui se dit "au naturel" et je ne peux
m'empêcher de rigoler de cette malhonnêteté.
Je rappelle que, en français, est naturel ce qui ne fait pas l'objet d'une transformation par l'être humain, et est artificiel là où l'humain intervient.
Soigner ? Cela ne se fait pas spontanément et il faut au contraire beaucoup de connaissances pour arriver à faire mieux que nos ancêtres des siècles passés.
Arracher une
dent au naturel : je vais écrire au pharmacien pour le
lui proposer personnellement.
mercredi 28 juillet 2010
Je vais encore perdre des amis!
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Que pensez vous des produits bio ?
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Et je me suis laissé aller!!!
Tout avait pourtant bien commencé, puisque ma réponse était :
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En réalité, la question est piégée, car, comme d'ailleurs pour les OGM, il y a 4 cas de figure :
- soit les produits bio vous plaisent et à moi aussi
- soit l'idée vous déplait et moi aussi
- soit ils vous déplaisent et me plaisent
- soit ils vous plaisent et me déplaisent.
Dans les deux premiers cas, inutile de répondre
Dans les deux autres, ma réponse ne convainc pas, et je perds un ami!
Faut-il alors que je réponde?
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Mais je n'ai pas pu m'empêcher d'ajouter :
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Ce que je peux dire : pour une thèse au laboratoire, nous avions acheté des haricots verts bio rue Mouffetard, près du laboratoire (une fortune!!!!!!!).
Quand nous avons analysé le contenu en pigments, nous avons vu qu'ils étaient très dégradés... contrairement à des haricots en boite!
Rien d'étonnant : les haricots verts attendent parfois sur les marchés (et les chlorophylles se dégradent), alors qu'ils sont mis en boite directement sur le champ.
D'autre part, pour ls haricots verts, on sait bien dans les campagnes que seule la première pousse est vraiment excellente. Le label bio ne dit rien de cela!
Enfin, la certification ne spécifie pas des tas de choses : la qualité des sols, etc.
Quand je vois des vins "bio" qui sont soufrés au soufre des volcans, également, je suis effaré... car ce soufre impur (bien que "naturel" : mot attrappe gogo) contient de l'arsenic, qui, en brûlant, fait un poison très violent!
Et j'en passe : mon ami Gérard Pascal, le Monsieur Propre de l'Alimentation, vendu à personne, et excellent scientifique, vient de faire une synthèse des articles scientifiques qui ont étudié les éventuels intérêts du bio. C'est dramatique, et je tiens le document à la disposition de ceux qui veulent... mais j'avais moi même fait écho de plusieurs articles sur ce thème dans la revue Pour la Science (rubrique "Science & Gastronomie, chaque mois).
Par curiosité, je viens d'aller y voir de plus près, à propos de la vraie définition du bio... et je suis tombé sur un site intitulé "L'intelligence verte" (tandencieux), où je lis :
"C'est un produit d’origine agricole qui ne contient pas d’élément chimique de synthèse. On pourrait l’appeler produit naturel comme les cultivaient nos ancêtres avant l’apparition de l’agriculture industrielle et de l’industrie agroalimentaire."
Ici, je récuse la phrase, car même si la méthode de culture est analogue à celle de nos ancêtres, le produit n'est pas naturel : je rappelle que les carottes, navets, pommes, etc. sont sélectionnés depuis des millénaires ; rien à voir entre une carotte naturelle, mince tige dure, et la carotte d'aujourd'hui, pas naturelle du tout. Je rappelle que "naturel" signifie "sans intervention humaine". D'ailleurs, la cuisine n'est absolument pas naturelle : des frites sont porées à 200°C! les viandes sont grillées, etc., ce qui met en oeuvre une foule de réactions "chimiques".
Et puis... "pas d'élément chimique de synthèse"... Cela semble dire que les composés de synthèse (le mot "élément chimique" est mal utilisé) sont mauvais, et les composés naturels bons? Cela est faux : de l'eau de synthèse serait très bien, mais la cigüe est un poison violent, la muscade contient de la myristicine très toxique, etc. Donc cessons de penser que les produits de synthèse sont mauvais, et les produits naturels bons : ce serait très naïf... pour ne pas dire plus.
La culture de nos ancêtres : parlons-en! Les sols de vigne sont chargés de cuivre pour des siècles, parce que nos pauvres ancêtres, pour protéger la vigne, ont utilisé des quantités considérables de sulfate de cuivre! Et ce n'est qu'un exemple. Ici, ce qui est condamnable, c'est l'idée selon laquelle "c'était mieux avant". Mieux avant, alors que l'espérance de vie augmente régulièrement d'un quart d'année tous les ans? Mieux avant, quand on mourait donc à 30 ans (la peste, le choléra, la grippe, même, puisqu'il n'y avait pas d'antibiotiques)? Mieux avant, quand les femmes mouraient en couches, et les enfants en bas age? Mieux avant, quand on s'éclairait à la bougie, qu'on se chauffait au feu, lequel noircissait les fermes... et les poumons, d'où des cancers du poumon? Mieux avant, quand le monde s'émerveillait de l'invention de la conserve? Mieux avant, quand ... Allons, pas d'âge d'or!
Continuons notre lecture :
"Le label agriculture biologique
Le mot « bio » est un label défini par le ministère de l’agriculture français puis par la communauté européenne. Il signifie que les produits que nous mangeons ou utilisons ne contiennent aucun élément chimique de synthèse fabriqué par l’homme. Les produits bio sont cultivés, fabriqués de manière naturelle ; l’intervention de l’homme est une collaboration avec la nature dans la combinaison des éléments de celle-ci ( engrais vert - rotations - plantes compagnes - ennemis naturels des parasites - ... )"
Label : oui, c'est un label. Mais le second paragraphe est idiot "fabriqué de manière naturelle", c'est contradictoire!
L'intervention de l'homme serait une collaboration avec la nature? Mais les engrais, les pesticides, etc. sont aussi une collaboration avec la nature...
Mais, en écrivant tout cela, je vois que je vais trop loin... et que je vais perdre tous mes amis qui croient à la bonne nature! Au moins, je pourrai me regarder dans la glace demain matin : j'aurais fait mon métier, qui est celui d'agent de l'Etat. Je ne suis pas payé, en effet, pour dire le contraire de la vérité!
D'ailleurs, je dois ajouter que mes observations ne justifient pas les pratiques fautives. Par exemple, parce que les utilisateurs de poudre à laver en mettent toujours trop, les industriels ont été obligés, pour "respecter la nature", d'ajouter des charges inertes. Ne serait-il pas plus simple de mettre moins de poudre, de suivre les recommandations de doses?
En cuisine, de même, on est obligé de brider les friteuses parce qu'elles étaient à l'origine d'accidents. Ne serait-il pas plus simple d'apprendre à utiliser les bains d'huile, tout comme on apprend à utiliser des couteaux?
Au total, bio ou pas bio, je trouve que nous marchons sur la tête, trop souvent. Nous marchons sur la tête quand nous prenons notre voiture alors que nous pourrions prendre un vélo ; nous marchons sur la tête quand nous utilisons du cuivre toxique pour faire des confitures ; nous marchons sur la tête quand nous faisons des barbecues... qui déposent sur les viandes des benzopyrènes toxiques ; nous marchons sur la tête... chaque fois que nous ignorons ce que nous faisons, parce que c'est une grave erreur de croire que nos ancêtres, ignorants, avaient de "bonnes pratiques" culinaires.
