lundi 12 juin 2023

Centrer le jaune d'oeuf dans un oeuf dur ? C'est expliqué dans le livre "Mon histoire de cuisine"

Comment cuire correctement des œufs durs ? 

Il y a des livres entiers à écrire à ce sujet, mais heureusement l'interlocuteur qui me pose la question se focalise sur le centrage du jaune dans l'œuf. 

 

Comme l'œuf n'est pas sphérique, il y a deux centrages à considérer  : selon la longueur et selon la largeur. Mais j'ai découvert dans les années 80 comment centrer les jaunes dans les œufs dans les deux directions à la fois. 

J'ai fait cette découverte parce que  je cherchais à savoir s'il était vrai que, comme on le disait depuis longtemps, le jaune était en bas de l'œuf quand on tient ce dernier verticalement. 

Personnellement, ma prévision était que le jaune d'œuf serait plutôt en haut en bas car il est composé de 50 % d'eau, de 15 % de matière grasse et de 35 % de lipides, de graisse donc, moins dense que l'eau.
Alors que le blanc lui est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines.
Autrement dit,  le jaune est moins dense que le blanc. 

 

J'ai donc fait l'expérience de coincer un œuf dans une casserole avec des fourchettes, de faire une croix sur la partie supérieure, et de cuire l'œuf dur. En coupant l'œuf par le travers après la cuisson j'ai vu clairement le jaune en haut de l'œuf. 

D'ailleurs, j'ai publié dans Mon histoire de cuisine une image qui montre bien le phénomène et en conférence, j'ai montré cela des centaines de fois. 

 


Donc oui, pour avoir le jaune d'œuf bien centré, il faut faire rouler l'œuf avec une cuillère pendant la cuisson de sorte qu'il n'y ait plus ni haut ni bas. Une de mes découvertes... qui ne me vaudra hélas pas le prix Nobel ! 

dimanche 11 juin 2023

Le "goût"

 J'y reviens, parce que l'on m'a offert un livre sur les épices. J'en tairai le titre et les auteurs, parce que je ne veux pas faire la promotion d'un livre que je vais critiquer, et que je ne veux pas attrister les auteurs du livre, qui sont des personnes amicales. 

Le livre contient des recettes, mais il est fondé sur une idée très fausse, à savoir une confusion entre goût et saveur.  

 

En soi, ce n'est pas grave, mais n'est-ce pas une obligation de personnes qui veulent rayonner que de proposer de la bonne « qualité » ? En réalité, il faut quand même considérer que les auteurs sont marchands d'épices, et que leur livre est, d'une façon ou d'une autre, une propagande commerciale.

 

Mais passons. La question est surtout que ces auteurs confondent goût, odeur, saveur, arôme... Et leur livre est une voix de plus dans la cacophonie. J'y vois plus positivement une possibilité de redire des choses simples et justes.

Observons tout d'abord que Brillat-Savarin confondait goût et saveur, mais que cet homme était un avocat, qui ne connaissait donc pas la science. Ne lui attribuons donc pas des connaissances qu'il n'avait pas ! 

Vers 1282, on nommait « goût » le « sens par lequel on discerne les saveurs » (Gouvernement des rois, 30, 32). 

A l'époque régnait donc la confusion. Et ce n'est donc pas dans l'histoire que l'on peut trouver sans effort supplémentaire une justification des définitions à retenir. Ce qui est clair, toutefois, c'est que l'on ne dira pas que l'on a de la saveur pour quelque chose, mais du goût pour cette chose. 

Le goût est donc quelque chose de plus général que la saveur, et voilà pourquoi les spécialistes de physiologie, depuis déjà longtemps, ont décidé de considérer le goût comme la sensation synthétique que l'on a en mangeant un aliment. 

Pour résumer ce premier point : le goût est la sensation synthétique que l'on a quand on met un aliment en bouche. 

Poursuivons, maintenant : le goût, sensation synthétique, est fondé sur des perceptions différentes, à savoir : 

-la saveur : par les récepteurs des papilles, qui devraient donc plutôt être nommées papilles sapictives

- l'odeur, anténasale (quand l'aliment arrive à la bouche, passant devant le nez, où il libère des molécules qui sont « odorantes », puisqu'elles ont la capacité de se lier à des récepteurs olfactifs, directement ou non

- l'odeur rétronasale, quand des molécules odorantes remontent vers le nez par les fosses rétronasales, à l'arrière de la bouche

- des sensations trigéminales (piquants, frais...), quand des molécules se lient à des récepteurs spécifiques du nerf trijumeau

- des sensations thermiques

- des sensations tactiles (la consistance des aliments est perçue lors de la mastication, et donne lieu à la sensation de texture)K

 

Pourquoi « etc. » ? Parce que l'inventaire ne semble pas être complet : on a découvert il y a moins de vingt ans que des acides gras insaturés à longue chaîne avaient des récepteurs spécifiques, dans les papilles, et que la sensation donnée par cette interaction n'était pas une saveur, mais de nature différente. 

