jeudi 23 février 2012

Forum Cuisine Note à Note

Bonjour

Lors des Cours 2012 de gastronomie moléculaire, il avait discuté la possibilité de créer un forum pour poursuivre les Cours 2012, consacrés à la Cuisine note à note, et accompagner le développement de cette cuisine très novatrice.

Des questions ont été recueillies ; elles trouveront leur réponse sur ce forum.
N'hésitez donc pas à vous inscrire et à discuter sur  le forum, à l'adresse :
http://www.agroparistech.fr/forums/

Vive la gourmandise éclairée!

Des liens amis

Juste pour ceux qui veulent s'amuser un peu

https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
http://hervethis.blogspot.com/
https://twitter.com/
http://www.pierre-gagnaire.com/#/pg/pierre_et_herve
http://www.agroparistech.fr/-International-Journal-of-Molecular-.html
http://hervethis.blogspot.com/
http://www.inra.fr/
http://www.inra.fr/fondation_science_culture_alimentaire
http://www.agroparistech.fr/-Centre-immateriel-d-assistance-.html
http://www.fipdes.eu/
http://www.fipdes.eu/
http://sites.google.com/site/pascalethissantedesfemmes/home
http://doc.ubuntu-fr.org
http://www.thereaction.net/explore/salad-bowl/

vendredi 17 février 2012

Je sors émerveillé...

... par la présentation de Claude Fauquet, de l'International Laboratory for Tropical Agricultural Biotechnology, à Saint Louis, MO, USA : il a montré comment il restait quelques parcelles d'espoir pour lutter contre les viroses du manioc.
Cela semble être des mots... mais des millions de vies humaines sont en jeu, en Afrique, en raison d'un virus qui se propage rapidement.
L'institution où il travaille (non profit) produit, grâce à une "usine de transgenèse", des maniocs dont certains résistent aux virus. L'un d'entre eux est combattu avec succès (le principal), et l'autre l'est bientôt.
L'institution développe aujourd'hui des systèmes de distribution des plants résistants (gratuitement), et forme des équipes à faire les maniocs résistants sur place... car le manioc d'une région n'est pas celui d'une autre : il y a des cultures alimentaires, des goût... Une fraise des bois n'est pas une fraise ordinaire !

Tout cela, c'est du génie génétique, et -disons-le franchement-, des OGM. Qui d'entre nous refusera de sauver des millions d'êtres humains ?

jeudi 16 février 2012

Faut-il deux voies différentes d'enseignement culinaire ?



La réponse est un « oui » vigoureux !


Apprendre la cuisine en vue de devenir cuisinier, restaurateur... ou autre chose ? Il y a là une question qui devrait intéresser nombre de collégiens ou de lycéens, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la cuisine est une activité merveilleuse, puisque, quand c'est de l'artisanat, son objectif est de produire des oeuvres qui disent en réalité « je t'aime ».
Oui, pour l'artisan, le soin est essentiel, et l'on comprend mieux pourquoi en considérant un escalier bancal qui aurait été construit par un menuisier (un artisan, donc) peu soigneux : si celui qui l'emprunte de casse une jambe, c'est grave ; c'est tout comme si l'on avait dit « je me moque de toi, au point que je me désintéresse de ta santé, de ton intégrité physique, et ta mort éventuelle m'est indifférente ». En cuisine, c'est tout à fait analogue, et l'on sait combien la question de la santé est importante, pour l'activité culinaire : produire une mauvaise nourriture, cela peut aller jusqu'à l'empoisonnement ! A contrario, produire avec soin de la nourriture de qualité, c'est bien dire, en quelque sorte : « je t'aime, et je me préoccupe de ta santé, en plus de ton bonheur de manger ce que j'ai préparé pour toi ». Cela suppose des connaissances à propos de la nutrition, et de la santé humaine !
Pour peu que le cuisinier ne soit pas un artisan, mais un artiste, la question de l'intérêt de la cuisine diffère, mais l'activité culinaire reste passionnante, différemment passionnante, puisque, cette fois, l'objectif est de dire à son prochain : « Je t'aime, puisque je m'efforce de te donner des sensations, de produire chez toi des émotions ».
Restaurateur ? La question est peu différente, même si le travail ne se fait plus aux fourneaux. Cette fois, il faut faire vivre différemment une entreprise, ce qui signifie payer un personnel de cuisine, de salle, et les faire vivre ! Sans oublier, bien sûr, les personnes qui ont quitté leur foyer pour venir, souvent, passer un moment festif. Quelle responsabilité ! Ne faut-il pas beaucoup de connaissances théoriques, pour cela ?
Et puis, il y a tous ceux que les formations en hôtellerie-restauration intéressent, parce que ces formations... débouchent sur un taux de chômage nul, en raison de la qualité des enseignements ! La cuisine, c'est aussi un savoir vivre, un savoir être, une rigueur du travail, et des qualités commerciales, au sens le plus nombre du terme. On ne doit pas oublier que le « chevalier tranchant », du temps des rois de France, était le premier des gentilhommes ! Les maîtres d'hôtel sont des individus qui doivent exercer leur métier en finesse, en intelligence, puisque la politesse est exactement cette façon subtile, intelligente, de se comporter vis à vis d'autrui.

Cela étant, en cuisine comment en science, et comme sans doute dans d'autres secteurs que je n'ai pas le temps d'analyser, il y a des « conducteurs de voiture » et des « mécaniciens »: les deux « attitudes » sont différentes, et nécessitent des connaissances différentes, pratiques et théoriques. Le conducteur de voiture, surtout aujourd'hui que les systèmes électroniques ne donnent plus un accès facile à des travaux mécaniques qui allaient jusqu'à forger des pièces métalliques, est un conducteur : il veut prendre la voiture telle qu'elle est, et, sans chercher à comprendre dans le détail son fonctionnement, la conduire. En cuisine, ce serait la voie professionnelle : il faut ici exercer un métier, et nombre des jeunes qui s'engagent dans cette voie doivent connaître des gestes professionnels.
Ce qui ne signifie pas que ces personnes n'ont pas le droit de comprendre la raison de leurs gestes ! Un conducteur de voiture n'est pas plus bête de savoir que son moteur a quatre temps, pourquoi il faut y mettre de l'huile, etc. Toutefois, le conducteur doit d'abord conduire, sans quoi il n'est plus un conduteur.

