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vendredi 19 avril 2024

Mousse au chocolat : ancien. Chocolat Chantilly : nouveau !

 
De nombreuses personnes m'interrogent sur la "mousse au chocolat", sans doute parce que mon nom est associé à une invention que j'avais faite en 1995, à savoir le "chocolat chantilly", lequel n'est pas une mousse "au" chocolat, mais une mousse "de" chocolat. 

Expliquons... en utilisant un système utile : le "formalisme des systèmes dispersés", ou DSF (l'acronyme de "disperse systems formalism"). Pour cette description, c'est tout simple : il considérer que les matières sont faites de gaz (G), de liquides (L), de solides (S), et que les phases sont organisées les unes par rapport aux autres. Par exemple, une mousse de savon, ou un blanc d'oeuf battu en neige) est faite de bulles de gaz (l'air, G) dispersées dans un liquide (l'eau savonneuse, le blanc d'oeuf). Pour décrire une dispersion "aléatoire" (au hasard) des bulles, on utilise un symbole qui est "/". Ajoutons, aussi, que les liquides peuvent être des solutions aqueuses (jus de fruit, bouillon, thé, café, vin...), ce que l'on note W (pour water, en anglais), ou des matières grasses liquides (huile, chocolat fondu, fromage fondu...). 

Pour décrire une mousse de blanc en neige, on notera donc G/W. # De même, un gel de gélatine est fait d'un liquide (une solution aqueuse) dispersées dans un réseau solide : leas protéines de la gélatine forment une sorte d'architecture qui inclut l'eau. Toutefois, ici, l'eau n'est pas sous la forme de gouttes isolées, mais forme une phase liquide, interpénétrée avec le réseau solide, d'où l'usage d'un autre symbole : x. 

 

Tout d'abord, la mousse au chocolat classique

Ayant vu un début de formalisme, revenons à la mousse au chocolat, et, tout d'abord, à une recette classique. Pour faire une mousse au chocolat, on commence par fondre du chocolat... lequel est principalement fait de cristaux de sucre (très petits, solides) dispersés dans une matière grasse, liquide quand le chocolat est fondu. Eventuellement (mais ce n'est pas obligatoire), on ajoute du beurre ou du jaune d'oeuf, mais cela ne change pas grand chose : le chocolat fondu est décrit par S/O, où S représente les cristaux de sucre, et O la matière grasse liquide. Puis, à part, on bat des blancs d'oeufs en neige, et l'on fait donc une mousse : G/W. Ayant ces deux matières, on ajoute le chocolat fondu à la mousse, et l'on obtient donc une mousse "au" chocolat. 

 

Ensuite, le chocolat chantilly

Tout le monde faisait ainsi des mousses au chocolat, jusqu'à ce que, en 1995, j'invente le "chocolat chantilly". De quoi s'agit-il ? En 1995, donc, j'ai analysé la fabrication de la crème fouettée, laquelle est obtenue par foisonnement (on bat) de la crème (on verra qu'il n'y a pas de crème dans le chocolat chantilly) . La crème est obtenue à partir du lait, lequel est une "émulsion", parce que des gouttelettes de matière grasse sont dispersées dans de l'eau ; la formule est donc O/W. 

Quand on laisse le lait reposer, les gouttes de matière grasse viennent flotter en surface, ce qui fait la crème, et la crème est donc une émulsion concentrée : encore O/W. Puis, si l'on bat, on introduit des bulles d'air, de sorte que l'on obtient (G+O)/W. Mais, comme on fait cela à froid, une partie de la graisse fige, et forme un réseau qui stabilise la crème fouettée. 

Terminons en signalant que la différence entre crème fouettée et crème chantilly tient seulement à la présence de sucre dans la crème chantilly : le sucre se dissout dans l'eau de l'émulsion. 

Mon idée a été de généraliser le procédé : d'une émulsion, on passe à une émulsion foisonnée qui est "figée" par le froid. Comment cela fonctionne-t-il ? Partons d'une casserole, où nous mettons 200 g d'eau : W. Puis déposons dans la casserole un morceau de chocolat (250 grammes), puis chauffons : le chocolat fond, et libère les cristaux de sucre, qui viennent se dissoudre dans l'eau, tandis que la matière grasse vient s' "émulsionner" : des gouttes de matière grasse se dispersent dans l'eau sucrée. Si l'on fouette, on voit que le fouet pousse des bulles d'air dans l'émulsion, de sorte que l'on obtient le système (G+O)/W... mais on voit bien que les bulles d'air remontent à la surface, ne sont pas bien piégées dans l'émulsion. En revanche, si l'on pose la casserole sur des glaçons, la matière grasse liquide solidifie, cristallise, et les bulles sont piégées... et l'on obtient une mousse "de" chocolat : c'est cela, le chocolat chantilly ! 

Bref, il n'est pas nécessaire d'oeuf pour faire une mousse chocolatée (je n'utilise ni "de", ni "au"). C'est même un gâchis, du point de de l'économie familiale. Et puis, si l'on est gourmand, pensons que l'eau utilisée peut être thé, infusion de menthe, jus d'orange, vin... <strong>Et une question</strong> Tout cela étant posé, venons en finalement à une question reçue ce matin d'une élève de Première S, qui fait un "travail personnel encadré" (TPE) : # Bonjour Monsieur, je me permets de vous contacter pour des questions à propos de la mousse au chocolat pour notre tpe. Est ce que vous pourriez m'indiquer où se passe l'émulsion dans la mousse au chocolat, à quel moment ? Auriez vous une explication scientifique à me donner quand le chocolat fond au bain marie, ce qui se passe au niveau moléculaire par exemple. Que se passe-t-il quand nous mélangeons le chocolat avec les blancs en neige ? Je détaille chaque étape de la mousse au chocolat au niveau moléculaire mais je bloque. Je suppose que notre jeune amie s'intéressait plutôt au chocolat chantilly plutôt qu' à la mousse au chocolat. A quel moment se fait l'émulsion ? Je l'ai indiqué : quand le chocolat fond dans l'eau. Que se passe-t-il au niveau moléculaire quand on fond du chocolat, au bain-marie ? Dans le chocolat, la matière grasse est sous la forme de cristaux, avec les molécules empilées régulièrement les unes sur les autres. Les molécules ? Ce sont majoritairement des "triglycérides", des molécules analogues à des "peignes à trois dents". Le manche du peigne, c'est trois atomes de carbone ; les dents sont des "résidus d'acides gras" (et non pas des acides gras), avec principalement des atomes de carbone attachés en une chaine, avec des atomes d'hydrogène liés aux atomes de carbone. La chaleur, c'est de l'agitation des molécules : les molécules qui étaient tranquillement empilées se détachent, et vont flotter dans le liquide, sans rester associées. Que se passe-t-il quand on mélange du chocolat fondu avec des blancs en neige ? Cette fois, notre jeune amie ne discute plus le chocolat chantilly, mais la mousse au chocolat. D'un côté, une graisse liquide (comme l'huile) et, d'autre part, une mousse. En pratique, la mousse vient dans la matière grasse liquide, et l'on a des "blocs" de mousse dans la graisse liquide. Au refroidissement, la matière grasse du chocolat recristallise... et les blocs de mousse sont piégés.

samedi 6 avril 2019

A propos de chocolat Chantilly



J'ai inventé le chocolat Chantilly en 1995, et il est maintenant partout. De nombreux étudiants s'y intéressent, et certains ont plus de formation scientifique que d'autres. Aujourd'hui, avec le message que je reçois, je ne suis pas certain de la représentation mentale que s'est fait mon interlocuteur, de sorte que j'utilise sa question pour donner des explications.

Pour le chocolat chantilly, vous écrivez la courbe de fusion du chocolat est assez raide, pouvez vous me donner des explications ...les AG saturés solidifient entre 20 et 50 degrés. si je regarde la courbe du beurre. Comment cela intervient-il sur les bulles d'air ?

Commençons par décrire la production du  chocolat chantilly. On part d'eau (ou d'une solution aqueuse qui peut avoir du goût, tels le thé, le café, le jus de fruits, etc., mais qui reste essentiellement composée d'eau. On y chauffe du chocolat : cette matière, qui est principalement faite de graisse et de sucre, s'émulsionne, car le chauffage fond la matière grasse, qui vient former des gouttelettes qui se dispersent dans l'eau, tandis que les petits cristaux de sucre libérés par la fonte des graisses viennent se dissoudre dans l'eau ; le chocolat contenant également des particules végétales, ces dernières sont également libérées, et viennent se disperser dans l'eau.
# Quand cette émulsion est obtenue, on pose la casserole sur de la glace ou de l'eau froide (pour aller plus vite), et l'on fouette : le fouet introduit des bulles d'air, ce qui produit une émulsion foisonnée. Toutefois, vient le moment où la matière grasse cristallise ("fige"), ce qui augmente la viscosité de l'émulsion, et piège durablement les bulles d'air. La mousse obtenue est le chocolat Chantilly.

Que cela signifie-t-il que "la courbe de fusion du chocolat est assez raide" ? 

Cela signifie que si l'on regarde la quantité de liquide dans du chocolat, on voit que, tant que la température est inférieure à 30 degrés environ, presque toute la matière grasse  est à l'état solide ; puis quand on augmente la température de quelques degrés seulement (vers 37 °C), alors toute la matière grasse du chocolat devient liquide. Ce comportement diffère de celui du beurre, dont la matière commence à fondre dès - 10 °C, et dont la fusion s'achève vers 55 °C. En pratique, cela signifie que, pendant que l'on prépare le chocolat Chantilly, rien ne se passe au début du battage, mais tout d'un coup, on voit la préparation blanchir, en même temps que sa consistance change. Avec du beurre Chantilly, au contraire, on aurait plus de temps pour poursuivre le battage, et la transformation serait plus progressive.

Comment cela intervient-il sur les bulles d'air ? 

Je crois que c'est clair : des bulles dans un liquide remontent vers la surface, sont donc peu stables, alors que, dans une matrice solide, ces bulles sont piégées.

dimanche 11 mars 2018

Pourquoi le chocolat Chantilly et les mousses au chocolat sont-ils stables ?

Beaucoup d'étudiants qui préparent des TPE ou des TIPE s'intéressent aux mousses au chocolat. Trop, dirais-je, car comment vont-ils pouvoir établir qu'ils n'ont pas pris leurs résultats sur internet, dans des sites créés par des étudiants qui les ont précédés ? Je crois que, indépendamment du sujet et de sa complexité, c'est cela l'écueil principal qu'ils rencontrent. Et, en effet, je trouve 345 000 pages sur le thème "travaux personnels encadrés", et 32500 pages de ce groupe consacrées aux mousses au chocolat !

Mais bon, je ne peux pas faire le bien de mes interlocuteurs malgré eux. Je me contente donc de répondre ici à la question qui m'est posée ce matin :

Pourquoi le chocolat et les mousses au chocolat tiennent-ils ? Quelles sont les réactions chimiques responsables de cette stabilité ?


Commençons par analyser les systèmes qui nous intéressent.
Une mousse "au" chocolat, c'est une mousse, avec du chocolat ajouté. Par exemple, pour la mousse, on peut imaginer de la crème fouettée, de la crème chantilly (la précédente, mais sucrée), un sabayon, du blanc en neige, du blanc en neige sucré (appareil à meringue), une meringue suisse (du blanc battu et sucré en chauffant), une meringue italienne (du blanc en neige additionné d'un sirop très chaud), etc. A cette mousse, on peut donc ajouter soit du chocolat fondu, soit un mélange de chocolat, de jaune d'oeufs, de beurre.
Et il est vrai que de telles mousses peuvent être assez stables... mais elles le seraient parfois sans le chocolat !