 

Enfin, terminons ce billet en signalant que la théorie des 4 saveurs (salé, sucré, acide, amer) est connue fausse depuis des décennies par les physiologistes et tous ceux qui se renseignent un peu, au lieu de répéter paresseusement des choses fausses : la réglisse n'est ni salée, ni acide, ni amère, ni sucrée, mais réglisse ; l'éthanol a une saveur particulière, tout comme le bicarbonate, tout comme... mille composés. Et l' « umami » est un vaste baratin, mais je vous renvoie à un billet antérieur, sur ce point particulier. 

Je reviens donc au livre... qui inverse les mots pour « saveur » et « goût » ! N

on, la saveur N'EST PAS la sensation donnée par les odeurs ! 

Non, le goût N'EST PAS la sensation ressentie par les papilles ! Non, notre langue ne reconnaît pas six goûts, donc le piquant serait l'un d'entre eux (à quoi sert que les physiologistes travaillent, pour que des ignorants publient des erreurs réfutées il y a plus de 50 ans?). Non, la flaveur n'existe pas. 

Finalement, faut-il instaurer un « permis d'écrire des livres » ? Je ne le crois pas, pour mille raisons qu'il serait trop long de discuter ici, mais quel dommage que la données des références de ce livre risque d'en faire une publicité imméritée ! 

 

PS. J'ai évidemment des références vers des articles scientifiques de qualité pour justifier ce que j'avance ici !

samedi 10 juin 2023

Les protéines ? Les acides aminés ?



Protéines, acides aminés :  de quoi s'agit-il ?  Commençons par des protéines. Je propose d'en voir, soit en regardant un tas de gélatine en poudre, soit en regardant une feuille de gélatine, soit en considérant de la poudre de blanc d'oeuf, soit en faisant sécher du blanc d'oeuf.
Dans tous ces cas, il y a un solide, souvent vitreux, qui peut être divisé en grains, lesquels apparaissent blancs parce que la lumière blanche se réfléchit sur leurs faces.
Nous aurions pu en voir de vertes, pour des protéines extraites du chanvre... mais la couleur n'aurait pas été celles des protéines, mais d'impuretés dans la matière extraite du végétal.

D'ailleurs, dans quelles matières trouve-t-on des protéines ? Dans tous les tissus végétaux ou animaux... mais il est vrai que les muscles des animaux en contiennent beaucoup. Et, pour les plantes, c'est du côté des légumineuses que l'on ira chercher : pois, lentilles, soja...

Reste que l'extraction la plus simple est à partir du blanc d'oeuf, puisque celui-ci est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Quand on laisse sécher un blanc d'oeuf à l'air, l'eau s'évapore et l'on récupère un solide jaune vert, comme une résine : il est fait quasi exclusivement de molécules de protéines.

Des molécules de protéine ? Si nous regardons le blanc d'oeuf avec un supermicroscope supergrossissant, on voit de petits objets qui bougent rapidement en tous sens : ce sont les molécules d'eau ; et, parmi elles, il y a des sortes de pelotes, qui sont les molécules de protéines.  Dans les deux cas, il s'agit de  molécules mais ces molécules ne sont pas les mêmes. D'ailleurs dans le blanc d'oeuf, les pelotes sont de plusieurs sortes : en chimie, on dit qu'il y a plusieurs sortes de molécules de protéines, ou plusieurs protéines différentes

mercredi 7 juin 2023

Parlons le plus souvent de beaux ingrédients, plutôt que de beaux produits

Les ingrédients culinaires sans goût sont-ils utiles ? 

 

Cette question se rapproche de celle dont nous avions fait un débat public, et qui s'intitulait "Qu'est-ce qu'un beau produit?". 

Mais nous sommes au 21e siècle, alors que la cuisine note à note se développe, après une cuisine plus classique et s'impose alors de reprendre ces deux questions dans ce double cadre, et non pas seulement dans le cadre classique. 

Pour le cadre classique, notre débat nous avait fait conclure que des ingrédients sont jugés "beaux" quand ils sont appropriés au travail culinaire : des pommes de terre ou des lentilles qui se défont à la cuisson ne font pas de bonnes salades, mais, inversement, cette caractéristique est un atout quand on fait des purées ; ou encore, des viandes à braiser font de bons braisés, mais de mauvaises grillades, et vice versa. 

Tout cela étant posé, il reste que telle grosse crevette, avec une consistance inimitable, est "belle", que telle moule charnue de Galicie a des vertus que de petites moules maigres n'ont pas, que tel basilic au goût original sera mieux qu'un basilic sans goût, que telle viande bien rassise aura une consistance merveilleuse, que telle crème des Vosges qui monte en une dizaine de secondes, avec un goût de terroir, sera mieux qu'une crème pasteurisée au goût "cuit"... 