La seconde voie est la voie technologique, insuffisamment comprise, sans doute parce qu'elle est nouvelle. Elle tient bien dans la définition du mot « technologie », lequel désigne l'étude de la technique, en vue de son perfectionnement. Le technologue n'est pas un technicien, même s'il peut faire des gestes techniques. Le technologue comprend d'abord, et fait ensuite. Bien sûr, la compréhension conduisant à l'innovation, le technologue est un être de nouveauté technique. En l'occurrence, le mécanicien qui monte et démonte une voiture sait faire plus que la conduire.
En cuisine ? Produire des aliments se fonde sur une compréhension très large de leur nature. D'où viennent-ils ? Il faut de la culture, des connaissances qui dépassent l'acte culinaire. Pourquoi mange-t-on certains aliments plutôt que d'autres ? Là encore, de la connaissance « théorique », très large. Quel est leur circuit social ? Là encore... Quels phénomènes sont à l'origine de leur productions, quand les gestes techniques sont à l'oeuvre ? Pourquoi les aime-t-on ou ne les aime-t-on pas ? En matière d'art, par exemple, l'école du Bauhaus, au début du XXe siècle, s'était donnée comme feuille de route de former des artistes en liant l'art à la science, et, plus généralement, à la culture. C'était là une démarche parfaitement dans le sens de la voie technologique de l'hôtellerie-restauration. Oui, pour la voie technologique, il faut des sciences, des humanités, de la gestion, de la pratique des langues française et étrangères, et le niveau de responsabilité ira en conséquence. D'ailleurs, on voit la proximité entre cette voie technologique et l'université.
Bien sûr, on comprend que la voie technologique soit plus longue, que les études doivent durer davantage. Il faut non seulement conduire, mais être capable de réparer le véhicule, mais n'y a-t-il pas là un bel objectif, aussi ?

mardi 14 février 2012

Je suis réconcilié...

... avec la SFC.

Voici l'histoire.
Naguère, j'ai été très fier, heureux, de devenir membre de la Société française de chimie, parce que c'était une société savante qui considère la plus belle science au monde.
Toutefois, à l'époque, nous étions beaucoup à nous lamenter de la séparation de la Société française de chimie, la SFC, et de l'Union des industries chimiques, l'UIC.

Finalement, des collègues remarquables ont réussi à rassembler les deux dans ce qui a été nommé la "Société chimique de France".

Patatras! Une société peut être française... mais pas chimique ! C'est la terrible faute du partitif, qui doit faire se retourner notre grand Lavoisier dans sa tombe.
Bref, j'ai fait de la résistance, en continuant de nommer SFC ce qui était devenu la SCF.

Ce matin, bonheur : j'ai appris que l'on pouvait conserver le sigle SCF... pour désigner la Société des Chimistes de France. En voilà, du beau langage!

N'hésitez pas : adhérez à la SCF, puisque le nom est propre, désormais

dimanche 12 février 2012

E 100 N ?

"Les additifs" ? Ils sont trop souvent considérés comme diaboliques, ce qui, paradoxalement, me pousse à prendre la défense méritée de certains.
Par exemple, le code européen E 100 N désigne la curcumine, ou diféruloylméthane, un colorant jaune qui est extrait des rhizomes de Curcuma longa, plantes de la famille des Zingiberacées.
Extrait ? Oui, extrait. Les rhizomes sont broyés, et à l'aide de solvants (acétate d'éthyle, acétone, dioxyde de carbone, dichlorométhane, n-butanol, méthanol, éthanol, hexane), on dissout la curcumine, puis on évapore les solvants pour purifier l'extrait par cristallisation, en vue d'obtenir de la poudre de curcumine concentrée.
En pratique, le produit formé contient la curcumine, le principe colorant dont le nom complet est le bis-(hydroxy-4-méthoxy-3-phényl)-1,7-heptadiène-1,6-dione-3,5, et deux dérivés déméthoxy en différentes proportions, selon la source végétale et les conditions de préparation.
Faut-il préférer la poudre de curcuma ou le E 100 ? La poudre est obtenue par broyage et séchage, ce qui ne saurait aller sans des dégradations qui la distinguent du jus de curcuma. D'ailleurs, à ce propos, ce serait une bonne chose que l'on cesse de nommer "curcuma" la poudre de curcuma, car la plante et la poudre sont bien différents, du point de vue de la composition ! La poudre, elle, me semble bien plus sujette à des falsifications que le E 100, très réglementé.
Pour ce dernier, j'entends un certain public s'effrayer des "solvants" utilisés pour l'extraction... mais ceux qui ont peur savent-ils combien de solvant il reste dans le produit fini ? Je propose de le savoir avant de décider très péremptoirement  !

Donnons l'information à tous !

Nous avons des dictionnaires variés, souvent de lourds volumes produits par des sociétés commerciales. Certes, ces sociétés sont soucieuses de qualité... mais seulement jusqu'à la limite de la rentabilité de leurs entreprises.
C'est ainsi, par exemple, que lorsqu'une définition fautive de la cuisine moléculaire et de la gastronomie moléculaire a été donnée par un de nos deux grands piliers du dictionnaire, il y a peu d'années, j'ai écrit à la direction de ces sociétés (j'insiste, des dictionnaires tels que le Robert ou le Larousse sont des "produits" de sociétés commerciales), je n'ai pas obtenu de rectification : la preuve que ces sociétés ne voulaient pas avoir à retirer les ouvrages, et qu'elles faisaient passer leur intérêt commercial avant le désir de donner une information fiable.

Au passe, j'en profite donc pour donner des définitions propres :
La gastronomie moléculaire est la discipline scientifique qui explore les phénomènes qui surviennent lors de la production et de la consommation des mets.
La cuisine moléculaire est la forme de cuisine qui fait objet de "nouveaux" outils, ingrédients, méthodes (par "nouveau", on entend "ce qui n'était pas présent dans la cuisine de Paul Bocuse et des autres cuisiniers français, dans les années 1970)
La cuisine note à note est la forme de cuisine qui construit les mets à partir de composés purs ou, moins bien, à partir de mélanges "nouveaux" de composés (par "mélanges nouveaux", on entend tout mélange qui ne se réduit pas à un fruit, un légume, une viande, un poisson).

Ces définitions claires étant données, revenons à la question des dictionnaires. Je vous invite ABSOLUMENT à diffuser le lien http://atilf.atilf.fr/, qui est celui du Trésor de la langue française informatisé : un ouvrage en ligne, gratuit, soutenu par le CNRS, fiable, intelligent, utile, qui n'est pas limité par la place. Mettons au recyclage nos gros volumes périmés, et dirigeons sans attendre les jeunes vers ce merveilleux TLF !

samedi 11 février 2012

J'analyse...

J'analyse qu'une des plaies de notre monde, c'est le doute qui s'est emparé des citoyens, et la perte de confiance dans les experts.
Vraiment étonnant : il y a moins d'une semaine, alors que j'en étais à indiquer des doses d'un composé toxique dans les aliments (doses que je connais!), je me suis vu répondre par un ignorant "Vous êtes sûr?".
Et quand j'affirmais que, connaissant ces doses sans hésitation, le risque était bien inférieur à celui que présentent des comportements courants, on a encore douté... alors que la personne était fumeur.
Oui, le doute est salutaire, mais comment organiser un dialogue social quand des ignorants veulent y mettre  leur grain de sel, au lieu de commencer par se mettre au courant des prémisses certaines ?
Allons, il reste l'émerveillement ! Et la saine transmission d'un savoir qui n'est pas marchand ! 

jeudi 9 février 2012

Prochaine réunion du groupe d'étude des précisions culinaires

Chers Amis

Alors que nos Cours de gastronomie moléculaire viennent de se tenir (n'hésitez pas à distribuer le liens des podcasts : http://podcast.agroparistech.fr/users/gastronomiemoleculaire/), qu'un forum se prépare pour des discussions sur la "cuisine note à note", je suis heureux de vous rappeler que notre prochaine réunion du Groupe d'étude des précisions culinaires se tiendra le 20 février, de 16 à 18 heures, à l'Ecole supérieure de la cuisine française, au 28 bis rue de l'Abbé Grégoire, 75006 Paris.
Le thème retenu est  double :

1. Nous chercherons à savoir si piquer les fond de tarte évite vraiment que ces dernières ne soufflent
2. Nous chercherons à savoir si masser la viande de boeuf l'attendrit (après cuisson).