Pour le chocolat chantilly, que j'ai inventé en 1995 (et je vois des chefs malhonnêtes se l'attribuer !), il s'agit de foisonner une émulsion de chocolat dans de l'eau. Et il est vrai que c'est stable...
Enfin, stable... Tout dépend de la température : car le chocolat solidifie aux températures inférieures à 36 degrés environ, et c'est seulement à ces températures que l'on obtient un chocolat chantilly stable : les bulles sont emprisonnées dans une matrice de chocolat qui solidifie, emprisonnant également l'eau présente.

Ce qui donne la clé de la stabilité des mousses au chocolat : là encore, le chocolat peut former un réseau solidifié, en raison de la cristallisation du chocolat.
 
Pas de modifications "chimiques", dans cette affaire ; seulement des changements de phase pour les triglycérides du chocolat ! 












Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)   


samedi 6 janvier 2024

Une de mes anciennes inventions : le beurre chantilly (après le chocolat chantilly, le fromage chantilly, le foie gras chantilly)

 

Le beurre Chantilly


Je prends les devants parce que je sais qu’il y a un risque de confusion : il n’y aura pas de crème, dans ce nouvel ingrédient. Seulement du beurre et de l’eau, plus des molécules odorantes.

Oui, mais avant d’arriver à la recette proprement dite, je dois parler du lait et de la crème.


Le lait est blanc parce que c’est ce que l’on nomme une « émulsion » : il est majoritairement composé d’eau, mais, dans cette eau, sont dispersées des gouttelettes de matière grasse. Et le lait est blanc, quand il est éclairé par de la lumière blanche, parce que cette lumière vient se réfléchir sur les gouttelettes (l’eau, elle, laisse passer la lumière) : ce que nous voyons, ce sont les innombrables reflets sur les innombrables gouttelettes de matière grasse. En voulez-vous une preuve ? Eclairez du lait avec de la lumière rouge et vous le verrez rouge !

Donc le lait est fait de gouttelettes de matière grasse dispersées dans de l’eau (d’autres choses aussi, mais nous pouvons éviter de les évoquer). Quand on laisse le lait reposer, les gouttelettes de graisse viennent flotter en surface, ce qui engendre une émulsion concentrée en matière grasse, la crème, et laisse dans la partie inférieure du récipient une émulsion apauvrie : le lait écrémé.


Prenons cette crème, refroidissons-la et fouettons-la : le fouet introduit des bulles d’air, qui sont piégées par la matière grasse, laquelle vient former une sorte de coque autour de chaque bulle. On obtient ainsi la crème fouettée, ou crème Chantilly, quand on ajoute du sucre.

Nous sommes maintenant prêts pour décrire la nouvelle invention.


Réfléchissons à la production de la crème Chantilly : nous avons transformé une émulsion en une émulsion mousseuse. Pourrions-nous changer les ingrédients ? Pour le chimiste, l’eau, c’est l’eau, et même si du bouillon n’a pas le même goût que du jus d’orange, les deux liquides sont majoritairement composés d’eau. Dans cette eau, le procédé précédemment décrit disperse de la matière grasse : en 1995, j’ai proposé d’utiliser du chocolat en conservant le même procédé, et j’ai ainsi inventé le « chocolat Chantilly ». Puis, juste après, j’ai proposé d’utiliser du fromage pour faire du « fromage Chantilly ». Et, l’an passé, nous avons réalisé en pratique une invention faite naguère : le « foie gras Chantilly ».

La nouvelle invention était également prévue depuis quelques années : c’est de conserver le procédé mais de remplacer la matière grasse de la crème par du beurre, pour faire, donc, du « beurre Chantilly ». Et c’est toi, Pierre, qui m’a fait le plaisir de réaliser la recette pour la première fois, le 7 janvier 2003. L’année commence bien.


En pratique : comment faire ? D’abord, on réalise une émulsion, en plaçant, dans une casserole, de l’eau (qui peut avoir du goût) et du beurre. On chauffe doucement en agitant, et l’on obtient d’abord une émulsion de beurre dans de l’eau, une sorte de cousin du beurre blanc.

Puis on pose la casserole sur de la glace et l’on fouette : si les proportions sont appropriées (il faut retrouver celles de la crème), on voit le mélange mousser et prendre finalement une texture analogue à de la crème Chantilly : nous y sommes, c’est le « beurre Chantilly »

Qu’en feras-tu ?

vendredi 5 mai 2023

Nos séminaires modifiés

  Lors d'un récent séminaire de gastronomie moléculaire (tous les troisièmes lundis du mois, de 16 à 18 heures ; public, gratuit),  les participants ont voté pour une modification du déroulement de nos rencontres : nous avons décidé de réserver un moment pour  considérer les questions d'innovation, à partir  du travail effectué lors des séminaires. 

Alors que nous mettions en œuvre à cette idée pour la première fois à propos de mousse au chocolat, j'ai proposé plusieurs  possibilités. La première consiste à généraliser l'opération de production de mousse au chocolat, laquelle est le mélange de blancs d'œufs battus en neige à une préparation un peu épaisse, qui peut figer. Et si, au lieu de chocolat, on utilisait de la viande, du poisson ? En confectionnant  par exemple un priestley, c'est-à-dire une crème anglaise  pour laquelle les protéine du  jaune d'œuf ont été remplacées par d'autres protéines. Imaginons un priestley de langoustines que l'on ferait en broyant finement des langoustines et en ajoutant un liquide, avant de faire prendre cette sauce en la chauffant ; après refroidissement, on ajoute les  blancs battus en neige, de sorte que nous obtenons un priestley foisonné... 

Une autre possibilité d'innovation ? Si  nous voulons rester dans la famille des préparations au chocolat,  je propose maintenant un «  chocolat chantilly »... mais il est vrai que cette innovation est ancienne, puisque je l'ai proposée dès 1995. Autre chose ? On m'a fait observer que le goût « riche » du jaune d'œuf manquait dans le chocolat chantilly. 

Qu'à cela ne tienne, remettons-le... en évitant toutes les difficultés de la mousse au chocolat classique. Par exemple, prenons une casserole, et mettons y de 200 g d'eau, puis 40 g de sucre (comme dans une recette classique de mousse au chocolat). Sur le feu doux, ajoutons 100 g de sucre et 125 g de chocolat. Quand l'émulsion de la matière grasse est faite, posons la casserole sur des glaçons ou dans de l'eau froide et fouettons : après un moment, on obtient une consistance de crème fouettée, qui est le chocolat chantilly. Reste alors à lui  ajouter le jaune d'œuf. 

On le voit : pas de possibilité de ratage, comme avec la mousse classique. Le chocolat chantilly contourne la difficulté, que les participants du séminaire ont vue considérable. Bref, les possibilités d'innovations sont nombreuses.

vendredi 13 décembre 2024

Les familles Chantilly


Dans les années 1990, j'avais inventé le "chocolat Chantilly", mais, au même moment :

- le beurre Chantilly

- le foie gras Chantilly

- le fromage Chantilly

et plus. 

Dans tous les cas, il n'y a pas de crème, et l'on reproduit une "crème", que l'on fait foisonner en Chantilly (on bat sur glace), pour avoir une consistance de crème Chantilly. 

Comment faire ? 

1. dans une casserole, mettre un liquide (vin réduit, jus de fruit, bouillon, eau, thé, café, etc.)

2. ajouter le corps gras (chocolat, foie gras cru ou cuit, beurre, fromage)

3. chauffer doucement pour que la matière grasse fonde et que l'on obtienne une émulsion (la "crème", à ne pas confondre avec une mousse)

4. poser la casserole sur des glaçons ou dans de l'eau froide et fouetter : au début, il y a des bulles qui ne tiennent pas, mais progressivement, elles deviennent de plus en plus petites, et la préparation gonfle en changeant de  consistance. C'est fait, et l'on peut conserver au réfrigérateur ou servir aussitôt. 


Les proportions ? Il faut reproduire une crème : 

- avec du chocolat : 200 grammes de liquide et 225 grammes de chocolat à croquer (250 grammes si on le fait la première fois)

- avec du beurre : 200 grammes de liquide de 250 grammes de beurre

- avec du foie gras : 200 grammes de liquide, 300 grammes de foie gras

- avec du fromage : tout dépend du fromage. 


De toute façon, les préparations sont "inratables", en ce sens que si elles ratent, on peut les rattraper. 

Par exemple, si la préparation est trop liquide, et qu'elle ne prend pas, remettre sur le feu et ajouter de la matière grasse, puis repasser sur glace et fouetter

Par exemple, si la préparation est trop dure, la remettre sur le feu pour la refondre, ajouter un peu de liquide, et reprendre le battage. 

Par exemple, si on a fouetté trop longtemps et que la préparation a "grainé", refondre et battre à nouveau. 


Bien sûr, il y a des associations de liquide/matière grasse mieux que d'autres. Par exemple, du thé avec du chocolat, ou bien du vin blanc réduit avec du roquefort, ou du jus de citron avec du beurre... et un fond de canard ou d'oie avec un foie gras. 

Pierre Gagnaire avait servi un foie gras Chantilly avec une belle huître, et un trait de vinaigre balsamique, par exemple.
 

 

A noter, pour le foie gras, que la graisse jaune peut être utilisée : elle est sortie du foie, mais c'est la même que celle qui y est à l'intérieur. Et, d'ailleurs, avec cette graisse jaune sortie d'une terrine, on peut très bien l'utiliser pour faire du foie gras chantilly.


samedi 9 décembre 2017

La cuisine moléculaire est dépassée par la cuisine note à note.... mais c'était quoi, au juste ?

Outils, ingrédients, méthodes : qu’appelle-t-on cuisine moléculaire et gastronomie moléculaire ?


La cuisine moléculaire a dix ans. Oui, certains cuisiniers en font depuis plus longtemps, puisque la gastronomie moléculaire a été introduite en 1988 (elle a donc plus de 20 ans), et que les idées qui ont présidé à ces activités datent du début des années 1980 (comptons : là, ça fait 30 ans). Toutefois il est également juste que j'ai introduit l'expression "cuisine moléculaire" a été introduite à Paris, en 1999, alors que je recevais mon ami Heston Blumenthal (chef anglais). Il me disait être heureux de faire de la gastronomie moléculaire... et je lui répondais que non, il ne faisait pas de gastronomie moléculaire, puisque seuls les scientifiques font de la gastronomie moléculaire. Pour ne pas abattre son enthousiasme, je décidais alors de nommer "cuisine moléculaire" la forme de cuisine moderne qui faisait l'application de la gastronomie moléculaire.
En deux commandements donc :

1. Si tu explores les mécanismes des phénomènes qui se déroulent lors des transformations culinaires, tu fais de la gastronomie moléculaire (de la science), mais évidemment, tu ne produis pas à manger, tu ne cuisines pas, tu ne fais donc pas de cuisine moléculaire.

2. Si tu cuisine et si tu appliques les résultats de la science nommée gastronomie moléculaire, si tu participes à ce grand mouvement de rénovation des techniques culinaires, alors tu fais de la cuisine moléculaire.

Il faut ajouter que EVIDEMMENT, ce serait une erreur de dire que toute la cuisine est de la cuisine moléculaire, sous prétexte qu'il y a des molécules dans tous les aliments, fruits, légumes, viandes ou poisson !
Oui, évidemment, il y a des molécules dans tous les aliments, mais il aurait fallu être drôlement malhonnête pour donner un nouveau nom à la cuisine. La cuisine, c'est la cuisine.
Plus positivement, l'expression "cuisine moléculaire" est une expression qui se comprend en bloc, et, d'ailleurs, ce serait une faute de français que de dire que la cuisine puisse être moléculaire. Il pourrait à la rigueur y avoir la "cuisine des molécules" (nous verrons cela une autre fois), mais "cuisine moléculaire" dans le sens que l'on cuisine des molécules serait la même faute de français que quand on dit (hélas!) "cortège présidentiel" : un cortège n'est présidentiel, en bon français, que quand il est lui-même le président ; si c'est le cortège qui accompagne le président, alors on doit dire (en bon français) "cortège du président".

