dimanche 18 août 2013

Dimanche 18 août 2013. La science quantitative ne conseille pas ; elle explore



Un grand hebdomadaire français titre « les 30 aliments conseillés par la science ». Un tel titre est fautif, et je dis bien fautif, et non erroné, car il y a faute à dire que la sciene peut conseiller quelque chose. Ce n'est pas seulement une erreur, mais une faute. Une faute, parce que, derrière ce titre, il y a une confusion tendancieuse entre la science quantitative et la technologie. Il y a également faute à faire croire que la diététique, qui conseille, se confond avec la nutrition, laquelle est une science.

La science quantitative ne conseille rien, parce qu'elle n'a rien à conseiller : c'est une activité de recherche des mécanismes des phénomènes, pas une personne. Plus exactement, l'activité scientifique, pour la science quantitative, consiste en la production de théories qui font l'objets d'études en vue de leur réfutation, et ce sont les applications technologiques ou pédagogiques qui manipulent les résultats des sciences quantitatives. Depuis des décennies, nous sommes dans une confusion, qui conduit à la fois à craindre la science quantitative, alors que c'est la technologie qui est en cause, et à tout confondre : intérêt de la recherche de la connaissance, statut des « experts »...

D'ailleurs, à dire un tel titre, on ferait bien d'être prudent et d'avoir la mémoire un peu longue. La diététique nous a refusé le pain, il y a quelques décennies, puis elle nous l'a conseillé. Même idée pour le vin. Et ainsi de suite. La diététique, qui n'est pas une science quantitative, mais une application de la science nommée nutrition, nous fait tourner en bourrique.

La science quantitative ne conseille pas.


vendredi 16 août 2013

La poussière du monde est en nous

Décidément, ce blog est l'occasion de faire acte de contrition ! Je me suis repris plusieurs fois publiquement, notamment à propos de ce qu'est la chimie. Aujourd'hui, je voudrais présenter mes excuses à mes amis à propos d'une idée que j'ai déjà discutée, à savoir la "poussière du monde".
J'avais trouvé l'expression dans le traité de peinture de Shitao, peintre chinois, qui avait discuté l'"unique trait de pinceau". Poussière du monde : l'expression sonnait bien, et je l'appliquais à toutes les discussions inutiles, café du commerce, discussion politiques où s'affrontent inutilement les opinions (je n'ai pas dit "les idées") politiques, petites conversations pour passer le temps...

Pourtant,  à la réflexion, je crois que rien n'est insignifiant, rien n'est poussière, si l'on y met de l'intelligence, de la culture, de la réflexion, de l'analyse. Il ne tient qu'à nous-même que cette poussière n'en soit pas, que même la pire bêtise devienne enseignement, matière à pensée. Le philosophe français hélas décédé Jean Largeault disait "J'aime les mauvais livres, parce qu'ils me révèlent bien, a contrario, ce qui est digne d'être aimé". Il était dans ce mouvement de refus, de négation de la poussière du monde.

Bref, je propose que, pour chacun d'entre nous, la poussière du monde n'existe plus !

samedi 3 août 2013

SOS meringue

Une question reçue aujourd'hui :

J'ai une question qui me trotte dans la tête à chaque fois que je fais des meringues : le sucre (50 g  /1 blanc) pour monter les blancs en neige très ferme (formation de "bec") cuit-il ou non les blancs ?

Et la réponse :

Quand on fait des meringues, il est fréquent de monter des blancs en neige ferme, puis d'ajouter du sucre en poudre et de battre jusqu'à ce que les "grains" disparaissent et que la préparation devienne très très ferme, lourde, même, brillante, d'un brillant différent de celui de blancs d'oeufs battus en neige ferme.

Le mécanisme : quand on bat des blancs d'oeufs en neige, on introduit des bulles d'air dans le liquide jaune qu'est le blanc d'oeuf (un blanc, c'est 90 % d'eau, et 10 % de protéines, le tout avec de quoi donner une couleur jaune tirant sur le vert ; oui, regardez bien).
Progressivement, donc, des bulles d'air sont introduites, et elles sont stabilisées par les protéines, lesquelles sont comme des colliers de perles très petits, qui sont déroulés par le cisaillement du fouet ; elles forment alors comme des fils qui se mettent à la limite des bulles d'air.

