lundi 8 octobre 2018

On m'interroge à propos du gluten, et je réponds, conformément à mon engagement, sans prendre parti, mais en fournissant des références d'articles scientifiques :

Gry I. Skodje, Vikas K. Sarna,  Ingunn H. Minelle,  Kjersti L. Rolfsen,  Jane G. Muir, Peter R. Gibson,  Marit B. Veierød,  Christine Henriksen, and Knut E. A. Lundin . Fructan, Rather Than Gluten, Induces Symptoms in Patients With
Self-Reported Non-Celiac Gluten Sensitivity. Gastroenterology 2018;154:529–539

The effect of a controlled gluten challenge in a group of
patients with suspected non-­coeliac gluten sensitivity: A
randomized, double-­blind placebo-­controlled challenge
H. F. Dale  J. G. Hatlebakk, N. Hovdenak, S. O. Ystad, G. A. Lied
Neurogastroenterology & Motility. 2018;e13332


J'ai l'impression que ces deux textes suffisent, non ?


Et pour savoir ce dont on parle, il faut quand même avoir lu ;-) :
Who discovered the gluten and who
discovered its production by lixiviation?
Hervé This
Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France (N3AF) 2018, 3, 1-11

dimanche 7 octobre 2018

Pourquoi ai-je mis si longtemps à comprendre ?


L'emploi de l'adjectif a ses pièges, mais aucun ne me semble si pernicieux que celui que je détecte aujourd'hui dans l'expression "journaliste scientifique". Car un journaliste est un journaliste, et pas un scientifique. Certes, un journaliste peut s'intéresser aux sciences, mais c'est alors un journaliste éventuellement spécialiste de sciences, et notre homme ou notre femme ne devient pas scientifique pour autant. Pour être "scientifique", il faut faire de la science.
De la science ? Le diable s'introduit dans la discussion avec ce terme, parce qu'il a quand même une acception de simple savoir : on parle de la "science du cordonnier" pour désigner son savoir technique, qui se distingue, bien évidemment, des sciences de la nature que sont la chimie ou la physique.
Mais ce n'est d'ailleurs pas là où le diable est plus pernicieux, car ces usages-là sont faciles à détecter, contrairement à l'erreur qui est commise, sciemment ou non, dans "journaliste scientifique". Là, on pourrait presque se laisser aller... comme je l'ai fait pendant des décennies. Et l'on arrive à des situations détestables, comme quand un de ces journalistes s'érige en juge de la science, prétendant savoir si un travail est bon ou non, au mépris du jugement par les pairs, qui reste, quoi qu'on en dise, et malgré ses écueils, le seul raisonnable.

Bref, je vais m'efforcer de me corriger.

jeudi 4 octobre 2018

Un peu de précision de nuit pas, quand on se regarde dans la glace. Mais quand on parle à d'autres ?

Amusante interaction avec un interlocuteur qui confond un pâté et une terrine. Le même, d'ailleurs, confond gastronomie et haute cuisine, gourmet et gourmand, et je le vois mal parti : je suppose qu'il ne voit pas la différence entre la rémoulade et la mayonnaise, entre la saveur et le goût. Quant à la chimie, c'est pour lui une sorte de chose étrangère où l'on met tout ce qui contient des molécules.
Comment peut-il  penser juste ?


Commençons par moi-même : je ne cesse de me demander si mon savoir est bien assuré, si je peux décemment apparaître en public, sans induire mes amis en erreur, et, au contraire, si je peux les aider à mieux voir. Je travaille pour cela, à coups de dictionnaires, de questionnements... et c'est ainsi que je vois pas l'ombre d'un doute : une terrine, c'est produit dans un récipient en terre, nommé terrine, alors qu'un pâté est produit dans de la pâte. Raison d'ailleurs pour laquelle je suis hésitant face à cette expression "pâté en croûte". A moins que l'on ne suppose ainsi une différence entre une pâte de type feuilletage ou pâte sablée, et l'épaisse couche que l'on trouve autour de ces préparations. Mais quand même, ce serait plus juste de parler de chair en croûte.