Bref, du travail en perspective pour cette cuisine classique !
Au plaisir de retrouver ceux qui veulent/peuvent.

lundi 6 février 2012

Le mot "arôme"

Je vois que le mot "arôme" a intéressé. Des questions sont posées. J'y réponds plus largement  :


Le 29 avril 2009 s’est tenue à l’Académie d’agriculture de France une séance publique où les mots du goût ont été discutés (Pascal et This, 2009, 2010). A l’origine de cette rencontre, deux observations et une idée. La première observation : lors de journées plénières du club ECRIN « Arômes et formulation », la confusion a régné, parce que des collègues pourtant spécialistes du goût (chimie, analyse sensorielle...) ont désigné par le même mot « arôme » des objets différents. Pour certains, il s’agissait de l’odeur perçue par la voie rétronasale ; pour d’autres, il s’agissait de la sensation donnée par les molécules odorantes, quelle que soit la voie de stimulation olfactive ; pour d’autres encore, le terme désignait un mélange de sensations données par les récepteurs olfactifs et par les récepteurs des papilles ; pour d’autres encore… Jamais la nécessité de l'établissement d'un langage commun ne s'est fait autant sentir (cf chapitre 8.3).
La seconde observation : nombre d’articles scientifiques en sciences des aliments étudient les saveurs en conservant le point de vue de la théorie des quatre saveurs… alors que l’on sait depuis des décennies cette théorie fausse (Faurion, 1988). Comment ne pas penser que les travaux ainsi présentés ne soient pas sapés à la base ?
Au total, il y a donc beaucoup de confusion, notamment parce que les termes sont insuffisants. Or le père de la chimie moderne, Antoine-Laurent de Lavoisier, a bien mis en avant une idée importante dans l’introduction de son Traité élémentaire de chimie (Lavoisier, 1793) : « L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment [...] Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage. » La « chimie des aliments et du goût » doit donc assainir sa terminologie pour progresser.
Évidemment, en matière sensorielle, ce sont les récepteurs qui doivent imposer les mots (Uziel et al., 1987), et c’est la raison pour laquelle beaucoup de science reste à faire. Cette science donnera des mots au langage commun (ce fut le cas, dans le passé, pour "protéine", "électrode", "atome"...) (Pearce, 1965), mais elle doit aussi tenir compte des mots qui existent, pour les conserver quand ils conviennent, les faire disparaître ou les modifier quand ils sont erronés (le mot "albumine", qui désignait les protéines, a été relégué à la désignation d'une classe particulière de protéines) (This, 2010a).
Ce qui doit être la base de la rénovation terminologique, c'est le mot "goût" (TLFI, 2011) : quand on mange une orange, quand on la "goûte", on perçoit un goût d'orange. Ce mot, qu'on le veuille ou non, subsistera pour désigner la sensation synthétique qui englobe toutes les autres, particulières, et des décennies de spécialistes utilisant le mot "flaveur" (Pierson et Le Magnen, 1969) n'ont pas réussi à imposer ce dernier terme, de sorte que persévérer serait sans doute une grave erreur, source de confusion plus que de progrès.
On n'a pas besoin de répéter ici que le goût finalement perçu résulte de l'activation de récepteurs, d'une part, et d'un traitement des signaux ainsi produits, d'autre part, mais on profitera de l'occasion pour évoquer l'usage du mot "arôme", notamment dans l'expression que je crois fautive "composé d'arôme". D'une part, bien que l'odeur rétronasale puisse être différente de l'odeur orthonasale, il n'y a pas lieu d'utiliser le mot "arôme" pour désigner la première, car le mot "arôme" désigne en français -sans qu'il y ait de nécessité de changer d'usage- l'odeur des plantes aromatiques, ou aromates (TLFI, 2011). Comment désigner l'odeur rétronasale, alors ? "Odeur rétronasale" convient bien. Les composé responsables de cette sensation, d'ailleurs, ne seraient pas nommés "composés d'arômes", mais simplement "composés odorants", ce qui aurait l'avantage d'éviter la confusion avec les "composés aromatiques" (dont les molécules vérifient la règle de Hückel) des chimistes (Carey et Sunberg, 1997).
Cette proposition doit également contribuer à corriger les normes et la législation française, qui accepte de nommer très abusivement "arômes" des extraits ou des compositions, utilisés par l'industrie alimentaire (SNIAA, 2011) et, aujourd'hui, par les cuisiniers, pour modifier le goût (ces produits renferment des composés variés, à effet olfactif, sapide, trigéminal...). Cette confusion réglementaire me semble être une des cause de rejet, par le public, de ces compositions ou extraits parfois remarquablement réalisés : la confusion est souvent source de tromperie, dont le public a raison de se méfier.
La question de la saveur semble plus simple, à cela près que l'on a nommé "papilles gustatives" (c'est un fait second, et non premier) les bourgeons composés de cellules réceptrices particulières (Landis, 2007). Là, un progrès terminologique semble nécessaire, parce que ces papilles, avec les cellules réceptrices et leurs récepteurs, ne perçoivent pas le "goût", mais seulement une de ses composantes, à savoir la saveur. Doit-on plutôt parler de « sapiction », par exemple (This, 2003) ? Et de papilles sapictives (This, 2009b) ? Il n'y aurait, à ma connaissance, aucune contre-indication.
Les choses sont évidemment compliquées par la découverte des récepteurs auxquels se lient les acides gras insaturés à longue chaîne (Laugerette et al., 2006). La découverte est tout à fait remarquable, d'une part, parce qu'elle laisse imaginer d'autres découvertes analogues, et aussi parce qu'elle conduit à nommer la sensation : pourquoi pas "lipoction" (de lipos, la graisse) ?
Comment nommer les composés qui se lient aux récepteurs de la voie trigéminale (Calvino et Conrat, 2008 ; Daniells, 2009) ? L'expression "composé à action trigéminale" est encombrante, et je compte plutôt sur des collègues inventifs pour proposer quelque chose de juste.


samedi 4 février 2012

Je me répète un peu, mais c'est pour la bonne cause

Lors des cours de gastronomie moléculaire, il y eut (heureusement assez brièvement) un petit débat sur les pesticides.