Les principales caractéristiques de la cuisine moléculaire
Passons sur ces questions, et arrivons à la cuisine moléculaire, pour la préciser.. alors que, nous le verrons plus loin, elle commence à disparaître.
L'idée essentielle de la "cuisine moléculaire", c'était que, au début des années 1980, les techniques culinaires étaient ancestrales, très désuètes, un peu comme si l'on avait roulé en char à boeufs à l'époque des fusées. Une plaque électrique, si elle n'est pas à l'induction, ou une plaque à gaz gaspillent jusqu'à 80 pour cent de l'énergie consommée. Autrement dit, s'il fallait 10 centrales nucléaires pour fournir l'énergie à la cuisine française, il faudrait admettre que 8 sont inutiles !
Bref, la question était de rénover les ustensiles culinaires, et, tant que nous y étions avec mon vieil ami Nicholas Kurti, nous avions aussi l'ambition de rénover les ingrédients et les méthodes.
D'où les trois commandements de la cuisine moléculaire :

1. Si tu utilises des outils qui n'étaient pas dans la cuisine de Paul Bocuse en 1976 (date de la publication de La cuisine du marché), tu fais de la cuisine moléculaire.

Par exemple :

- le siphon, permet de faire des mousses en un clin d'oeil... alors que les fouets imposent un battage de plusieurs minutes : un progrès, non ?
- les filtres à verre fritté... permettent des filtrations plus rapides et plus efficaces que les linges pliés en quatre dans les chinois : ces systèmes sont des filtres dont les pores sont parfaitement contrôlés ; on y met un bouillon trouble, on fait le vide... et hop, le bouillon qui traverse le filtre est clair ! Pas de blanc d'oeuf battu, pas de « clarification » !
- l'évaporateur rotatif (plus à la page) : cette fois, il s'agit de distiller à la température ambiante, sous vide, et de récupérer les plus belles fractions odorantes des ingrédients alimentaires, des fraises, du café, des herbes...

2. Si tu utilises des ingrédients qui n'étaient pas dans la cuisine de Paul Bocuse en 1976 (date de la publication de La cuisine du marché), tu fais de la cuisine moléculaire.
Par exemple :

- l'agar-agar ou l'alginate de sodium, ou encore les divers carraghénanes : à l'aide de ces gélifiants, la gamme de la gélatine (des pieds de veau) et des pectines (des fruits) s'étend considérablement, avec des consistances particulières, des tenues à la température, des possibilités nouvelles ; par exemple, avec des alginates, on peut faire des perles à coeur liquide, comme des oeufs de saumon.

3. Si tu utilises des méthodes qui n'étaient pas dans la cuisine de Paul Bocuse en 1976 (date de la publication de La cuisine du marché), tu fais de la cuisine moléculaire.
Par exemple :

- le chocolat chantilly : autrement dit, pourquoi utiliser des oeufs pour les mousses au chocolat... alors que le chocolat chantilly est une preuve simple (sur Youtube, vous verrez une petite fille de six ans qui en fait la démonstration) du fait que ces oeufs sont inutiles. Inutiles ? C'est donc du gâchis d'en utiliser. Et, puisque j'y pense : avez-vous déjà essayé le foie gras chantilly ? Le fromage chantilly ? Le beurre noisette chantilly ? Attention, pour ceux qui ne se sont pas lancés : il ne s'agit pas d'utiliser de la crème pour faire une chantilly à laquelle on mêlerait du chocolat, du fromage, etc.

Tout simple, non?
J'en arrive maintenant à la bonne nouvelle : la cuisine moléculaire est en train de disparaître... parce que les cuisiniers se sont presque tous modernisés. Fours à micro-ondes, plaques à induction, siphons, gélifiants autres que la gélatine, etc. Nous y sommes... au point que des cuisiniers qui utilisent azote liquide et siphons me disent ne pas faire de cuisine moléculaire !
La cuisine moléculaire meurt tranquillement : vive la cuisine "note à note"... mais cela est une autre histoire.

En attendant, la gastronomie moléculaire ne meurt pas, elle, puisque c'est de la science, qui se développe dans le monde entier, mais dans les laboratoires, pas dans les cuisines ! Et, par principe, une science ne peut pas mourir !














Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mardi 2 janvier 2024

Questions de mousse au chocolat


Ce matin, une question, par des élèves qui doivent faire un travail personnel encadré (TPE) : 

Est ce qu'il y a une émulsion dans la mousse au chocolat traditionnelle? Nos recherches sont contradictoires et nous aimerions avoir une réponse exacte. Si il y en a une, pouvez vous nous spécifier entre quels ingrédients.

 

Lisons. On me parle d'une "mousse au chocolat traditionnelle"... mais de quoi s'agit-il ? 

Une mousse au chocolat, c'est une mousse à laquelle on a donné le goût du chocolat ! 

Et l'on peut en imaginer beaucoup :
- un blanc d'oeuf battu en neige (une mousse) que l'on mêle à du chocolat fondu -
un blanc d'oeuf battu en neige, et sucré (toujours une mousse, mais plus stable que la précédente) auquel on ajoute du chocolat
- les mêmes, mais au lieu de chocolat fondu, on ajoute de la poudre de cacao
- les mêmes que les deux premiers, mais on fond du beurre en même temps que le chocolat - les mêmes que le précédent, mais on ajoute du jaune d'oeuf
- les mêmes que tous, mais avec en plus une pincée de sel, un peu de vanille, du rhum...
- de la crème fouettée que l'on mêle à du chocolat fondu
- de la crème Chantilly (de la crème fouettée que l'on sucre) que l'on mêle à du chocolat fondu - et j'ai encore plein d'idées... 

Alors ? Laquelle ? Le mot "traditionnel" signifie en français "qui est dans la tradition", de sorte qu'il faudrait aller chercher une recette dans des livres de cuisine. Lesquels sont "traditionnels" ? Je laisse la question en suspens, en me référant plutôt à une recette "professionnelle" qui fait usage de : 250 g de chocolat à cuire 100 g de beurre 4 jaunes d'oeufs 6 blancs d'oeufs 40 g de sucre. Le protocole est le suivant :
- concasser le chocolat
- le mettre dans un bain à sauce, le fondre doucement
- incorporer le beurre, mélanger jusqu'à consistance de pommade
- hors du feu, ajouter les jaunes, mélanger
- monter les blancs d'oeufs en neige
- incorporer le sucre en poudre, serrer les blancs
- verser l'appareil sur les blancs montés sucrés et mélanger à la corne. 

Pour ceux qui sont intéressés, on pourra consulter : http://www.agroparistech.fr/Les-seminaires-2013-2014.html

 

Pour interpréter cette recette, je propose d'utiliser le "formalisme des systèmes dispersés" (DSF, voir : https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=FIPDESMOLECULARGASTR&amp;curdirpath=/docs%20HTHIS, 

ou, en français, le livre "Mon histoire de cuisine", aux éditions Belin). 

Pour commencer, on part de chocolat. A basse température, la formule de ce dernier est S1/S2, où S1 désigne les grains de sucre dispersés dans le chocolat, où "/" désigne une dispersion aléatoire, et où S2 désigne la matière grasse du chocolat (beurre de cacao). 

Quand on fond cette matière, la matière grasse fond, et l'on récupère un système de type "suspension dans l'huile" (on désigne par "huile" toute matière grasse fondue), de formule S1/O1. 

Puis, quand on ajoute du beurre, ce dernier, qui était initialement du type (W1+O2)/S3, fond, libérant l'eau, qui, sans doute, vient dissoudre le sucre, ce qui produit probablement un système de type W2/O3, où O3 désigne la matière grasse fondue faite du mélange de la matière grasse laitière fondue et du beurre de cacao fondu. 

L'ajout de jaune d'oeuf ne change pas notablement ce système, car le jaune apporte 50 % d'eau, 15 % de protéines et 35 % de matières grasses. 

D'autre part, en battant le blanc d'oeuf (solution de protéines dans 90 % d'eau, de formule W3), on obtient une mousse : G/W3. 

Vient alors l'opération qui consiste à mêler la mousse G/W3 et la suspension dans l'huile W2/O3. Là, je fais l'hypothèse que la mousse vient se disperser dans une phase aqueuse continue: O3. 

Dans cette phase continue, on trouve des "particules de mousse" (G/W3), visibles à l'oeil nu en début de préparation, invisibles ensuite, et du sirop W3. 

Toutefois la mise au froid conduit la matière grasse O3 à solidifier un peu : une partie cristallise, et c'est là que se produit la plus grosse incertitude : le réseau cristallin est-il continu, ou bien l'huile qui reste l'est-elle, ou bien a-t-on deux phases continues ? Dans la première hypothèse, on aurait (W2+(G/W3)+O4)/S4. Dans la deuxième hypothèse, on aurait (W2+(G/W3)+S4)/O4 Dans la troisième hypothèse, on aurait (W2+(G/W3))/(O4xS4). 

 

Finalement, la question de la présence d'une émulsion s'est compliquée... mais pourquoi se laisserait-on aller à dire des choses fausses ?

samedi 2 décembre 2017

Encore la question de la mousse au chocolat !

Ce matin, une question arrive :

Avec mon groupe, nous faisons un projet ( pour le bac) sur la mousse au chocolat. Notre problématique étant :  quels sont les différents éléments qui influent sur l'emulsion de la mousse au chocolat? Nous avons fais plusieurs expériences pour démontrer que c'était l'oeuf qui influencé sur l'émulsion. Nous avons fait plusieurs mousses au chocolat, en mettant du blanc d'oeuf avec du chocolat pour l'une et du jaune d'oeuf avec du chocolat pour l'autre. Nous avons ensuite regardé au microscope et nous avons vu qu'il  y avait des bulles dans les 2 échantillons.  Ma question est donc la suivante: Je sais que la lécithine, qui permet l'émulsion se trouve dans le jaune d'oeuf, donc est ce que c'est grace au jaune qu'il y a l'émulsion? Le blanc d'oeuf ne sert donc à rien ?



En lisant ce paragraphe, j'ai peur que nos amis n'aient confondu. Moi qui suis un homme simple, je lis les mots, et voici ce que je comprends :

1. Il s'agit de mousse au chocolat dont la recette n'est pas donnée, mais c'est donc une mousse "au" chocolat, et non pas une mousse "de" chocolat telle que serait un chocolat chantilly.
 Donc la recette est sans doute de faire foisonner du blanc d'oeuf, afin d'obtenir une mousse. Puis de mêler cette mousse à un mélange de chocolat fondu, possiblement (mais pas obligatoirement) additionné de beurre et de jaune d'oeuf.

2. On me parle d'émulsion, et je sais qu'une émulsion, c'est une dispersion de matière grasse dans une solution aqueuse, ou bien inversement une dispersion d'une solution aqueuse dans de la matière grasse.
 Il n'y a pas d'émulsion dans la mousse de blanc d'oeuf, et je suppose donc que c'est dans la préparation chocolatée qu'il faut que je cherche l'émulsion. Et là, il est exact que le beurre contient un peu d'eau, tout comme le jaune d'oeuf. L'eau du beurre est bien émulsionnée dans le beurre, et l'eau du jaune vient sans doute se disperser également dans cette phase grasse, qui est donc une émulsion de type "eau dans huile" (je rappelle que l'on désigne par "huile" une matière grasse à l'état liquide).

3. Nos amis évoquent la question  : quels éléments influent sur l'émulsion ? Ces éléments sont la nature des graisse, leur teneur, les tensioactifs, la nature de la phase aqueuse, et sa quantité... comme pour toute émulsion.