 

Bref, il y a effectivement de beaux produits, et ces produits sont aussi ceux qui ont du goût : on pense à des tomates qui, sans être parfaitement rondes, ont une chair qui ne laisse presque pas de place au liquide, avec un goût puissant. L'huile ? La farine ? Pourquoi supporter des ingrédients sans goût, puisque, finalement, il faudra que les mets aient du goût. Bien sûr, on peut imaginer de monter une émulsion à partir d'un blanc d'oeuf insipide et d'une huile également insipide, pour ensuite donner le goût que l'on veut à l'émulsion produite... mais souvent, le goût des ingrédients s'impose, quitte à devoir le conjuguer avec art. 

 

Pour la cuisine note à note, la question est bien différente, puisque le goût est entièrement construit : on part d'une forme, d'une consistance, on ajoute de la couleur, mais vient ensuite la construction de la saveur, de l'odeur, des aspects trigéminaux (piquants, frais...). 

Il semble, cette fois, que chaque ingrédient soit ce qu'il est, sans qu'il y ait des qualités supérieures. Voire... Par exemple, le cis-hexénol, ce composé qui a une merveilleuse odeur d'huile d'olive vierge ou d'herbes fraîchement coupée, ne s'utilise qu'en dilution dans de l'huile. Cette huile peut rancir, avec le temps, et l'on aura des notes rances qui s'ajouteront à l'odeur voulue : un tel ingrédient ne serait pas beau. 

Autre exemple, pour des pectines, ou des gélatines, il y a des qualités différentes, et des gélifications également différentes, qui conduiront à des consistances plus ou moins réussies. Par exemple, pour la gélatine : cette matière est produite à partir du traitement par de l'eau acidifiée ou basicifiée de tissus animaux ; selon le traitement thermique appliqué, on aura des molécules plus ou moins longues, qui imposeront des doses différentes du gélifiant. Sans compter que les molécules ont des caractéristiques variables, qui leur permettront de faire gélifier des liquides plus ou moins acides. Idem pour les pectines, qui, elles, sont extraites de tissus végétaux. 

 

Bref, oui, il y a des ingrédients mieux que d'autres !

mardi 6 juin 2023

On m'interroge à propos d'allergies alimentaires

1. Dans la cuisine traditionnelle, plusieurs allergies à différents produits ont été jusque-là recensés (allergie au gluten, au blanc d’oeuf, au lactose, etc..). 

Est-ce que de nouvelles allergies ont été trouvées après l’utilisation de la cuisine moléculaire, avec l’ajout des nouveaux types de produits tels que l'alginate de sodium, les gélifiants (agar-agar, carraghénanes)… ? 

 

 

Je ne suis pas certain que la question ait un sens (pardonnez moi), car la définition de la cuisine moléculaire, c'est « de la cuisine avec des ustensiles rénovés » (siphons, etc.). 

De ce fait, pourquoi y aurait-il des allergies ? 

Cela étant, oui, les gélifiants et épaississants auraient pu en produire... mais ces produits sont utilisés par l'industrie depuis déjà longtemps (par exemple, les fourrages d'olives d'apéritif, etc.)... et par  les Asiatiques depuis des millénaires, parfois. A ma connaissance, il n'y a pas plus de Chinois allergiques que nous. 

 

2) Avez-vous été inspiré des différents procédés de cuisine des cultures des pays étrangers dans l’élaboration de vos recherches ? 

 

Pardonnez moi de toujours bien lire les questions que l'on me pose, avant d'avoir quelques chances de répondre correctement. 

Vous me parlez ainsi de "l'élaboration de mes recherches"  : de quoi s'agit-il ? Si vous m'aviez dit "dans vos recherches", j'aurais mieux compris. 

Cela étant, je crains que vous ne confondiez mon travail, et mon action politique. Si vous parlez de mon action politique, tout d'abord, alors je n'ai pas besoin de faire de recherches pour proposer, jour après jour, une modernisation de la cuisine, pour proposer que l'on nomme physico-chimie la science de la chimie, et « sciences quantitatives » ces sciences que sont la physique la biologie, pour proposer que "le summum de l'intelligence est la bonté et la droiture", pour rappeler que l'alimentation est parfaitement artificielle, contrairement à ce que prétend malhonnêtement une certaine industrie, qui ment pour vendre ses produits, pour rappeler que ce n'est pas la peine de vouloir manger sainement si l'on fume, si l'on boit de l'alcool et si l'on mange des viandes cuites au barbecue, si l'on mange du chocolat, etc.  

Assez d'ignorance assortie de mauvaise foi ! Assez de ces marchands de peur, qui veulent (pourquoi  : vous l'êtes vous demandé ?) nous faire croire que notre alimentation est pleine de poisons !!!!! Je n'ai pas assez de guillemets pour dénoncer des malhonnêtetés intellectuelles. 

En revanche, si vous parlez de mes recherches, cela n'a rien à voir avec la cuisine moléculaire, comme cela est expliqué presque à chaque mot dans mon site. Mes recherches, c'est de la physico-chimie la plus fondamentale possible : il s'agit de découvrir les mécanismes du monde, en partant de phénomènes que j'observe initialement dans la cuisine. Et plus le temps passe, et plus je m'éloigne de la cuisine. 