Si l'on ajoute du sucre, on ajoute des grains... d'un matériau qui se dissout dans l'eau présente. Progressivement, donc, la partie liquide devient un sirop, visqueux. Cela a plusieurs conséquences. D'abord, la préparation prend un goût sucré (évidemment !), et, ensuite, la viscosité accrue est la cause que les bulles deviennent bien plus petites qu'elles n'étaient.

La présence de bulles bien plus petites explique le changement de consistance et de brillant. Consistance : les blancs battus ainsi sont faits de bulles d'air très tassées, dans un sirop très visqueux. Brillant : chaque bulle d'air réfléchit la lumière, de sorte que plus il y en a, plus la surface du blanc battu sucré paraît blanche, brillante.

Et effectivement, un blanc battu sucré très ferme fait un "bec de canard", sur le fouet, ce qui signifie que du blanc qui dépasse du fouet, quand le fouet est redressé, reste à l'horizontale.

Enfin, la question : le sucre "cuit-il" les blancs ?  Tout tient dans le mot "cuire" !
Si l'on admet que la cuisson d'un blanc d'oeuf non battu correspond au déroulement des protéines et à la liaison de ces dernières. La liaison est irréversible (pour simplifier : en réalité, c'est plus compliqué).
En revanche, pour des blancs sucrés, ils peuvent retomber, preuve que la liaison des protéines n'est pas du même type que la cuisson classique d'un oeuf sur le plat.
Oui, les blancs sucrés retombent bien plus lentement que les blancs battus non sucrés, mais il y a à cela des raisons qui sont trop longues à donner ici, et qui figurent dans mon livre "Révélations gastronomiques".

Samedi 3 août 2013. La gastronomie moléculaire concerne tous les pays, toutes les cultures.


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La gastronomie moléculaire ne vaut-elle que pour la cuisine française ? Non, bien sûr ! Cette discipline scientifique vise pour partie à étudier les précisions culinaires, c'est-à-dire les trucs, astuces, tours de main... 
 
Par exemple, les blancs en neige montent-ils mieux quand ils sont vieux ? Les poissons ont-ils une consistance différente quand ils sont cuits sur arête ? Les salmis doivent-ils vraiment attendre après la cuisson ? L'écumage des bouillons les fait-il plus clairs ? Les questions de ce type se posent par dizaines de milliers, pour la seule cuisine française, la seule que j'ai examinée un peu correctement. Toutefois des questions du même type abondent pour d'autres pays, pour d'autres cultures. Par exemple, au Brésil, avant le repas, il est courant de boire une cai pirinha en apéritif : le cocktail est fait de citron vert, de sucre de canne et de cachasa. Si l'on interroge les cuisiniers ou les barman brésiliens qui préparent cet apéritif, on les entend nous dire qu'il faut absolument enlever la peau des citron vert sur la partie centrale. Pourquoi ? Ils nous disent que cela donne l'amertume.
Pourquoi pas ? Faisons l'expérience. Or les expériences, à ce jour, n'ont montré aucune différence d'amertume, dans un test sensoriel bien fait. Je ne doute pas que toutes les cultures du monde, toutes les cuisines du monde aient leurs propres précisions culinaires : dictons, tours de main, astuces, proverbes, et la science nommée gastronomie moléculaire a bien des raisons de s'intéresser à ces objets culturels.
Tout d'abord, les personnes qui détiennent ces savoirs populaires sont souvent de vieilles personnes, qui risquent de disparaître avec leur savoir populaire, et l'on risque de perdre une foule d'information, d'idées, juste ou fausses -peu importe- qui concernent cette activité merveilleuse qu'est la cuisine.
D'autre part, il y a question de l'enseignement : peut-on imaginer de transmettre des données fausses à nos successeurs ? Non, bien sûr ! Alors il tester expérimentalement ces idées, afin de ne transmettre que les bonnes, mettre les autres au musée, bien conservées ; il faudra essayer de comprendre, aussi, comment les idées sont apparues, comment les idées fausses aussi sont apparues, et pourquoi ?
Et puis il y a des raisons scientifiques et techniques : parfois, les praticiens ont fait des observations remarquables, merveilleuses, incomprises de la science ; là, il faudra comprendre, faire des travaux scientifiques pour explorer les phénomènes, identifier leurs mécanismes... Et c'est ainsi que la gastronomie culinaire est une science éblouissante, remarquable, amusantes, passionnantes, à la portée de tous, au moins pour les tests expérimentaux.