Il est urgent que, dans les écoles, nous réintroduisions de l'économie domestique, et aussi de la cuisine. Etre citoyen, ce n'est pas acheter du bio, mais d'abord savoir qu'une plaque chauffante, quand ce n'est pas de l'induction, gaspille jusqu'à 80 pour cent de l'énergie!!!!!!!!!!!!!!!! De l'énergie qui a coûté à produire, que l'on paye... et que l'on gâche?
Oui, il est temps que l'Education nationale remette ces questions au coeur de l'enseignement, dès l'école. Il est temps que l'on enseigne la chimie en montrant que cette science est merveilleuse, et que sa compréhension nous aide à ne pas faire n'importe quoi... comme le faisaient nos pauvres ancêtres, qui vivaient hélas pour eux bien empiriquement.
Tout ne va pas bien aujourd'hui... mais est-on bien sûr que ça allait mieux hier?
Allons : au lieu de perdre du temps à ces débats, pensons plutôt à demain. Comment laisser un monde meilleur à nos enfants? Comment améliorer la cuisine (personne ne parviendra à me persuader qu'elle soit dans un état parfait!)?
Vive la connaissance, surtout quand elle est bien utilisée!
mercredi 1 septembre 2010
Le bon naturel rebondit très haut!
Le livre de cuisine de Jacques Médecin, La bonne cuisine du Comté de Nice, aux éditions Solar, comporte une préface où l'auteur ne fait pas preuve de modestie... mais ce n'est pas le point important ici.
Ce qui est "merveilleux", de naïveté, c'est la recette de purée de poisson salés (lou pissala) qui est donnée page 236. Les ingrédients en sont :
2 kg de palaïa (blanchaille de sardines et d'anchois)
500 g de sel mélangé à 15 g de cinabre (facultatif)
Clous de girofle
Laurier
Thym
Poivre en grains
Huile d'olive.
Oui, vous avez bien lu : 15 g de cinabre !
Les chimistes, à cette évocation, ont crié à l'empoisonnement, mais les autres, bercés par la bonne tradition niçoise, sont prêts à s'exécuter, à mêler le cinabre au sel.
Le cinabre ? C'est un sulfure de mercure. Or le mercure est un élément d'une grande toxicité. De fait, la présence de mercure libre dans le minerai de cinabre lui confère une toxicité indéniable.
Pline l’Ancien considère que cette substance est un poison et déclare aventureux tout ce que l’on rapporte sur son emploi en médecine, il précise que l’on doit éviter qu’il pénètre dans les viscères ou touche une plaie (PLINE, HN, XXXIII; 42) : « ...De plus, le cinnabaris est excellent comme contre-poison et comme remède. Qu'arrive-t-il ? nos médecins y substituent le minium qui est un véritable poison, comme nous le démontrerons plus tard... »
Certes, le minium est, lui, un oxyde de plomb, lequel provoque la maladie nommée saturnisme.
Certes, le cinabre est "naturel", puisqu'il est un minerai... et c'est, à ce titre, un "don de dieu" (je réponds ainsi indirectement à une catholique fervente qui voyait l'artificiel comme mauvais, mais le naturel bon). Mais il s'accumule dans le rein, et le mercure est si toxique qu'un cuisinier qui en recommanderait l'usage pourrait sans doute être poursuivi pour empoisonnement !
Le "bon" naturel, disent-ils ? La "bonne" cuisine traditionnelle ?
Référence :
Liu J, Shi JZ, Yu LM, Goyer RA, Waalkes MP. 2008. Mercury in traditional medicines: Is cinnabar toxicologically similar to common mercurials?, Exp Biol Med (Maywood), 233(7), 810–817. doi:10.3181/0712-MR-336.
dimanche 13 janvier 2019
Je vous présente l'acide oxalique
Ici, puisque je dois présenter l'acide oxalique, je propose de commenter l'article wikipedia français.
L'acide oxalique de structure HOOC-COOH, est l'acide éthanedioïque d'après la nomenclature officielle.
Oui, il existe une organisation internationale de nomenclature, avec un "Gold book", que l'on trouve en ligne : l'IUPAC. N'hésitez pas à le consulter, en cas de doute.
C'est le plus simple des acides dicarboxyliques aliphatiques : oui.
Le produit commercial est un dihydrate, HOOC-COOH,2H2O.
Pas de problème, mais cela doit alerter les élèves et étudiants qui doivent calculer, dans des exercices où figurent l'acide oxalique : il faut tenir compte de la masse de l'eau.
Grâce à la liaison entre les deux groupes carboxyles, il est l'un des acides organiques les plus utilisés (pKA1 = 1,27 et pKA2 = 4,27) car il se décompose facilement en gaz (CO2, CO). Les anions de l'acide oxalique ainsi que les sels et esters sont connus sous le nom d'oxalates.
Moi, j'aurais dit "groupes acide carboxylique", mais j'observe avec intérêt et approbation que cet article parle de groupe (ce qui est juste) et non de "groupement" (ce qui serait mauvais).
Encore appelé sel d'oseille, on le trouve à l'état naturel sous forme d'oxalate de potassium ou de calcium dans les racines et rhizomes de nombreuses plantes telles que l'oseille, la rhubarbe, la betterave et les plantes de la famille des oxalis.
Absolument. Et il est alors "naturel".
Le terme oxalis, d'origine grecque, signifie oseille.
Le composé chimique pur est isolé en 1776 par le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele à partir d'oseille ou de rhubarbe, par une méthode analogue à celle qu'il a déjà utilisée pour extraire d'autres acides. En 1784 il démontre qu'il s'agit du même acide que celui qu'on appelait alors acide du sucre ou acide saccharin.
Et là, c'est merveilleux, on a même des références !
Friedrich Wöhler synthétise l'acide oxalique en 1824. Cette première synthèse chimique d'un produit naturel (j'aurais écrit reproduction d'un produit naturel par synthèse chimique), est une étape essentielle vers l'abandon des doctrines vitalistes, qui séparaient autrefois le règne minéral du règne végétal ou animal.
Hélas, ces théories ont encore largement cours ! Et je ne crois pas que nous soyons si près de les éradiquer !
L'oxydation des glucides les plus communs, en particulier l'amidon, voire la sciure de bois, donne l'acide oxalique, qui était souvent transformé autrefois sous forme de sels de potassium, d'où le nom de sel d'oseille. Les différents procédés d'autrefois comportaient la fusion alcaline de la cellulose. On pouvait aussi obtenir l'acide oxalique avec le monoxyde de carbone et la soude à 300 °C. Un autre procédé équivalent consiste à chauffer le formiate de sodium.
RAS
L'acide oxalique et les oxalates sont des substances toxiques au-delà d'une certaine dose, mais présentes dans de nombreuses plantes (produit terminal du métabolisme de l'acide ascorbique et de l'acide glyoxylique)18,19, dont :
# le cacao et donc le chocolat
# les noix
# les noisettes
# les baies
# les fraises
# les agrumes
# la carambole
# la rhubarbe
# les épinards
# le céleri
# la carotte
# les blettes
# certaines salades, comme la roquette
# d'autres chénopodiacées
# les figues sèches
# les groseilles
# les framboises
# les prunes
# quelques produits à base de soja
# le thé
# le café lyophilisé
# le son (dans le pain gris)
# certaines graines dont :
# les haricots verts
# les haricots secs
# l'oseille
#
# Plante Acide oxalique
# (mg/100 g, masse sèche)
# cladodes de platyopuntia 13 000
# Feuilles de betterave >12 000
# Cacao 4500
# Thé 3700
# Épinards 460 – 3200
# Rhubarbe 500 – 2400
# Blette 690
# Oseille 300 – 500
# Betterave 340
# Persil 190
L'acide oxalique est un solide cristallin, incolore et inodore. La forme dihydratée translucide (poudre blanche) est soluble dans l'eau, soit 12,5 % en masse à 25 °C. Il présente une faible solubilité dans les solvants organiques. La forme anhydre est très soluble dans l'alcool, très peu dans l'éther, et insoluble dans le benzène et le chloroforme.