Par exemple, vous verrez dans un numéro de l'Actualité chimique un article que j'ai fait, sur des gels. Oui, il y a des gels en cuisine, mais aussi dans toutes les industries de la formulation. Alors la cuisine, dans mes travaux scientifiques...  m'est presque étrangère. 

J'ajoute que, au laboratoire, nous ne cuisinons pas  : nous produisons des systèmes expérimentaux que nous analysons par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire ou par chromatographie en phase gazeuse avec spectrométrie de masse, par exemple, nous résolvons des équations aux dérivées partielles. Alors vous comprenez bien que la cuisine des pays étrangers... ;-) 

 

3) Selon vous la cuisine moléculaire pourrait-elle être une future mondialisation d’une méthode de travail culinaire ? 

Je vous ai déjà répondu que la cuisine moléculaire va mourir, et que seule la cuisine note à note va s'imposer. Cela dit, la cuisine moléculaire est déjà partout : la plupart des pays ont déjà transformé leur cuisine, introduit basse température (les oeufs à 6X°C, par exemple), les "chocolat chantilly", les siphons. 

Cela étant, j'ai encore du mal avec votre phrase "la cuisine moléculaire serait une mondialisation d'une méthode de travail culinaire". Voulez vous dire "la cuisine moléculaire serait une technique culinaire employée dans le monde entier" ? Pardonnez moi, mais il suffit de dire "il pleut", plutôt que "l'eau du ciel descend sous la forme de gouttelettes sous l'action de la gravité", quand on veut être compris. Mehr Licht ! 

 

4) La cuisine moléculaire intègre-t-elle le fait de préserver au maximum les valeurs nutritionnelles des aliments ? Et peut-elle répondre aussi bien que la cuisine traditionnelle aux besoins nutritionnels nécessaires au corps humain ? 

 

Voir la définition plus haut. 

Cela dit, la cuisine moléculaire est une technique, tout comme le fait de poser les doigts sur les notes d'un piano. Avant de décider quels doigts on pose, il faut savoir quelle musique on veut jouer. De même en cuisine : ce n'est pas la technique qui détermine le résultat, mais l'intention de celui ou celle qui utilise la technique. Si un cuisinier moléculaire veut se préoccuper de la "valeur nutritionnelle", il peut le faire ; s'il ne veut pas s'en préoccuper, il a le droit, ça le regarde. 

Cela dit, arrêtons de répéter des mots vides : c'est quoi "la valeur nutritionnelle des aliments" ? Dans notre groupe de recherche, je répète aux étudiants que, au delà de trois syllabes, je ne comprends plus rien, et que je me mets à soupçonner qu'on me mente ou qu'on veuille me vendre un produit ou de l'idéologie ! Les mots compliqués, les expressions alambiquées sont toujours la porte ouverte aux malversations des malhonnêtes, des autoritaires, des paresseux... 

 

5) Comment l’usage de la cuisine moléculaire pourrait-il progresser au sein des foyers français ? 

 

Elle progresse sans cesse : la Redoute vend des siphons, et les gélifiants sont dans des coffrets pour enfant à Noël ! 

Mais je vais tout faire pour que la cuisine moléculaire meure... afin de faire advenir la cuisine note à note dont nous avons le plus grand besoin : que mangerez vous, quand il y aura 11 milliards d'humains sur la terre ? Moi, je m'en moque, d'un certain point de vue, puisque je serai mort, mais vous ? 

 

6) Vos nouvelles méthodes pour cuisiner ont elles contribué à l’élaboration de nouveaux ustensiles, avez-vous été contacté par des fabricants et peut-on encore aujourd’hui espérer voir du matériel révolutionnaire ? 

 

Oui, il y a une gamme tout entière de produits, mais attendez vous surtout à des kits de cuisine note à note, puisque j'essaie de faire mourir la cuisine moléculaire. Cela dit, la cuisine moléculaire voulait introduire des nouveaux ustensiles en cuisine : c'est la définition ! Et les ustensiles étaient dans les laboratoires. Ils sont nouveaux pour la cuisine, mais ancien pour les laboratoires ! Et il reste plein de choses à faire ! Oui, j'ai été contacté par de nombreux fabricants, et des fours sont déjà issus de nos propositions. 

 

7) La cuisine moléculaire permet par exemple d’éviter les réactions de Maillard néfastes à la santé. Connaissez-vous d’autres effets de la cuisine traditionnelle mauvais pour la santé de l’Homme qui pourraient être évités grâce à la cuisine moléculaire ? 

 

Les réactions de Maillard doivent être nommées réactions de glycation, ou amino-carbonyle. Elles sont peut être néfastes... mais les causes essentielles de cancer sont le tabac et l'alcool : je me préoccuperai de l'influence sur la santé des réactions de glycation le jour où le public cessera de fumer et de boire ! Et puis, le chocolat : 50 % de gras et 50 % de sucre ! On ne me fera pas croire que c'est bon pour la santé. 

Plus généralement, les questions de santé m'énervent, parce que nous faisons le contraire de ce qui serait bon pour notre santé.  Alors pourquoi être hypocrite ? Et pourquoi voudriez vous que je perde mon temps à m'intéresser à la "santé" si le public fait le contraire de ce qu'il sait qu'il devrait faire ? 

