Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
dimanche 8 septembre 2019
Un projet professionnel est un projet personnel ; comment se déterminer ?
J'ai l'impression que nous aurions tout intérêt à aider les étudiants à se déterminer quand leur projet professionnel n'est pas fixé. D'ailleurs, je dis "projet professionnel", mais je ferais mieux de dire "projet personnel", car je ne vois pas les possibilités durables de mener une vie professionnelle si elle n'est pas intimement et harmonieusement intégrée à la vie personnelle.
En conséquence, nous aurions intérêt à bien suivre cette question au cours des études : au début, au milieu, plusieurs fois, en fin de parcours. Comment aider nos amis ? Je crois que nous aurions intérêt à rappeler l'exemple de Francis Crick, qui, physicien, s'aperçut un jour qu'il parlait de biologie à ses amis. Il décida donc de changer de discipline... et c'est ainsi qu'il reçu le prix Nobel quelques années plus tard pour la découverte de la structure en double hélice de l'ADN. Chercher de quoi l'on parle avec le plus d'intérêt (à ses amis) : c'est ce qu'il a nommé le test du bavardage.
On aura aussi intérêt à donner des outils pour comparer les différentes activités, et notamment les critères d'intérêt intrinsèque, à savoir combien le métier nous intéresse, d'intérêt extrinsèque, à savoir combien on gagne, et d' intérêt concomitant, qui regroupe des tas d'intérêts, comme celui de la place dans la société, par exemple. Pour chaque activité, chaque personne en particulier peut faire une estimation particulière, ce qui conduit à un bilan, surtout si l'on assortit c'est évaluation d'un tableau où il l'on fait apparaître les avantages et les inconvénients que l'on pressent : c'est un tel tableau que l'on peut alors discuter de façon plus raisonnée.
Tout cela étant dit, et sans que mon exemple ne soit exemplaire, je propose de raconter ici que, quand je me suis retrouvée inscrit en faculté de lettres, j'avais des tas de matière qui ne m'intéressaient pas a priori. C'était là un état d'esprit d'enfant, car les études de ces matières, notamment avec des professeurs aussi merveilleux que Danielle Régnier-Bohler et Claude Gaignebet, m'ont montré que mes a priori étaient complètement idiots. Puis, quand j'ai été embauché par la revue Pour la science, je l'ai été, faute de place, pour le secteur de la médecine, que, pour des raisons familiales, j'avais toujours voulu éviter. Je ne sais pas comment cela s'est fait (si, je le sais, comme on le verra plus tard), mais ce secteur est vite devenu passionnant, au point car qu'un collègue que nous avions embauché peu après a voulu me le reprendre. Il en a été de même pour la rubrique de Critique de livres, que personne ne voulait : je l'ai reprise et transformée, au point que c'est devenu une des rubriques les plus lues du journal.
Ces deux derniers exemples montrent que c'est nous qui éventuellement créons la poussière du monde où, au contraire, qui rendons les choses passionnantes. Dire "j'aime" ou "je n'aime pas" est sans doute une attitude d'enfant, et nos jeunes amis doivent savoir tout cela en tête quand ils discuteront de façon intime ou explicite des possibilités qui s'ouvre à eux.
Et je terminerais en conseillant de rechercher ce qui nous passionnait quand nous étions enfants ou adolescents, car le passé nous rattrape souvent, et nous aurions intérêt à ne pas perdre de temps dans des secteurs qui ne sont pas ceux que nous aimons vraiment. Pour moi, sans que je regrette rien, je dois quand même avouer que mon bonheur est parfait depuis que je suis dans mon laboratoire de recherche scientifique, après ce passage pendant 20 ans dans l'édition scientifique, activité qui me forçait à faire ma recherche scientifique dans mon laboratoire personnel et seulement pendant les vacances.
Aujourd'hui, le poulain est lâché dans le pré... et l'herbe est plus verte dans mon propre pré que dans celui du voisin. C'est ce que je souhaite à tous !
samedi 7 septembre 2019
Pas d'acides gras dans l'huile, mais des triglycérides
Vraiment, je m'étonne : alors que je venais de twitter que l'huile ne contient pas d'acides gras, mais des triglycérides, un collègue m'interroge, parce qu'il ne comprend pas. Certes, ce n'est pas un chimiste... mais qu'importe : je vois surtout qu'il y a lieu d'expliquer (merci de me dire ensuite si j'ai été clair).
Partons donc d'une bouteille d'huile : dans le récipient en verre ou en plastique, on voit un liquide jaune, un peu visqueux, transparent.
