Ce matin, des questions, auxquelles j'apporte des réponses :
Pourquoi faites vous de la chimie ?
Parce qu'il est admirable, mystérieux, extraordinaire, que le calcul décrive si précisément le fonctionnement du monde, à savoir les mécanismes des phénomènes. Parce que le mouvement des sciences de la nature est extraordinaire. Fondé sur cette hypothèse dite ainsi par Galilée : "le monde est écrit en langage mathématique".
La chimie, c'est la possibilité d'expliquer le visible par de l'invisible... que nous révèle le calcul. L'un des plus beaux exemples que je connaisse est l'article de 1871 de Van'tHoff où est dessinée la molécule du glucose... à une époque où l'on discutait l'existence des molécules ! Mais les travaux de Charles Gerhardt et Laurent sont tout aussi extraordinaires. Quant aux analyses de Lavoisier, elles sont passionnantes, tout comme celles de Thenard et Gay-Lussac, aux débuts de la chimie organique. C'était l'époque où l'on commençait à faire la différence entre analyse immédiate (un fractionnement) et analyse élémentaire. D'ailleurs, à cette même époque, Chevreul a fait un travail éblouissant. Et le travail de Louis Pasteur sur l'acide tartrique : Biot en a pleuré d'émotion.
La chimie, c'est une science, donc l'honneur de l'esprit humain. C'est aussi, de ce fait, la reconnaissance du fait que nous avons beaucoup à découvrir, avec rationalité, sur le monde, et notamment sur la vie.
Pour vous, qu'est-ce que la chimie propre ?
Je ne sais pas, de sorte qu'il faut que j'aille voir en ligne. Je sais que, pour la chimie "verte", il y 17 critères acceptés par l'iupac. Mais la chimie propre ? Je pense d'ailleurs qu'il y a une confusion entre la chimie (science) et ses applications, et cela n'est pas bon. Dans l'intérêt de tous, je revendique que les applications ne doivent pas se nommer chimie ! Pourquoi ne pas parler d'applications propres de la chimie ?
Et si je devais inventer la définition de chimie propre, je dirais qu'il n'y a pas d'effluents autres de l'eau... mais c'est bien trop restrictif, et sans doute idiot. Pourquoi ne pas se contenter qu'une application de la chimie est propre si elle est capable de ne rejeter aucun autre composé que l'eau ou N2, ou O2 ?
Quand en avez vous entendu parler pour la première fois ?
Avec vous pour la chimie propre, et il y a longtemps pour la chimie verte.
Est-ce possible ou pas d’envisager une chimie propre ?
J'ai donc répondu plus haut. La réponse est oui : un calcul est toujours propre, n'est-ce pas ?
La chimie peut-elle être plus ou moins propre selon le domaine (matériau, chimie orga...)?
Je crois que la question est trop générale.
Etes-vous sensible à la protection de l'environnement ?
Comment pouvez vous imaginer que quelqu'un vous réponde non ? Ou bien un grand malhonnête ?
Pensez vous que la chimie est un domaine trop polluant et qu'on devrait limiter son usage ?
La chimie est une science, et de ce fait elle n'a pas de raison d'être polluante, ou, du moins, elle ne doit pas l'être (d'autant que nous faisons de la microchimie).
Cela a des conséquences, et la première est que les TP des écoles et universités devraient porter sur des quantités de l'ordre du mg, et jamais plus !
Mais, si vous parlez des applications de la chimie, c'est une question très générale, et les questions très générales sont mauvaises parce qu'elles appellent des réponses générales, et donc intellectuellement fautives. Par exemple, que diriez vous d'une industrie qui part d'effluents de l'agriculture pour faire du bioéthanol : ce serait donc le contraire de la pollution, n'est-ce pas ?
Mais surtout, ne pas confondre chimie et applications de la chimie !
Etes-vous capable de développer des outils/procédés respectueux de l’environnement pour l’industrie chimique dans votre domaine? En existe-t-il déjà ?
Mon domaine est la gastronomie moléculaire, mais il est vrai que nous sommes amenés à faire des analyses, et là, j'ai apporté un progrès merveilleux avec la RMN quantitative in situ, qui évite les extractions, et donc les solvants ! Mieux, je n'utilise plus de solvants deutérés pour les locks.
Quel est votre parcours ? Avez vous étudier la chimie propre dans votre cursus ? Pourquoi ?