En revanche, plus positivement, je milite quotidiennement, dans mes sites et blogs, pour faire comprendre ce que nous mangeons. Après, chacun décidera en son âme et conscience. 

 

 

8) J’ai remarqué en faisant quelques essais de recettes en cuisine moléculaire, qu’il fallait suivre la technique à la lettre, et être très strict et vigilant dans les quantités et les temps de cuisson donc avoir de la rigueur dans sa façon de travailler pour arriver à un travail satisfaisant (comme toute sciences d’ailleurs !). Vous parlez à juste titre de robustesse d’une recette. Alors que dans la cuisine traditionnelle, ce manque de rigueur ne fait moins barrière à un résultat satisfaisant, La cuisine traditionnelle semblerait donc laisser plus de liberté d’expression au niveau artistique à un cuisinier pour élaborer des recettes (je ne parle pas ici de la recherche de nouvelles recettes où là au contraire, une plus large palette de possibilités s’ouvre au cuisinier en cuisine moléculaire). Quel est votre avis sur le sujet ? 

 

En pâtisserie, il faut être précis, aussi. Et  en cuisine aussi : si vous faites sauter une coquille Saint Jacques, vous avez intérêt à bien surveiller  ! Idem pour un steak, qui risque de se transformer en semelle. Voir à ce sujet un des séminaires de gastronomie moléculaire, où nous avions comparé cuisine et pâtisserie (dans les milieux traditionnels, on dit que les cuisiniers sont moins précis que les pâtissiers), et où nous avions conclu expérimentalement que les on dit étaient faux. 

Bref on ne peut pas généraliser : pour l’utilisation d'un siphon, par exemple, c'est très facile et il n'y a aucune précision nécessaire. Pour de l'azote liquide aussi. Pour une sonde à ultrason pour faire une émulsion aussi. SVP, ne généralisez pas le petit cas des gélifiants à l'ensemble de la cuisine moléculaire. 

 

9)  Avez-vous entendu parler de la cuisine moléculaire au naturel ? Si oui, pensez-vous qu’elle puisse être la continuité de la cuisine moléculaire

 

Pardon, mais « cuisine naturelle », ou cuisine au naturel, c'est une impossibilité : est naturel ce qui ne fait pas l'objet d'une transformation par l'être humain. Or la cuisine EST une transformation par l'être humain. La cuisine est donc ARTIFICIELLE. Ne vous laissez pas embobiner par une certaine industrie, qui fait du green washing. Il n'y aura jamais de naturel dans l'alimentation humaine ! Et, je le répète, la cuisine moléculaire va mourir, et c'est la cuisine note à note qui s'imposera... et commence déjà à se développer de façon explosive dans le monde. D'ailleurs, la cuisine note à note n'est pas moins naturelle que la cuisine classique (ici, j'avais écrit "traditionnel"... mais c'était une bêtise : dans la mesure où vos traditions auvergnates ne sont pas les miennes, alsaciennes, la cuisine traditionnelle n'existe pas). Pensez par exemple au sucre de table, le saccharose, composé pur extrait des betteraves. Ou à l'huile (mélange de triglycérides) obtenu par pressage de graines... Ou au sel, produit par évaporation d'eau de mer. Ou à la gélatine obtenue par cuisson du pied de veau. Ou au vin, obtenu par fermentation de jus de raisin pressé. Que l'on presse, que l'on filtre, que l'on évapore... ou que l'on distille, que l'on sépare sur membranes d'osmose.. Tout cela est bien pareil, non ?

lundi 5 juin 2023

La direction de thèses ?

 Comment doivent-être les relations d'un doctorant avec un directeur de thèse ? 

 Je ne le sais évidemment pas, mais je propose de chercher rationnellement. Ce que je sais  que: 

 1.  les  écoles doctorales émettent des "chartes" qui régissent ces relations, mais ce sont parfois des règlements de "police", qui évoquent des cas dramatiques (harcèlement, etc.), ou des documents grandiloquents, affirmant que nous faisons une recherche excellente (mot si galvaudé qu'il en devient risible : qui d'entre nous reçoit le prix Nobel, par sa recherche "excellente" ?) ; j'en discute une ci-dessous, mais clairement, nous méritons mieux : il nous faut des documents éclairés, positifs, intelligents (au sens de l'intelligence de la science, bien sûr ; comment pourrait-on imaginer que je puisse penser que les auteurs de ces chartes ne sont pas intelligents ?). 

2. dans certains cercles éclairés (par exemple, le département de mathématiques de l'Ecole normale supérieure), les doctorants rencontrent une fois le directeur de thèse (en tout début) : celui-ci donne un sujet, et le doctorant part pour trois ans l'explorer tout seul, avant de revenir soumettre sa thèse. Je trouve cela merveilleux, même si je sais aussi que tous les doctorants ne sont pas capables d'être ainsi livrés à eux-mêmes. 

