Il y a bien longtemps, quand j'ai déménagé le Groupe de gastronomie moléculaire, du Laboratoire de chimie des interactions moléculaires du Collège de France vers AgroParisTech, nous avons été accueilli par le "Laboratoire de chimie analytique". J'étais heureux de rencontrer des collègues intelligents, sympathiques, accueillants, mais... chimie analytique ? De quoi s'agit-il ?
D'abord, je pars de l'hypothèse que la chimie est une science de la nature, et non pas une technologie ou une technique. C'est ainsi qu'elle a été rénovée par des Lavoisier, par exemple : il s'agit d'utiliser la méthode scientifique pour explorer les phénomènes de la nature, et, notamment, les transformations de la matière.
Et, pour tous les travaux de chimie, il y a de l'analyse (il faut savoir de quoi l'on parle, connaître les objets que l'on explore), et il y a parfois de la synthèse moléculaire, pour explorer des mécanismes réactionnels.
Cela dit, c'est une faute de langage que de parler de chimie synthétique ou de chimie analytique ! D'autant, pour cette seconde expression, qu'il y a une confusion entre l'analyse chimique, l'étude -technologique- de mise au point de nouvelles méthodes d'analyse, et la chimie.
Bien sûr, je n'ai pas ennuyé mes amis avec ces déclarations, et j'ai fait le dos rond, avec un Groupe de gastronomie moléculaire et physique proprement nommé, dans un laboratoire de "chimie" : ce n'était pas si mal.
D'autant que, à l'époque, mon idée n'était pas si claire qu'aujourd'hui : j'avais hésité quant au statut de la chimie, qui aurait tout aussi bien pu être soit une technique, soit une technologie.
Mais on verra que, depuis quelques années, tout est clair : la chimie est une science de la nature, qui ne se confond pas avec ses applications. Il n'y a donc pas de "chimie analytique" ! Et même si l'on a fait, et si l'on fait encore des analyses, il est bien rare que l'on ait à identifier des nouveaux composés, aussi mystérieux que le benzène à l'époque de Michael Faraday, ou que les pectines à l'époque de Braconnot.