 4. Les expériences faites visaient à "démontrer que c'est l'oeuf qui influence l'émulsion". Mais...
 Tout d'abord, les sciences de la nature ne démontrent pas, mais elles se contentent de tester des hypothèses, afin de les réfuter.
D'autre part, je ne suis pas d'accord : ce n'est pas l'oeuf, mais les phospholipides et les protéines, qui viennent soit du beurre, soit du jaune d'oeuf.

5. Et je ne comprends vraiment pas pourquoi nos amis ont mis du blanc d'oeuf avec du chocolat. Les deux masses, à savoir la mousse d'une part, et l'émulsion chocolatée, d'autre part, ne sont mélangées (mal) qu'à la fin de la préparation.

6. Nos amis ont regardé au microscope, et ils ont vu des bulles. Mais je ne comprends vraiment rien à ce qu'ils ont fait et pourquoi ils l'ont fait. A vrai dire, j'ai peur qu'ils aient confondu une émulsion avec une mousse.

7. Si les protéines du blanc sont utiles : comment faire une mousse autrement ?

mercredi 7 février 2018

Mousses au chocolat

Une question d'un correspondant, ce matin :

Quelle différence que peuvent avoir le beurre de cacao et la matière grasse butyrique de la crème sur la stabilisation d une mousse au chocolat?


Hélas mon correspondant fait des mousses au chocolat, et non pas des chocolats chantilly (https://www.agroparistech.fr/Le-chocolat-chantilly.html)... mais la réponse vaut pour les deux.

Partons d'une  mousse au chocolat. C'est une matrice de chocolat fondu, additionné de beurre et de jaune d'oeuf, où l'on a ajouté cette mousse  qu'est un blanc d'oeuf battu en neige.
Lors du refroidissement, le chocolat et le beurre recristallisent, ce qui fige l'ensemble... si la température est assez faible.
Dans mon livre "Mon histoire de cuisine" (Belin, Paris, 2014), je donne les domaines de stabilités de la matière grasse du chocolat (il fond entre 34 et 37 degrés) et de  la matière grasse du beurre (la fusion commence à -10 degrés et finit vers 55 degrés.
Autrement dit, le chocolat stabilise mieux la mousse... mais attention aux temps chauds  !






Ce matin, une question :


"Je vous écris au sujet d’une question concernant une émulsion H/E  (huile dans l’eau) dont la phase continue est partiellement sucrée.

Dans le cas d’une préparation contenant 70% d’huile, 30% d’eau, 10% de saccharose, et d’un tensioactif  est-ce que le l’huile va s’émulsionner avec les 30% d’eau ou  avec 20% à 25% d’eau  puisque le saccharose est reconnu pour retenir une partie de l’eau (retenir je ne sais pas si c’est le meilleur terme pour traduire le côté hygroscopique du saccharose)".

Ma réponse n'est au fond qu'une sorte de légende du schéma suivant :



Ce que j'ai d'abord représenté, c'est une émulsion de type huile (en jaune) dans eau (en bleu). En  pratique, faisons un "geoffroy", en fouettant de l'huile dans du blanc d'oeuf, par exemple : les protéines et les autres molécules sont  trop petites pour être représentées à cette échelle, où la taille des gouttes d'huile est entre 0,001 et 0,1 millimètres. 
Le schéma inférieur représente un fort grossissement du petit cercle : 
- le fond est noir, parce que, entre les molécules, il n'y a rien, du vide
- à gauche, les peignes à trois dents sont les molécules de triglycérides ; pour mieux faire, j'aurais dû les orienter dans toutes les directions, mais c'est un détail
- à droite, on voit les molécules de saccharose (en bleu) dispersées au milieu des molécules d'eau (une boule rouge avec deux boules blanches)
- je n'ai pas réprésenté les molécules de tensioactifs, mais elles seraient sur le trait jaune, sous la forme de "cheveux" (pour les protéines).

Reste à commenter  le : "le saccharose est reconnu pour retenir une partie de l'eau".  Cette phrase est à la fois discutable et peu claire.
Le "est reconnu" invite à demander  : par qui ? Et à rappeler que, en sciences, l'argument d'autorité ne joue pas. Les faits expérimentaux ont toujours raison.
D'autre part, le saccharose "retient" l'eau : que cela signifie-t-il ?
Ce qui est un fait, c'est que les molécules de saccharose sont "hérissées" (ce n'est pas représenté sur mon schéma) de groupes "hydroxyle", avec les atomes carbone du squelette liés à un atome d'oxygène lui-même lié à un atome d'hydrogène. Cela  donne au  saccharose une structure chimique très semblable à celle des molécules d'eau, au moins pour ce qui concerne les interactions avec les molécules voisines.
De ce fait, quand le sucre est dans l'air humide, il s'entoure de molécules d'eau de l'atmosphère, parce que les forces sont donc notables entre les molécules de saccharose et les molécules d'eau.
Dans de l'eau  liquide, les forces (nommées "liaisons hydrogène") permettent la solubilisation du sucre dans l'eau, à des concentrations considérables.
Finalement, on pourrait tout aussi bien dire que l'eau "retient" le sucre, ou que le sucre "retient" l'eau, mais je crois que le  mot "retient" est mal choisi. Il suffit de dire qu'il y a des liaisons entre les molécules de sucre et les molécules d'eau.

Et, finalement, je reviens à l'expérience : si vous faites un geoffroy, en fouettant de l'huile dans du blanc d'oeuf, vous pouvez ajouter autant de sucre que vous voulez jusqu'à atteindre la limite de solubilité dans la petite quantité d'eau (30 grammes pour un blanc environ) du blanc. Si l'on compte un litre de sucre par kilogramme d'eau, on voit qu'on peut facilement mettre 30 grammes de sucre pour un blanc émulsionné (soit un volume d'huile maximal de 600 grammes d'huile environ). Si l'on ajoute plus  de sucre, ce dernier restera sous la forme de cristaux non dissous. 







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mercredi 31 mai 2023

Ah, la santé ! Cette fameuse santé...


C'est incessant ! Presque 30 fois par jour, samedi et dimanche compris, je reçois des emails tels que (celui qui suit est sans modification, fautes d'orthographe comprises... mais il y en a plutôt moins que dans de nombreux autres messages ;-) ) : 

Bonjour, Monsieur !
Nous sommes trois jeunes filles de 1ère S, et, intéressées par la cuisine moléculaire, nous avons décidé d'en faire notre TPE. Notre porblématique est : " Peut-on dilinuer les risques de santé avec la cuisine moléculaire ?"
Nous avons donc cherché un peu partout, et vu que vous étiez "l'inventeur" de la cuisine moléculaire et que, sur votre site, vous nous encouragiez à vous envoyer un mail pour vous poser des questions.
Nous osons donc vous écrire pour vous poser cette question :
Auriez-vous l'amabilité de nous donner une idée de recette de cuisine traditionnelle qui pourrait être remplacée par la cuisine moléculaire, afin de diminuer les risques de santé ?
Merci encore, et excusez-nous de notre hardiesse !!</em> <em>Isabelle,Marine,  Chloé...

 

Merveilleux message : des jeunes filles intéressées par la cuisine moléculaire, c'est-à-dire cette cuisine qui fait usage d'ustensiles modernes, au lieu d'utiliser encore les casseroles minables du Moyen Age. D'accord, ce groupe de TPE (travaux personnels encadrés) n'est pas encore arrivé à la "cuisine note à note" (une cuisine qui fait usage de composés purs, au lieu d'ingrédients culinaires classiques tels que viandes ou légumes), mais c'est déjà bien. 

Moi, l'inventeur de la cuisine moléculaire ? Disons le co-inventeur, avec mon vieil ami Nicholas Kurti (1908-1998), mais en tout cas celui  qui a donné le nom et la définition (le dictionnaire Robert a publié il y a quelques années une définition fautive, mais l'Encyclopedia Britannica a publié quelque chose de correct). 

J'incite à poser des questions ? C'est pour mieux en poser moi-même, mon enfant. Une recette de cuisine traditionnelle qui pourrait être remplacée par la cuisine moléculaires ? Il y en a mille, et j'ai ainsi décrit le mois dernier comment le "chocolat Chantilly" (ce n'est pas du chocolat avec de la crème chantilly, mais bien plutôt une façon de faire foisonner une émulsion de chocolat) remplace avantageusement les recettes classiques de mousse au chocolat. 

En revanche, la phase se poursuit : "une idée de recette de cuisine traditionnelle qui pourrait être remplacée par la cuisine moléculaire, afin de diminuer les risques de santé ?"Là, il y a les mots "risques" et "santé". Il faut que je m'y arrête. Première observation : cet email est très bien, parce que, pour une fois, je n'ai pas la question "la cuisine moléculaire est-elle dangereuse pour la santé ?", question qui a été instillée dans l'esprit des jeunes par quelques journalistes malhonnêtes intellectuellement. Donc tout va bien : preuve qu'il faut faire confiance aux jeunes contre les vieux ringards. 

D'autre part, il y a le mot "risque" : merci à mes trois interlocutrices de me donner l'occasion de bien redire la différence entre le danger et le risque. Un couteau ouvert est quelque chose de dangereux (on peut tuer avec un couteau). En revanche, le couteau replié dans un tiroir fermé à clé ne présente plus de risque. La vie étant pleine de dangers, il faut apprendre "le maniement du monde" afin d'éviter les risques, de les minimiser. 

Enfin, il y a la "santé". Là, comment résisterais je à la tentation de redire que le tabac, l'alcool, l'environnement professionnel, les agents infectieux, le surpoids et l'obésité, l'exposition aux rayonnements ultraviolets, l'insuffisance de l'exercice physique... sont responsables de plus de 99 pour cent des cancers !

Pourquoi, alors, se préoccuper de santé, en matière alimentaire ? Pourquoi s'en préoccuper, alors que nous faisons des barbecues, qui déposent 2000 fois plus de benzopyrènes cancérogènes qu'il n'en est admis dans les produits fumés de l'industrie alimentaire ? Pourquoi s'en préoccuper quand tout le monde mange du chocolat, qui n'est que matière grasse et sucre ? Pourquoi... pourquoi... 

Notre monde alimentaire est un festin de mauvaise foi. Alors, que répondre aux trois jeunes filles ? D'autant que, cuisine traditionnelle ou cuisine moléculaire, on peut très bien y mettre tous les composés toxiques que l'on veut : ce n'est pas la technique qui déterminera cela, mais le choix des ingrédients. Et voici pourquoi la cuisine note à note est merveilleuse... mais c'est là une autre histoire pour une autre fois.

dimanche 24 décembre 2017

Ne nous contorsionnons pas avec les pois chiches ;-)

Ces temps-ci, alors qu'un certain végétarianisme ou véganisme attaque la viande (personnellement, je propose un "droit des plantes à vivre dans la dignité, et je revendique que les agriculteurs soient beaucoup plus doux quand ils arrachent les carottes de terre), une certaine presse bobo promeut les mousses au chocolat sans oeuf, mais avec du jus de pois chiche.

Oui, ça mousse, parce que les légumineuses sont promues jusqu'à la FAO, qui a fait de 2016 l'année internationale des légumineuses, pour des raisons qui, elles, sont peu contestables.
Mais la question est surtout que ni l'oeuf ni le jus de pois chiche ne sont nécessaires pour faire des mousses au chocolat ! Dans la recette de "chocolat Chantilly", que j'ai introduite en 1995, il s'agit s'implement de mettre du chocolat avec de l'eau, de chauffer pour faire une émulsion analogue à la crème, puis de fouetter en refroidissant... pour obtenir comme de la crème Chantilly, mais sans crème, bien sûr.
Les proportions pour ceux qui n'ont jamais essayé : 200 grammes d'eau (eau pure, jus d'orange, thé, café, etc.), 250 grammes de chocolat à croquer. Et c'est tout  !