3. les doctorants ne sont plus statutairement des étudiants, même s'ils bénéficient d'une carte d'étudiant qui pallie leur salaire pas toujours élevé ; certes, on est toute sa vie durant "étudiant" au sens d'étudier, mais le doctorant est un professionnel, un jeune chercheur scientifique ou technologique (les thèses d'état ont été fusionnées avec les thèses de docteur ingénieur).
Je déduis de cette dernière observation que le travail du doctorant est son travail propre ; le doctorant n'est pas  une "petite main" du directeur de thèse, ce n'est pas de la "chair à canon de laboratoire", comme certains s'en plaignent (mais il faut décoder : qui se plaint et pourquoi ?).
De ce fait, j'ai pris la décision de laisser les doctorants qui me font l'honneur de me choisir pour directeur de thèse être responsables de leur travail, de leurs choix scientifiques, de la qualité de leurs expériences... Je ne me défausse pas, bien au contraire, comme on le verra en fin de texte, mais je veux d'abord donner ma confiance et, surtout, contribuer à mettre les doctorants plus haut que moi. 

 

Cela étant, lisons une charte du doctorat. 

 

On y voit que le directeur de thèse doit : 

- élaborer le sujet du projet doctoral en concertation avec le doctorant : au fond, je ne suis pas certain que cela soit bien, car cela prive le doctorant de sa capacité à élaborer sa recherche.
En pratique, surtout pour des thèses CIFRE, le sujet est décidé en commun avec un industriel... qui pose une question a priori jamais traitée. Je crois que, sur la base de cette question, c'est le doctorant qui doit élaborer son projet initial de recherche, quitte à le discuter avec le directeur de thèse, comme on discute d'une recherche avec un collègue, ou, mieux, avec un ami. 

- s’assurer que le sujet est original et ne reproduira pas des recherches effectuées ailleurs précédemment : là, il y a le "s'assurer", qui est ambigu, car préconise-t-on que le directeur de thèse vérifie son propre choix (comme dit plus haut), ou bien qu'il vérifie celui du doctorant ?
D'autre part, il y a une faute à croire que l'on ne peut pas traiter le même sujet de deux façons différentes et toutes deux profitables pour la connaissance : je me souviens notamment de travaux mathématiques qui étaient partis des Disquisitiones de Carl Friedrich Gauss... et qui avaient été merveilleusement novateurs. 

- s’assurer de sa faisabilité dans la durée prévue pour le projet et dans le contexte de l’unité de recherche et de ses partenariats : là encore, je trouve  la phrase bien naïve, car un sujet n'est jamais traité entièrement, n'est jamais "faisable dans une durée donnée", en raison du mode de fonctionnement de la méthode scientifique, qui produit des théories que l'on cherche à réfuter pour en proposer d'autres, que l'on réfutera encore, et ainsi de suite à l'infini. J'ai bien dit "à l'infini" ! 

- s’assurer en concertation avec le directeur de l’unité de recherche de la bonne intégration du projet : là, c'est dessaisir les directeurs de thèse des thèmes de leur recherche, et c'est donc très contestable ! Au fond, ce type de déclarations infantilise à la fois les doctorants et les directeurs de recherche. Un peu de grandeur, s'il vous plaît ! 

- s’assurer que toutes les conditions scientifiques, matérielles et financières sont réunies pour garantir le bon déroulement des travaux de recherche du doctorant ou de la doctorante : là, je suis parfaitement d'accord, et c'est même un truisme que de dire que des chercheurs "au soleil" doivent épauler les plus jeunes, n'est-ce pas ? Mais ne doit-on pas aussi encourager les doctorants à se doter aussi des conditions de leur recherche ? Après tout, si la vie professionnelle est faite de recherche de financements, pourquoi n'encouragerait-on pas les doctorants à apprendre à faire de telles recherches ? 

- informer les candidats et candidates à l’inscription en doctorat des possibilités de financement et des démarches qu’ils pourraient avoir à effectuer : pour des thèses CIFRE, l'affaire est réglée par avance, mais, au fait, à quoi servent les écoles doctorales si ce ne sont pas elles qui ont ce rôle ? Par pitié, assez d'administration sur le dos des directeurs de thèse, c'est-à-dire en réalité des chercheurs ! 

- s’assurer auprès du directeur ou de la directrice de l’unité de recherche des capacités d’accueil de l’unité : encore une bien grande banalité... mais surtout, ne s'est-on pas assuré, par l'"habilitation à diriger des recherches", que les directeurs de thèse sont capables de cela ? Ce n'est donc pas au niveau de la charte de la thèse que cette clause doit apparaître, mais dans le disposition d'habilitation. 

- veiller aussi à ce que le doctorant ou la doctorante ait accès à tous les matériels et données nécessaires au bon développement de ses travaux : mouais... Disons l'aider à se débrouiller à avoir accès, car il faut enseigner aux jeunes à se débrouiller un peu, non ? Sans quoi on finira par devoir les border dans leur lit... 