Bref, j'essaie d'avoir un peu de précision et de montrer autour de moi que la précision est utile pour bien penser. Mais comment s'y prendre quand, dans un débat, nos interlocuteurs disent n'importe quoi ? On ne peut pas facilement les rectifier, notamment parce qu'ils ne voient pas l'intérêt des précisions, et l'on passe pour un pinailleur, Depfalaschiesser dit-on de façon imagée en alsacien (chieur de rondelles).
Et puis, ce même type de personnes dit en réalité n'importe quoi : faut-il même leur répondre ? Peut-il y avoir un dialogue si l'on ne parle pas la même langue ? Merci de vos conseils.

mercredi 3 octobre 2018

Technoscience : un mot caméléon, qui risque de nous conduire à compter les anges sur la tête d'une épingle. Comment voir le bleu du ciel ?



Voyons, il va falloir être positif, alors que certains font exister la poussière dans le monde. L'histoire est la suivante : il y en a qui utilisent le mot de "technoscience" pour désigner... Quoi, au juste ?

Une recherche bibliographique montre que l'acception initiale, qui voulait en quelque sorte reconnaître que les sciences de la nature s'élaborent pour partie sur des données techniques, a été gauchie mille fois, au point que la communauté des épistémologues ne s'entend même plus, sans compter que si l'on utilise le mot dans une acception donnée, viendra un contradicteur qui nous fera perdre notre temps en nous opposant une autre acception... évidemment bien plus "légitime" (selon cette personne).

Un "dieux jaloux" (de quoi, dans un tel cas ?) a refait le coup de la tour de Babel, et c'est donc la cacophonie.


Il faut dire que le mot est quand même mal forgé, parce que il y a "techne", faire, et "science", savoir. De là, passer à "technique" et "sciences de la nature", c'est déjà un pas audacieux, qui fait deux hypothèses... pour arriver à un mot à plus de trois syllabes, ce type de mots contre lesquels je mets mes amis en garde, de peur qu'on leur refile des denrées pourries ou de l'idéologie. D'ailleurs, l'idéologie n'est pas loin, dans ce cas précis, parce que certains interprètent (je ne juge pas, mais me contente de lire) que les sciences de la nature sont produites par des scientifiques payés par l'Etat, lequel se préoccupe de technologie et d'innovations techniques.


Finalement, quelle acception conserver pour "technoscience" ? Aucune bien sûr : pourquoi perdre notre temps à discuter des notions inexistantes, tendues par certains qui jouent au "dragon chinois" : on fait un dragon en papier énorme, puis on le pourfend pour montrer combien on est fort !

Donc je propose d'oublier ce mot idiot pour toujours, et de ne pas entrer dans des discussions où ce mot fluctuant apparaît. Ne comptons pas le nombre d'anges sur la tête d'une épingle, comme le firent certains de ces scolastiques dont Rabelais se moquait si bien.



Le ciel est bleu !



Émergeons donc de la boue où l'on a voulu nous plonger, faisons souffler un grand vent sur la poussière du monde que certains ont créée, levons la tête vers le ciel bleu. La technique ? C'est une activité merveilleuse, en ce sens qu'elle fait. Ou plutôt, disons qu'elle est merveilleuse quand elle fait bien, intelligemment. Les sciences de la nature ? On se doute que je vais dire que c'est  une activité merveilleuse, surtout quand elle se fait intelligemment.

Le rapport entre la technique et les sciences de la nature ? Il y a bien sûr la nécessité d'utiliser des outils techniques (instrumentaux) pour caractériser quantitativement les phénomènes, mais c'est là quelque chose  d'évident, donc de secondaire ; d'ailleurs, ne faut-il pas aussi respirer, manger, boire, dormir, pour faire des sciences de la nature... sans que l'on introduise de mot comme "respiroscience" ?

Puis, pour réunir les données en lois, il faut du calcul, qui ne se distingue pas, en tant qu'outil qui nous aide à atteindre nos objectifs, des spectromètres ou autres instruments techniques, qu'il s'agisse de pied à coulisse ou de synchrotron. L'induction de concepts, sur la base quantitative des "lois" (des équations, il faut le répéter)  identifiées ? Cette fois, la technique n'a guère sa part, au moins pour l'instant. La recherche de conclusions testables ? Là encore, nous faisons cela sans technique particulière, bien que l'on puisse imaginer des systèmes formels le faisant pour nous. Les tests expérimentaux des conclusions théoriques ? Il faut reprendre des outils et repartir dans le "laboratoire", cette pièce où l'on travaille pratiquement.