Un jeu d'enfant, comme le montre https://www.youtube.com/watch?v=Yu6dSd7wH1s






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mardi 18 octobre 2011

Ca a commencé hier, dans les Yvelines

Chers Amis,
je suis heureux de vous signaler que, pour la semaine du goût 2011, les chefs des restaurants scolaires et des professeurs de science des Yvelines servent un "menu moléculaire", avec notamment :
- un lavoisier de tomates
- un rôti de porc attendri à la broméline (du jus d'ananas) et laqué
- un würtz au citron
- un chocolat chantilly

Au cours d'ateliers, les collégiens font du chocolat chantilly et essaient de battre le record de volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc d'oeuf.

L'inauguration de cette merveilleuse action s'est faite au Collège Hauts Grillets, à Saint Germain en Laye

Vive la gourmandise éclairée!

vendredi 22 mai 2009

Les questions du jour

La cuisine moléculaire est-elle une cuisine chimique ?

Il se dit beaucoup de bêtises à propos de la cuisine moléculaire. Par exemple, certains disent que toute cuisine est moléculaire, puisque les aliments sont tous faits de molécules. C'est méconnaître ce qui a été nommé « cuisine moléculaire » vers 2001. À l'époque, le monde confondait la science nommée gastronomie moléculaire et ses applications en cuisine. Pour bien distinguer la science, qui produit des connaissances, et la cuisine, qui produit des mets, l'expression "cuisine moléculaire" a été introduite. Elle ne signifie évidemment pas que l'on cuisine avec des molécules, puisque toute cuisine se fait ainsi. Sa vraie définition est : une cuisine qui utilise de nouveaux ustensiles, de nouveaux ingrédients, de nouvelles méthodes.
Par exemple, le monde culinaire "clarifie" les bouillons, ce qui signifie que l'on cherche à produire des liquides parfaitement limpides à partir de bouillons de viande qui sont troubles. À cette fin, la cuisine classique utilise des blancs d'œufs qu'elle fouette et qu'elle chauffe avec les bouillons. C'est du gâchis, puisque des filtres de laboratoire permettent de clarifier les bouillons mieux que le procédé classique, et sans gâcher de blancs d'œufs. Un exemple d'ingrédients « nouveaux » : la gélatine est utilisée comme gélifiant, par exemple dans les bavarois, depuis longtemps. Toutefois, de nombreuses populations, notamment en Asie, utilisent des gélifiants extraits des algues. D'ailleurs, la Bretagne connaît bien l'utilisation de tels gélifiants. Ces gélifiants sont « nouveaux » en cuisine, mais évidemment pas dans d'autres champs, telles la cosmétique ou l'Asie.
De nouvelles méthodes ? Le « chocolat Chantilly » introduit dès 1995, est une façon d'obtenir des mousses aux chocolat sans blancs d'œufs. On voit sur cet exemple que la question n'est pas de faire de la cuisine pour riches, mais, au contraire, de se préoccuper d'économie domestique. C'est cela, la cuisine moléculaire.
Rien à voir donc avec une « cuisine chimique »... qui d'ailleurs ne peut pas exister, car qu'est-ce qu'un "produit chimique" ? L'eau est-elle un produit chimique ? On l'utilise en cuisine, mais on l'utilise aussi dans les laboratoires de chimie. Pour autant, c'est toujours de l'eau, et ainsi de suite avec de nombreux autres composés : gélatine, acide tartrique, vitamine C, éthanol... A la réflexion, on ne devrait nommer « produits chimiques » que des produits qui sont utilisés par des chimistes. Rien à voir avec les « composés », qui, eux, peuvent être utilisé ou non par les cuisiniers. Il faut dire avec force que la chimie est une science et que, de ce fait, elle ne pourra jamais être en cuisine. En effet, la science produit des connaissances, tandis que la cuisine produit des mets. On ne mettra pas des connaissances dans les assiettes, mais des mets, qui auront été préparé par les cuisiniers.
La confusion résulte sans doute de l’usage souvent inapproprié du mot « naturel ». Est naturel ce qui est présent dans la nature. De ce fait, aucun de nos aliments n'est naturel, et il faut combattre un certain marketing industriel, auquel nous devrions refuser le droit d'utiliser le mot "naturel".


Quelle cuisine appréciez-vous personnellement ?


Amusant : la question a fait l'objet d'une discussion avec mes enfants, hier soir. Nous regardions un livre de cuisine de 1995, et nous étions étonnés de voir combien les recettes ressemblaient à celles des siècles passés. Tous les arts ont évolué, mais la cuisine était restée immuable, avant la cuisine moléculaire. Les mêmes poulets rôtis, les mêmes cassoulets, les mêmes poulardes farcies... Pourtant, il y a de la place pour le changement, cuisine moléculaire ou pas. Une préparation que j'apprécie ? Tout dépend de l'humeur, de l'heure de la journée, de la saison, de l'exercice physique que j'ai fait au nom, de l'activité que j'ai eue... Et puis, la cuisine n'est-elle pas d'abord de l'amour, avant d'être de l'art et de la technique ?
A côté de cuisines très modernes, surprenantes, j’adore la galette bretonne, complète, avec un bon jambon, avec un fromage qui ait du goût, suffisamment cuite, croustillante en surface et tendre plus au centre... Quel bonheur ! Une huître nature, une de ces toutes petites huîtres au goût de noisette... Une tranche de ce pain très noir de Fouesnant avec un peu de bon beurre salé, une goutte de citron... Quel bonheur ! A la réflexion, je ne suis pas délicat :je veux tout, le classique et le moléculaire à la fois.


La cuisine moléculaire est-elle un effet de mode ?


Oui, il ne se passe pas une journée sans qu'Internet ne nous révèle de nouvelles productions de cuisine moléculaire par un chef chinois, japonais, espagnol, russe... C'est un fait que la cuisine moléculaire est à la mode. C'est un fait aussi que Ferran Adria, en Espagne, est un cuisinier qui travaille dur et intelligemment : il n'est pas donc étonnant que ses productions soient tout à fait remarquables, éblouissantes. Est-ce de la cuisine ? Si l'on nomme cuisine l'activité qui consiste à produire des mets, alors sans hésiter, c'est de la cuisine. Est-ce une mode ? Certainement, mais il faut savoir que les modes passent. Depuis 1994, je ne cesse de me demander quel mode nouvelle succédera à la cuisine moléculaire. Et c'est ainsi que j'ai proposé le constructivisme culinaire, où il s'agit, en élaborant les mets, d'obtenir des sensations sur mesure. J'ai aussi proposé la cuisine « note à note », qui consiste à faire usage de composés pour élaborer les mets. Au-delà des modes, ces chantiers sont merveilleux parce que ce sont des invitations à travailler. En cuisine, il en va comme en littérature : l'écrivain est quelqu'un qui ne trouve pas ses mots, alors il cherche et il trouve mieux.

Travaillez-vous avec de grands chefs ?
Pierre Gagnaire est mon ami. Chaque mois, je produis « pour lui » une invention, une innovation, que je lui donne, et qu'il doit mettre sur son site Internet à la disposition de tous, gratuitement, accompagnée de recettes qui mettent en œuvre l'invention.
Autrement dit, c'est pour le monde entier de la cuisine que je travaille, et non pas seulement pour Pierre Gagnaire ou pour quelques chefs choisis. En réalité, depuis le 23 mars 1980, je ne cesse de travailler pour tout ceux qui cuisinent, à la maison, dans les restaurants, et pourquoi pas aussi dans l'industrie alimentaire. Aujourd'hui, agent de l'État (puisque je suis payé par l'INRA), je dois mon travail à la population française qui paye mon salaire et fait fonctionner mon laboratoire. Évidemment, je cherche de toutes mes forces à contribuer au développement du tourisme, au bon fonctionnement de l'industrie alimentaire, mais surtout, à l'économie domestique, pour chacun d'entre nous. Le chocolat Chantilly déjà évoqué est une façon de ne pas gaspiller inutilement des blancs d'œufs pour faire des mousses chocolat. Ce n'est qu'un exemple ; j'espère qu'il permet de comprendre que toute personne qui cuisine est mon souci essentiel.

samedi 24 septembre 2022

Des réponses à des questions, à propos du Handbook of Molecular Gastronomy

Tout ce qui suit fait partie de réponses que j'ai données lors de la publication  du Handbook of molecular gastronomy, CRC Press, Boca Raton (FL), 2021. 

Plus exactement, le livre s'intitule Handbook of molecular gastronomy. Scientific Foundations, Educational Practices, and Culinary Applications
Il a été édité par Róisín M. Burke, Alan L. Kelly, Christophe Lavelle et moi-même, publié en juin 2021 : https://routledgehandbooks.com/doi/10.1201/9780429168703
Je mets en gras les questions qui m'ont été posées... et des parties importantes, dans les réponses que je donne.



Dès son début, la gastronomie moléculaire était étroitement liée aux chefs professionnels. Est-ce toujours le cas ou des chefs célèbres (bien plus que des scientifiques !!) ont-ils suivi une voie indépendante en cessant d’entrer en relation avec les scientifiques et, surtout, en ne reconnaissant pas le rôle des premiers à travailler sur la gastronomie moléculaire (GM) ?
 

On aura l’occasion de le revoir, mais il faut absolument alerter sur une confusion : la gastronomie moléculaire n’est pas la cuisine moléculaire, et la cuisine moléculaire. La gastronomie moléculaire, c’est de la science ; la cuisine moléculaire, c’est de la cuisine.
J’explique, parce que la confusion date de longtemps, et qu’elle est fondée sur une autre confusion, entre gastronomie et cuisine. La cuisine, c’est la production d’aliments. La gastronomie, c’est « la connaissance raisonnée de ce qui se rapporte à l’alimentation ».
Et voici pourquoi le terme « gastronomie moléculaire » s’applique bien à de la science, et pas à de la cuisine ! Plus exactement, la gastronomie moléculaire et physique, en abrégé gastronomie moléculaire, est et a toujours été une activité scientifique ; c’est une discipline scientifique qui a été (et reste) définie par : la recherche des mécanismes des phénomènes qui sont observés lors des préparations culinaires.
Rien à voir, donc, avec ce que j’avais nommé (en 1999) la « cuisine moléculaire », qui, elle, est une forme de cuisine moderne, définie ainsi : cuisiner en rénovant les ustensiles, par transferts de techniques des laboratoires vers les cuisine.
Et rien à voir non plus avec la « cuisine de synthèse », encore nommée « cuisine note à note », dont nous pourrons reparler plus tard.
 

Oui, des chefs ont été « associés » initialement, parce que, lorsque moi-même et Nicholas Kurti avons organisé les International Workshops on Molecular and Physical Gastronomy, dès 1992 (nous en avons déjà eu 10, et il y en a maintenant tous les ans), nous avons voulu être bien certains d’explorer des phénomènes qui avaient lieu véritablement, dans la pratique culinaire.
Et c’est ainsi que la confusion entre science et cuisine est apparue. Il faut insister : aucune relation entre la production de connaissances par la méthode scientifique (la gastronomie moléculaire) et la production d’aliments (la cuisine, notamment la cuisine moléculaire).
 

Et il a fallu lutter beaucoup, internationalement, pour que la presse, les milieux professionnels, le public ne confondent pas la gastronomie moléculaire, et la « cuisine moléculaire », qui, je le répète, était l’utilisation de matériels transférés des laboratoires (de chimie, physique, biologie) vers les cuisine.
Cela étant, les collaborations ont été et restent innombrables, même si aujourd’hui, la cuisine moléculaire ne nécessite plus l’aide de scientifiques ou de technologues : les techniques ont été acclimatées.
 