Si nous l'observons à l'aide d'une loupe, nous continuons de voir la même chose. Et également avec un microscope classique.
En revanche, si nous regardons avec un microscope bien plus puissant, nous voyons l'huile faite d'objets analogues à des peignes à trois dents souples. Plein, qui grouillent... Ce sont des molécules, et ces molécules sont toutes comme des peignes à trois dents souples, de la catégorie que les chimistes nomment des triglycérides.
Dans les organismes vivants qui en synthétisent, ces composés sont obtenus par assemblage d'un composé nommé glycérol-3-phosphate et d'acide gras. Mais une fois que les atomes sont assemblés en molécules de triglycérides, il n'y a plus de glycérol ni d'acides gras.
Bien sûr, on sait aussi décomposer les triglycérides, afin de former, à partir d'eux, du glycérol et des acides gras, mais on sait aussi décomposer les molécules de triglycérides de mille autres manières. Et une huile décomposée, parce qu'elle a été exposée à la chaleur, ou à la lumière, ou à l'oxygène, est assez malsaine, rance, et la présence d'acides gras en abondance ne serait vraiment pas bon signe !
Donc voilà : pour ceux qui en avaient besoin, pas d'acides gras dans l'huile !
PS. A propos de ce billet, je reçois un remerciement d'un correspondant, qui me dit "Et concernant les oméga 3 (et autres AGPI) ce sont aussi des triglycérides ?".
Ici, la question est l'usage généralisé d'un terme galvaudé par les réclames. "Oméga 3" est une abréviation d'acide gras oméga 3. Et, en vertu de ce que j'ai expliqué plus haut, il n'y a donc pas d'acides gras oméga 3 dans les huiles, puisque les huiles ne sont faites que de triglycérides.
Mais certains triglycérides, surtout dans l'huile d'olive ou dans des graisses de poissons, ont des résidus d'acides gras (j'insiste, comme dit plus haut, sur l'expression résidus d'acides gras) qui sont des résidus d'acides gras oméga 3.
Mais, à ce stade, il faut considérer les résidus d'acides gras plus en détail. On trouvera, dans le Grand livre de notre alimentation, un chapitre bien détaillé sur ce point, mais disons ici, simplement, que les résidus d'acides gras sont des enchaînements d'atomes de carbone, avec des atomes d'hydrogènes attachés à ces atomes de carbone.
A l'exception de l'atome de carbone de l'extrémité libre de la chaîne (l'autre extrémité est liée à un résidu de glycérol, le manche du peigne), chaque atome de carbone est lié à deux atomes d'hydrogène, dans les résidus d'acides gras saturés. En revanche, pour les résidus d'acides gras insaturés, deux atomes de carbone voisins ne sont liés chacun qu'à un seul atome d'hydrogène, tandis que ces deux atomes de carbone sont doublement liés : c'est ce que l'on nomme une "insaturation", car on peut chimiquement ajouter de l'hydrogène, auquel cas le résidu d'acide gras, d'insaturé, devient saturé.
Finalement, on aura raison de dire : il existe des triglycérides dont un ou plusieurs résidus d'acides gras sont insaturés, et, notamment, avec une insaturation de type oméga 3 (je n'explique pas plus en détail, voir le livre cité plus haut)
Organiser des études
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Les institutions de formation supérieure doivent être réalistes : elles ne peuvent pas emplir les emplois du temps avec de la présence obligatoire de jeunes collègues et leur demander de travailler par eux-mêmes !
Je rappelle que la courbe de l'autonomie est la suivante :
La solution qui consiste à apprendre lentement, au début, est bonne (on ne peut pas être rapidement autonome). La solution qui consiste à être lâché autonome alors qu'on l'est déjà l'est aussi (ce serait une erreur de nous laisser autonome tout d'un coup. Comme quand on freine, en voiture, toute rupture est mauvaise... de sorte que seule la courbe verte est admissible.
Cela étant dit, quel peut être le temps de cours et le temps d'études ? Il faut d'abord savoir de quel total l'institution de formation dispose. Et on peut faire l'hypothèse d'un maximum de 10 heures par jour, plus 5 à 10 heures pendant le week-end, soit un raisonnable 55 heures au total (inutile de dire que certains peuvent faire bien plus que ce petit minimum... dont on me dit qu'il est excessif, et que le volume maximum serait plutôt 45).
Si l'on est en Master 2, à combien doit-on limiter le volume d'heures professées ?
