jeudi 3 août 2023

A propos de réactions de glycation et d'enseignement !

 
Ce soir, une question : 

 

Formatrice en sciences appliquées je me posais une question, ainsi que mes collègues, sur le brunissement du rotissage ou braisage des viandes. Nous voyons souvent dans les manuels que la réaction de Maillard en est la cause. Mais quel est le sucre réducteur qui est responsable ?
Et si ce n'est pas la réaction de Maillard, a quoi est dû ce brunissement ?

 

Merci de la question, et cela pour plusieurs raisons. 

D'abord -pardonnez-moi d'être hors sujet-, les "sciences appliquées" ne peuvent pas exister : Louis Pasteur est un de ceux qui ont bien expliqué qu'il y a la science, et les applications de la science. Si la science est appliquée, ce n'est plus de la science, mais de la technologie, ou de la technique. Il faut donc absolument militer pour changer cette terminologie fautive : aidez-moi s'il vous plaît, militez avec moi. La science, c'est la science ! 

D'autre part, il y a des brunissements de très nombreuses sortes, comme je crois l'expliquer bien dans mon Traité élémentaire de cuisine. Par exemple, quand vous mettez dans de l'eau un sucre nommé acide galacturonique (un "maillon" des molécules de pectine) et quand vous chauffez cette solution limpide et incolore... vous obtenez un brunissement terrible, en quelques heures, alors qu'il n'y a qu'un sucre. Pas d'acides aminés ! Pas de protéines ! A
utre exemple : quand vous coupez une pomme, elle brunit... mais là encore, il ne s'agit pas de réactions de glycation, ce que vous nommez "réactions de Maillard" mais dont il faut changer le nom. Les réactions de glycation, donc, ont été galvaudées à l'infini, par des gens (y compris des auteurs de manuels : d'ailleurs, où est la preuve de leur compétence, à part leur prétention à enseigner aux autres ?) qui ont souvent été bien ignorants... ... et je suis partiellement responsable, parce qu'il est vrai que, dans les années 1980, j'ai popularisé les réactions de glycation, qui étaient méconnues. Mais, depuis, je rencontre des cuisiniers qui vont même jusqu'à me donner des cours... d'erreurs. 

Par exemple, il n'est pas vrai que les réactions de glycation se font seulement à haute température : la preuve est que l'opacification du cristallin des personnes diabétiques est le résultat de réactions de glycation... qui se font à 37 degrés. Où est la haute température ? 

Je terminerai en disant que, le plus  souvent, à haute température, les réactions  de brunissement sont des "pyrolyses" (il existe une journal scientifique international tout entier consacré à ce sujet). Ce ne sont pas les seules, comme je vous l'ai indiqué avec le brunissement de l'acide galacturonique : il y a des oxydations, des hydrolyses, des "déshydratations", des pyrolyses, des réactions de glycation, des foules de réactions possibles, qui conduisent à des brunissements, notamment d'un rôti. 

Et pour en revenir à l'enseignement, il faut donc se poser la question de savoir ce que l'on veut enseigner : si l'on dit au jeunes que le brunissement des viandes résulte de réactions de glycation, ou de pyrolyses, à quoi cela leur servira-t-il ? La question était au coeur de mon Traité élémentaire de cuisine, écrit spécifiquement pour les professeurs et les élèves, au moment de la réforme du CAP. Je sais que quelques vieux professeurs ou professionnels résistent à la vérité, mais je crois que nos jeunes méritent mieux. Je reste atterré, par exemple, de voir des cuisiniers étoilés confondre les mousses et les émulsions. Voilà un combat bien plus important, je crois, que de nommer les réactions du brunissage des viandes lors d'un rôtissage. On demande à l'inspecteur général d'organiser des états généraux de l'enseignement culinaire ?

Quelle différence entre un outil et un ustensile ?

Le monde technique fait-il usage d'outils ? d'ustensiles ? On parle effectivement d'ustensiles de cuisine, n'est-ce pas ? 

 

Pour des questions terminologiques si fines, rien ne vaut l'étymologie, et notamment celle qui est colligée par le Trésor de la langue française informatisé. 

 

Et c'est ainsi que l'on trouve : 

 ustensiles :  Tout ce qui est nécessaire dans une maison (meubles, outils, objets domestiques).  Objet ou accessoire de conception simple, à usage domestique, servant en particulier à la cuisine.
 