Tout cela va bien, avec références
Toxicité et biologie
L'acide oxalique provoque des irritations locales importantes : l'absorption aisée par les muqueuses et la peau provoque des troubles de la circulation sanguine et des dommages rénaux.
Oui, mais tout est une question de dose ! Ne nous effrayons pas inutilement !
Cet acide peut irriter la voie œsophagienne ou gastrique lors de son ingestion et provoquer des dommages rénaux (calculs, oligurie, albuminurie, hématurie).Il est mortel à forte dose ; chez l'humain, la dose orale LDLo (lowest published lethal dose) est de 600 mg/kg.
Il faut quand même observer que 600 mg/kg, c'est beaucoup ! L'eau aussi, est mortelle, à haute dose !
Les individus en bonne santé peuvent sans problème manger des aliments contenant de l'acide oxalique ou des oxalates, mais on recommande aux personnes atteintes de certains types de calcul rénaux, de goutte ou d'arthrite d'éviter leur consommation.
À cause de sa capacité à se lier à certains minéraux tels que le calcium, le fer, le sodium, le potassium ou le magnésium, la consommation d'aliments à forte dose en acide oxalique peut provoquer des carences alimentaires.
C'est exact.
Bref, beaucoup de choses excellentes, dans cet article... et des références pour aller plus loin !
vendredi 22 mai 2009
Les questions du jour
Il se dit beaucoup de bêtises à propos de la cuisine moléculaire. Par exemple, certains disent que toute cuisine est moléculaire, puisque les aliments sont tous faits de molécules. C'est méconnaître ce qui a été nommé « cuisine moléculaire » vers 2001. À l'époque, le monde confondait la science nommée gastronomie moléculaire et ses applications en cuisine. Pour bien distinguer la science, qui produit des connaissances, et la cuisine, qui produit des mets, l'expression "cuisine moléculaire" a été introduite. Elle ne signifie évidemment pas que l'on cuisine avec des molécules, puisque toute cuisine se fait ainsi. Sa vraie définition est : une cuisine qui utilise de nouveaux ustensiles, de nouveaux ingrédients, de nouvelles méthodes.
Par exemple, le monde culinaire "clarifie" les bouillons, ce qui signifie que l'on cherche à produire des liquides parfaitement limpides à partir de bouillons de viande qui sont troubles. À cette fin, la cuisine classique utilise des blancs d'œufs qu'elle fouette et qu'elle chauffe avec les bouillons. C'est du gâchis, puisque des filtres de laboratoire permettent de clarifier les bouillons mieux que le procédé classique, et sans gâcher de blancs d'œufs. Un exemple d'ingrédients « nouveaux » : la gélatine est utilisée comme gélifiant, par exemple dans les bavarois, depuis longtemps. Toutefois, de nombreuses populations, notamment en Asie, utilisent des gélifiants extraits des algues. D'ailleurs, la Bretagne connaît bien l'utilisation de tels gélifiants. Ces gélifiants sont « nouveaux » en cuisine, mais évidemment pas dans d'autres champs, telles la cosmétique ou l'Asie.
De nouvelles méthodes ? Le « chocolat Chantilly » introduit dès 1995, est une façon d'obtenir des mousses aux chocolat sans blancs d'œufs. On voit sur cet exemple que la question n'est pas de faire de la cuisine pour riches, mais, au contraire, de se préoccuper d'économie domestique. C'est cela, la cuisine moléculaire.
Rien à voir donc avec une « cuisine chimique »... qui d'ailleurs ne peut pas exister, car qu'est-ce qu'un "produit chimique" ? L'eau est-elle un produit chimique ? On l'utilise en cuisine, mais on l'utilise aussi dans les laboratoires de chimie. Pour autant, c'est toujours de l'eau, et ainsi de suite avec de nombreux autres composés : gélatine, acide tartrique, vitamine C, éthanol... A la réflexion, on ne devrait nommer « produits chimiques » que des produits qui sont utilisés par des chimistes. Rien à voir avec les « composés », qui, eux, peuvent être utilisé ou non par les cuisiniers. Il faut dire avec force que la chimie est une science et que, de ce fait, elle ne pourra jamais être en cuisine. En effet, la science produit des connaissances, tandis que la cuisine produit des mets. On ne mettra pas des connaissances dans les assiettes, mais des mets, qui auront été préparé par les cuisiniers.
La confusion résulte sans doute de l’usage souvent inapproprié du mot « naturel ». Est naturel ce qui est présent dans la nature. De ce fait, aucun de nos aliments n'est naturel, et il faut combattre un certain marketing industriel, auquel nous devrions refuser le droit d'utiliser le mot "naturel".
Quelle cuisine appréciez-vous personnellement ?
Amusant : la question a fait l'objet d'une discussion avec mes enfants, hier soir. Nous regardions un livre de cuisine de 1995, et nous étions étonnés de voir combien les recettes ressemblaient à celles des siècles passés. Tous les arts ont évolué, mais la cuisine était restée immuable, avant la cuisine moléculaire. Les mêmes poulets rôtis, les mêmes cassoulets, les mêmes poulardes farcies... Pourtant, il y a de la place pour le changement, cuisine moléculaire ou pas. Une préparation que j'apprécie ? Tout dépend de l'humeur, de l'heure de la journée, de la saison, de l'exercice physique que j'ai fait au nom, de l'activité que j'ai eue... Et puis, la cuisine n'est-elle pas d'abord de l'amour, avant d'être de l'art et de la technique ?
A côté de cuisines très modernes, surprenantes, j’adore la galette bretonne, complète, avec un bon jambon, avec un fromage qui ait du goût, suffisamment cuite, croustillante en surface et tendre plus au centre... Quel bonheur ! Une huître nature, une de ces toutes petites huîtres au goût de noisette... Une tranche de ce pain très noir de Fouesnant avec un peu de bon beurre salé, une goutte de citron... Quel bonheur ! A la réflexion, je ne suis pas délicat :je veux tout, le classique et le moléculaire à la fois.
La cuisine moléculaire est-elle un effet de mode ?
Oui, il ne se passe pas une journée sans qu'Internet ne nous révèle de nouvelles productions de cuisine moléculaire par un chef chinois, japonais, espagnol, russe... C'est un fait que la cuisine moléculaire est à la mode. C'est un fait aussi que Ferran Adria, en Espagne, est un cuisinier qui travaille dur et intelligemment : il n'est pas donc étonnant que ses productions soient tout à fait remarquables, éblouissantes. Est-ce de la cuisine ? Si l'on nomme cuisine l'activité qui consiste à produire des mets, alors sans hésiter, c'est de la cuisine. Est-ce une mode ? Certainement, mais il faut savoir que les modes passent. Depuis 1994, je ne cesse de me demander quel mode nouvelle succédera à la cuisine moléculaire. Et c'est ainsi que j'ai proposé le constructivisme culinaire, où il s'agit, en élaborant les mets, d'obtenir des sensations sur mesure. J'ai aussi proposé la cuisine « note à note », qui consiste à faire usage de composés pour élaborer les mets. Au-delà des modes, ces chantiers sont merveilleux parce que ce sont des invitations à travailler. En cuisine, il en va comme en littérature : l'écrivain est quelqu'un qui ne trouve pas ses mots, alors il cherche et il trouve mieux.
