Il y a bien longtemps, j'ai eu la chance
qu'une amie me prête un livre américain intitulé "What to write, how to write, how to
sell it". C'est un gros livre de théorie littéraire appliqué, un gros livre
fait de très nombreux petits chapitres qui avaient été demandés aux
principaux écrivains de l'époque (vers 1960-1970). Surtout à des écrivains
anglo-saxons et aussi à quelques éditeurs.
Chaque chapitre racontait la
méthode personnelle d'écriture des écrivains sollicités et il y avait
tout aussi bien des chapitres par des auteurs de polars qui racontaient
qu'il construisaient leurs romans par la fin que des chapitres plus théoriques
qui rappelaient la structure des discours des Grecs anciens et faisaient le
parallèle avec leur propre méthode.
Mais il y avait en particulier un
chapitre qui évoquait la phrase magique.
De quoi s'agit-il ?
L'idée, c'est que quand on écrit un texte, on écrit d'abord le texte
sans trop se préoccuper d'autres choses que le contenu ; puis on fignole
l'ensemble et l'on termine le travail. Et c'est à ce moment-là, quand tout est "terminé", qu'il
doit se passer quelque chose de plus, à savoir qu'on doit passer
maintenant presque autant de temps à trouver la phrase magique qu'on en
a passé à construire tout le texte.
En pratique cela veut dire que le
texte étant écrit, on n'y touche plus, mais on cherche une phrase que l'on
doit transformer afin qu'elle devienne mémorables pour tous les
lecteurs. Il n'y a pas de recette pour faire cette phrase magique mais il faut chercher et chercher longtemps : par exemple une
journée pour une phrase entière.
D'ailleurs, quand j'écris "longtemps ",
c'est bien peu car Flaubert écrivait en moyenne seulement 7 phrases par
jour, tant il raturait, corrigeait, améliorait, transformait...
Là, avec la phrase magique, ce n'est pas un travail
d'écrivain artiste comme Flaubert mais seulement un travail d'artisan
qui veut bien faire, qui veut faire mieux. Il n'est donc pas de recette
pour la phrase magique mais simplement du travail...
Et je peux témoigner
que chaque fois que j'ai pris le temps de faire une telle phrase, j'en
ai été récompensé. Par exemple pour certains de mes livres où j'avais
explicitement cherché une phrase magique, les interviews par des
journalistes qui ont suivi la publication du livre ont souvent été
focalisés sur ces phrases que j'avais posées et dont les lecteurs
journalistes se sont ensuite emparés, preuve que ces phrases avaient été
bien reconnues comme le voulait l'auteur du chapitre merveilleux dans le
livre américain.
Je suis très reconnaissant à cet auteur dont j'ai
oublié le nom à faire mieux les textes que j'écris et je vous donne ici
la recette : n'oubliez pas la phrase magique !
Pourquoi
suis-je en train de discuter cette question aujourd'hui ? Parce que hier,
j'ai visionné une masterclass de violoncelle d'Amit Peled, qui, lui aussi, a évoqué cette question de moment magique dans l'exécution d'un
morceau.
Parfois cela peut-être un silence que l'on tient un peu plus, cela peut-être un rubato un peu marqué : le rubato, c'est le fait de ne pas jouer les notes au rythme où elles sont exactement écrites sur la partition mais d'insister sur certaines notes qui non seulement prennent une intensité sonore plus grande mais en plus prennent une force supplémentaire parce qu'elles ont une durée supplémentaire.
Parfois cela peut-être un silence que l'on tient un peu plus, cela peut-être un rubato un peu marqué : le rubato, c'est le fait de ne pas jouer les notes au rythme où elles sont exactement écrites sur la partition mais d'insister sur certaines notes qui non seulement prennent une intensité sonore plus grande mais en plus prennent une force supplémentaire parce qu'elles ont une durée supplémentaire.
On n'a pas attendu Amit Peled pour dire que les premiers temps des
mesures, au moins pour une certaine musique classique, doivent être appuyés. Or appuyer une note, cela consiste à lui donner plus d'intensité et un peu
plus de durée ; pas trop car il faut rester dans la pulsation, dans le
rythme.
Le rubato, c'est donc de prendre un peu de temps sur note
mais sans perdre la pulsation, ce qui signifie que les notes suivantes
seront un peu plus courtes. La magie est donc partout en musique puisque
le premier temps doit être plus fort et dans une mesure à quatre temps ,
le troisième temps doit être doit être un peu moins fort que le premier
mais plus fort que le deuxième et le 4e.
Bref il y a lieu de ne
jamais être monotone, mais au contraire, quand nous parlons à nos amis,
d'insister de renforcer, d'adoucir, d'arrondir, et cetera. Il y a
lieu d'être vivant, de communiquer notre enthousiasme, notre bonheur,
nos peines, nos joies, nos étonnements... Et je ne doute pas que quel
que soit les activités humaines il ne soit nécessaire d'avoir
l'équivalent des phrases magiques
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