Ah, que cette activité de production de connaissances est belle, que le ciel est bleu !

samedi 29 septembre 2018

Comment rater une brioche ?

Une brioche, c'est a priori quelque chose de simple, puisqu'il s'agit de mélanger de la farine, du lait, de l'oeuf, du sucre, du sel, du beurre et de la levure. Dans les bons cas, la fermentation de la pâte, qui résulte de la multiplication de ces êtres vivants unicellulaires que sont les levures, engendre une structure alvéolée qui est figée par la cuisson.
Mais seulement dans les bons cas, car la fermentation est une opération qui comporte les aléas. Ainsi, il y a les cas où elle est trop rapide, ou au contraire trop lente. Parfois même,  elle ne se fait pas pour des raisons mystérieuses. Cela étant, il y a pire qu'une mauvaise fermentation :  j'aurais tendance à dire que le plus grave, c'est quand le goût n'est pas approprié. Quand la brioche manque de sucre, ou quand elle est trop sucrée,   quand elle manque de sel ou au contraire qu'elle est trop salée.

Commençons par le plus simple, c'est-à-dire mettre de la levure dans un peu de lait tiède, par exemple un demi verre de lait tiède. Puis on attend quelques instants, et, si tout se passe bien,  alors on voit une mousse apparaître : elle  résulte du dégagement de gaz carbonique par les  levures qui se multiplient.
Quand ce dégagement de gaz ne se produit pas, c'est soit que le mélange de lait et de levures est  trop froid, soit qu'il est trop chaud, soit que l'on a pas assez attendu, soit  que les levure sont mortes. Et c'est ainsi que, si on utilise des levures lyophilisées, on aura soin de bien vérifier sinon  la date de péremption n'est pas dépassée... car je sais d'expérience que cela une cause d'échec. S'il fait trop froid, la multiplication des levures ne se fait pas bien, également, mais si le lait trop chaud, alors on peut tuer les levures, car ces dernières, on le répète, sont des organismes vivants,  contrairement aux poudres levantes.

A notre demi verre de lait qui en train de mousser, il n'est pas difficile d'ajouter  100 grammes de farine : de type 45 ou 55, peu importe. Puis on ajoute environ 50 grammes de sucre, ce qui correspond au volume d'un œuf. On ajoute d'ailleurs un œuf entier, puis  environ 100 grammes de beurre. Puis vient le dosage du sel qui me semble quand même très important  : personnellement, à force de faire des brioches toutes les semaines,  je vois bien le fond de ma main empli de sel que j'ajoute,  mais je sais qu'une telle description est complètement insuffisante et je recommande plutôt de peser en faisant des essais jusqu'à ce que le goût vous convienne.
L'ensemble des ingrédients étant ainsi réunis, et le tout étant dans une pièce pas trop froide,  voire éventuellement sur le dessus d'un radiateur en hiver, on se met à battre la préparation pour faire une pâte un peu molle. D'expérience, je sais qu'il faut un pétrissage soigneux, sans quoi la pâte n'a pas cette belle homogénéité de la brioche. On laisse alors fermenter, et quand la pâte a doublé de volume,  on  la transvase dans le moule à brioche. Ce dernier aura été graissé à l'aide de beurre fondu, et on aura même sucré les parois du moule.
Je crois qu'il est alors bon de mettre l'ensemble au réfrigérateur dans une partie pas trop froide, pour que la seconde fermentation se fasse suffisamment lentement. Puis, quand le moule à brioche est plein d'une pâte qui a bien gonflé, alors vient le moment de cuire.
Là, ce n'est pas difficile : il suffit de cuire pendant environ 35 minutes à 175 degrés. Personnellement, je mets le moule sur la sole du four, la partie inférieure, afin que, si le four a été préchauffé, l'évaporation d'eau au fond du moule contribue à faire gonfler davantage la brioche. On peut aussi, et c'est là une question de goût, badigeonner la surface  avec du jaune d'œuf.
Et, enfin, au sortir du four, on attendra le refroidissement avant de démouler.