Travaillez-vous avec de grands chefs ?
Pierre Gagnaire est mon ami. Chaque mois, je produis « pour lui » une invention, une innovation, que je lui donne, et qu'il doit mettre sur son site Internet à la disposition de tous, gratuitement, accompagnée de recettes qui mettent en œuvre l'invention.
Autrement dit, c'est pour le monde entier de la cuisine que je travaille, et non pas seulement pour Pierre Gagnaire ou pour quelques chefs choisis. En réalité, depuis le 23 mars 1980, je ne cesse de travailler pour tout ceux qui cuisinent, à la maison, dans les restaurants, et pourquoi pas aussi dans l'industrie alimentaire. Aujourd'hui, agent de l'État (puisque je suis payé par l'INRA), je dois mon travail à la population française qui paye mon salaire et fait fonctionner mon laboratoire. Évidemment, je cherche de toutes mes forces à contribuer au développement du tourisme, au bon fonctionnement de l'industrie alimentaire, mais surtout, à l'économie domestique, pour chacun d'entre nous. Le chocolat Chantilly déjà évoqué est une façon de ne pas gaspiller inutilement des blancs d'œufs pour faire des mousses chocolat. Ce n'est qu'un exemple ; j'espère qu'il permet de comprendre que toute personne qui cuisine est mon souci essentiel.
mercredi 18 décembre 2013
Pardon, mais je me suis emporté !
Pardon, mais ce matin, j'ai essayé de bien expliquer les choses : luttons !
18 décembre 2013 : Dénonçons la malhonnêteté du « naturewashing »
L'industrie alimentaire doit vendre, et les citoyens ne sont pas naïfs au point de l'ignorer : ils se méfient. La publicité vient matraquer des messages, mais la presse ajoute sa voix au dialogue, en dénonçant des pratiques parfois contestables.
Ces temps-ci, les services de marketing ont une nouvelle idée, celle du « clean label » : dans les listes d'ingrédients, ils cherchent à éviter les ingrédients que la réglementation a classé dans la liste des E : E pour « européen ». Comme il est interdit de ne pas signaler ces produits, certains industriels cherchent à ne pas employer les ingrédients de cette liste.
Et, comme on n'utilise pas ces ingrédients pour le plaisir, mais parce qu'ils ont des fonctions (épaissir, comme le fait la farine dans une sauce ; colorer comme le fait le safran dans une paëlla ; conserver, comme le vinaigre dans les cornichons...), ces industriels cherchent à remplacer les ingrédients en E par des ingrédients « naturels ».
Par exemple, le Centre technique de la conservation des produits agricoles (CTPCA) écrit que « la réduction des additifs est une attente des consommateurs pour des produits plus naturels ». En conséquence, il propose à ses adhérents de « substituer des additifs par des ingrédients naturels à fonctionnalité spécifique », tels l’huile de romarin ou l’extrait de céleri comme conservateurs, des anthocyanes des végétaux comme colorants naturels, des extraits de thé vert comme antioxydants...
C'est pur mensonge ! L'huile de romarin, que l'on extrait du romarin par une étape d'extraction, n'est pas plus naturelle que du dioxyde de soufre, que l'on obtiendrait en brûlant du soufre ramassé sur les flans d'un volcan, par exemple, et le sel, que l'on obtient dans des marais salants ou dans des mines, n'est pas moins ni plus naturel. D'ailleurs, comment mesurerait-on le degré de naturel ?
Et c'est ainsi que l'on en vient à parler, très mensongèrement, de « clean label » ! Par exemple, en février 2012, la revue Process, qui donne une idée de l'industrie alimentaire, avait un article dont le titre était : « Salon CFIA : le plein de nouveautés clean label. »
Et c'est vrai que de nombreuses industries cherchent à « faire naturel »... notamment afin de communiquer sur ce thème ! Considérons, par exemple, les farines « fonctionnelles » du groupe Limagrain obtenues par traitement des farines de blé par la chaleur : certes, on obtient ainsi de bonnes capacités de liaison et de texturation, mais on ne me fera pas croire que ces farines sont « naturelles » ! D'ailleurs, le blé est une plante très artificielle, qui a été obtenue après de longs siècles de sélection (artificielle, donc). Et la farine a été obtenue après (1) culture ; (2) récolte ; (3) mouture : naturelle ? Non, au moins trois fois non !
Dans la pratique, que l'on me comprenne bien, je n'ai rien contre ces farines fonctionnelles, ou d'autres produits du même type, mais le remplacement des additifs classiques (amidons chimiquement modifiés, hydrocolloïdes) par ces farines n'est-il pas pure communication ?
Et puis, méfions-nous des solutions « vertes » : je suis heureux de faire état d'un appel à l'aide, hier, par une journaliste dont le plafond puait, parce qu'il avait été peint avec une peinture « verte », à la caséine : dans un endroit un peu humide, les micro-organismes qui se trouvent dans les bonnes conditions de température faisaient pourrir la peinture (je lui ai recommandé de poncer, de traiter à l'eau de Javel, et de repeindre avec une bonne peinture de synthèse... inventée précisément pour éviter ce genre de désagrément).
Des fibres de peau d’orange comme rétenteur et stabilisateur d’eau ? Pourquoi pas. Des fibres isolées du blé ou du lupin pour optimiser la texture de la viande hachée et des saucisses ? Pourquoi pas, mais quel nom donner aux produits ? Pardon, je me reprends : quel nom honnête ? Des protéines laitières pour la charcuterie ? Pourquoi pas, mais est-ce encore de la charcuterie ? Des fonds de sauce obtenus par cuisson, puis réduction de matières premières « naturelles » (viandes, légumes, produits de la mer) : pourquoi pas, si les conditions de conservation s'y prêtent.
Plus généralement, la tendance à plus de sécurité alimentaire ne peut être critiquée : ce serait idiot de le faire. En revanche, il faut de l'honnêteté, non ?
Ce qui pose problème, c'est que du « clean label » au « greenwashing » (ou écoblanchiment) ou, pire, au « naturewashing », il n’y a qu’un pas que certaines entreprises n’hésitent pas à faire. Le greenwashing est un procédé marketing que des entreprises utilisent pour se donner une image (seulement une image : ne confondons pas avec la réalité) écologique et responsable. Toutefois l'objectif est toujours le même : « par ici mes belles oranges pas chêres ! ». L’objectif est de promouvoir une marque ou un produit en mettant en avant des pratiques écologiques qui ne sont guère significatives. Il faut bien reconnnaître qu'il s'agit de manipulation marketing, et de mascarade écologique. Le « naturewashing », c’est la mise en œuvre de stratégies de communication pour faire croire que les méthodes de fabrication sont « traditionnelles » ou « naturelles ». C'est détourner le mot « naturel » de sa signification. Et, bien souvent, tout cela s'assortit de prix plus élevés : ne soyons pas naïfs !
mercredi 14 juin 2023
Green washing : ne soyons pas naïf
L'industrie alimentaire doit vendre, et les citoyens ne sont pas naïfs au point de l'ignorer : ils se méfient.