vendredi 2 août 2013

Vendredi 2 août. Les quenelles


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Je m'aperçois que je n'ai guère fait état de ma collection de recettes de quenelles. Il y en a aujourd'hui des centaines, recopiées de livre de cuisine française de toutes les époques, et j'ai fini par comprendre qu'une quenelle, c'est comme une boulette de viande ! 
 
La consultation de l'étymologie ne donne pas de résultats probants : on nous dit que le mot « quenelle » vient de l'Alsacien Knödel, aliment en forme de boulette, et il est exact que la cuisine alsacienne continue de produire de tels mets, mais je crois plus intéressant de rapporter que le plus petit dénominateur de toutes les recettes, c'est de la chair broyée. Cette chair coagule à la cuisson, comme dans les steaks hachés, comme dans les terrines. Et cela vaut pour les viandes comme pour les poissons !
En effet, le tissu musculaire est fait de fibres, sortes de tuyaux dont la « peau » est le tissu collagénique, fait d'une protéine nommée collagène (qui est à l'origine de la gélatine), et dont l'intérieur est fait d'eau et de quelques sortes de protéines, dont les principales sont les actines et les myosines. Protéines qui coagulent ! La dégradation des chairs conduit à leur libération, de sorte qu'une viande bien broyée, tout comme un poisson pilé (les quenelles se faisaient au mortier et au pilon), coagulent comme du blanc d'oeuf, à la cuisson.
Toutefois, cette chair étant fade, elle a souvent été aromatisée. On y a mis de l'oeuf, dont le jaune a beaucoup de goût, mais aussi des ingrédients variés, aromatiques.
La farine ? Elle sert de charge, pour « diluer » cette matière coûteuse qu'est la chair, de viande ou de poisson. Pour des raisons pratiques, on évite de la mettre sous la forme de farine toute simple, et on l'emploie souvent sous la forme d'une panade, où la farine est pré-cuite, dans de l'eau, du lait, du bouillon, lesquels ont également beaucoup de goût.
Tout cela étant dit, le résultat manque de moelleux, ce qui a conduit les cuisiniers du passé à proposer l'emploi de matière grasse. Souvent, on utilisait la graisse de rognon de boeuf, mais, plus récemment, on a remplacé cette graisse par du beurre, de la crème, par exemple.

Enfin, il y a la question du gonflement des quenelles à la cuisson. Observons que des quenelles bien travaillées sont comme un appareil à soufflé, et que, de ce fait, chauffées, elles peuvent souffler. Cela a sans doute conduit, par analogie, à mettre du blanc d'oeuf battu en neige dans les quenelles. Autrement dit, le soufflage est obtenu même sans soufflage particulier. Dans les deux cas, le mécanisme est le même: c'est l'eau de la préparation qui s'évapore, quand elle est porté à 100 °C ; dans les deux cas, ce sont des protéines qui forment le réseau qui tient les bulles. Autrement dit, les protéines de l'oeuf sont inutiles, puisqu'il y a déjà celles de la chair.
Et c'est ainsi que, comprenant la mécanique des quenelles, on peut en faire de merveilleuses : n'hésitez pas à vous débarrasser de l'opération fastidieuse qui consiste à pocher les quenelles entre deux cuillers ; si vous mettez la préparation dans un film plastique que vous roulez et fermez, vous pourrez pocher sans difficulté... et même sans liquide, en mettant dans votre four à une température juste suffisante pour faire coaguler les protéines et stabiliser les quenelles.

mercredi 31 juillet 2013

Mercredi 31 juillet 2013. Battre la pâte à crêpes ?