Utilisons une fonction sigmoïdale :
f := t -> 1/(1 + exp(-1/2*t + 5));
f := proc (t) options operator, arrow; 1/(1+exp(-(1/2)*t+5))
end proc
plot(f(t), t = -10 .. 25);
On calcule :
55*evalf(f(23));
54.91743498
On a bien lu : il faudrait 54,9 heures de travail personnel !
En Master 1, on pourrait calculer :
55*evalf(f(22));
54.86400574
Peu différent !
Vous souhaitez une sigmoïde moins plate à l'arrivée, parce que vous pensez qu'il faut plus de cours à ce moment ? Pourquoi pas :
f := t -> 1/(1 + exp(-1/5*t + 2));
f := proc (t) options operator, arrow; 1/(1+exp(-(1/5)*t+2))
end proc
plot(f(t), t = -10 .. 25);
55*evalf(f(22));
50.42550170
Cette fois, on admet 5 heures d'amphithéâtre avec cours magistral, et le reste doit être passé à étudier.
Ces études peuvent se faire de façon totalement personnelle (cas d'un tutorat, par exemple), ou bien avec des séances de travaux dirigés... ce qui me conduit à observer que j'ai très peu analysé ces derniers. Dans la mesure où j'en organise, c'est une erreur de ma part, qu'il faut corriger : partir d'"attendus", en tirer les conclusions, me déterminer sur des pratiques.
A moins que les collègues n'aient des propositions ?
Les institutions de formation supérieure doivent être réalistes : elles ne peuvent pas emplir les emplois du temps avec de la présence obligatoire de jeunes collègues et leur demander de travailler par eux-mêmes !
Je rappelle que la courbe de l'autonomie est la suivante :
La solution qui consiste à apprendre lentement, au début, est bonne (on ne peut pas être rapidement autonome). La solution qui consiste à être lâché autonome alors qu'on l'est déjà l'est aussi (ce serait une erreur de nous laisser autonome tout d'un coup. Comme quand on freine, en voiture, toute rupture est mauvaise... de sorte que seule la courbe verte est admissible.
Cela étant dit, quel peut être le temps de cours et le temps d'études ? Il faut d'abord savoir de quel total l'institution de formation dispose. Et on peut faire l'hypothèse d'un maximum de 10 heures par jour, plus 5 à 10 heures pendant le week-end, soit un raisonnable 55 heures au total (inutile de dire que certains peuvent faire bien plus que ce petit minimum... dont on me dit qu'il est excessif, et que le volume maximum serait plutôt 45).
Si l'on est en Master 2, à combien doit-on limiter le volume d'heures professées ?
Utilisons une fonction sigmoïdale :
f := t -> 1/(1 + exp(-1/2*t + 5));
f := proc (t) options operator, arrow; 1/(1+exp(-(1/2)*t+5))
end proc
plot(f(t), t = -10 .. 25);
On calcule :
55*evalf(f(23));
54.91743498
On a bien lu : il faudrait 54,9 heures de travail personnel !
En Master 1, on pourrait calculer :
55*evalf(f(22));
54.86400574
Peu différent !
Vous souhaitez une sigmoïde moins plate à l'arrivée, parce que vous pensez qu'il faut plus de cours à ce moment ? Pourquoi pas :
f := t -> 1/(1 + exp(-1/5*t + 2));
f := proc (t) options operator, arrow; 1/(1+exp(-(1/5)*t+2))
end proc
plot(f(t), t = -10 .. 25);
55*evalf(f(22));
50.42550170
Cette fois, on admet 5 heures d'amphithéâtre avec cours magistral, et le reste doit être passé à étudier.
Ces études peuvent se faire de façon totalement personnelle (cas d'un tutorat, par exemple), ou bien avec des séances de travaux dirigés... ce qui me conduit à observer que j'ai très peu analysé ces derniers. Dans la mesure où j'en organise, c'est une erreur de ma part, qu'il faut corriger : partir d'"attendus", en tirer les conclusions, me déterminer sur des pratiques.
A moins que les collègues n'aient des propositions ?
vendredi 6 septembre 2019
Pour cadrer ses études
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
De jeunes collègues discutent la formation qu'ils reçoivent, et ils ont raison de le faire : il faut prendre son destin en mains.