J'ai alors cité ceci :

"Même pour les agriculteurs, les plus exposés aux pesticides, la grande enquête Agrican (Agriculture et Cancer), entreprise par la MSA et soutenue, entre autres, par l’Anses et plusieurs organismes et associations de lutte contre le cancer, qui vient d’être publiée (13), a montré que leur espérance de vie était plus grande que la moyenne nationale et que la fréquence de décès par cancer était plus
faible de 27 % par rapport à la population générale. Bien qu’ayant été obtenues sur une cohorte de plus de 50 000 hommes déclarant avoir utilisé des pesticides, ces données sont tellement contraires aux idées reçues qu’elles ne manqueront
pas d’être mises en doute, voire « canardées », par des médias hostiles à l’agriculture conventionnelle."

sans donner la référence, que je n'avais pas, de tête, et que je ne voulais pas perdre de temps à chercher.

Pourtant, il y en a eu pour douter. Comme quoi la dernière phrase de mon collègue Léon Guéguen était clairvoyante. Il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir !

vendredi 3 février 2012

Militons!

Les "arômes alimentaires" : l'expression est dans la réglementation, mais si cette dernière est bien (ce qu'il faudra examiner), il n'en reste pas moins qu'il est insupportable que le monde industrie utilise l'expression.
Un arôme, il faut le rappeler, c'est l'odeur d'une plante aromatique. Ce n'est donc pas un produit préparé par l'industrie pour donner du goût à un aliment.

1. Je n'ai rien contre l'industrie, qui fait vivre la population
2. Mais il y a confusion, entre l'arôme, au sens réel, rappelé plus haut, et ce que l'industrie utilise pour donner du goût.

Autrement dit, le mot "arôme" tel qu'utilisé par l'industrie ne répond pas aux critères de la loi de 1905 sur le commerce : les produits doivent être sains, loyaux, marchands. En l'occurrence, l'expression incriminée ici est déloyale.

Il faut donc sans attendre la changer... en observant que la même confusion n'a pas lieu en langue anglaise, où l'on utilise "flavouring" pour dénommer les préparations qui donnent du goût.

Ne soyons pas en retard d'un éclaircissement, dans un pays qui a vu le développement des Lumières !

jeudi 2 février 2012

Une fois de plus, le classement des restaurants

Année après année, je ne cesse de critiquer le classement des restaurants, par une revue anglaise sponsorisée par un industriel.
Décodons

D'abord, c'est une façon pour la revue de vendre du papier.
D'autre part, la revue organise un vote... mais 2+2=4 peut-il résulter d'un vote?
Ensuite, le meilleur restaurant du monde, c'est celui que je préfère. Je me fiche de l'opinion des autres, en la matière.
Et puis, selon mes humeurs du moment, il y a des moments où je préfère Bach, et d'autres où je préfère Mozart. Alors, qui est le plus grand?
Et puis encore, quel est le critère?
Et puis...
Et puis... tiens, j'y pense : savez vous que les choix ne sont pas toujours transitif, à savoir que l'on peut préférer une pomme à une banane, une banane à une orange, mais l'orange à la pomme ?
D'ailleurs, "la" pomme, c'est une vue idiote de l'esprit : il y a mille pommes, toutes différentes... De laquelle parle-t-on ?
Etc.
J'en passe, parce que je m'échauffe devant tant de malhonnête (ou d'imbécilité) !

Regardons plutôt ce qui est merveilleux, et admirons de grands artistes culinaires, sans cette tendance idiote à les classer. Travaillons à identifier des styles, et, surtout, au lieu d'être des oies que l'on gave, contribuer à embellir l'art culinaire de mille idées positives. Bref, au lieu d'être des censeurs, soyons des catalyseurs. Faisons la cuisine de demain encore meilleure que celle d'aujourd'hui !

mardi 31 janvier 2012

Une question et une réponse

"Une question d'un internaute à propos de cuisine note à note :
Je me pose la question suivante depuis un certain temps déjà : est-ce que vous prônez le remplacement total de la cuisine traditionnelle par la cuisine note-à-note (par exemple pour des raisons d'efficacité énergétique lors de la préparation des plats), ou bien l'évolution de la cuisine artistique des restaurants vers la cuisine note-à-note, qui permet de faire des plats nouveaux, qui ne ressemblent en rien aux plats traditionnels ?

Ce qui me gène dans la première hypothèse, c'est qu'on perd alors toute la variété des textures produites par la nature et par les méthodes traditionnelles: je n'imagine pas la cuisine note-à-note reproduire le craquant d'une carotte ou d'une pomme chips, ou la texture d'un steak,ni aujourd'hui ni dans 20 ans (mais arrêtez-moi si je me trompe). De plus, la nature est bien plus efficace que l'industrie pour produire des structures complexes à faible coût énergétique (mais elle est bien plus lente, d'où l'intérêt des techniques industrielles)."


Ma réponse :
Je ne suis pas là pour dire ce qu'il faut faire, et l'on aura probablement :
- des cuisiniers qui continueront à faire du traditionnel
- des cuisiniers qui feront du note à note pur
- des cuisiniers qui feront un mélange
Cela sera bien expliqué lors des Cours des 30 et 31 janvier.

Cela étant, quand la question énergétique se posera avec plus d'acuité, alors beaucoup de pratiques seront condamnées.

D'autre part, pourquoi perdrait-on des consistances classiques ? Et pourquoi ne pas, sans attendre, apprendre à faire la consistance d'une carotte, d'une pomme, d'un steak ? Cela n'est pas hors de portée. La nature plus puissante que tout ? J'ai peur que ce soit une idée reçue. C'est vrai que ce serait idiot de ne pas se servir de l'énergie solaire, d'une part, de l'air et de l'eau environnant d'autre part, et des capacités forgées par des milliards d'années d'évolution, mais combien de choses merveilleuses la technologie, fondée sur la science, ne sait-elle pas faire aujourd'hui !

Allons, aimons la nature (si l'on peut dire), mais sans trop la diviniser.

MERCI !

Ces deux derniers jours, nous avons eu le bonheur d'être 420 amis réunis à AgroParisTech (Paris) pour les Cours de gastronomie moléculaire.
Le thème a été annoncé : la "cuisine note à note".
Surtout, des collègues/amis ont eu l'immense gentillesse de venir présenter leurs points de vue (argumentés d'un point de vue scientifique ou technologique) sur cette cuisine, qui deviendra bientôt la prochaine grande tendance culinaire.
Merci, donc à :
Jean Pierre Lepeltier et Julien Mercier, Membres des Toques blanches
Stéphane Baudoin, de la Société Seprosys
Laurent Joron, de Dow Chemicalpe
Jean Louis Escudier, de l'INRA Montpellier
Patrick Caals, de l'ecole Le Cordon Bleu Paris
Claire Gaudichon, professeur à AgroParisTech
Robert Anton, de l'Université de Strasbourg
Pierre Combris, de l'INRA Vitry

A tous, qui ont fait quelque chose de passionnant, j'adresse un MERCI vibrant.
Vous les retrouverez sur : http://podcast.agroparistech.fr/users/gastronomiemoleculaire/


jeudi 26 janvier 2012

Il n'est pas nécessaire d'être lugubre pour être sérieux ! Vive la chimie !