Les crêpières ont-elles raison de dire que la pâte doit être bien battue ? J'ai rencontré cette question il y a bien longtemps, alors que, travaillant dans une crêperie, en Bretagne, j'étais notamment chargé de la préparation de la pâte à crêpes et à galettes.
J'utilisais alors une énorme bassine en plastique bien propre, où je mettais de la farine de blé noir, du lait, de l'eau, du sel. Pas d'oeufs, évidemment, car la tradition bretonne n'en préconise pas, limitant les oeufs aux crêpes de froment ; pour la galette de sarrasin, ou blé noir, l'oeuf changerait le goût de la pâte, ferait perdre son caractère puissant.
Je me mettais alors torse nu, puis je mélangeais les ingrédients, à la main, jusqu'à ce que la pâte soit lisse. Toutefois les crêpières avaient observé que, lorsqu'elles utilisaient cette pâte, les galettes collaient parfois au bilic (l'instrument sur lequel on cuit crêpes et galettes), alors que, d'autres fois, elles ne collaient pas. Nous avions identifié que les galettes semblaient moins coller quand, lors de la préparation de la pâte, je l'aérais, en soulevant la pâte de la paume de la main, et en la lançant vers la bassine, afin de faire cloquer, de faire apparaître de grosses bulles d'air.
Il semblait... Il semblait, mais comment en avoir le coeur net ? Dans le feu du travail d'une crêperie, il y a peu de place pour des expérimentations, et je me posais la question depuis 35 ans... Finalement, l'introduction d'air dans la pâte à galettes a-t-il un effet sur la confection des galettes de blé noir ? Passons sur le pléonasme « galettes de blé noir », car les vraies galettes sont toujours obligatoirement de blé noir, mais conservons la question : l'introduction d'air change-t-il quelque chose aux résultats ?
Le test s'est finalement fait correctement sur le stand d'AgroParisTech, au Salon de l'agriculture, en public, où nous avons introduit de l'air n'ont pas la main, mais avec un batteur électrique. Une pâte à galette été divisée en deux moitiés, dont l'une était fortement aérées au batteur électrique, et l'autre non. Puis des galettes ont été produites à partir de ces deux pâtes, non pas sur un bilic, mais dans une même poêle, sur le même feu...
Le résultat a été spectaculaire : oui il y a une différence considérable entre les galettes bien aérées et les galettes qui n'ont pas été battues. Pourquoi ? Je n'en sais toujours rien, mais je sais que l'expérience nous a fait progresser. Après des décennies d'incertitude, nous avons maintenant un résultat assez bien établie : il y a une différence entre des pâtes bien aérées et des pâtes qui n'ont pas été aérées. D'autres pourront maintenant monter sur dce socle, pour poursuivre le travail d'analyse, et identifier les mécanismes des phénomènes établis.
A vous !

lundi 29 juillet 2013

Lundi 29 juillet 2013. Des questions. Comment perfectionner la vulgarisation scientifique ?


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Pour expliquer pourquoi la vulgarisation scientifique (certains disent « médiation », mais, après plusieurs décennies d'exercice, je crois que la différence est sans intérêt), prenons deux exemples : la loi d'Ohm et l'effet photoélectrique.

Au XIXe siècle, le physicien allemand Georg Simon Ohm mesure des différences de potentiel (pensons à une chute d'eau) associées à des intensités de courant (pensons au débit), en faisant passer divers courants électrique dans un même conducteur (pensons à une tige métallique), et il découvre que le rapport, le quotient, de la différence de potentiel par l'intensité du courant est constant, pour un même conducteur : il nomme « résistance électrique » de ce conducteur particulier le quotient obtenu.
Jusque là, la vulgarisation-récit se tient. Pour expliquer la découverte (croyez-moi, je peux faire mieux que cela, mais l'objectif, ici, n'est pas d'expliquer la loi d'Ohm), il a suffi d'imposer aux interlocuteurs une simple division.
Pourquoi la loi d'Ohm s'observe-t-elle, quand on dispose d'outils scientifiques du XIXe siècle ? En soi, une loi est sans intérêt autre que technique, mais, pour parler de science, il faut poursuivre l'explication, chercher les mécanismes qui sont derrière la loi, et, en l'occurrence, discuter la notion d'électrons et leur propagation dans les conducteurs.
Présenter des électrons ? On pourra encore recourir à une expérience : celle d'un tube de Crookes, par exemple, un tube où l'on fait le vide et où l'on applique une différence de potentiel électrique (on branche une pile, en pratique) entre deux électrodes, placées aux extrémités du tube. Encore un récit. Et pour décrire le propagation des électrons dans un conducteur ?O n pourra sans doute, à nouveau, se limiter à une description en mots.
D'ailleurs, le physicien Stephen Hawkings, qui publia un livre de vulgarisation pas extraordinaire, mais qui eut du succès, y explique que son éditeur lui avait dit d'éviter les équations, sous peine que le livre ne se vende pas. Voilà donc l'état de la vulgarisation scientifique, en ce début du XXIe siècle. Des récits, des récits que l'on est invité à croire, sans pouvoir juger. Bref, la vulgarisation scientifique est une information par croyance, alors que les Lumières auraient préféré, n'est-ce pas, qu'elle sollicite la Raison !
Oui, au fond, qui nous prouve que ces récits sont exacts ? Que ce ne sont pas de fantasmagoriques élucubrations, comme le sont les récits des pseudo-sciences ? Les sciences quantitatives ont cela de merveilleux que ce sont pas des récits au hasard, que ce ne sont pas des divagations : parmi l'ensemble des possibilités de mécanismes, c'est l'adéquation des mesures à la théorie qui conduit à la sélection d'un ou de plusieurs mécanismes admissibles.