Mais, depuis 1994, il y a une autre application, nommée « cuisine note à note », et, là, beaucoup de chefs ont besoin d’aide, tout comme aux débuts de la cuisine moléculaire. Cette aide est apportée par des scientifiques ou par des technologues.
Et, par ailleurs, la gastronomie moléculaire et physique (en bref, gastronomie moléculaire) se développe dans un nombre croissant de laboratoires, dans le monde  (environ 34 groupes de gastronomie moléculaire à ce jour).

 

Pour une bonne partie du public, et pour de nombreux jeunes dans les écoles de cuisine, la gastronomie moléculaire a une composante de spectacle, de show, de magie… Quelle est votre opinion à ce sujet? pensez-vous que cela puisse être compris comme une banalisation?
 

Là, vous confondez gastronomie moléculaire. Vous voulez  dire que la « cuisine moléculaire » a une composante de spectacle, et c’est vrai que l’utilisation d’azote liquide, en plus de conduire à des produits améliorés, fascine les petits et les grands. D’ailleurs, pourquoi se priver de l’émerveillement des phénomènes avec l’azote liquide ? Pourquoi ne pas admirer les résultats de la technologie, quand ils sont intéressants, pertinents, qu’ils conduisent à des plats vraiment bons ?
 

La gastronomie moléculaire, elle, se fait dans le silence des laboratoires, des publications.
Et cela vaut toujours la peine de rappeler que cette discipline scientifique, comme toutes les sciences de la nature, procède par :
1. identification de phénomènes
2. caractérisation quantitative des phénomènes identifiés
3. réunion des résultats de mesure en équations
4. induction d’une théorie
5. recherche de conséquences testables de la théorie
6.  tests expérimentaux des conséquences tirées de la théorie
7. et ainsi de suite à l’infini, en remplaçant sans cesse des théories insuffisantes par des théories moins insuffisantes.
 

Le point 1 impose de cuisiner, comme nous le faisons chaque mois depuis 21 ans dans les séminaires de gastronomie moléculaire : nous testons publiquement, en présence de professionnels, des « précisions culinaires » (trucs, astuces, tours de main, proverbes…)  en vue de trouver de nouveaux phénomènes… et c’est souvent « spectaculaire », mais dans un autre sens : par exemple, il y a quelques années, nous avons fait gonfler un soufflé sans que les blancs en neige aient été battus ; les professionnels présents ont été bluffés.


Aujourd’hui, la gastronomie moléculaire dans un restaurant signifie sans aucun doute un prix élevé. Est-ce obligatoire ? En ce sens, vaudrait-il la peine de diffuser la gastronomie moléculaire parmi les chefs amateurs, à la maison?


Là, vous faites à nouveau la confusion gastronomie moléculaire/cuisine moléculaire. Et manifestement vous voulez encore dire « cuisine moléculaire ».  
Et il y a lieu de bien comprendre la chose : ce que l’on paie, dans une peinture de Picasso, ce n’est pas la matière première, la toile ou le carré de bois, ni la peinture, mais l’art de l’artiste ! Et ça vaut des fortunes. De même, pour les restaurants de cuisine moléculaire, il se trouve qu’ils étaient conduits par les plus grands artistes, les plus innovants. 


D’autre part, il a été initialement très important que la cuisine moléculaire coûte cher : j’avais utilisé la technique avec laquelle le chimiste Antoine Augustin Parmentier a réussi à introduire la pomme de terre en France, au 18e siècle  : il l’a d’abord donnée au roi… afin que le peuple en veuille. Et c’était bien la question dans les années 1980 : les cuisiniers refusaient les techniques modernes ! Et il a donc fallu positionner cela pour les cuisiniers les plus créatifs… et les plus chers.
Mais aujourd’hui, la cuisine moléculaire est partout, au point même qu’on ne l’y voit plus ! Et c’était cela l’objectif.
P

artout dans le monde, je vois mes  œufs « parfaits » ;  mon « chocolat chantilly » est en ligne, mis en œuvre par des enfants, et l’on vend des siphons dans les supermarchés, tandis que de nombreux fours domestiques ont des fonctions « cuisson à basse température ». Le problème de la rénovation technique est donc presque réglé… et l’on peut passer à la suite : la cuisine note à note… que, pour les mêmes raisons, je n’explique qu’aux chefs les plus avancés (même si mon ambition est qu’elle atteigne tout le public).


Y a-t-il une place pour la GM dans la restauration de collectivités tels que les hôpitaux, les maisons de retraite, les écoles, etc.?
 

Je vois que vous continuez à faire la confusion : vous voulez encore parler de cuisine moléculaire plutôt que de gastronomie moléculaire.
 

Et pour la cuisine moléculaire, bien sûr, il y a de la place, pour faire meilleur, et plus facilement. D’ailleurs cette place est en partie occupée: la cuisson basse température est partout, même s’il reste beaucoup à faire pour moderniser les ustensiles. Car je vous rappelle que c’est cela l’enjeu de la cuisine moléculaire : utiliser des ustensiles modernes.

 

Dans le même sens, est-il possible de produire une GM qui n’est pas de « luxe » ou si cher?

On commence à se lasser : à nouveau, vous voulez dire : cuisine moléculaire. Mais bien sûr, oui ! Un œuf à 65 °C ne coûte qu’un œuf. Le chocolat chantilly est une mousse de chocolat qui n’emploie pas d’oeuf, donc coûte moins cher qu’une mousse au chocolat classique, et ainsi de suite. Cuisiner rationnellement, c’est évidemment moins cher et meilleur que cuisiner de manière classique, en faisant un peu n’importe quoi, en passant beaucoup de temps (qui coûte cher) à faire des opérations qu’on peut faire mieux et plus vite : pensez, par exemple, au dégraissage et à la clarification des bouillons de viande (une ampoule à décanter et un filtre de laboratoire)...



Quels sont les principaux axes de recherche en cours dans votre centre de recherche à Paris ?


 Dans notre groupe de recherche en gastronomie moléculaire, nous sommes surtout lancés dans l'exploration des « échanges », car j'ai identifié que c’est le principal phénomène qui a lieu quand on cuisine. Par exemple quand on fait un bouillon de viande, on met de la viande dans l'eau et il y a des échanges entre l'eau et la viande. De même pour un bouillon de carottes, mais alors le tissu végétal échange très différemment. Quand on fait du café, il y a également des échanges entre les grains de la poudre de café et l'eau Quand on met une bouchée d'un aliment dans la bouche, il y a également des échanges entre le matériau de la bouchée et la salive. Et ainsi de suite.
Et comme ces échanges sont responsables de l’effet de l’aliment (sensorialité, nutrition, toxicologie, etc.), on comprend que l’exploration des échanges, de leurs mécanismes, soit essentiel. 


D’ailleurs,  j’ajoute que nous nous intéressons beaucoup aux « gels » dans ces études parce qu’ils sont partout, dans la cuisine. En effet, selon l’International Union of Pure and Applied Chemistry, en raison de leur définition qui est « un liquide contenu dans un solide » :  c'est ainsi que les viandes, les légumes, les œufs cuits et cetera sont des gels, à côté des gels de gélatines et des autres gélifiants et nous sommes lancés dans une classification des gels ainsi que de leur capacité d'échanger avec un milieu environnant (et j’ai « découvert » la totalité des gels des premières « classes », ces dernières étant classées grâce à un formalisme « DSF », introduit il y a quelques années. 


Mais il y a bien d'autres études qui se font dans notre Groupe de gastronomie moléculaire,  telle l’étude du passage du cuivre dans une confiture quand on la prépare dans une bassine en cuivre. Ou encore les transferts de sel vers l'aliment. Et cetera. 


Cela, c'est pour la partie scientifique. Mais vous évoquez aussi les axes de recherche en cours dans le « centre de recherche » et là il y a une précision à donner, car à côté du Groupe de gastronomie moléculaire  où je fais ma recherche, il y a le Centre international de gastronomie moléculaire et physique, que je dirige, et qui, lui,  est une structure qui anime l'ensemble des laboratoires de gastronomie moléculaire du monde. Dans cette structure, il n'y a pas de recherche stricto sensu, mais une animation scientifique avec des congrès, des séminaires, et cetera.



Pouvez-vous résumer l’objectif principal de votre nouveau livre et le contenu essentiel?, Selon vous, Quelle sera sa contribution la plus remarquable au sein de la GM?


 Le principal objectif du Handbook of Molecular Gastronomy, c'était, à mon sens,  de réunir toute la communauté internationale de gastronomie moléculaire et physique autour d'un projet commun, et ce projet était de faire un état des recherches en gastronomie moléculaire. Cela, c’est la première partie du livre. 


La deuxième partie, également importante et utile, a voulu faire un état des initiatives d'application de la gastronomie moléculaire à l'enseignement, de l’école primaire à l’université, et même au-delà.  Ces applications s’imposent pour de nombreuses raisons, et notamment parce que c’est la connaissance de la cuisine qui permet d’améliorer l’alimentation. Et la gastronomie moléculaire a des atouts, en raison de la mode actuelle de la cuisine, notamment chez les plus jeunes.  


Enfin la troisième partie, ce sont les applications techniques, ou artistiques, de la gastronomie moléculaire :  la cuisine moléculaire, d’une part, et d'autre part la cuisine note à note. Ce sont là des recettes, notamment écrites par de très grands chefs, avec des explications sur ces préparations innovantes. 


Au total, le Handbook comporte 150 chapitres ont été écrits par des auteurs par 150 auteurs de 23 pays, et le livre est donc énorme : il a 894 pages, 673 figures. C’est un énorme livre, et d’ailleurs un « handbook »,  ce qui signifie qu'il doit rendre service à tous ceux qui veulent apprendre, qui veulent  découvrir des aspects de la gastronomie moléculaire ou de ses applications. 

Cela concerne évidemment les scientifiques qui sont déjà engagés dans des recherches en gastronomie moléculaire, mais aussi des étudiants qui veulent la découvrir, et, souvent d'ailleurs, je vois des étudiants en sciences et technologies des aliments s'intéresser à ce livre. Évidemment, avec la deuxième partie, il y a des professeurs qui pourraient être intéressés d’apprendre à mettre en œuvre la gastronomie moléculaire, de l'école primaire jusqu'à l'université. Et avec la troisième partie,  des amateurs de cuisine, des chefs, etc.  peuvent vouloir découvrir des recettes. 


La contribution « la plus remarquable » ? Là, vraiment, je ne sais pas, mais je sais que ce livre est un tremplin pour la suite, et notamment pour le fonctionnement de l’International Journal of Molecular Gastronomy : les auteurs de ce livre, ou d’autres collègues, peuvent soumettre des manuscrits à ce journal scientifique.
Bref, avec le livre , nous avons fait un point d'étape et nous allons maintenant continuer avec les workshops internationaux devenus annuels (la suite de ses premiers colloques que nous avions créés en 1992), mais aussi le journal. Une communauté structurée, active, donc.


Quand l’alimentation « de la terre », « de proximité », les aliments locaux sont en train d’être revalorisés... est-il possible de penser à un OGM axé sur ce type de « vieux » produits ?


 Là, je ne comprends pas bien la question, parce qu’elle parle d'un « OGM », car les OGM, c'est une question de biologie, ou plus exactement d'application de la biologie, et pas une question de gastronomie moléculaire. 


En revanche puisque vous parlez d'alimentation de l'humanité, je peux maintenant arriver à discuter un peu la question de la cuisine de synthèse, que j'ai nommée cuisine note à note. Il s'agit donc, comme pour la musique de synthèse, de d'unités élémentaires pour arriver à faire des plats. 