Cela étant, on aurait intérêt à se fonder sur des bases claires, et, par exemple, de bien savoir que la formation conduit à :
- des connaissances
- des compétences
-des savoir faire
- des savoir vivre
- des savoir être
Sur les diverses matières étudiées, pour ce qui concerne les connaissances, je crois que l'on peut distinguer
- des informations (on sait que cela existe, on peut toujours le retrouver facilement, notamment en ligne)
- des notions et concepts (ce sont des outils intellectuels essentiels, et il faut en avoir la compétence)
- des méthodes (les connaître ne suffit pas, il faut en avoir la compétence)
- des valeurs (cela correspond à des savoir vivre et des savoir être, mais pas seulement)
- des anecdotes (c'est de la chair autour de l'os, cela donne un peu d'air, entre des segments plus arides, et cela met du sourire dans des parcours qui, autrement, pourraient sembler austères ; mais il y a aussi une fonction de contribuer à la mémorisation).
Tout cela étant posé, on peut se lancer !
jeudi 5 septembre 2019
Est-ce bien de tout formaliser ?
Est-ce bien de tout formaliser ? Je ne sais pas pourquoi, je ne sais plus pourquoi je pose cette question ici, mais je crois me souvenir qu'elle est née lors de discussion avec de jeunes collègues, qui s'étonnait que je me livre sans cette à cette activité. Et je vois une parenté avec cette question qui m'avait été posée par Laure Adler dans une émission du France 2, à propos de la connaissance de la cuisine pour ceux qui mangent. À l'époque, j'avais répondu essentiellement que le but n'était pas de manger en animal, mais en humain, c'est-à-dire en culture, avec des connaissances littéraires, philosophiques, historiques, géographiques... et physico-chimiques. Était venu alors la seconde question, qui était de savoir si la connaissance physico-chimique n'allait pas affaiblir le plaisir de manger en démystifiant la cuisine. J'avais répondu immédiatement que si je vais au clair de lune avec mon amoureuse, l'amour ne perds rien au fait que je comprenne pourquoi la lune brille.
Il s'agit là d'une réponse métaphorique que je crois pouvoir appliquer à tout, dans la vie. Dois-je craindre à quelque chose a vouloir me conduire intelligemment ? Bien sûr, de la naïveté et perdue, mais, à la réflexion, naïveté n'est-il pas synonyme d'animalité ? Propose-t-on vraiment de rester ignorant, c'est-à-dire animal ?
Oui, il y a des individus détestables capables d'écrire " "Seuls les instants où nos critiques et nos jugements se taisent sont des instants de connaissance", mais ce sont des démagogues obscurantistes, honteux.
Pour plus de Lumière, au contraire, je propose de l'analyse, de la formalisation, un examen soigneux du monde.
Il s'agit là d'une réponse métaphorique que je crois pouvoir appliquer à tout, dans la vie. Dois-je craindre à quelque chose a vouloir me conduire intelligemment ? Bien sûr, de la naïveté et perdue, mais, à la réflexion, naïveté n'est-il pas synonyme d'animalité ? Propose-t-on vraiment de rester ignorant, c'est-à-dire animal ?
Oui, il y a des individus détestables capables d'écrire " "Seuls les instants où nos critiques et nos jugements se taisent sont des instants de connaissance", mais ce sont des démagogues obscurantistes, honteux.
Pour plus de Lumière, au contraire, je propose de l'analyse, de la formalisation, un examen soigneux du monde.
mercredi 4 septembre 2019
L'université délivre la nécessaire théorie
Alors que je propose (depuis longtemps) de bien séparer technique, technologie et science, avec l'argument que cela aide les jeunes collègues, je reçois le message suivant, suite à la diffusion d'un document où j'expliquais la chose :
I am struck by your separation of science and technology, as that is something that I noticed in coming back to an academic setting after working in the food industry for several years. Research in the university is more about science and discovering new things, while my job in the industry was more about getting to a final product using other people's discoveries. However, sometimes the lines are not so clear and the university goes directly to application or the industry tries to discover new things while applying them, and I think the quality is higher for both if the objectives are clear and separated.
[Je suis frappé par votre différence entre science et technologie, car c'est quelque chose dont je me suis bien rendu compte en revenant dans un milieu universitaire après avoir travaillé dans l'industrie alimentaire pendant plusieurs années. La recherche dans les universités est plus de nature scientifique, avec des découvertes, tandis que, dans l'industrie, je devais arriver à des produits en utilisant les découvertes faites par d'autres. Toutefois les lignes ne sont parfois pas si claires, et l'université peut aller vers les applications, ou l'industrie peut chercher à faire des découvertes pour les appliquer, et je pense que l'on améliorera les activités si les objectifs sont clairs et distincts.]