Avec l'étymologie suivante : 

Étymol. et Hist. 1. a) 1374 utencilles plur. « ensemble des objets servant à l'usage domestique » (Ordonnance au sujet des finances du duc de Bourbon ds HAVARD: tous les utencilles de linge de table, de vaisseaulx de cuisine, d'eschansonnerie); 1389-92 utenciles d'ostel (Registre criminel du Châtelet, éd. Duplès-Agier, t. 2, p. 259), a désigné également les objets servant à l'exercice d'un métier (1407, Chartes confisquées aux bonnes villes du Pays de Liège, publ. par Em. Fairon, p. 307 1508, Comptes de Dépenses de la construction du château de Gaillon, éd. A. Deville, p. 520), empl. dans lequel il a été évincé par outil* (a. fr. ostil); les formes utencile, utensile, parfois fém. (v. FEW t. 14, p. 87) sont att. jusqu'au mil. du XVIIIe s. (Trév. 1740); b) fin du XVIe s. fig. (DESHOULIÈRES, Poesies, t. 1, p. 82 ds LITTRÉ: Grands savantas, nation incivile, Dont Calepin est le seul ustensile); c) 1610 sens grivois (BÉROALDE DE VERVILLE, Moyen de parvenir, éd. H. Moreau, A. Tournon, p. 133); d) 1881 « maîtresse d'un souteneur » (RIGAUD, Dict. arg. mod.); 2. a) 1472 (en parlant de soldats en garnison dans une ville) paier les ustencilles « payer les dépenses de leur entretien quotidien » (Lettre de Louis XI, éd. J. Vaesen et E. Charavay, t. 5, p. 77); b) 1636 (MONET: Utansiles de gens de guerre [...] que l'hote leur fournit tant qu'il les loge); cf. 1680 être obligé à la fourniture de l'ustencile (RICH.). Utensile empr. au lat. utensilia, mot de la lang. parlée (v. ERN.-MEILLET) « objets nécessaires, meubles, ustensiles », plur. neutre de utensilis « dont on peut faire usage » (dér. de uti « user, se servir de, employer »); ustensile p. altér. de utensile d'apr. user*, v. aussi outil. Fréq. abs. littér.: 335. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 543, b) 500; XXe s.: a) 417, b) 442.

Pour les outils, on a :
outils : Objet fabriqué, utilisé manuellement, doté d'une forme et de propriétés physiques adaptées à un procès de production déterminé et permettant de transformer l'objet de travail selon un but fixé.
 

Puis vient l'étymologie : 

Étymol. et Hist.1. Début du XIIe s. ustilz «équipement, objets nécessaires qu'on embarque pour un voyage» (S. Brendan, éd. I. Short et Br. Merrilees, 179); 2. 1174 «objet fabriqué qui sert à faire un travail» (GUERNES DE PONT-SAINTE-MAXENCE, S. Thomas, 5408 ds T.-L.); 3. XIIIe s. «membre viril» (Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t.1, p.235); 4. av. 1272 fig. «moyen d'action» (JEAN BRETEL, Jeux-partis, éd. A. Långfors, 41, 45); 5. av. 1615 «personne qui sert d'instrument, d'exécutant à une autre» (E. PASQUIER, Recherches de la France, 396, 412); 6. 1808 «personne maladroite, inefficace» (HAUTEL). Du b. lat. *, sing. de *, plur. neutre, altération du lat. class. «objets nécessaires, meubles, ustensiles», dér. de «se servir de, employer». Un croisement de avec «employer» (v. user) rend compte du -s- de *, mais le passage reste inexpliqué (cf. cependant FOUCHÉ, pp.184-185). Les formes b. lat. en os- sont att. dès le VIIIe-IXe s., v. FEW t.14, p.88a. Fréq. abs. littér.: 1188. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 712, b) 1746; XXe s.: a) 1653, b) 2514. Bbg. COMTE (H.). Philos. de l'outil. Thèse, Paris-Sorbonne, 1980, pp.38-44.

 

Et l'on comprend ainsi mieux : l'outil, c'est l'objet technique, et il n'y a d'ustensiles de cuisine que dans la mesure où certains objets ne sont pas d'abord des outils, mais utilisés comme des outils. 

 Corollaire : quand on parle d'objets techniques, en cuisine, on parlera plutôt d'outils que d'ustensiles. 

mercredi 2 août 2023

"Recherche culinaire"...