Un message (surtout à l'attention des chimistes) :

L'enseignement de la chimie sera plus efficace si nous faisons sourire cette dernière.

C'est en tout cas ce que nous avons été plusieurs à proposer, lors d'un dernier Comité de rédaction de l'Actualité chimique (revue à rapporteurs, à facteur d'impact)
Pour ce qui me concerne, le raisonnement est le suivant : les textes doivent être de bonne qualité scientifique ou technologique, et les informations doivent être justes. Cela étant, nous ne devons JAMAIS nous priver de nous émerveiller, ni de sourire ; après tout jusqu'à plus ample informé, nous n'avons qu'une seule vie.

Cette idée est dite plus "raisonnablement" par Paul Rigny, Rédacteur en Chef de l'Actualité chimique, qui m'a autorisé à diffuser le message qu'il avait envoyé au Comité de rédaction, et dont voici la teneur :

Bonjour à tous,

Notre dernier  Comité de Rédaction a émis un souhait  non conventionnel mais bien pertinent : celui que l'on introduise une note "un peu ludique" dans le revue. Il s'agirait de publier, lorsque l'opportunité s'en présente, un article ou une lettre qui adopte le mode humoristique, ou de publier - avec la prudence qui s'impose pour ne pas être mal interprété - une caricature ou dessin humoristique.
Croulant sous les tâches impérieuses de rédacteur en chef, j'observe que mon sens de l'humour - que je croyais beaucoup plus solide - a tendance à s'émousser. Je me tourne donc vers mon précieux Comité de Rédaction et je vous demande de rabattre auprès de vos connaissances, ou de vous coller vous mêmes à la tâche, des articles ou dessins qu'on pourrait voir de temps en temps dans L'Actualité Chimique.

Merci d'y réfléchir et si possible de contribuer : je suis convaincu qu'au moment où nous cherchons à intéresser davantage de lecteurs, cette "note de légèreté" nous serait d'un grand secours.
Merci à tous et...à vos crayons.
Paul Rigny


Voilà, la diffusion est faite. Merci de m'aider à distribuer ce message... afin que notre revue soit encore plus belle demain qu'aujourd'hui.

mardi 24 janvier 2012

Je ne suis pas certain de bien suivre les règles des blogs

Je ne connais pas bien les règles des blogs, en matière d'abonnés, de commentaires, mais vous avez déjà vu que j'utilise des commentaires pour mes billets. Ce n'est jamais injurieux envers mes amis correspondants, bien au contraire, même quand je ne suis pas d'accord.

En l'occurrence, je n'ai pas à imaginer des antagonismes, à propos du commentaire suivant :

"Comme Hervé This l'a fait remarqué sur quelques-uns de ses billets, son ami, cuisinier et artiste Pierre Gagnaire a expérimenté la cuisine note à note. Il en a fait des plats (ou devrais-je dire des oeuvres d'art ?), tout en continuant son travail d'artistes sur des plats plus traditionels, si tant est qu'on puisse appeler traditionnel ce que fait un artiste comme Pierre Gagnaire.
Et ca n'est pas un problème, tout comme la cuisine moléculaire n'a pas non plus besoin d'être unique.
Si je me permet de faire une analogie, il est tout a fait possible de faire cohabiter musique moderne (rap, hip hop) avec de la musique beaucoup plus ancienne (classique), et même avec de la musique qui a une culture complêtement a part (jazz).
Je me risquerais tout de même a répondre, de mon point point de vue personnel, à votre examen de l'hypothèse que vous avancez. J'ai eu la chance de pouvoir expérimenter la cuisine note-à-note a plusieurs reprises.
L'expérience la plus marquante a été de déguster un soufflé au homard accompagné d'une sauce au vin. Sans homard. Sans vin. Et bien cela a été une des expériences les plus troublantes que j'ai pû faire, tant l'impression d'avoir un vrai soufflé au homard était forte.
Je réponds bien entendu a votre commentaire en mon propre nom, et je ne m'avance pas sur ce que pourrait vous répondre Hervé This."

Une précision, pour ceux qui n'ont pas eu la chance de manger ce soufflé. Il avait mesurait environ 50 centimètres de diamètre, avait été préparé trois jours à l'avance, et était servi par grosses parts, avec une sauce wöhler (aux polyphénols de syrah). D'ailleurs, je me suis opposé à ce qu'on le nomme "soufflé au homard sauce au vin", parce que précisément, il n'y avait ni homard ni vin. Cela étant, il est vrai qu'on avait l'impression d'avoir du homard, et que la sauce wöhler fait très "sauce au vin".
Dans un tel cas, je regrette un peu que l'on colle à quelque chose de connu... mais c'est là une question merveilleuse : la cuisine note à note doit-elle, ou pas, coller à du connu ?
Une métaphore musicale : les synthétiseurs doivent-ils servir à jouer Au clair de la lune ?
Ma réponse argumentée sera donnée lundi ou mardi prochain, lors du Cours de gastronomie moléculaire 2012.

dimanche 22 janvier 2012

Des images de quelques plats de cuisine note à note

Souvent, on me demande à quoi ressemblent les plats de cuisine note à note.
Quel goût ils ont ? Faites les, ou demandez à ceux qui en ont l'expérience de vous les faire.

En voici l'image, pour quelques uns, dans l'ordre chronologique.

Le premier à avoir fait un plat note à note a été mon ami Pierre Gagnaire en 2009. J'ai voulu qu'il soit le premier, et il l'a été. Il le restera à jamais, même si la cuisine note à note n'est pas sa pratique quotidienne (un vrai artiste ne suit pas une ligne, il la crée!) :







Puis Hubert Maetz (Rosheim) et Aline Kuentz, à Strasbourg, en mai 2010, ont présenté un plat note à note devant les congressistes français, allemands et japonais des rencontres JSPS :




(désolé, je n'ai pas de photographie du plat !)


Puis, lors d'un diner pédagogique pour les auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes du goût, les chefs enseignants de l'école Le Cordon Bleu, Paris, en  octobre 2010, ont servi ces plats (et d'autres) : 
















Etape suivante : le 26 janvier 2011, le banquet qui a précédé le lancement officiel, à l'Unesco, de l'Année internationale de la chimie, un repas servi par Potel & Chabot, à Paris :
















A noter que ces plats ont été servis, une deuxième fois, lors de la réception des chefs nouvellement étoilés par le Michelin, organisée par la revue L'Hôtellerie, à l'Espace Cardin, à Paris, en avril 2011.


Puis en octobre 2011, à l'école Le Cordon Bleu Paris :






Le 3 décembre 2011, des chefs de l'Association Toques Blanches Internationales, ont oeuvré dans le cadre du Téléthon. Il y avait un amuse bouche note à note, un plat de cuisine moléculaire, et un plat classique, avant un dessert note à note. Je n'ai hélas pas eu le dessert, qui était remarquable, mais voici l'amuse bouche :


Ce n'est qu'un début !!!!!!!

samedi 21 janvier 2012

De qui se moque-t-on?