La publicité vient matraquer des messages, mais la presse ajoute sa voix au dialogue, en dénonçant des pratiques parfois contestables.
Ces temps-ci, les services de marketing ont une nouvelle idée, celle du « clean label » : dans les listes d'ingrédients effectivement employés pour la fabrication des produits alimentaires, ils cherchent à éviter les ingrédients que la réglementation a classés dans la liste des E : E pour « européen ».
Il s'agit de ce que l'on nomme les "additifs". Comme il est interdit de ne pas signaler ces produits, certains industriels cherchent à ne pas employer les ingrédients de cette liste.
Et, comme on n'utilise pas ces ingrédients pour le plaisir, mais parce qu'ils ont des fonctions (épaissir, comme le fait la farine dans une sauce ; colorer comme le fait le safran dans une paëlla ; conserver, comme le vinaigre dans les cornichons...), ces industriels cherchent à remplacer les ingrédients en E par des ingrédients « naturels ».
Par exemple, le Centre technique de la conservation des produits agricoles (CTPCA) écrit que « la réduction des additifs est une attente des consommateurs pour des produits plus naturels ». En conséquence, il propose à ses adhérents de « substituer des additifs par des ingrédients naturels à fonctionnalité spécifique », tels l’huile de romarin ou l’extrait de céleri comme conservateurs, des anthocyanes des végétaux comme colorants naturels, des extraits de thé vert comme antioxydants...
C'est pur mensonge ! L'huile de romarin, que l'on extrait du romarin par une étape d'extraction, n'est pas plus naturelle que du dioxyde de soufre, que l'on obtiendrait en brûlant du soufre ramassé sur les flans d'un volcan, par exemple, et le sel, que l'on obtient dans des marais salants ou dans des mines, n'est pas moins ni plus naturel. D'ailleurs, comment mesurerait-on le degré de naturel ?
Et c'est ainsi que l'on en vient à parler, très mensongèrement, de « clean label » ! Par exemple, en février 2012, la revue P***s, qui donne une idée de l'industrie alimentaire, avait un article dont le titre était : « Salon CFIA : le plein de nouveautés clean label. » Et c'est vrai que de nombreuses industries cherchent à « faire naturel »... notamment afin de communiquer sur ce thème !
Considérons, par exemple, les farines « fonctionnelles » du groupe L***n obtenues par traitement des farines de blé par la chaleur : certes, on obtient ainsi de bonnes capacités de liaison et de texturation, mais on ne me fera pas croire que ces farines sont « naturelles » ! D'ailleurs, le blé est une plante très artificielle, qui a été obtenue après de longs siècles de sélection (artificielle, donc). Et la farine a été obtenue après (1) culture ; (2) récolte ; (3) mouture : naturelle ? Non, au moins trois fois non !
Dans la pratique, que l'on me comprenne bien, je n'ai rien contre ces farines fonctionnelles, ou d'autres produits du même type, mais le remplacement des additifs classiques (amidons chimiquement modifiés, hydrocolloïdes) par ces farines n'est-il pas pure communication ?
Et puis, méfions-nous des solutions « vertes » : je suis heureux de faire état d'un appel à l'aide, hier, par une journaliste dont le plafond puait, parce qu'il avait été peint avec une peinture « verte », à la caséine : dans un endroit un peu humide, les micro-organismes qui se trouvent dans les bonnes conditions de température faisaient pourrir la peinture (je lui ai recommandé de poncer, de traiter à l'eau de Javel, et de repeindre avec une bonne peinture de synthèse... inventée précisément pour éviter ce genre de désagrément).
Des fibres de peau d’orange comme rétenteur et stabilisateur d’eau ? Pourquoi pas. Des fibres isolées du blé ou du lupin pour optimiser la texture de la viande hachée et des saucisses ? Pourquoi pas, mais quel nom donner aux produits ? Pardon, je me reprends : quel nom honnête ? Des protéines laitières pour la charcuterie ? Pourquoi pas, mais est-ce encore de la charcuterie ? Des fonds de sauce obtenus par cuisson, puis réduction de matières premières « naturelles » (viandes, légumes, produits de la mer) : pourquoi pas, si les conditions de conservation s'y prêtent.
Plus généralement, la tendance à plus de sécurité alimentaire ne peut être critiquée : ce serait idiot de le faire. En revanche, il faut de l'honnêteté, non ? Ce qui pose problème, c'est que du « clean label » au « greenwashing » (ou écoblanchiment) ou, pire, au « naturewashing » (naturoblanchiment), il n’y a qu’un pas que certaines entreprises n’hésitent pas à faire. Le greenwashing est un procédé marketing que des entreprises utilisent pour se donner une image (seulement une image : ne confondons pas avec la réalité) écologique et responsable.
Toutefois l'objectif est toujours le même : « par ici mes belles oranges pas chêres ! ». L’objectif est de promouvoir une marque ou un produit en mettant en avant des pratiques écologiques qui ne sont guère significatives. Il faut bien reconnnaître qu'il s'agit de manipulation marketing, et de mascarade écologique. Le « naturewashing », c’est la mise en œuvre de stratégies de communication pour faire croire que les méthodes de fabrication sont « traditionnelles » ou « naturelles ». C'est détourner le mot « naturel » de sa signification. Et, bien souvent, tout cela s'assortit de prix plus élevés : ne soyons pas naïfs !
mardi 21 janvier 2020
J'ai répondu :
- Dans la cuisine traditionnelle, plusieurs allergies à différents produits ont été jusque-là recensés (allergie au gluten, au blanc d’oeuf, au lactose, etc..). Est-ce que de nouvelles allergies ont été trouvées après l’utilisation de la cuisine moléculaire, avec l’ajout des nouveaux types de produits tels que l'alginate de sodium, les gélifiants (agar-agar, carraghénanes)… ?
- Avez-vous été inspiré des différents procédés de cuisine des cultures des pays étrangers dans l’élaboration de vos recherches ?
- Selon vous la cuisine moléculaire pourrait-elle être une future mondialisation d’une méthode de travail culinaire ?
- La cuisine moléculaire intègre-t-elle le fait de préserver au maximum les valeurs nutritionnelles des aliments ? Et peut-elle répondre aussi bien que la cuisine traditionnelle aux besoins nutritionnels nécessaires au corps humain ?
- Comment l’usage de la cuisine moléculaire pourrait-il progresser au sein des foyers français ?
- Vos nouvelles méthodes pour cuisiner ont elles contribuées à l’élaboration de nouveaux ustensiles, avez-vous été contacté par des fabricants et peut-on encore aujourd’hui espérer voir du matériel révolutionnaire ?
- La cuisine moléculaire permet par exemple d’éviter les réactions de Maillard néfastes à la santé. Connaissez-vous d’autres effets de la cuisine traditionnelle mauvais pour la santé de l’Homme qui pourraient être évités grâce à la cuisine moléculaire ?
