En réfléchissant à la chimie, je viens de comprendre pourquoi la composante analytique est plus intéressante que je ne croyais... et pourquoi je me refuse à parler de "chimie analytique".
La chimie, c'est l'exploration de la matière, pour ce qui concerne les molécules et les atomes (OK, les ions, etc.).
On considère ces objets, sans aller à l'étude de collectivités de tels objets si grande que l'intérêt particulier de ces objets s'évanouit, et sans aller jusqu'à l'étude de leurs constituants (les particules subatomiques).
Mais il faut ajouter, plus positivement, que l'on considère ces objets de deux façons : d'abord pour leurs propriétés, et ensuite pour leurs transformations (la "réactivité").
Il est couramment admis qu'il y aurait, en chimie, deux branches principales qui seraient l'analyse et la synthèse.
Pendant longtemps, l'analyse s'est imposée : on pense à Hennig Brand qui découvrit le phosphore en calcinant de l'urine, au 17e siècle, on pense à Humphrey Davy découvrant le sodium par électrolyse, on pense à tous ceux qui ont identifié les éléments chimiques ; mais on pense aussi à Michael Faraday, qui découvrit le benzène, à Henri Braconnot découvrant la chitine, à Michel Eugène Chevreul découvrant la constitution moléculaire des triglycérides, à Joseph Caventou explorant la chlorophylle... Et, plus récemment, on pense aussi à ces passionnants travaux de l'Institut de chimie des substances naturelles, qui détectent dans le monde naturel (plantes, coraux, animaux, etc.) des composés aux propriétés curatives (par exemple, le taxol dans l'if ; par exemple la vinblastine dans la pervenche de Madagascar, etc.), on pense à la découverte des "fullérènes", dans les suies, il y a à peine quelques décennies... et le travail n'est pas fini, tant le monde moléculaire est immense (infini).
Mais les objets de la chimie valent par leurs propriétés, par leur réactivité, qui, elle, est explorée aussi par la composante synthétique : on explore cette réactivité... en analysant d'ailleurs les produits de réaction.
Finalement analyse et synthèse sont intimement liées, unies pour l'exploration du monde et de ses transformations, au niveau particulier de la chimie. On navigue sans cesse entre l'élucidation des mélanges, la constructions d'objets, le repérage des mécanismes de ces transformations, la compréhension des propriétés qui sont l'origine des transformations...
Pour en revenir à l'analyse, on voit qu'elle s'est imposée, qu'elle s'impose, qu'elle s'imposera. Mais, surtout, on n'a pas assez dit que l'analyse n'est pas un simple dosage, pas le simple établissement d'une table de composition, mais bien plutôt l'identification d'objets moléculaires que l'on ne connaissait, des caractéristiques, pour de tels objets, responsables de propriétés particulières.
D'ailleurs, il faut ajouter ici un adage des chimistes : quand on fait une expérience (une analyse, par exemple) et qu'on a le résultat qu'on attendait, on a une confirmation, mais si l'on obtient autre chose que ce qui était envisagé, alors on a peut-être fait une découverte.
Et c'est ainsi que j'ai évoqué, il y a quelques jours, la découverte merveilleuse des fullérènes, des molécules en forme de cage faites seulement d'atomes de carbone.
Personne n'en avait fait la prévision, de sorte qu'il s'agissait d'une véritable découverte.
Et c'est bien là la question : faire de belles découvertes, et non pas de découvrir une molécule de plus dans une catégorie connue.
Oui, l'objet de la chimie, cette superbe science, c'est la découverte. Et, l'objectif étant posé ainsi, on dépasse largement l'idée fautive qui consiste à définir la chimie analytique comme la mise au point -technologique- d'outils pour faire les analyses.
Ne confondons pas technologie et science. Si le mot "chimie" est prononcé, c'est qu'il s'agit de science. Et si cette chimie est de l'ordre des analyses, alors il s'agirait de "chimie analytique".
Mais faut-il vraiment une telle terminologie... alors que la chimie de synthèse vise à... analyser la réactivité ? Au fond, cette expression"chimie analytique" n'est-elle pas déplacée, et toute la chimie ne serait-elle pas d'analyse ? C'est la position à laquelle je crois arriver... si l'on veut un juste usage des mots, sans les gauchir. Lavoisier nous ayant bien expliqué que l'on ne pourra pas améliorer la science sans améliorer la langue, et vice versa, je crois que cette position s'impose avec encore plus de force.