- pour que soit garantie sa disponibilité, limiter à cinq le nombre de doctorants et doctorantes qui sont placés simultanément sous son contrôle et sa responsabilité, sauf disposition particulière de l’école doctorale abaissant cette limite ou sauf dérogation : bof, tout dépend comment l'équipe de recherche est structurée... De toute façon, on ne peut guère parler (j'entends : avoir une vraie discussion) à plus de huit personnes par jour ; et puis, à quoi bon multiplier les thèses ? Et puis, surtout, a-t-on vraiment assez de bon candidats pour cela ? 

- informer chaque doctorant et doctorante du nombre de doctorants et doctorantes qui sont également placés sous son contrôle et sa responsabilité : je dirais bien plus, les doctorants doivent être parfaitement associés à la direction des groupes de recherche (avec droits et devoirs) ! 

- lorsque la direction scientifique du projet doctoral est partagée avec un co-directeur ou une co directrice, et que un/e ou plusieurs co-encadrant/e/s contribuent à l’encadrement du doctorant ou de la doctorante, assurer la coordination de l’équipe d’encadrement et garantir la clarté et de la cohérence des indications fournies au doctorant ou à la doctorante par les membres de celle-ci : là encore, il y a surtout l'autonomie des doctorants à assurer, et les co-encadrants doivent surtout partager des valeurs que j'exprimerai plus loin. 

- sensibiliser le doctorant ou la doctorante à l’éthique de la recherche et à l’intégrité scientifique, s’assurer qu’il ou elle se forme à ces questions dès le début de son doctorat et en respecte les principes : oui, prêcher d'exemple, mais n'est-ce pas évident ? En réalité, je déteste les clauses qui sont de grandes déclarations... dont les mauvais se moquent ! Ne faisons pas de lois inutiles et, donc, un peu hypocrites. 

- veiller également à sensibiliser le doctorant ou la doctorante au respect des règles et consignes de signature des publications, de diffusion des résultats de recherche (diffusion en archive ouverte, confidentialité), de propriété intellectuelle, ainsi qu’au respect de la réglementation nationale, des règles et procédures internes à l’Université et des règles d’hygiène et de sécurité : encore un truisme, mais il est vrai, en l'occurrence, que l'énoncer permet au doctorant de savoir qu'il existe de telles règles ;-) 

- le sensibiliser également aux questions de préventions des conflits, du harcèlement et des discriminations : très important, bien sûr ! Dans notre groupe, tout cela se dit par une phrase affichée au mur "Le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture". 

- veiller à la bonne intégration du doctorant ou de la doctorante au sein de la communauté scientifique et particulièrement de l’unité de recherche : un truisme, encore un truisme, car pense-t-on vraiment que des directeurs de recherche un peu "dignes" puissent agir autrement ? Ce type de déclarations est injurieux, en réalité. 

- contribuer aux actions conduite au sein de son unité de recherche en vue de l'intégration des doctorants et doctorantes dans l'unité de recherche : ah, la chouette bande d'amis ! En réalité, je me moque, parce que cela est évident. - veiller, à son niveau, à ce que le doctorant ou la doctorante ait des échanges scientifiques avec les autres doctorants et doctorantes et plus généralement avec l’ensemble de la communauté scientifique : ouf, on est sauvé par la fin de la phrase, car oui, c'est avec l'ensemble de la communauté scientifique que les doctorants doivent avoir des relations scientifiques, et non pas seulement dans le petit milieu des doctorants ; en réalité, je déteste ces distinctions entre les jeunes chercheurs et les chercheurs moins jeunes, faisant mienne l'idée de Michel-Eugène Chevreul qui, à l'âge de 100 ans, se disait le doyen des étudiants de France. 

- s’assurer d’être informé régulièrement par le doctorant ou la doctorante de l’avancement du projet doctoral : mais enfin, ne parle-t-on pas le plus possible à des amis ? 

- assurer un suivi régulier : de quoi ? 

- lui consacrer une attention et une part de son temps adaptée, accompagner sa prise d’autonomie progressive : là, on réinfantilise, attention ! 

- bâtir une relation constructive et positive avec le doctorant ou la doctorante afin de mettre en place les conditions nécessaires au transfert efficace des connaissances et au développement de ses compétences : là encore, on crée de la lutte des classes avec de telles déclarations ! 

- aider le doctorant à identifier ses points forts et ses faiblesses et l’encourager à développer ses compétences : ça continue. 

- s’assurer que le doctorant ou la doctorante tient compte des contraintes de temps et inscrit ses travaux de recherche dans la durée prévue du projet doctoral : idem. 

- signaler au doctorant les difficultés ou contraintes externes qu’il n’aurait pas identifiées lui-même, les opportunités qui peuvent se présenter : comme avec n'importe quel ami ou collègue, non ? 

- en vue de la soutenance de la thèse, inciter et aider le doctorant, dès le début de la préparation de la thèse, à faire apprécier la qualité et le caractère novateur de ses travaux de recherche, à être apte à les situer dans leur contexte scientifique et à  développer des qualités d’exposition : en réalité, je trouve ces conseils un peu injurieux, car n'est-ce pas ce que ferait un individu normalement constitué ? On prend les directeurs de thèse pour des enfants, après avoir pris les doctorants pour des enfants... 