Passons au second exemple : l'effet photoélectrique, étudié par Albert Einstein, en 1905. Cette fois, le récit consiste à expliquer que l'on place deux plaques métalliques en vis-à-vis, à l'intérieur d'un tube en verre où l'on a fait le vide, et l'on applique une différence de potentiel modérée entre les deux plaques. Rien ne se passe.
Puis on éclaire une des plaques, à l'aide d'une lumière de longueur particulière, par exemple du rouge. Rien ne se passe. On augmente l'intensité de la lumière, ce qui correspond à une énergie de plus en plus grande, et rien ne se passe.
On change alors la longueur d'onde de la lumière, passant du rouge au bleu, par exemple, et, soudain, pour une longueur de particulière, un courant électrique se met à passer entre les plaques.
Jusque là, on a expliqué le phénomène par un recours à l'expérience ; on a décrit le phénomène, par un récit, mais comment expliquer le phénomène ?
Cette fois, le recours à une simple division ne suffit plus. Pour autant, le calcul, dans ce cas, n'est pas difficile ; il est à la portée d'un étudiant de baccalauréat. Mais c'est le calcul qui dit tout !
Bien sûr, on aurait pu « expliquer » que la lumière est faite de « grains » nommés photons, chacun porteur d'une énergie particulière, mais comment expliquer l'effet photoélectrique ? Seul le calcul en donne une explication, et ce n'est pas la transcription du calcul avec des mots du langage naturel qui aide à comprendre. Au contraire même : les phrases deviennent très longues, les notions s'enchaînent les unes aux autres, et l'on découvre à cette occasion que le calcul formel, où des notions comme l'énergie, la masse... sont remplacés par les lettres E, m..., est bien plus efficace pour la compréhension que la description avec des mots.
La description avec des mots ne donne pas de compréhension des phénomènes, et seul le calcul - très simple- permet de comprendre combien le travail d'Einstein, dans ces circonstances, était merveilleux.
Et puis, il y la question de la sélection d'un récit parmi d'autres, qui doit être considérée. Pour expliquer un phénomènes, on peut invoquer mille mécanismes, mais les sciences quantitatives, je l'ai déjà écrit dans d'autres billets, ont cette particularité que le calcul permet de faire la sélection. Le recours aux nombres, aux notions formelles du calcul, la considération que le monde est écrit en langage mathématique... C'est cela, la science, et non un récit qui s'apparente... ôsons le mot, à celui des religions. Il ne s'agit pas de foi, mais d'émerveillement de voir le monde fonctionner selon des lois formelles toujours insuffisantes, certes, mais de plus en plus précisément collées aux phénomènes.

De ce fait, je crois que la vraie tâche de la vulgarisation, c'est donc d'expliquer les calculs, et de ne pas se limiter à des récits. C'est une tâche difficile, merveilleuse, qui nécessite des talents nouveaux, des énergies puissantes, des esprits tout tendus vers cet objctif remarquable.
La vulgarisation scientifique évoluera-t-elle, au XXIe siècle, de façon qu'elle devienne enfin capable de considérer la vraie activité scientifique ?