Mon parcours ? Voir doc joint;
La chimie propre : quand j'étais dans mon école, la question environnementale se posait peu.
Pensez vous qu'elle est un domaine d'avenir ou qu'elle n'est qu'un mythe ?
Si la notion existe, c'est certainement porteur ! En tout cas, la chimie verte existe.
Dans votre quotidien, travaillez vous dans une optique de chimie plus propre ?
Toujours, mais dans l'ordre : sécurité, qualité, traçabilité.
Connaissez vous les règles/lois en matière de rejets des déchets pour votre établissement ? Les respectez vous ?
Bien
sûr que je les connais, et bien sûr que je les respecte ! Et je
m'étonne d'ailleurs des pratiques de certains collègues. Il y a un
combat quotidien à mener !
La pj contient ceci :
Hervé
This est physico-chimiste à l'Inra
et professeur consultant à AgroParisTech.
Il
est aussi Directeur du Centre
international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra,
créateur et directeur scientifique de la Fondation
Science & Culture alimentaire,
de l'Académie des science, créateur et président du Comité
pédagogique de l'Institut
des Hautes Études du Goût
(Université
de Reims Champagne Ardennes),
conseiller scientifique de la Revue Pour
la Science...
Né
le 5 juin 1955, il a effectué ses études au Lycée
Janson de Sailly,
à Paris. Après des études de physico-chimie à l'École
Supérieure de Physique et de Chimie de Paris (ESPCI ParisTech,
95e
promotion) et des études de lettres modernes à l'Université
Paris IV,
il a travaillé pendant 20 ans aux Éditions Belin
et à la Revue Pour
la Science,
où il a été éditeur et rédacteur en chef... en même temps qu'il
fondait et développait la gastronomie moléculaire, d'abord dans son
laboratoire personnel, puis au Collège
de France,
où il avait été invité par Jean-Marie Lehn (Prix Nobel de chimie
en 1987).
Simultanément
il était un des collaborateurs réguliers du Panorama
(France
Culture),
et le directeur scientifique des émissions Archimède
(Arte)
et Pi=3.14
(France 5).
Il a été le créateur et l'animateur de séries hebdomadaires de
télévision sur France
5,
et de radio sur France
Culture
et France
Inter
(tous les étés, quotidiennement).
A
partir de 1980, alors qu'il effectue ses recherches sur les
« précisions culinaires », il fait la promotion de ce
qu'il nommera en 1999 la « cuisine moléculaire »,
définie comme « la technique culinaire rénovée, notamment
avec l'apport de techniques de laboratoire ».
En
1988, il crée la discipline scientifique nommée “gastronomie
moléculaire et physique” avec Nicholas Kurti (FRS, 1908-1998,
directeur du Clarendon Laboratory, inventeur de la désaimantation
adiabatique nucléaire), alors professeur de physique à Oxford.
Cette
discipline scientifique se définit comme la recherche les mécanismes
des phénomènes qui surviennent lors des préparations culinaires.
En
1994, il imagine la « cuisine note à note » (qui sera
nommée ainsi en 2004).
Après
sa thèse (1995) de physico-chimie intitulée La
gastronomie moléculaire et physique (jury
comprenant notamment deux lauréats du Prix Nobel, Pierre Gilles de
Gennes et Jean-Marie Lehn, mais aussi Pierre Potier), il a été
invité à soutenir une habilitation à diriger des recherches
(2000) devant – notamment - Guy Ourisson (alors président de
l'Académie
des sciences),
Xavier Chapuisat (alors président de l'Université
Paris Sud),
Étienne Guyon (alors directeur de l'École
normale supérieure),
Alain Fuchs (aujourd'hui président du CNRS)
et le chef triplement étoilé Pierre Gagnaire.
En
2000, il quitte les éditions Belin
et la revue Pour
la Science
pour entrer à
l'Inra, occupant alors à plein temps son laboratoire, au sein du
Laboratoire de Chimie des Interactions Moléculaires, au Collège de
France (directeur J-M.
Lehn).
En
2000 également, suite à la publication du livre intitulé
La casserole des enfants,
le Ministre de l'Éducation nationale (Jack Lang) lui a demandé de
créer et mettre en place dans les Écoles primaires de toute la
France les Ateliers
expérimentaux du goût.