À cette description de base, on peut ajouter mille détails importants. Car on sait bien que deux brioches ne se ressemblent pas, que les goûts diffèrent. Certains les goudrons plus foisonnées,  d'autres plus compactes. Certains voudront plus de goût de beurre, et d'autres moins ; certains voudront un goût d'oeuf plus prononcé,  certains voudront plus sucré, d'autres moins sucré, plus salés...
De toute façon, ce qui compte aussi, c'est que les convives causent, qu'ils disent à la tablées qu'ils préfèrent les brioches plutôt comme ci ou plutôt comme ça, ce qui les incitera à revenir...  venir goûter nos productions.




jeudi 27 septembre 2018

Les larmes et les jambes

Les larmes et les jambes ? Cette fois, ce n'est pas de la cuisine, mais de la sommellerie. Mais comme le gourmet (celui qui aime le vin) marche souvent main dans la main avec le gourmand (celui qui aime manger), je crois qu'il est utile de faire la différence, de sorte que, en salle, le cuisinier ne soit pas repris par plus savant que lui, plus précis que lui.
Dans les deux cas, larmes et jambes, il y a ces coulées de liquide dans le verre de vin ou d'alcool. Cela se produit quand le vin a une composition qui s'y prête, avec assez de l'alcool du vin, avec assez de glycérol, et d'autres composés. L'alcool du vin ? C'est un composé particulier qu'on nomme éthanol. Le glycérol ? C'est un composé également connu sous le nom de glycérine. Et les autres composés qui favorisent la formation des larmes et des jambes ? Tous sont importants, des sels minéraux en passant par les composés phénoliques, dont les tanins ne sont qu'une catégorie particulière, comme nous l'avons vu précédemment.
Bref, parfois, quand on laisse le vin au repos dans le verre,  le liquide monte spontanément au-dessus du niveau libre, puis redescend en colonnes qui se forment spontanément. Ce sont les larmes du vin.
A ne pas confondre avec les jambes, qui se forment quand on incline d’abord le verre, puis qu'on le redresse, et que le vin redescend en se séparant en traînées.

J'y pense : ces larmes ou ces jambes ne se forment que sur des verres qui ont des états de surface particulières, tout comme c'est le cas pour les bulles de champagne (ou mieux, de crémant) : dans un verre parfaitement propre, nettoyé en laboratoire protégé des poussières, les vins pétillants ou mousseux ne font aucune bulle, et c'est quand le verre a été essuyé avec un torchon, lequel a laissé de microscopiques fibres, que de la mousse et des bulles se forment… s'il n'y a pas d'agents « anti-moussants », tels les rouges à lèvres.

mercredi 26 septembre 2018

Gourmet et gourmand

Gourmet ? Gourmand ? Certains ne voient pas de différence. D'autres voient dans le gourmet un raffinement supplémentaire : le gourmand serait presque le goinfre, et le gourmet serait… gourmand. D'autres encore voient dans le gourmet une sorte de gourmand maniéré.
Bref, quand l'ignorance règne, la langue perd en précision… et le restaurateur s'expose à la critique de clients plus « assurés » que les maîtres d'hôtels. Récemment, j'ai été exposé à des maîtres d’hôtel qui m'annonçaient des émulsions et qui m'ont servi des mousses : il y avait là une tromperie que j'ai fait remarquer. On m'a parlé de saveur alors qu'il s'agissait de goût : j'ai conclu que mes interlocuteurs n'étaient pas de bons professionnels. On m'a même proposé une « terrine en croûte », comme si le mot « pâté » ne désignait pas exactement cela : fallait-il être ignorant ?
Mais revenons à nos gourmets et à nos gourmands : les gens du vignobles connaissent bien les gourmets, puisque ce sont eux qui étaient -et sont encore- chargés de mesurer les volumes de vin, pour les transactions. Chaque village ou ville d'Alsace avait son ou ses gourmets. Gourmand : là, il n'y a pas d'hésitation, car, depuis le quatorzième siècle, le mot désigne celui ou celle qui aime la bonne chère… ou bien qui mange avec avidité. Mais pour désigner le mangeur qui déraille, il y a goinfre depuis 1622.
Finalement, puisque la cacophonie règne, je propose que nous nous en tenions à une position historiquement juste et, surtout, modernement cohérente : le gourmet aime le vin ; le gourmand aime manger, et le goinfre mange trop, trop vite. Ce qui nous conduit à conclure avec Jean-Anthelme Brillat-Savarin : celui ou celle qui s'indigère ou qui s'enivre ne sait ni manger ni boire.