- J’ai remarqué en faisant quelques essais de recettes en cuisine moléculaire, qu’il fallait suivre la technique à la lettre, et être très strict et vigilent dans les quantités et les temps de cuisson donc avoir de la rigueur dans sa façon de travailler pour arriver à un travail satisfaisant (comme toute sciences d’ailleurs !). Vous parlez à juste titre de robustesse d’une recette. Alors que dans la cuisine traditionnelle, ce manque de rigueur ne fait moins barrière à un résultat satisfaisant, La cuisine traditionnelle semblerait donc laisser plus de liberté d’expression au niveau artistique à un cuisinier pour élaborer des recettes (je ne parle pas ici de la recherche de nouvelles recettes où là au contraire, une plus large palette de possibilités s’ouvre au cuisinier en cuisine moléculaire). Quel est votre avis sur le sujet ?
mercredi 23 août 2023
Jean Jaurès et le naturel
Un texte de Jean Jaurès, pour ceux qui ne l'ont pas eu en mains :
Le Blé
N’est-ce pas l’homme aussi qui a créé le blé ?
Les productions que l’on appelle naturelles ne sont pas pour la plupart – celles du moins qui servent aux besoins de l’homme – l’œuvre spontanée de la nature. Ni le blé, ni la vigne n’existaient avant que quelques hommes, les plus grands des génies inconnus, aient sélectionné et éduqué lentement quelque graminée ou quelque cep sauvage.
C’est l’homme qui a deviné, dans je ne sais quelle pauvre graine tremblant au vent des prairies, le trésor futur du froment. C’est l’homme qui a obligé la sève de la terre à condenser sa fine et savoureuse substance dans le grain de blé ou à gonfler le grain de raisin. Les hommes oublieux opposent aujourd’hui ce qu’ils appellent le vin naturel au vin artificiel, les créations de la nature aux combinaisons de la chimie. Il n’y a pas de vin naturel.Le pain et le vin sont un produit du génie de l’homme…………….
lundi 22 février 2021
C'est de la chimie
1. A propos de l'expression "c'est de la chimie", je vois aujourd'hui la même discussion qu'avec le "ce n'est pas de l'art", qui a été si bien discuté par Anne Gauquelin dans un livre de ce titre.
2. Pour l'art, il y a la question de l'art moderne, provocateur, échappant précisément aux règles de l'art plus classique, et qui ne semble pas de l'art pour ceux qui ont sont restés précisément aux règles classiques.
Mais l'artiste n'est pas un suiveur ; c'est un créateur, qui peut se donner les règles qu'il veut.
3. En cuisine, là où je connais assez bien les choses, j'ai vu mille fois des créations culinaires qui était récusées au nom d'un clacissisme que je trouve étriqué. Quand on dit "les choses sont bonnes quand elles sont au goût de ce qu'elles sont", on édicte une loi artistique , ce qui est idiot, puisque cela cantonne les artistes culinaires à de l'artisanat. Pas étonnant que cette injonction soit reprise à l'envi par les artisans qui ne savent pas être des artistes, par ceux qui sont limités par la répétition, par ceux qui ne sont pas des créateurs...
Conserver cette idée, ce n'est pas de l'art -et là j'utilise l'expression correctement. Oui, ce n'est que de l'interprétation, et pas de la création, que de refaire un plat qui a été fait 1000 fois. Et, d'ailleurs, pourquoi l'interprétation se limiterait-elle à une idée seulement, à savoir donner le goût de ce que c'est ? Sans compter que cette idée est bien impossible : cuire du veau, de la volaille, ce n'est pas donner le goût du veau, parce qu'il y a tout le reste, dans le plat !
L'art culinaire consiste précisément à faire autre chose, y mettre un sentiment personnel, une touche personnelle, imaginer les émotions et orchestrer le travail pour les faire surgir.
Il en va de même en peinture, en littérature et l'on ne saurais trop rappeler que tous nos classiques ont été des révolutionnaires. Rabelais Flaubert, Hugo, Rembrandt, Picasso...
4. "Ce n'est pas de l'art" est une déclaration réactionnaire, étriquée, inculte en quelque sorte.
5. Pour le "c'est de la chimie", je vois une déclaration d'un type analogue, à l'emporce-pièce, une formule qui n'invite pas à réfléchir, bêtement péremptoire. Le plus souvent, ceux qui la profèrent sont les mêmes qui ont une idée naïve de la nature, du naturel et de l'artificiel.
Espérant toujours le salut du pécheur, je ne cesse de citer le dictionnaire, qui dit justement que l'artificiel (entendons le mot "art" dans ce terme) est le produit de l'intervention d'un être humain, alors que le naturel ne fait pas intervenir l'humain.
Rien de naturel dans la cuisine, donc, puisqu'il y a - a minima !- l'intervention de la cuisinière ou du cuisinier !
6. Mais il y a autre chose, dans ce "c'est de la chimie", à savoir une crainte de phénomènes qui seraient mal connus, ou mal maîtrisés... Mais cette crainte n'est-elle pas surtout fondée sur l'ignorance ? Mal connus par qui : par celui ou celle qui parle ! Mal maîtrisés... par celui ou celle qui parle... puisqu'il ou elle ne les comprend pas.
7. Et l'on voit les mêmes se comporter de façon "chimique" idiote : ils consomment des compléments alimentaires pas évalués quand ils critiquent des additifs qui le sont, ils recourent à des préparations "naturopatiques" excessivement dangereuses (les huiles essentielles, qui font de plus en plus de dégats) quand ils récusent des aromatisants bien réalisés, ils fument, boivent, se tatouent avec des encres cancérogènes, mangent sucre et gras en disant vouloir manger sainement.
8. Oui, la mauvaise foi est parfois terrible... et à ce jour, je n'ai entendu du "c'est de la chimie" que par des ignorants, des craintifs, des idéologues, des malhonnêtes, des paresseux.
jeudi 9 avril 2020
Cessons de parler des "laits végétaux" et de proposer qu'ils soient "naturels"
Je ne cesse de m'étonner du conservatisme de mon entourage. Quand je dis "entourage", cela signifie jusqu'à mes collègues scientifiques, et j'en vois encore un exemple ce matin alors que je suis en train éditer un texte pour le prochain Handbook of molecular gastronomy.
Le manuscrit de mon collègue discute la question des systèmes émulsionnés (qu'il confond avec des émulsions, preuve qu'il est imprécis), et il en cite des exemples : la mayonnaise, qui est bien une dispersion d'huile dans l'eau du jaune d' œuf et du vinaigre, ou encore le lait, qui contient effectivement des gouttelettes de matière grasse dispersées dans de l'eau.
Puis mon collègue évoque ces liquides blancs, qui ressemblent à du lait et sont extraits des végétaux et qui, comme le lait, contiennent des matières grasses émulsionnées. Il les nomme des "laits végétaux", mais je lui fais remarquer que cette dénomination est contestable, car le lait est le lait ; ces émulsions ne sont pas du lait, et je lui fais valoir que nous aurions intérêt, collectivement, à leur refuser le nom de lait, car des végétariens le confondent avec du lait au point de mettre de jeunes enfants en danger de mort. Ne pourrait-on pas parler d'émulsions végétales ?
De surcroît, je critique énergiquement son emploi du mot "naturel", à propos de ces produits : ces produits ne sont pas naturels, puisque ils ont été extraits ; or la définition du naturel, c'est ce qui n'a pas fait l'objet d'interventions par un être humain.
Mon collègue répond que la d'élimination lait végétal est acceptée, et que, comme ces produits se trouvent les graines, ils sont bien naturels.