Sur un site idiot, je trouve ceci :

"INSECTICIDES NATURELS

Les insecticides chimiques que l'on trouve dans le commerce sont des produits dangereux pour l’homme et l’environnement.
Il est donc conseillé de ne les utiliser qu’avec précaution et sérieux, et toujours en lisant attentivement le mode d’emploi ou beaucoup mieux de ne servir que d'insecticides naturels et écologiques"



Suit une série de produits, tabac, cendre, jus de rhubarbe... qui seraient donc merveilleux. On oublie si le tabac est efficace, c'est que la nicotine est toxique. Si la cendre l'est, c'est parce qu'elle contient de l'hydroxyde de potassium, et qu'elle peut être aussi caustique que de la chaux ou de la soude, que le jus de rhubarbe contient de l'acide oxalique, qui n'est pas anodin.

Les insecticides de l'industrie, souvent, sont des composés  ayant la même origine "naturelle" (quel mot idiot) que les insecticides naturels, mais ils sont mieux dosés, plus sélectifs... et donc moins dangereux pour l'homme et l'environnement que des produits médiévaux, idiots, non raisonnés.

Bref, quel gâchis ! Vite, créons des écoles, des collèges, enseignons les sciences et la technologie, de façon pratique et citoyenne !

vendredi 20 janvier 2012

Et encore !


J'ai décidément affaire à quelqu'un de merveilleux... qui répond : 






"Je suis attachée à la fraise et aux poireaux et à beaucoup d'autres légumes ou autres ingrédients qui sont ma culture alimentaire, mais pas tout à fait comme les gens du Moyen Age, qui eux n'avaient pas ou peu de choix, et ne pouvaient raisonner leur alimentation.  Et  bien sûr les particularités personnelles ne comptent pas à l'aune de l'histoire de l'alimentation ; mais savourer un poireau ou une carotte c'est,  et ce fût partagé par des milliards d'hommes.  
Permettez moi aussi de revenir sur l'objectif politique, que vous poursuivez avec la cuisine note à note, à destination des agriculteurs. Aujourd'hui, dans les régions qui s'y prêtent le mieux, les agriculteurs  essaient de produire en ayant une relation directe avec le consommateur et donc de travailler en circuit court. Et ce système semble satisfaire les deux parties et rencontrer du succès. Qu'est ce qui inciterait les agriculteurs à transformer leur production  ? Et le risque existe de voir immédiatement l'industrie agroalimentaire s'emparer de ce maillon de la chaine ?"

Ouf, c'est un gros morceau. Allons y doucement. 

Partager un poireau avec des milliards d'êtres humains, nos soeurs, nos frères... Ce sont de grands mots, mais "partage-t-on vraiment" avec ceux qui ont faim ? Et avec ceux qui ne connaissent ni le poireau ni la fraise, parce que, eux, ont des cives (au goût bien différent) ou des fruits de la passion ? 

La production de proximité ? Je veux bien, mais, en région parisienne, et dans les métropoles qui ne cessent de s'étendre, où sont les champs ? Ils sont de plus en plus loin ! Pour la région parisienne, c'est, je crois, un fantasme que de croire que l'on puisse nourrir 10 millions d'individus avec de la culture de proximité... surtout si les terres à blé ne sont pas des terres à carotte ! 
Certes, on n'est pas forcé de faire venir des produits végétaux et animaux de l'autre bout de la Terre, mais le fait est que le public veut à la fois sauver la planète et des tomates en hiver ! Quand la collectivité sera cohérente...
Bref, je ne suis pas là pour juger. Ce que je sais, c'est que, quel que soit le modèle alimentaire, il faut voir plus loin que ses compétences limitées, et c'est pourquoi, pour cette question, j'ai invité mon ami Pierre Combris à venir discuter la question. Lui, est compétent ! Ni mon interlocutrice ni moi. 

Qu'est ce qui empêchera l'industrie alimentaire de s'emparer de la production des composés pour la cuisine note à note ? 
Disons : 
1. pour nos amis canadiens, tous ceux qui produisent sont de l'industrie (au vrai sens du mot) ; les agriculteurs, les cuisiniers, sont des "industriels". 
2. Rien n'empêchera qu'une industrie plus capitalistique s'empare de la production de composés ou de fractions... d'où mon insistance à mettre tout de suite les agriculteurs dans le coup. Comptez sur moi pour aider les agriculteurs à s'enrichir... mais il faut en passer par une transformation, et pas seulement se limiter à la culture (qui est, n'en doutez pas, un vrai métier, avec un vrai savoir faire : que ceux qui ne sont pas convaincus relisent Bouvart et Pécuchet, de Flaubert). La question est différente, donc : faut-il supporter que les agriculteurs ne soient pas bien rétribués pour leur travail de production, et faut-il qu'ils doivent faire "plus" ? Je répondrais que le cuisinier doit faire plus que la cuisine, de la gestion, du commerce, de la représentation. Que le scientifique doit faire plus que de la science : des levées de fond, de la formation d'étudiants, etc. Et c'est sans doute ainsi pour la majeure partie des "métiers". 
Je ne suis pas là pour juger... mais je suis certain que de la valeur ajoutée facilement gagnée, ce n'est pas à négliger. 

Ouvert à la discussion!

Vive la gourmandise éclairée !
vive la connaissance produite et partagée !

Suite de la discussion précédente, à propos de cuisine note à note

Pour ceux qui ont déjà lu le billet précédent :

Ma correspondante répond (une réponse merveilleuse : la preuve, je m'en empare pour répondre collectivement avec l'espoir que naîtra un débat collectif) :

"Si je n'ai pas votre certitude de scientifique, j'ai quand même  la conviction que notre régime alimentaire doit changer, notamment avec moins de consommation de viande et de façon générale, des aliments moins énergivores.
Pourquoi être accroché à la fraise et au poireau ?   Pour moi, ça fait partie de mon univers alimentaire depuis mon enfance et tous les deux me procurent du plaisir, tant à les cuisiner qu'à les manger. Pour d'autres ça ne signifie  rien, comme la musique de Martin Marais. Aujourd'hui nous avons accès à ce compositeur comme à Ligeti. Je préfère imaginer que demain je pourrai encore choisir de réaliser dans ma cuisine  un plat note à note et une flamiche aux poireaux. Car je crois plutôt que c'est notre avidité à toujours plus qui raréfie les choses les plus élémentaires."
 
Pour moi : 
1. je ne sais pas quelles sont mes "convictions", et s'il faut en avoir. Par exemple, je croyais que les protéines d'origine animale étaient condamnées, mais des amis agronome m'ont bien fait remarquer que, en montagne, l'agriculture est difficile, et l'élevage essentiel. Donc j'essaie de ne pas être insensé au point d'être assuré de mes propres certitudes. 

2. Oui, la question de l'énergie se pose, et se posera de plus en plus. Les fractionnements de produits végétaux, si on les fait en masse, sont bien moins énergivore que des manipulations domestiques, individuelles (et je rappelle qu'une casserole -médiévale- sur une plaque à gaz -un siècle de retard-, c'est jusqu'à 80 pour cent d'énergie gâchée!!!!). 