J'apprécie doublement ce message :
1. mon jeune collègue comprend la différence
2. le fait que mon jeune collègue vienne de l'industrie lui permet de mieux apprécier la différence, mais, de ce fait, permet à ses camarades de mieux la comprendre, aussi.
Cela étant, il faut quand même quelques commentaires :
- il y a l'expression "academic setting", qui semble assimiler l'université à la science ; en réalité, l'université doit aussi se préoccuper de technologie, puisqu'elle cherche à donner un métier aux jeunes collègues, notamment par les instituts universitaires de technologie ou par les "polytechs"
- oui, son travail dans l'industrie consistait effectivement à arriver à des produits nouveaux à partir des découvertes faites par d'autres (et plus précisément par des scientifiques)
- des lignes pas si claires ? Oui, et c'est précisément la raison je propose de toujours bien se situer les projets, les activités
- l'industrie qui fait de la science ? pourquoi pas, mais c'est bien difficile, et, d'autre part, quand on observe l'industrie alimentaire, on s'aperçoit que les programmes ne sont jamais suffisamment longs pour que cela aboutisse ; pourquoi ne pas plutôt établir des relations avec des laboratoires de recherche scientifique, qui font cela bien mieux ?
- l'université qui fait de la technologie ? pourquoi ne pas plutôt le confier à des sociétés, qui seront bien plus efficaces ?
Enfin, ce message montre plus clairement une mission des études supérieures universitaires, à savoir qu'il faut conduire les jeunes collègues à se doter d'outils théoriques. Ils en feront usage, ensuite, dans l'industrie. Bien sûr, on peut difficilement envisager que tous aillent d'abord travailler dans l'industrie pour mesurer, apprécier, la nécessité d'un bon bagage théorique... mais après tout, on a les stages pour cela, non ?
Qui est scientifique ?
Dans la revue Chemistry World, un article paraît sous le titre Am I really a scientist?, et il discute la question de la "science participative", si à la mode aujourd'hui. En substance, on aurait intérêt à n'exclure personne de la dénomination "scientifique", et il ne faudrait pas refuser ce titre à ceux qui ont fait un temps de la science, sans quoi les pauvres chéris seraient ennuyés (on voit que je me moque). Et de nous ajouter ceux qui sont parents d'enfants handicapés et qui ne peuvent pas aller au laboratoire (un argument de type violons et sanglots), ou bien de confondre la technologie et la science, sans parler des femmes des pays intégristes, qui seraient privées de la possibilité d'être scientifiques.
Je trouve cet article très mauvais, donc, parce que je propose de bien conserver à l'idée que nous sommes ce que nous faisons : si nous faisons de la science (recherche scientifique), nous sommes scientifiques, mais si nous ne faisons pas de science, nous ne sommes pas scientifiques.
Faire de la politique ? Faire de la direction ? Faire de la communication ? Cela n'est pas faire de la science, et l'on aura intérêt à bien relire Albert Einstein :
" Le Temple de la Science se présente comme une construction à mille formes. Les hommes qui le fréquentent ainsi que les motivations morales qui y conduisent se révèlent tous différents. L’un s’adonne à la Science dans le sentiment de bonheur que lui procure cette puissance intellectuelle supérieure. Pour lui la Science se découvre le sport adéquat, la vie débordante d’énergie, la réalisation de toutes les ambitions. Ainsi doit-elle se manifester! Mais beaucoup d’autres se rencontrent également en ce Temple qui, exclusivement pour une raison utilitaire, n’offrent en contrepartie que leur substance cérébrale! Si un ange de Dieu apparaissait et chassait du Temple tous les hommes qui font partie de ces deux catégories, ce Temple se viderait de façon significative mais on y trouverait encore tout de même des hommes du passé et du présent. Parmi ceux-là nous trouverions notre Planck. C’est pour cela que nous l’aimons.