Soit il n'a rien compris à mon argumentation, soit il s'enferme dans une erreur nuisible, car susceptible de créer des confusions. Le mot "naturel" tout d'abord, est à l'origine de nombre d'interminables débats publics, et ces débats naissent de l'utilisation du mot dans une acception gauchie, donc erronée, parfois fautive.
D'autre part, des accidents, dans les familles végétariennes, seraient évités si l'expression "lait végétal était interdite (ma proposition).
Mais, surtout, je ne vois pas ce que mon collègue perdrait en changeant ses habitudes de langage. Pourquoi reste-t-il collé à des idées anciennes : la paresse, des intérêts idéologiques ou commerciaux, de l'incompréhension ?
Pourrez-vous m'aider à comprendre sa position et les avantages qu'elle aurait ?
Pour moi, je termine en rappelant cette utile citation d'Antoine Laurent de Lavoisier :
"C’est en m’occupant de ce travail, que j’ai mieux senti que je ne l’avois, encore fait jusqu’alors, l’évidence des principes qui ont été posés par l’Abbé de Condillac dans sa logique, & dans quelques autres de ses ouvrages. Il y établit que nous ne pensons qu’avec le secours des mots ; que les langues sont de véritables méthodes analytiques ; que l’algèbre la plus simple, la plus exacte & la mieux adaptée à son objet de toutes les manières de s’énoncer, est à-la-fois une langue & une méthode [iij] analytique ; enfin que l’art de raisonner se réduit à une langue bien faite. [...] L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment (...) Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage ».
Et celle de Condillac :
« Nous ne pensons qu'avec le secours des mots. L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite »
mercredi 23 septembre 2009
Le naturel ? On nous ment !
Oui, nos aliments ne sont pas naturels, mais artificiels : est naturel ce que l’on trouve dans la nature ; or on n’a jamais trouvé de soufflé, de frites, de pot-au-feu… dans la nature. Ces mets délicieux (quand ils sont bien faits et quand nous les aimons) sont « artificiels », puisqu’ils sont le produit du travail, du soin, du savoir-faire !
Pourtant, nos produits alimentaires, aux étiquettes rédigées par des hommes et des femmes du « commerce », ne cessent de mentir, en nous faisant gober des « arômes naturels », des ingrédients « naturellement riches » (riches !) en vitamines… Regardons autour de nous : nous verrons ainsi mieux que tous ceux qui nous refilent du « naturel » veulent en réalité nous vendre des produits ou de l’idéologie. Résistons !
A ce point, on voit combien Cicéron avait raison de dire que « tout homme qui ne connaît que sa génération est un enfant » : en matière alimentaire, nous ignorons souvent que nous sommes la première génération de l’histoire de l’humanité qui n’a pas souffert de famine (dans nos pays industrialisés !). Pour comprendre ce que nous mangeons, pour être libre, libre notamment de choisir ce que nous voulons mangeons, il nous faut de la connaissance.
Et, évidemment, me voici conduit à évoquer le rôle essentiel de l’Ecole. Il est normal que l’enseignement de la cuisine en ait disparu, parce que le rôle de l’Ecole n’est pas de « gaver des oies », mais d’allumer des brasiers, d’instiller l’esprit de recherche, qui nous fera passer du rôle de machine à celui de technicien éclairé, de technologue…L’Ecole faisait une erreur en enseignant la technique de préparation du pot-au-feu ; elle doit plutôt conduire les enfants à réfléchir sur la préparation. De tous les points de vue : historique, géographique, sociologique, scientifique, littéraire, artistique… C’est pour cette raison que les Ateliers expérimentaux du goût (on les trouve en ligne ; j’invite les professeurs d’école à les utiliser) ont été introduits, depuis 2001.
Vive la connaissance !
samedi 7 novembre 2020
A propos d'"aromatisant poivre"
Merci à mon correspondant de ce matin qui m'écrit :
Je vois sur ma moutarde : arôme naturel de poivre : c'est de la pipérine extraite ?
Car cette question permet d'éclairer mes amis.
1. On voit tout d'abord que je retranscris sa question, pour ne pas parler d' "arôme", comme il le fait sans doute parce que l'étiquette porte cette mention.
En effet, j'invite tous mes amis à lutter contre ce gauchissement trompeur du mot "arôme".
L'arôme, en bon français (la langue qui sert aux échanges, notamment aux échanges commerciaux, et qu'il est honteux de tordre) est l'odeur d'un produit aromatique. Or ce qui est ajouté dans la moutarde, ici, ce n'est pas l'arôme, mais un produit qui donne l'odeur/la saveur/le piquant de moutarde. C'est un aromatisant, et pas un arôme !
2. J'invite aussi mes amis à lutter cet usage malhonnête du mot "naturel", car l'aromatisant qui a été ajouté est parfaitement "artificiel" : je rappelle que, en français, est naturel ce qui n'a pas fait l'objet de l'intervention d'un être humain !
Ici, il faut donc parler d'aromatisant extrait d'un végétal. Un point c'est tout. Comment voulons-nous que les citoyens aient confiance dans l'industrie alimentaire si celle-ci leur ment dès l'étiquetage !
3. Mais pour répondre à notre ami, il faut maintenant expliquer qu'il existe des aromatisants extraits de diverses façons :
On peut, par exemple, récupérer des "huiles essentielles" par expression ou par entraînement à la vapeur.
Cette dernière technique est utilisée dans la fabrication des essences d'agrumes dont l’écorce contient d’importantes quantités d'huiles essentielles stockées à l'intérieur de sacs oléifères. Le principe de l'extraction par expression consiste à rompre ces poches à huiles essentielles pression, incision ou abrasion à froid. L'huile essentielle entraînée par un courant d'eau est ensuite séparée par décantation ou centrifugation.
En général, seules certaines parties de la plante sont extraites : racines, rhizomes, bois, écorces, feuilles, fleurs, boutons floraux, fruits, graines, jus de fruit, ou excrétions de la plante (gommes ou exsudats).
Pour qu'il soit intéressant d'extraire l'huile essentielle d'une plante par entraînement à la vapeur d'eau, il faut que cette huile soit en quantité notable, généralement supérieure à 0,5%, dans la plante fraîche ou séchée. Par exemple, le poivre contient 1 à 2,5 % d'huile essentielle en volume par rapport à 100 grammes de poivre.
Mais on peut aussi produire des oléorésines : concrètes et résinoïdes.
Cette fois, les extraits sont obtenus à l'aide de solvants organiques : éther de pétrole, hexane, éther éthylique, alcool éthylique, acétone, dioxyde de carbone, etc.
Les oléorésines sont plus complexes que les huiles essentielles, car elles contiennent non seulement les composés volatils, mais aussi d'autres constituants non entraînables par la vapeur d'eau (triglycérides, cires, colorants de nature lipidique et composés sapides). Notons que le solvant est évidemment éliminé : la plupart des solvants utilisés font d’ailleurs l'objet d'une réglementation stricte dictée par des considérations de santé. Au cours de l’élimination du solvant par distillation sous pression réduite, on s’attache également à limiter la perte des composés les plus volatiles.
Par cette méthode, on fabrique deux types de produits :
- les concrètes, à partir de substances végétales fraîches
- les résinoïdes, à partir de substances végétales sèches.
Le terme "oléorésine" désigne l'un ou l'autre de ces deux types d’extraits. Mais, surtout, il faut bien insister : ces divers extraits sont tous de compositions différentes, donc de goûts différents !