J’explique : il y a deux siècles, on cuisait avec des légumes et des viandes ; puis, il y a un siècle, on a analysé ces derniers pour découvrir qu'ils étaient faits de composés : de l'eau, la cellulose, les pectine, les chlorophylles, etc. La cuisine note à note veut utiliser de tel composés pour construire les plats. Ce n'est ni difficile, ni dangereux, et c'est de l'innovation. Mais c'est surtout une façon de combattre le gaspillage alimentaire qui atteint entre 20 et 40 pour cent selon les pays. Si l’on supprime ce gaspillage alimentaire, alors on pourra peut-être nourrir les 10 milliards d'êtres humains  en 2050. 


J’ajoute que, par cette cuisine de synthèse, il n'est pas très intéressant de vouloir reproduire des plats classiques, des carottes, des viandes… Il est bien plus intéressant de produire des plats entièrement nouveaux ! En outre, pour l'instant en tout cas, il n'y a pas de concurrence entre la cuisine note à note et la cuisine classique ou la cuisine moléculaire. C'est seulement une nouvelle forme de cuisine. Et du point de vue artistique, la cuisine  note à note est vraiment une belle nouveauté, qui n'a donc rien à voir avec la cuisine moléculaire, et qui conduit à des produits extraordinaires.

 

Des années après sa création, il est évident que la GM fonctionne encore aujourd’hui. Quelles seront ses possibilités futures et où pensez-vous que les nouvelles lignes de recherche iront? 

Oui la gastronomie moléculaire fonctionne aujourd'hui et plus que jamais : je vous ai dit que nous avons maintenant environ 34 groupes de gastronomie moléculaire de recherche en gastronomie moléculaire dans le monde ! Et il n’y a pas de raison que la gastronomie moléculaire cesse de se développer, tout comme il n'y a pas de raison que cesse de se développer la physique ou la chimie par exemple. 


Où seront les nouvelles lignes de recherche ? Je ne sais pas, et il y a beaucoup trop d'activités dans le monde pour que je puisse le savoir. Je sais simplement que certains d'entre nous sont plus intéressés par la science, la recherche des mécanismes des phénomènes, et d'autre par la technologie, l'application des résultats de la science à la technique. Par exemple, je vois plusieurs collègues intéressés, en ce moment à l'impression 3D d'aliments et j'observe d'ailleurs que les préparations qui sont utilisés dans ces machines on tout à gagner de la cuisine note à note. 


Pour ce qui me concerne, même si je donne une invention par mois à Pierre Gagnaire (ce que je ne devrais pas faire puisque c'est de la technologie et pas la science), je me consacre comme je vous l'ai dit à la recherche scientifique des mécanisme des échanges. 


Mais je vois surtout que de nouveaux groupes de gastronomie moléculaire se créent régulièrement dans le monde, ce que je suscite, ce que j'encourage, et je compte sur le journal international de gastronomie moléculaire pour aider tous ces scientifiques ou ces technologues à échanger, à publier leurs résultats et pour  faire une belle animation scientifique et technologique. 


Mais, je le rappelle pour conclure, la gastronomie musculaire, recherche scientifique, a des applications soit pour l'enseignement, soit pour la cuisine, et nous devons chercher de telles applications pour aider les communautés qui financent les recherches scientifiques. Il y a une question de responsabilité, et nous en sommes très conscients. 


Pour terminer je voudrais ne pas opposer la science et l'art, mais je crois qu’il serait néfaste de les confondre : ce sont deux activités très différentes. La science est belle, c'est l'honneur de l'esprit humain que de « lever un coin du grand voile ». L'art culinaire est merveilleux et notamment quand il ne se confond pas avec l'artisanat culinaire. D’ailleurs, à ce propos, je crois avoir compris quelque chose d'essentiel en observant que Picasso n'est pas un peintre en bâtiment :  il y a de la place pour les deux deux, car il faut des peintres en bâtiment pour peindre les murs, et il faut des des peintres qui parlent à l'esprit comme Picasso. Il en va exactement de même en cuisine. La science n'a pas grand chose à dire de l'art culinaire et l'art culinaire n'a pas grand chose à dire de la science, mais des êtres humains intelligents et curieux peuvent s'intéresser aux deux activités, et des jeunes soucieux de bien faire peuvent se lancer dans l’une ou l’autre voie. D’ailleurs, ils peuvent se lancer aussi dans la technologie qui fait le pont entre la science et l'art. 


Le Handbook of molecular gastronomy montre bien tout cela, je crois : ce très gros livre est une référence, et il permet à tous ceux qui sont intéressés par l’alimentation d’avoir des informations récentes, et utiles. Un exemple : l’effet de matrice, dont il est souvent question. C’est quoi, au juste ? Et en quoi est-ce important  pour la nutrition et la diététique. Un autre exemple : les réactions de glycation (qui sont le nom que l’on doit donner aux « réactions de Maillard », car elles avaient été découvertes 30 ans avant par Emil Fischer). Plus « techniquement » : dans quels cas observe-t-on de la « capillarité »? de l’ « osmose » ? qu’est-ce qu’une émulsion de Ramsden ? comment les matières grasses s’oxydent-elles lors de cuisson ? comment bien filtrer ? comment fumer des viandes sans les charger en composés toxiques ? Et ainsi de suite : on ne trouvera certainement pas tout, mais beaucoup !


samedi 4 septembre 2021

A propos de mixer : le prix s'oublie et la qualité reste


Il faut bien avouer que le prix s'oublie et que la qualité reste ! Et c'est particulièrement vrai pour les ustensiles culinaires  !
Ayant à trouver un nouveau mixer plongeant, pour une maison qui n'est pas la mienne, je suis allé dans deux grandes surfaces voisines, où... je n'ai eu que ce que je méritais. 

Pour la première, je cherchais donc un appareil pour faire mes bisques, par exemple : il faut alors un couteau qui ne casse pas quand il tombe sur une pince de langoustines, et qu'il soit possible de nettoyer sans trop de difficultés. Surtout, comme on sait la fragilité de certains plastiques, j'ai bien regardé comme les pieds des différents modèles s'inséraient dans le corps de l'appareil, qui contient le moteur... et je n'ai rien trouvé de satisfaisant. Il a fallu que je me rabatte sur un moulin à légumes... pour lequel j'ai longuement hésité. 

Et, finalement... le récipient en verre supérieur a cassé presque à la première utilisation, quand j'ai mis un liquide chaud dedans !
Puis, comme j'avais besoin d'un produit équivalent, je me suis rabattu sur le mixer plongeant le moins cher... dont le corps s'est détaché du pied après quelques jours : une camelote ! Bien sûr, on peut faire marcher la garantie... mais c'est chaque fois fois du temps, des tracas...

A l'opposé, j'ai chez moi un Micromix de Robot Coupe depuis des années, et il est mis à rude épreuve... mais il est d'une robustesse extraordinaire... puisqu'il continue de bien fonctionner. Le corps est en métal, ainsi que le pied ; le système de liaison est sans défaut, le nettoyage est facile, puisque l'on peut détacher le couteau, et même si je ne l'utilise que pour couper finement, sans l'employer pour foisonner, il me rend parfaitement service.
Oui, il est plus cher que les camelotes du supermarché, mais on comprend que les Tontons Flingueurs avaient raison !



Un détail : il est livré avec deux outils, à savoir un couteau et une pale verticale plate, pour... Pour quoi faire, au juste ?
Dans nombre de cas, ces appareils permettent de faire des émulsions, qu'il ne faut pas confondre avec des mousses (certains, qui ignorent que le mot désigne un déchet, disent "écume"). Je répète qu'une émulsion, c'est la dispersion de matière grasse fondue dans une "solution aqueuse". Par exemple, une mayonnaise est une émulsion, puisque l'huile est dispersée par le fouet dans l'eau apportée par le jaune d'oeuf et le vinaigre. Par exemple, un beurre blanc est une émulsion, puisque la matière grasse du beurre, fondu, vient se disperser dans l'eau apportée par le vinaigre, ou jus de citron, et par le petit lait du beurre. Par exemple, du chocolat à croquer chauffé dans de l'eau (du thé, par exemple) fait une émulsion de chocolat (dont on peut ensuite faire un "chocolat chantilly").
Voila pour les émulsions. Les mousses, c'est quand on introduit un gaz (le plus souvent de l'air) : avec un fouet, avec un siphon, ou avec un appareil comme ce Micromix dont je vous parlais, quand on y met la pale verticale, et que l'on n'enfonce pas trop.

En réalité, cette pale verticale permet de faire tout aussi bien des émulsions que des mousses, mais évidement, il ne faut pas confondre les deux résultats ! Hélas, je me suis encore vu servir dans un restaurant une "émulsion de citron", disait le maître d'hôtel, et qui était une mousse de citron. Je ne crois pas que le monde culinaire y gagne à confondre marteau et tournevis, chat et chien, bleu et rouge... Il faut les bons mots pour les bons objets, pour faire de la bonne technique.


Mais pour conclure :
1. Le prix s'oublie et la qualité reste : je conclus (pour moi) que je ne ferai plus les bêtises évoquées plus haut. 


2. Se pose maintenant la passionnante question suivante : ayant un bon outil, à quoi l'utiliserons-nous ? Et notamment, sur la question du principe, quelles préparations nouvelles ferons-nous ? On sait que des mixers ont révolutionné la préparation des quenelles, par exemple : mes amis cuisiniers me disent que naguère, on les faisait au tamis et à la corne ! 


3. Comment la technique permet-elle de transformer un art tel que l'art culinaire ? Voilà encore une question passionnante, qu'il faudrait bien étudier, en vue de préparer le futur.

vendredi 29 janvier 2016

De la mousse de yaourt ? Facile !



Des étudiants me demandent de les aider à faire une mousse de yaourt. Ils sont allés en cuisine, ont fait des essais, et ne sont arrivés à rien.

Mais, à l'analyse, ils s'y sont très mal pris... parce qu'ils n'ont que très superficiellement utilisé l'organe qu'ils ont entre les oreilles (j'espère) et, surtout, parce qu'ils manquaient de méthode : pour obtenir un tel résultat, il ne faut surtout pas aller en cuisine, mais  faire un travail technologique... qui commence avec le tableau  suivant  :




La question posée  ? Il est facile de remplir le tableau : comment faire une mousse de yaourt ?

L'analyse la question :  l'objectif est donc de faire une mousse de yaourt, mais, avant de nous demander comment faire, nous aurionsintérêt à nous demander ce qu'est une mousse  de yaourt, et  pourquoi faire une telle mousse !
Dans mon cas, après avoir interrogé mes interlocuteurs, j'ai appris qu'un industriel leur avait posé la question... de sorte que leur répondre revenait à donner gratuitement de l'expertise à cet industriel. Pas d'accord, il n'a qu'à payer ! 
En réalité, on voit que je réponds... mais c'est parce que, agent de l'Etat, je veux montrer :
- aux  étudiants qu'il faut de la méthode
- aux  industriels, que la science est la base de l'innovation?
Et je mets l'analyse en ligne afin que les concurrents de l'industriel l'aient également.