- s’assurer également que le doctorant ou la doctorante utilise pleinement chacune des opportunités qui lui sont offertes pour développer ces capacités (lors de l’admission en doctorat, à l’occasion d’activités organisées par l’unité de recherche, par l’école doctorale, lors de colloques ou conférences, lors d’entretiens avec le comité de suivi) : ça continue. Oui, ça continue, et je me lasse, alors qu'il en reste encore, du même tabac. 

Surtout, on n'a considéré que des aspects matériels évidents, et pas les aspects intellectuels passionnants ! 

 

Examinons donc ces derniers, en commençant par une anecdote : il y a quelques années, notre groupe de recherche avait reçu un stagiaire extrêmement faible (nous acceptons tous ceux qui veulent apprendre, sans chercher à savoir ce qu'ils savent faire ; celui-ci avait redoublé toutes ses années de licence) ; nous l'avions aidé du mieux que nous pouvions, et, quelques années plus tard, je l'ai retrouvé en master de chimie quantique, preuve qu'un enseignement l'avait rendu capable (parce que je ne crois pas qu'il ait pu pallier ses insuffisances en si peu de temps) d'utiliser des programmes très évolués. 

Autre exemple : j'ai vu des étudiants très jeunes utiliser en claquant des doigts des programmes de calcul qui m'avaient fait considérablement transpirer. 

Bref, les dispositifs d'enseignement " portent" les étudiants, tout comme les bons parents "élèvent" leurs enfants, au sens de "mettre plus haut que soi" (mais je regrette cette comparaison, au fond, parce que je répète que les doctorants ne sont pas des enfants, pas des étudiants, mais de jeunes chercheurs. 

En revanche, les anecdotes précédentes doivent nous inspirer ! Les directeurs de thèse doivent être des soutiens, des pourvoyeurs d'idées que les doctorants peuvent ou non utiliser, selon ce qu'ils jugent bons. D'où la responsabilité du directeur de thèse : proposer des supports théoriques que la simple mise en pratique ne donne pas, instiller des réflexions que le doctorant n'aurait pas seul, par exemple. 

Cela, c'est un devoir bien plus important que la simple gestion administrative, évidente en quelque sorte.

dimanche 4 juin 2023

A propos de ganaches

 La tradition pâtissière veut que l'on produise des ganaches en : 

- fondant du chocolat 

- faisant bouillir de la crème 

- versant la crème au centre du chocolat fondu 

- mélangeant les deux masses à l'aide d'une cuiller que l'on passe en tournant autour de la crème. 

 

Il y a maintenant 30 ans, j'ai proposé d'y réfléchir en termes physico-chimiques. 

 

Le système final est une émulsion, ce qui doit déterminer la pratique de préparation. En effet, le chocolat est fait de sucre et de matières végétales dispersés dans de la matière grasse. 

Quand on fond du chocolat, on forme une dispersion liquide, avec le sucre et les particules de matière végétale dispersées, cette fois, dans la matière grasse à l'état liquide. La crème, d'autre part, est une émulsion, avec des gouttelettes de matière grasse dispersées dans de l'eau. 

Faire bouillir l'ensemble ne change guère le système, au premier ordre : la crème bouillie reste une émulsion. 

Quand on mêle le chocolat à la crème, le chocolat est comme l'huile que l'on ajoute à une mayonnaise : on augmente la proportion de matière grasse de l'émulsion, tandis que le sucre se dissout dans l'eau de la crème ; les particules végétales restent dispersées. 

Finalement, on aura une émulsion qui refroidira, ce qui signifie que les gouttelettes de matière grasses cristalliseront en partie, restant émulsionnées. Le système sera mou, puisque la phase "continue", celle qui disperse les gouttelettes de matière grasse, sera faite d'un mélange des graisses du chocolat et du beurre : si les graisses du chocolat durcissent en refroidissant, celles du beurre restent partiellement liquides. 

 

Tout cela étant dit, on comprend que l'on puisse "savoriser" ou "odoriser" les ganaches de deux façons : soit en dissolvant des composés dans l'eau (de la crème), soit en dissolvant des composés dans la matière grasse. Le plus souvent, les composés solubles dans l'eau donnent de la saveur, tandis que les composés solubles dans ce que l'on nomme "l'huile" donnent de l'odeur. 

Faut-il l'un, ou faut-il l'autre ? C'est mieux d'avoir les deux ! Par exemple, un caramel sera soluble dans la crème, mais des odeurs délicates iront dans la matière grasse. Bien sûr, si l'on infuse la crème avec des matières qui donnent du goût, les deux dissolutions se font simultanément. Enfin, une pratique rénovée sur la base de la compréhension précédente : pourquoi ne pas ajouter le chocolat fondu à de la crème chauffée, en fouettant comme pour une mayonnaise ?

 

 On est alors sûr de bien faire l'émulsion de type "huile dans eau".