Il y a encore d'autres techniques, pour préparer des extraits:
- la macération à froid,
- la digestion à chaud,
- la percolation à froid ou sous pression,
- l’infusion à chaud ou à froid.
Notons que les extraits bruts peuvent être "fractionnés" par diverses techniques, telles que cryoconcentration, distillation sous pression réduite, ultrafiltration, osmose inverse, etc...). On obtient alors des produits variés
- des absolues, par lavage à l'alcool suivi de l'élimination de l'alcool,
- des essences solubles,
- des essences fractionnées
- etc.
4. La pipérine, maintenant ? C'est un composé présent dans le poivre, et qui contribue à son piquant. Ce n'est pas le seul, mais il est prépondérant. Et il est peu soluble dans l'eau, mis soluble dans l'alcool, le chloroforme, l'éther ou l'isopropanol, par exemple. C'est un "alcaloïde", car sa molécule contient des "cycles", notamment avec d'autres atomes que du carbone (notamment de l'azote).
5. De sorte que la conclusion s'impose : les données qui me sont fournies (et qui sont celles que notre ami a récupérées sur l'étiquette de sa moutarde) ne me permettent pas de répondre à sa question. Car quelle extrait est-il utilisé ?
samedi 9 mai 2009
Un détail...important
Tout cela est discuté dans La sagesse du chimiste (Editions L'oeil 9), et je ne vais pas y revenir ici.
Toutefois, puisque ce blog est public, profitons-en pour discuter la question de "composé chimique".
L'eau est-elle un "composé chimique"? Tout dépend.
Si l'eau est bue, elle n'est pas un composé chimique, puisqu'elle est un composé (qui peut être) naturel.
L'eau peut être synthétique, quand elle résulte d'une synthèse, telle celle qui fut proposée par le grand Antoine Laurent de Lavoisier.
Enfin, elle peut être chimique... quand elle fait l'objet de l'étude d'un chimiste, et seulement dans cette circonstance.
Le corollaire, c'est que les composés chimiques ne seront jamais en cuisine. Dès qu'ils sortent du laboratoire de chimie, ce ne sont plus des composés chimiques, mais des composés.
Certains sont synthétiques, d'autres non, mais hors du monde de la chimie, aucun composé n'est chimique.
Et il est vrai, ainsi, que le soufre des volcans est naturel, tout comme l'arsenic.
Clarifions!
vendredi 13 mars 2020
Une molécule est une molécule
Ce matin, plusieurs questions, mais en voici une en particulier, qui mérite un commentaire public :
J'ai une question par rapport aux molécules synthétiques vs naturelles. Je sais que les propriétés physiques ainsi que l'odeur et le goût des molécules synthétiques vs naturelles sont identiques ex linalool synth vs naturel. Qu'en est-il de leurs activités biologiques et de leur propriétés toxicologiques ? Pouvez-vous me diriger vers des articles et références qui étudient cette question ?
Ici, je sais d'expérience qu'il y a la question des mots, qui est source de confusions. Une molécule, c'est donc un tout petit objet, fait d'atomes de divers éléments, liés par des forces interatomiques (une sorte de pléonasme que cet adjectif). Les éléments considérés, ici, sont principalement le carbone, l'hydrogène et l'oxygène. Et pour ces trois éléments, les atomes sont faits d'un "noyau", assemblage de protons et de neutrons, avec autour des électrons, comme la terre autour du soleil.
Les effets biologiques des molécules ? Une molécule a un effet si elle a un "récepteur", à savoir si l'organisme comporte une molécule agissant comme une serrure vis à vis de la molécule bioactive, qui est comme une clé. Et la disposition des atomes est donc très essentielle. Donc tout est simple, au premier ordre. Et une molécule est entièrement déterminée par ses atomes, leur disposition.
Maintenant, il peut y avoir des effets qui sont au niveau du détail des détails. Par exemple, certains atomes d'hydrogène peuvent avoir dans leur noyau, en plus du proton, un neutron, et c'est ce que l'on désigne par "deutérium". Les propriétés chimiques sont quasi identiques, mais des outils de mesure très sensibles voient des différences... et c'est ainsi qu'une entreprise française d'analyse a fait son succès commercial en devenant capable de détecter du sucre ajouté dans les vins, pour des chaptalisations ou pour des fraudes. Mais, je le répète, c'est un détail au regard de la question posée.
Maintenant, synthétique et naturel ? Une molécule naturelle, c'est une molécule qui se trouve dans la nature, fabriquée par les plantes ou par les animaux, voire par les éléments (la chaleur, la foudre, etc.). En revanche, une molécule synthétisée, c'est une molécule qui a été... synthétisée, à savoir qu'on a rassemblé des atomes d'une certaines façon pour faire la molécule. Et, évidemment, si l'on même les mêmes atomes organisés de la même façon, on obtient la même molécule, qui ira ouvrir les mêmes serrures !
Cela dit, on peut répondre plus subtilement que cela à la question de notre interlocuteur, parce que l'on peut synthétiser avec des niveaux de précision variés, parce que la question des "impuretés" est essentielle : les composés extraits de produits naturels ne sont pas accompagnés des mêmes "impuretés" que les produits de synthèse (parfois plus purs que les produits naturels).
Par exemple, notre correspondant parle de linalol, qui est un composé odorant présent dans de nombreux végétaux. Parler du linalol au singulier, c'est une erreur, parce qu'il y a divers linalols, et que le (S)-(+)-linalol n'a pas la même odeur -donc pas les mêmes effets biologiques que le (R)-(-)-linalol. Mais une molécule d'un de ces deux linalols est une molécule de ce linalol-là, quoi qu'il arrive. Et la question "isotopique" précédente (l'hydrogène vs le deutérium) ne se pose pas, du point de vue de l'odeur.
En revanche, quand on a un de ces deux linalols dans une matière végétale, elle n'est pas seule, et aucune plante n'a donc l'odeur de ce linalol particulier. Puis, si l'on extrait ce composé, il n'est plus "naturel", mais d'origine naturelle... et son extraction ne permet généralement pas de l'avoir pur ! De sorte qu'il y a des "impuretés"... et que ces impuretés peuvent être essentielle. C'est ainsi que le mélange des deux limonènes R et S n'a pas d'odeur quand il est fraîchement obtenu par distillation... et que cette odeur de Citrus n'apparaît qu'ensuite, sans doute due aux impuretés, plutôt qu'aux limonènes.
Pour les composés de synthèse, il y a également des impuretés, qui résultent du procédé de préparation, et il n'est d'ailleurs pas dit que ces impuretés soient plus abondantes ou plus dangereuses, bien au contraire : les opérations de synthèse étant mieux contrôlées que les extractions (qui partent de mélanges complexes), il est possible qu'il y ait bien moins d'impuretés.
Enfin, mon interlocuteur me parle d' "activités biologiques et propriétés toxicologiques" : amusant, car les effets toxicologiques sont des activités biologiques, non ? Car je fais l'hypothèse, vu les composés qu'il discute, que ce sont de toutes petites quantités de composés qui sont considérées ici, de sorte que l'on est bien dans le cadre des clés et des serrures, des composés bioactifs et de récepteurs. Là, les impuretés sont essentielles, car elles peuvent avoir des récepteurs, que les composés soient d'origine naturelle ou synthétisés, et quelqu'un qui fait bien son travail, d'extraction ou de synthèse, se préoccupe de cela.
Mais finalement, une molécule est une molécule, n'est-ce pas ?