Aujourd'hui,  un correspondant me signale vouloir faire de la "recherche culinaire". 

 

Très bien, mais de quoi s'agit-il ? 

 

J'ai proposé d'analyser les faits culinaires en distinguant trois composantes : une composante technique, une composante artistique, une composante sociale. 

De ce fait, la recherche culinaire peut être une recherche technique : par exemple, chercher les conditions de meilleur gonflement d'un soufflé ; explorer des conditions de rôtissage d'une volaille en vue d'obtenir une couleur jugée désirable... A ce stade, une première question s'impose : qui paiera cette recherche ? Dans la pratique, les cuisiniers professionnels me signalent manquer de temps au point de ne pas pouvoir explorer les techniques... d'où l'intérêt du séminaire de gastronomie moléculaire, payé par l'Etat, donc les contribuables, qui fait ces études pour eux, et, mieux, qui montre la rigueur nécessaire en vue d'obtenir des résultats fiables... mais on pourrait imaginer une société de conseil qui vende de telles études, l'Etat ayant fait sa mission en créant le mouvement. 

D'autre part, une recherche culinaire peut être artistique : là, n'est-ce pas le travail de tous les cuisiniers, au quotidien ? N'est-ce pas leur compétence, de faire "bon" ? Peut-on imaginer un "conseil en art culinaire" ? Pourquoi pas... Et faut-il habiller cette activité sous le nom de recherche culinaire ? C'est précis, mais peut-être  un peu pléonastique ; à réfléchir... 

Enfin il y a la composante du lien social, car il faut répéter qu'un plat n'est bon que s'il est communiqué dans des conditions humaines, sociales, bien précises. Là  aussi, il y a une recherche culinaire à  faire. Une recherche passionnante... et que tous les cuisiniers font empiriquement. Mais, évidement on peut aussi imaginer de la consultance. 

 

Derrière tout cela, on a vu que j'ai éludé la discussion du mot "recherche", qui est terrible parce que connoté, et souvent vaguement confondu avec la "recherche scientifique" ; j'ajoute d'ailleurs que le mot "science," dont je fais ici un adjectif, est également ambigu, en ce qu'il confond les sciences de la nature, et les sciences humaines et sociales... ou les autres savoirs. Il y a une recherche en science de la nature, à  propos de la cuisine, et elle se nomme "gastronomie moléculaire". 

Là , l'objectif est de chercher les mécanismes des phénomènes, et non pas de cuisiner, de sorte que mon interlocuteur serait bien déçu de faire cette activité qui l'éloignerait des  casseroles, dont son fantasme personnel veut le rapprocher. 

Entre la science de la nature et la technique, il y a la technologie, le travail de l'ingénieur, et il est bon de rappeler que la technologie n'est pas la technique, et que, de ce fait, mon interlocuteur ne cuisinera pas, au sens de donner à  manger aux autres, puisqu'il devra chercher des améliorations soit techniques, soit artistiques, soit sociales. 

En écrivant cela, je vois notamment la question de la technologie artistique, qui est très intéressante ; je vois aussi que la technologie passe probablement par la production d'aliments, puisqu'il est vrai qu'il faudra comparer des aliments améliorés à  des aliments de référence. Bref, il y a du travail à faire, et du travail passionnant. 

Toutefois la question que je pose, après avoir essayé de faire un peu d'ordre dans toute cette affaire est la suivante  :  de quoi me parle-t-on,  et qui le paiera ?

mardi 1 août 2023

Je ne suis pas bon à... Non : ce n'est pas une question de don, mais de travail !


La semaine dernière, j'ai proposé à un  groupe d'étudiants de Master de se noter eux-mêmes, ou, plus exactement, de proposer leur évaluation, pour une unité d'enseignement de la gastronomie moléculaire. 

N'est-ce pas un bon exercice que d''apprendre à mieux apprécier comment les autres (l'institution, les collègues, etc.) vous apprécient ? Et une façon d'apprendre à mieux appréhender les règles de la vie en société ? 

En tout cas, au lieu d'apparaître comme un "salaud de patron" face aux "gentils ouvriers", au lieu de pérenniser cette lutte des classes qui plombe les rapports entre enseignants et étudiants, je crois bon de brouiller un peu les rôles : de mettre chacun en face de ses responsabilités, sans trop de mauvaise foi. 