Des mousses ?  il y en a d'innombrables, avec des textures différentes, entre le blanc en neige, la crème fouettée, le sabayon, etc. Et s'il y a d'innombrables solutions, il est inutile que  nous nous lancions tête baissée dans la construction d'une mousse particulière, sans savoir  de précisions sur la "commande". La première chose à faire, pour un "bureau d'études" (puisque c'est bien de technologie dont il s'agit), c'est de bien demandder aux commanditaires de préciser leur commande.
Maintenant les étudiants des écoles d'ingénieur doivent savoir que le lait, le blé, le sucre,  sont des fantasmes, en ce sens que le lait est d'abord fractionné, en  eau, matière grasse, protéines sériques, caséines, etc., Le yaourt, de ce fait, est aujourd'hui composé à partir de ces fractions, de sorte que l'idée qui consisterait à foisonner un  yaourt serait naïve, même si l'on a ajouté de la gélatine ou une  des innombrables protéines foisonnantes qui sont à notre disposition. D'abord, le produit  ne serait plus exactement une mousse de yaourt, mais une mousse au yaourt, ce qui nous ramène à la question de la mousse au chocolat et de la mousse de chocolat, le chocolat Chantilly, que j'ai discutée  dans un autre billet.
Faire foisonner du yaourt ? Il y a dans le yaourt tout ce qui est nécessaire pour y parvenir, mais le le problème est surtout de stabiliser la mousse formée, pas de la produire, comme on s'en aperçoit en battant de l'eau pure : on voit des bulles d'air s'introduire, mais elles ne tiennent pas, alors que le blanc d'oeuf, lui,  accepte également les bulles d'air, mais les ne retient, parce que les protéines viennent entourer les bulles.
Dans la crème fouettée, la matière grasse cristallise au froid, et,  quand elle est en quantité suffisante, elle stabiliser la mousse. Toutefois, on peut aussi imaginer des systèmes où des composés forment  un gel "chimique", bien plus stables que des gels physiques. Les possibilités sont innombrables...
La question n'est donc pas de foisonner un yaourt,  mais plutôt de stabiliser la mlsuse obtenue. Quels composés du yaourt stabiliseront-ils la mousse  ?
Et puis ne peut-on pas chercher à obtenir des "mousses de yaourts" à partir des fractions évoquées plus haut, mais en séparant les étapes et en prévoyant immédiatement la stabilisation ?
Supposons que nous partions du petit lait des yaourts, c'est-à-dire de l'eau et des protéines et, plus précisément, de protéines sériques, qui peuvent coaguler. Alors la mousse obtenue pourra être passé au four à micro-ondes, de sorte que l'on déclenchera la coagulation et que la mousse sera stabilisée. Une autre façon consiste à reprendre l'idée de la crème fouettée, mais avec les composés du yaourt, c'est-à-dire essentiellement l'acide lactique obtenu à partir du lactose. On oublie pas que, historiquement, le yaourt a sans doute été une  découverte de nos lointains ancêtres qui, n'ayant pas les gènesdu métabolisme du lactose à l'âge adulte, étaient privés de la possibilité de consommer le lait, donc ont produit des yaourt, des fromages, etc.
Ajoutons (en vrac : on se souvient que je ne suis pas là pour répondre à la question de l'industrel qui n'a rien payé) que l'acide lactique donne un petit goût acidulé et frais, qui est intéressant, mais évidemment ce n'est pas le seul composé à faire le goût des yaourts, car la fermentation par les  deux micro-organismes essentiels utilisés pour faire les yaourts conduit à une série de produits, qui sont soit solubles dans l'eau, soit solubles dans l''huile,  de sorte que l'on peut récupérer les deux fractions pour les ajouter à la préparation finale. Finalement on voit que l'on pourra faire mille mousses de yaourts, avec mille consistances différentes, et mille goût différents. Rien de tout cela n'est difficile, à condition d'avoir bien analysé la chose.

Passons donc maintenant à la troisième ligne du tableau : la proposition de solution. Comme on a vu  qu'une  infinité de solutions étaient envisageables, nous sommes bien en peine de remplir cette ligne, sans indications supplémentaires. D'ailleurs, voici un conseil à mes jeunes amis : ne répondons pas aux questions mal posées. Au minimum, reformulons les questions pour les poser mieux, et répondons à des questions bien formulées.

Vient enfin l'évaluation de la proposition trouvée. Pour ce qui me concerne, elle est faite : j'ai dénonccé un commanditaire qui a passé une mauvaise commande, ce qui est le cas dans nombre de discussions technologiques, et, surtout, j'ai montré le bon exemple à des étudiants.
Mais il manque quand même de leur avoir signalé que la cuisine, c'est de la technique, de  l'art, du lien social.
En cuisine, le "bon", c'est le beau  à  manger... de sorte que nos jeunes amis devraient se rapprocher d'artistes, pour leur projet. Le pire serait qu'ils s'imaginent qu'ils vont être capables de faire "un bon goût" ! En architecture, rien n'est pire que les ingénieurs  qui se prennent pour des architectes  : il faut des artistes pour dessiner... et les ingénieurs seront là pour rendre les dessins possibles, comme cela a été le cas pour la Philarmonie, à Paris, récemment !

Moralité : avant de nous lancer, analysons correctement, méthodiquement, les questions qui nous sont adressées, et ayons suffisamment de culture (scientifique) pour y répondre. Sans quoi, nous ferons comme les étudiants qui m'avaient interrogé, à savoir produire un travail technique qui n'aboutit même pas, et qui, au mieux, est minable gustativement. Bref, j'invite tous  mes jeunes amis à utiliser le tableau précédent avec excès !

lundi 22 avril 2024

De la mousse de yaourt ? Facile !


Des étudiants me demandent de les aider à faire une mousse de yaourt. Ils sont allés en cuisine, ont fait des essais, et ne sont arrivés à rien. Mais, à l'analyse, ils s'y sont très mal pris... parce qu'ils n'ont que très superficiellement utilisé l'organe qu'ils ont entre les oreilles (j'espère) et, surtout, parce qu'ils manquaient de méthode : pour obtenir un tel résultat, il ne faut surtout pas aller en cuisine, mais faire un travail technologique... qui commence avec un tableau pour travailler de manière systématique. 

 

La question posée  ? Il est facile de remplir le tableau : comment faire une mousse de yaourt ? L'analyse la question : l'objectif est donc de faire une mousse de yaourt, mais, avant de nous demander comment faire, nous aurions intérêt à nous demander ce qu'est une mousse de yaourt, et pourquoi faire une telle mousse ! Dans mon cas, après avoir interrogé mes interlocuteurs, j'ai appris qu'un industriel leur avait posé la question... de sorte que leur répondre revenait à donner gratuitement de l'expertise à cet industriel. Pas d'accord, il n'a qu'à payer ! En réalité, on voit que je réponds... mais c'est parce que, agent de l'Etat, je veux montrer : 

- aux étudiants qu'il faut de la méthode 

- aux industriels, que la science est la base de l'innovation? 

Et je mets l'analyse en ligne afin que les concurrents de l'industriel l'aient également. 

Des mousses ? il y en a d'innombrables, avec des textures différentes, entre le blanc en neige, la crème fouettée, le sabayon, etc. Et s'il y a d'innombrables solutions, il est inutile que nous nous lancions tête baissée dans la construction d'une mousse particulière, sans savoir de précisions sur la "commande". La première chose à faire, pour un "bureau d'études" (puisque c'est bien de technologie dont il s'agit), c'est de bien demader aux commanditaires de préciser leur commande. Maintenant les étudiants des écoles d'ingénieur doivent savoir que le lait, le blé, le sucre, sont des fantasmes, en ce sens que le lait est d'abord fractionné, en eau, matière grasse, protéines sériques, caséines, etc., 

Le yaourt, de ce fait, est aujourd'hui composé à partir de ces fractions, de sorte que l'idée qui consisterait à foisonner un yaourt serait naïve, même si l'on a ajouté de la gélatine ou une des innombrables protéines foisonnantes qui sont à notre disposition. D'abord, le produit ne serait plus exactement une mousse de yaourt, mais une mousse au yaourt, ce qui nous ramène à la question de la mousse au chocolat et de la mousse de chocolat, le chocolat Chantilly, que j'ai discutée dans un autre billet. 

Faire foisonner du yaourt ? Il y a dans le yaourt tout ce qui est nécessaire pour y parvenir, mais le le problème est surtout de stabiliser la mousse formée, pas de la produire, comme on s'en aperçoit en battant de l'eau pure : on voit des bulles d'air s'introduire, mais elles ne tiennent pas, alors que le blanc d'oeuf, lui, accepte également les bulles d'air, mais les ne retient, parce que les protéines viennent entourer les bulles. Dans la crème fouettée, la matière grasse cristallise au froid, et, quand elle est en quantité suffisante, elle stabiliser la mousse. 

Toutefois, on peut aussi imaginer des systèmes où des composés forment un gel "chimique", bien plus stables que des gels physiques. Les possibilités sont innombrables... La question n'est donc pas de foisonner un yaourt, mais plutôt de stabiliser la mousse obtenue. Quels composés du yaourt stabiliseront-ils la mousse ? Et puis ne peut-on pas chercher à obtenir des "mousses de yaourts" à partir des fractions évoquées plus haut, mais en séparant les étapes et en prévoyant immédiatement la stabilisation ? 

Supposons que nous partions du petit lait des yaourts, c'est-à-dire de l'eau et des protéines et, plus précisément, de protéines sériques, qui peuvent coaguler. Alors la mousse obtenue pourra être passé au four à micro-ondes, de sorte que l'on déclenchera la coagulation et que la mousse sera stabilisée. Une autre façon consiste à reprendre l'idée de la crème fouettée, mais avec les composés du yaourt, c'est-à-dire essentiellement l'acide lactique obtenu à partir du lactose. 

On n'oublie pas que, historiquement, le yaourt a sans doute été une découverte de nos lointains ancêtres qui, n'ayant pas les gènes du métabolisme du lactose à l'âge adulte, étaient privés de la possibilité de consommer le lait, donc ont produit des yaourt, des fromages, etc. 

Ajoutons (en vrac : on se souvient que je ne suis pas là pour répondre à la question de l'industriel qui n'a rien payé) que l'acide lactique donne un petit goût acidulé et frais, qui est intéressant, mais évidemment ce n'est pas le seul composé à faire le goût des yaourts, car la fermentation par les deux micro-organismes essentiels utilisés pour faire les yaourts conduit à une série de produits, qui sont soit solubles dans l'eau, soit solubles dans l''huile, de sorte que l'on peut récupérer les deux fractions pour les ajouter à la préparation finale. 

Finalement on voit que l'on pourra faire mille mousses de yaourts, avec mille consistances différentes, et mille goût différents. Rien de tout cela n'est difficile, à condition d'avoir bien analysé la chose. Passons donc maintenant à la troisième ligne du tableau : la proposition de solution. Comme on a vu qu'une infinité de solutions étaient envisageables, nous sommes bien en peine de remplir cette ligne, sans indications supplémentaires. 

D'ailleurs, voici un conseil à mes jeunes amis : ne répondons pas aux questions mal posées. Au minimum, reformulons les questions pour les poser mieux, et répondons à des questions bien formulées. Vient enfin l'évaluation de la proposition trouvée. Pour ce qui me concerne, elle est faite : j'ai dénoncé un commanditaire qui a passé une mauvaise commande, ce qui est le cas dans nombre de discussions technologiques, et, surtout, j'ai montré le bon exemple à des étudiants. 

Mais il manque quand même de leur avoir signalé que la cuisine, c'est de la technique, de l'art, du lien social. En cuisine, le "bon", c'est le beau à manger... de sorte que nos jeunes amis devraient se rapprocher d'artistes, pour leur projet. Le pire serait qu'ils s'imaginent qu'ils vont être capables de faire "un bon goût" ! En architecture, rien n'est pire que les ingénieurs qui se prennent pour des architectes : il faut des artistes pour dessiner... et les ingénieurs seront là pour rendre les dessins possibles, comme cela a été le cas pour la Philharmonie, à Paris, récemment ! Moralité : avant de nous lancer, analysons correctement, méthodiquement, les questions qui nous sont adressées, et ayons suffisamment de culture (scientifique) pour y répondre. Sans quoi, nous ferons comme les étudiants qui m'avaient interrogé, à savoir produire un travail technique qui n'aboutit même pas, et qui, au mieux, est minable gustativement. Bref, j'invite tous mes jeunes amis à utiliser le tableau précédent avec excès !