3. La question de l'eau est également importante : quand on produit des carottes, des navets, des tomates, et qu'on les transporte, une bonne partie arrive pourrie... et l'on transporte essentiellement de l'eau. Pourquoi transporter de l'eau qui pourrit ? Et une osmose inverse qui extrairait l'eau purifiée ne pourrait être à l'origine d'une industrie de "belles eaux" : eau de fraise, de framboise... ? 

4. Etre accroché à la fraise et au poireau : ma correspondante me dit qu'elle les connaît depuis l'enfance. Oui, et alors ? Ces ingrédients classiques lui plaisent. Et alors ? Moi, ce que je veux, c'est surtout dépasser l'enfance. Imaginons que nous ayons l'esclavage en héritage, dans l'enfance : ne devrions-nous pas nous en détacher le plus vite possible ? Plus généralement, ne devons-nous pas considérer nos comportements, et changer ceux qui sont néfastes ? 

5. D'ailleurs, au moins dans un premier temps, la cuisine note à note va s'ajouter à la cuisine classique, comme Debussy s'est ajouté à Mozart. Pourquoi craindre que l'un efface l'autre ?

6. Oui, vous avez raison de dire que vous êtes attachée à la fraise et au poireau. Tout comme les gens du Moyen Age étaient attachés à leur alimentation.
Mais tout change, et les particularités personnelles ne "comptent pas", à l'aune de l'histoire de l'alimentation.
Il y a 20 ans, les cuisiniers me disaient haïr l'alginate et l'agar, mais la crise de la vache folle les a conduit à utiliser ces gélifiants, au point que, aujourd'hui, personne ne s'en fait plus.

Discussions autour de la cuisine note à note

Une question m'est posée :

"A propos de l'avenir de la cuisine note à note : cette cuisine vous paraît devoir s'imposer, pour pallier le manque d'énergie, d'eau, tout en répondant aux besoins croissants d'alimentation. N'êtes vous pas aussi un peu "marchand de peur" ? Et si je suis votre prévision de l'avenir de la cuisine,  le poireau ou la fraise seront ils demain un produit de luxe ?

Une réponse succincte :
Pour le "marchand de peur", non, je ne fais rien craindre : c'est une certitude que le modèle alimentaire doit changer, et la cuisine note à note est une solution très positive.  Pourquoi serait-elle anxiogène ? La perspective de nouveaux goûts, c'est quand même une promesse de bonheur, non ?

Oui, d'autre part, si la population continue d'augmenter, la fraise et le poireau seront des objets de luxe, comme l'est la morue aujourd'hui, les ortolans, etc.

Mais, au fait, pourquoi être accroché à la fraise et au poireau? Le sommes nous tant que cela à au musicien Marin Marais ? La plupart des jeunes le connaissent même pas ! Et puis, le poireau... Un de perdu, des milliards de retrouvés ! Pourquoi nous intéresserions-nous au poireau ?

La fraise ? La moitié arrivent pourries, quand on n'a pas de jardin. J'ai toujours peur du fétichisme qui s'emparent de nous.

Tiens, les livres : dans mon petit ordinateur, j'ai toute l'oeuvre de Diderot, Voltaire, Proust, Rabelais, Flaubert... Pourquoi aurais-je des objets en papier qui prennent la poussière sur des bibliothèques, où je pourrais mieux faire, en accrochant des tableaux ? J'adore les "livres"... mais pas pour les objets (fétichismes), mais pour le texte intelligent qu'ils contiennent.

Donc pas de peur à avoir, mais du travail à faire. Ca, c'est merveilleux!

mardi 17 janvier 2012

On me demande des recettes de cuisine note à note ?


Recettes note à note


Apéritif : Feuille morte
A 600 mL d'eau, ajouter 40 mL d'éthanol, 0,0001 g de phosphate de calcium, 0,001 g de phosphate de sodium, 0,3 g de tanins oenologiques, 3 g de glucose, 1 goutte d'une solution diluée de paraéthyl phénol.


Apéritif Effervescence :
Préparer une solution de glucose (20 g) dans de l'eau (500 mL), ajouter 20 % d'éthanol et une cuilleré à soupe de polyphénols.
Puis au moment de servir, verser une petite cuillerée d'un mélange acide tartrique/bicarbonate de sodium (2:1)


Note à noeuf (adapté de Frédéric Lesourd, Chef à l'Ecole du Cordon bleu Paris)
1. L'orange
Faire un total de 60 g avec :
une pointe de couteau de carotène beta
une cuillerée de lécithine de soja
de l'eau
de l'huile de tournesol émulsionnée vigoureusement
des agrégats de protéines obtenus par le procédé suivant :
  • dilution d'un blanc d'oeuf dans autant d'eau
  • ajout de sel (salting out)
  • filtration des fractions précipitées
  • chauffage de ces fractions à 100 °C jusqu'à coagulation
une pincée de sel
une cuillerée de glucose
quelques gouttes de vinaigre cristal

2. Le bleu
Dans 200 mL d'eau chaude, saler, dissoudre 10 feuilles de gélatine, une goutte de bleu patenté, puis aussitôt le fouetter très vigoureusement afin d'obtenir une quantité considérable de mousse.
Verser cette mousse à la louche dans des bols tapissés d'un film plastique alimentaire, et les mettre au frais (la mousse va gélifier).

3. Le support :
A la poele, cuire de la fécule de pomme de terre jusqu'à couleur blonde ou brune (en remuant bien) à sec. Plutôt vers le blond, car on a ainsi un goût de champignon.
Mettre une partie de cette fécule torréfiée dans un saladier avec du gluten et de l'eau, travailler pour faire une boule, l'étendre au rouleau et prélever des disuqes 7 cm à l'emporte pièce. Les cuire sur papier sulfurisé à 180°C pendant 20 min.

4. Le g
auss
Sur un film transparent, étaler du surimi en couche mince (2 mm), puis au pinceau, mettre une couche de la graisse ainsi préparée :
– dans un réfrigérateur, mettre de l'huile d'olive et attendre une cristallisation qui sédimente ; décanter, et récupérer la partie solide
– colorer cette partie avec un colorant alimentaire rouge
Mettre au froid, puis plier en deux répétitivement jusqu'à obtenir un pavé de 5 cm d'épaisseur. Mettre au grand froid, puis couper des parallélépipèdes très minces.

5.
La sauce wöhler
  1. fondre à chaud 100 g glucose, 2 g acide tartrique, dans 20 mL d'eau,
  2. ajouter 2 g de polypénols
  3. porter à ébullition
  4. lier avec fécule de pomme de terre (environ une cuillerée à café)
  5. hors du feu émulsionner de la graisse récupérée dans la partie liquide de l'huile fractionnée
  6. ajouter solution de diacétyle
  7. mettre une goutte d'une solution de 1-octen-3-ol dans de l'huile.