Les règles avaient été annoncées clairement : on avait dit qu'une présentation orale sur un thème du choix des étudiants serait fortement critiquée, mais pas évaluée, et que l'on évaluerait ensuite une seconde présentation orale du même sujet, en donnant du temps pour travailler à l'amélioration. 

 

Une (bonne) étudiante me dit ce matin : "je ne suis pas bonne en présentation orale". Et je lui réponds évidemment que cette réponse n'est pas admissible. Si elle n'est pas bonne, c'est principalement parce qu'elle n'a pas travaillé la chose. 

Ce qui me conduit aussitôt à répéter la merveilleuse histoire (vraie) du merveilleux Michael Faraday, qui, nommé directeur de la Royal Institution of London, DUT se mettre à faire des conférences, les Friday Evening Lectures, afin de financer l'institution. Faraday se mit à analyser la question, et il a consigné ses analyses dans un texte merveilleux. Il considère tout : le maintien, les intonations, la nature du discours, l'appui des expériences, la construction de la salle... Tout  ! 

Et c'est ainsi que, ayant travaillé à devenir bon conférencier, Faraday attira les foules pendant des décennies. 

 

Bref, quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a travaillé, et qui a donc appris, n'est-ce pas ?

lundi 31 juillet 2023

Vive les sciences quantitatives : encore la question du calcul

 Dans des billets précédents, j'ai discuté la question du calcul, mais je propose de la reformuler un peu différemment. 

Prenons un phénomène du monde, par exemple la couleur verte des haricots, qui change à la cuisson, où le changement de couleur de framboises placées dans une casserole étamée (c'est-à-dire intérieurement couverte d'étain). 

C'est un trait de caractère humain que de chercher les mécanismes de ces phénomènes. Chacun y va de son explication. Par exemple, le poète pourra imaginer des affinités sensibles ; le géographe discutera l'origine de l'étain, l'historien l'apparition de ce métal au cours de l'histoire, il construira un discours autour de l'histoire de la précision culinaire  ; le botaniste introduira des questions de répartitions des variétés de framboises dans les territoires,  les relations avec le sol ; l'alchimiste (au sens moderne du mot, et non au sens des siècles du passé, qui ne faisaient pas de différence entre l’alchimie et la chimie) invoquera des effets étranges, mystérieux ; le peintre discutera les questions de teintes... 

Les hommes et femmes des sciences quantitatives, eux, commenceront par caractériser la couleur : « rouge », cela ne signifie rien, car il y a des myriades de rouges différents dans le monde. D'ailleurs, même, la couleur est-elle homogène, partout sur la framboise ? A l'extérieur comme à l'intérieur ? 

A l'issue du travail de caractérisation quantitative, il y aura une foule de données, de résultats de mesures, répétées, multipliées, croisées en raison de l'utilisation de différentes techniques, validées donc. Et là, il s'agira d'élaborer un récit. Evidemment, il y a les pigments des fruits et les ions métalliques, pour commencer, mais avec ces deux ingrédients, on peut élaborer mille théories, milles possibilités. Par exemple, les ions métalliques pourraient agir comme des catalyseurs, qui iraient favoriser certaines réactions qui conduiraient à des changements de couleur. On peut aussi imaginer des « complexations », les ions métalliques se liant aux électrons délocalisés des cycles aromatiques des composés phénoliques responsables de la couleur des fruits... 

Cette fois, il n'y a pas de sentiment à avoir : seule s'impose l'identification correcte du mécanisme du phénomène. On aura observé avec quelle soin j'évite d'utiliser le mot « vérité », mais, en réalité, il est bien évident que la recherche scientifique cherche le « vrai » mécanisme ! 

Oui, on sait bien que la théorie produite sera insuffisante, mais quand même : on ne retiendra que celle qui est compatible avec les résultats quantitatifs précédemment obtenus. C'est donc un usage du mot « vérité » restreint qui est proposé, et non pas l'acception grandiloquente que prêtent certains philosophes dans ce procès d'intention qu'ils font à la science quantitative.