Je sais bien que, par notre apparition, nous avons chassé d’un coeur léger beaucoup d’hommes de valeur qui ont édifié le Temple de la Science pour une grande, peut-être pour la plus grande partie. Pour notre ange, la décision à prendre serait bien difficile dans grand nombre de cas. Mais une constatation s’impose à moi. Il n’y aurait eu que des individus comme ceux qui ont été exclus, eh bien le Temple ne se serait pas édifié, tout autant qu’une forêt ne peut se développer si elle n’est constituée que de plantes grimpantes! En réalité ces individus se contentent de n’importe quel théâtre pour leur activité. Les circonstances extérieures décideront de leur carrière d’ingénieur, d’officier, de commerçant ou de scientifique. Mais regardons à nouveau ceux qui ont trouvé grâce aux yeux de l’ange. Ils se révèlent singuliers, peu communicatifs, solitaires et malgré ces points communs se ressemblent moins entre eux que ceux qui ont été expulsés. Qu’est-ce qui les a conduits au Temple? La réponse n’est pas facile à fournir et ne peut assurément pas s’appliquer uniformément à tous. Mais d’abord en premier lieu, avec Schopenhauer, je m’imagine qu’une des motivations les plus puissantes qui incitent à une oeuvre artistique ou scientifique, consiste en une volonté d’évasion du quotidien dans sa rigueur cruelle et sa monotonie désespérante, en un besoin d’échapper aux chaînes des désirs propres éternellement instables. Cela pousse les êtres sensibles à se dégager de leur existence personnelle pour chercher l’univers de la contemplation et de la compréhension objectives. Cette motivation ressemble à la nostalgie qui attire le citadin loin de son environnement bruyant et compliqué vers les paisibles paysages de la haute montagne, où le regard vagabonde à travers une atmosphère calme et pure, et se perd dans les perspectives reposantes semblant avoir été créées pour l’éternité.
A cette motivation d’ordre négatif s’en associe une autre plus positive. L’homme cherche à se former de quelque manière que ce soit, mais selon sa propre logique, une image du monde simple et claire. Ainsi surmonte-t-il l’univers du vécu parce qu’il s’efforce dans une certaine mesure de le remplacer par cette image. Chacun à sa façon procède de cette manière, qu’il s’agisse d’un peintre, d’un poète, d’un philosophe spéculatif ou d’un physicien. A cette image et sa réalisation il consacre l’essentiel de sa vie affective pour acquérir ainsi la paix et la force qu’il ne peut pas obtenir dans les limites trop restreintes de l’expérience tourbillonnante et subjective. »
Cela ne signifie pas que l'on refuse à quelqu'un qui a eu une formation scientifique d'avoir eu une formation scientifique... mais :
1. imaginons un plombier qui ait une formation en science : il est plombier, pas scientifique. Plus généralement, si nous nommons scientifiques tous ceux qui ont eu des cours de physique ou de chimie, ou de biologie, tous les Français seraient scientifique, ce qui montre l'absurdité de l'argument donné par l'auteur de l'article que je discute ici.
2. une formation scientifique ne signifie généralement pas faire de la recherche scientifique, mais connaître quelques notions, données, concepts, méthodes de la science. C'est comme avoir des notions d'histoire, de géographie ou de littérature. Ces rudiments (cela veut dire peu) ne font pas le ou la scientifique pour autant.
Mais venons-en aux "sciences participatives". De quoi s'agit-il ? Par exemple, que des citoyens qui observent une plante particulière à un endroit particulier le signalent aux... scientifiques du Muséum national d'histoire naturelle. Ou bien que des jeunes d'un club d'astronomie contribuent à la recherche sur les amas ouverts. Ou que des jeunes d'un club de chimie testent des formules d'émaux qui donnent des couleurs intéressantes.
S'agit-il de science ? Sont-ils des scientifiques ?
On gagnera à rappeler, dans cette discussion, la méthode des sciences de la nature :
1. observation (identification) d'un phénomène
2. caractérisation quantitative du phénomène
3. réunion des données en lois synthétiques (équations)
4. production d'une théorie par réunion de lois, introductions de nouvelles notions, de nouveaux concepts ; le tout doit être quantitativement (équations) compatible avec les données de mesure obtenues en 2
5. recherche de conséquences théories des hypothèses faites
6. tests expérimentaux de ces conséquences
Et ainsi de suite à l'infini.
Oui, on pourrait avoir la tentation de nommer scientifique toute personne qui contribue activement à certaines de ces étapes... mais est-on scientifique pour autant, ou bien a-t-on seulement contribué à la recherche scientifique ? Si l'on a posé une des pierres (une seulement) de la Grande Muraille de Chine, est-on constructeur de la Grande Muraille ?
Dans cette discussion, je propose de bien montrer l'image d'une balance à plateaux. Il y a le travail d'un côté, et la prétention de l'autre. Si l'on travaille plus qu'on n'a de prétention, on est travailleur, mais dans le cas inverse, on est prétentieux.
Bref, la question est de savoir qui veut se dire scientifique et pourquoi ?
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