Ces programmes pédagogiques ont été prototypés dans les Académie
de Paris (avec le Recteur René Blanchet, membre de l'Académie
des sciences)
et de la Réunion. Ils ont été introduits officiellement en 2001
dans toutes les écoles primaires françaises. La même année, le
livre Traité
élémentaire de cuisine
a constitué la base de la rénovation des référentiels de CAP et
de BEP des enseignements d'hôtellerie restauration, en relation avec
l'Inspection générale. En 2004, ces programmes, et quelques autres
(Dictons
et plats patrimoniaux,
etc.) ont été suivis des Ateliers
Science & Cuisine,
aujourd'hui aux programmes de Collèges et de Lycées.
2000
est l'année où il commence une collaboration avec le chef français
Pierre Gagnaire : chaque mois, il publie une invention culinaire
sur le site de Pierre Gagnaire, afin de démontrer que la technologie
prend toute sa force quand elle est fondée sur la science.
En
2004, aussi, à la demande de Renaud Dutreil, alors Ministre des PME,
H. This a été l'un des principaux créateurs de l'Institut
des Hautes Études du Goût, de la Gastronomie et des Arts de la
Table,
avec l'Université
de Reims Champagne Ardennes.
Il en a été nommé Président du Comité pédagogique.
En
avril 2006, alors que son laboratoire déménageait à AgroParisTech,
pour cause de travaux au Collège
de France,
l'Académie
des sciences
l'a invité à créer la Fondation
Science & Culture Alimentaire,
dont il a été nommé Directeur scientifique. C'est l'année où il
a été nommé professeur des universités.
De
2010 à 2019, il a été Secrétaire de la Section Alimentation
humaine de l'Académie d'agriculture de France, où il a d'ailleurs
créé la revue scientifique « Notes Académiques de l'Académie
d'agriculture de France » (N3AF). Il en est l'éditeur, ainsi
que de l' « International Journal of Molecular and Physical
Gastronomy ».
H.
This est également le Directeur des International
Workshops on Molecular Gastronomy N. Kurti
(depuis 1992),
des
Journées françaises de gastronomie moléculaire, de
Séminaires
mensuels de gastronomie moléculaire
(depuis 2000) et de Cours
AgroParisTech de gastronomie moléculaire
(cours publics, gratuits, non diplômants, faisant état d'un travail
scientifique original chaque année, assortis de la publication d'un
livre). En 2008, il a présidé le Comité scientifique et le Comité
d'organisation d'EuroFoodChem
XIV,
et a créé le Groupe
français de chimie des aliments et du goût
de la Société
française de chimie.
Il a été nommé représentant français de la Société
française de chimie
à la Food
Chemistry Division
d'EuCheMS.
H.
This donne de très nombreuses conférences, en France ou à
l'étranger, où il crée des laboratoires de gastronomie moléculaire
dans les universités et où il promeut le développement de la
cuisine note à note. Il écrit mensuellement plusieurs rubriques
dans des journaux scientifiques ou professionnels, et il est l'auteur
d'une quinzaine de livres : Les
secrets de la casserole,
Révélations
gastronomiques, La casserole des enfants, Science et gastronomie,
Casseroles et éprouvettes, Traité élémentaire de cuisine, Six
lettres gourmandes, Maths'6,
Petits propos culinaires et savants, La cuisine, c’est de l’amour,
de l’art, de la technique, Construisons un repas, De la Science aux
fourneaux, La Sagesse du chimiste, Science, technologie, technique
(culinaires) : quelles relations ?, Les Précisions
Culinaires, Le Terroir à toutes les sauces.
Membre
honoraire de plusieurs académies culinaires, membre de l'Académie
d’Agriculture de France;
de l'Académie
de sciences, des lettres et des arts d'Alsace,
membre de l'Académie
royale des sciences, des arts et des lettres de Belgique,
membre de l'European
Academy of Science, Arts and Letters,
membre de l'Académie
de Stanislas,
il a reçu de nombreux prix et distinctions, telle la Chaire Franqui
au titre national belge (Université de Liège), le Grand Prix des
Sciences de l’Aliment par l'International
Association of Gastronomy et,
surtout, la Bretzel
d'Or
(2018).
Hervé
This est officier dans l'Ordre des Arts et Lettres, officier dans
l'Ordre du Mérite Agricole, officier dans l'Ordre des Palmes
Académiques, et chevalier dans l'Ordre de la Légion d’Honneur.