 Bref, il s'agit de sélectionner un mécanisme, et c'est là où les sciences quantitatives diffèrent des autres savoirs : c'est l'adéquation des résultats de mesures expérimentales aux prévisions théoriques qui détermine le choix du mécanisme à retenir. Alors que des roquets ne cessent, pour des raisons essentiellement politiques, de contester la puissance intellectuelle des sciences quantitatives, d'essayer de relativiser ses résultats, s'impose donc absolument une méthode. En un mot, le « récit » des sciences quantitatives n'a rien de commun avec tous les autres récits possibles, et, à y bien regarder, on ne sort guère convaincu des critiques qui ont été portées à l'encontre de la méthode des sciences quantitatives. Certes, c'est un acte de foi que de penser que le monde est écrit en langage mathématique, mais, si l'on met de côté cet acte de foi très dynamisant, alors l'humble méthode des sciences quantitatives paraît quand même s'imposer pour la sélection des récits à propos du monde. 

Vive les sciences quantitatives

dimanche 30 juillet 2023

La connaissance par la lorgnette de la gourmandise : le bouillon de carottes

Cette fois, je voudrais évoquer la confection d'un bouillon de carottes. 

Un bouillon de carotte, cela semble un peu simplet ? Je maintiens qu'aucune préparation culinaire n'est à exclure, si la technique, l'art, la science du lien social ont été bien employés. Pour un simple bouillon de carottes, comme pour toutes les autres préparations, il peut y avoir le pire et le meilleur. Le pire, c'est le résultat que l'on obtient ainsi : on prend une casserole, on met de l'eau, et l'on ajoute des rondelles de carottes (le pire du pire, ce serait si les carottes n'avaient même pas été lavées ni épuchées, mais je nous envisagerons quand même pas cette possibilité). Puis on cuit... 

 

Comment faire mieux ? 

 

Les travaux effectués dans les séminaires de gastronomie moléculaire ont montré que l'empirisme culinaire a identifié une saine pratique, quand il a préconisé de  faire d'abord revenir des rondelles de carottes dans un peu de matière grasse, de les faire « suer ». À quoi bon ? Lors de cette cuisson préalable, les carottes libèrent sans doute une partie de leurs sucres, à savoir D-glucose, D-fructose, saccharose. 

Comme la température est élevée, puisque se suage se fait en l'absence d'eau, ces sucres caramélisent sans doute un peu. D'où peut-être le changement de couleur observé. 

D'autre part, mettant notre nez au-dessus la casserole, nous sentons une odeur, preuve que des composés odorants sont libérés. Or puisque nous cuisons dans la matière grasse, ces composés odorant peuvent s'y dissoudre. D'ailleurs, s'il vous goûtez le beurre où les carottes ont été suées, vous verrez un goût puissant. 

A ce stade, on ajoute de l'eau, et cette matière grasse s'émulsionne. Elle s'émulsionne de façon invisible, certes, mais elle s'émulsionne, et vous verrez, en buvant le bouillon de carotte, que ce dernier a beaucoup de longueur en bouche. Pas étonnant : il y avait tous les composés odorants dans la matière grasse émulsionné, et qui, au cours de la dégustation, viennent stimuler les récepteurs sensoriels. 

 

Et c'est ainsi qu'un bouillon de carottes , un simple d'une carotte, peut être une préparation extraordinaire.

samedi 29 juillet 2023

Evoquons « le père des sciences modernes »


Le père des sciences modernes ? Voilà le type d'expressions que l'on trouve dans les hagiographies, ces biographies où seuls des éloges sont donnés. Il semblerait que, pour exercer notre admiration, nous ayons besoin d'identifier une personne en particulier qui serait responsable d'un travail. 

Et si cette idée était enfantine ? Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir plusieurs pères des sciences modernes ? Et des mères, aussi ? D'ailleurs, pour les « sciences modernes », il faut rappeler que l'expression est erronée, puisqu'il ne s'agit pas de toutes les sciences, mais des sciences quantitatives, des sciences de la nature, dont on veut parler. 

Les pères des sciences modernes ? On identifie quelques personnages : Aristote, Francis Bacon, Galilée. Toutefois je propose d'agrandir la liste, et de constituer progressivement une liste plus vaste de personnalités qui ont vraiment contribuer à forger les sciences quantitatives que nous avons aujourd'hui.

De même pour la chimie physique : on (les Français) dit que Lavoisier est le père des sciences modernes, mais les travaux de nomenclatures furent entamés par Guyton de Morveau par exemple, et Berthollet n'était pas loin, et Lavoisier utilisa les travaux de Joseph Priestley...

 

Apprenons donc à lutter contre des expressions erronées telles que « père des sciences modernes ». Apprenons à partager notre admiration entre un nombre croissant de personnes qui le méritent