Dressage :
Poser disque de farine torréfiée
Dessus, bleu démoulé face plate vers le haut
Poser dessus l'orange
En biais, parallélépipède de gauss
Autour, un trait de sauce wöhler



Un Patrick Terrien
Pour 15 portions (de 35 g chacune)
200 g de petit lait (extrait d’une clarification de beurre)
200 g d’eau
30 g de lait en poudre
10 g de yaourt poudre
4 g de sel
4 g de carraghénane iota
1 g d'agar agar
100 g d'huile neutre à ajouter en fin de préparation
1 goutte d'une solution diluée d'heptanone (0,2 g dans 10 g).

1. Récupérer le petit lait d’une clarification de beurre, passer au chinois étamine

2. Ajouter les autres ingrédients (sauf la matière grasse) sur feu moyen en mélangeant au fouet doucement, au frémissement (avant ébullition), retirer du feu et ajouter la matière grasse…

3. passer au chinois et mouler. Refroidir

Servir avec un caramel déglacé avec une solution de sotolon.
Ou bien avec des fibres récupérée d'un pressage de persil, hachées (ou coton hydrophile haché), puis blanc d'oeuf, séché à l'air libre ou à tiède, et on enduit le solide broyé grossièrement avec une dissolution de sotolon dans l'huile.



Fibré
Prendre de la farine de blé. Faire une lixiviation pour récupérer l'amidon.
Ajouter eau et poudre de blanc d'oeuf, et faire passer le mélange dans une filière pour les faire tomber dans de l'eau bouillante salée.
Après 3 min, récupérer les spaghettis.
Les aligner dans un moule à cake, et couler une solution d'eau+agar-agar+monoglutamate de sodium+arome poulet + sel+ glucose. Laisser prendre, puis couper par le travers des pavés.
Accompagner d'une conglomèle avec eau, glucose, bêta carotène.
Servir avec une sauce faite de la façon suivante :
- dans une casserole, mettre 1 verre d'eau
- sur le feu, faire bouillir, ajouter une feuille de gélatine préalablement trempée dans l'eau froide et 1 verre de graisse neutre (voir plus haut). En fin d'émulsion, mettre 3 gouttes de truffarome.



Perles de pomme, opaline, granité citron (Pierre Gagnaire)

  1. le petit lait : mélanger acide citrique et lait froid, chauffer jusqu'à coagulation, filtrer sur linge humide, réserver frais
  2. perles de pomme : avec seringue faire tomber gouttes de solution eau + lactate de calcium + arôme artificiel pomme verte dans un bac d'eau avec de l'alginate de sodium (dissous au mixer), retrirer les perles formées
  3. Peligot de glucose : cuire l'eau et le glucose jusqu'à caramel brun, couler sur un silpat pour le refroidir, réduire en poudre fine, déposer une plaque à empreinte 6 cm de diamètre, saupoudrer le peligot de glucose sur 2 mm d'épaisseur, retirer la plaque à emprieinte, enfourner four chaud, refroidir, conserver au sec
  4. granité citroné: faire fondre glucose dans l'eau, ajouter acide citritique, arome citron, mettre à congeler, écraser à la fourchette quand c'est solide, afin d'obtenir un granité
Dressage : dans une assiette creuse, mettre un fond de granité, puis des perles, et par dessus trois disques superposés de péligot.


Vauquelin citrique :
Ajouter 10 % en masse de poudre de blanc d'oeuf dans de l'eau, puis 1 cuillerée d'acide citrique et 1 cuillerée à soupe de glucose. Monter comme un blanc en neige et servir dans des verres, en le passant ou non au four à micro-ondes.



Sablés torréfiés
Dans une casserole, mettre fécule de pomme de terre et chauffer en remuant jusqu'à brunissement.
Verser la fécule torréfiée dans un saladier, et ajouter du saccharose (sucre de table), matière grasse, un peu d'eau, et une cuillerée à soupe de poudre de blanc d'oeuf, une cuillerée de gluten. Malaxer, faire de petites billes et les cuire 10 min à four très chaud (220°C).



Disque de caramel au polyphénol (Pierre Gagnaire)
Cuire 100 g de fondant et 70 g de glucose 70 g jusqu'à 120°C
Ajouter 3 g de polyphénols totaux, puis reprendre la cuisson du sucre jusqu'à 155°C.
Stopper la cuisson en ajoutant10 g de beurre de cacao
Verser sur papier sulfurisé et abaisser 1 mm



Les Cours 2012 de gastronomie moléculaire :

Voici les liens pour la vidéo d'annonce de gastronomie moléculaire 2012

podcast général : http://podcast.agroparistech.fr/groups/agroparistech/weblog/b4252/Annonce_du_cours_de_Gastronomie_Moleculaire_2012.html

podcast gastronomie moléculaire : http://podcast.agroparistech.fr/users/gastronomiemoleculaire/weblog/b3cee/Annonce_du_cours_de_Gastronomie_Moleculaire_2012.html

dailymotion : http://www.dailymotion.com/video/xnq8fd_annonce-du-cours-de-gastronomie-moleculaire-2012_tech

dimanche 15 janvier 2012

Questions et réponses

Il n'est pas inutile de faire état d'une réponse du jour, à un email que je reçois : 
 
"Cher Monsieur This,
Elève de première étudiant à Limoges, je vous avais précédemment contactée à propos de notre TPE sur la cuisine note à note.
Nous avons trouvé beuacoup de renseignements sur vos sites mais avec l'avancée de notre travail nous avons quelques questions qui restent sans réponse. Nous vous serions reconnaissants d'y répondre.
D'abord, quel est votre avis concernant la polémique sur l'utilisation d'additifs dans la cuisine moléculaire? Ce débat concerne-t-il également la cuisine note à note?
Ensuite, comment envisagez-vous l'avenir de la cuisine note à note? D'après vous est-elle plutôt destinée aux laboratoires, ou aux cuisines des gastronomes ou encore aux particuliers?
Enfin, que pensez-vous de la cuisine moléculaire? Est-elle seulement l'effet de mode dont parlent certains?"
 
La réponse est la suivante : 
La polémique sur les additifs ? Le peuple a peur de ce qu'il ne connaît pas, et les journalistes ne sont pas tous honnêtes. Les "marchands de peur" se font connaître bien plus que ceux qui n'ont rien à vendre.
Je m'étonne que les mêmes qui refusent des additifs (sachant que le caramel en est un) ne cherchent pas à éviter les barbecues... qui déposent des benzopyrènes cancérogènes sur les viandes !!!!! Voir aussi http://hervethis.blogspot.com/2012/01/denoncons-les-marchands-de-peur.html

L'avenir de la cuisine note à note ? C'est pour tout le monde, parce qu'il y aura bientôt
- une crise de l'énergie
- une crise de l'eau
- 9 milliards d'humains à nourrir

Cela sera exposé les 30 et 31 janviers, et les cours seront podcastés. 
 
La cuisine moléculaire, une mode ? Oui ! Il s'agissait de rénover les techniques culinaires, et c'est fait, puisque même les cuisiniers les plus "réacs" utilisent des siphons, du chocolat chantilly, des gélifiants extraits des algues, de la cuisine basse température. Passons vite à la suite : la cuisine note à note !