dimanche 8 mars 2020

Sait-on mieux quand on sait que l'on sait ? Je crois que oui.


Aujourd'hui, je veux discuter la question de ce que je nomme le "portfolio" : il s'agit d'une liste où l'on inscrit tout ce que l'on sait ("connaissances") et tout ce que l'on sait faire ("compétences").

Par exemple, si, un jour, lors des études supérieures, on apprend ce qu'est le pH, alors on marque dans le portfolio, dans la partie "connaissances"  : notion de pH. Puis, si l'on apprend à calculer le  pH d'une solution d'acide acétique dilué, on marque, cette fois dans la partie "compétences" : calcul d'une solution d'acide acétique dilué. On peut aussi faire mieux, et observer que si l'on sait calculer le pH d'une solution d'acide acétique dilué, on doit sans doute savoir aussi bien calculer le pH d'une solution d'un autre acide faible, de sorte que, après la vérification que l'on sait bien faire cela, on marque dans la partie "compétences" : calcul du pH d'une solution d'un acide faible.

Prenons un nouvel exemple qui nous conduit plus loin : supposons que l'on ait appris à utiliser un spectromètre UV visible, à préparer une solution qu'on a mis dans une cuve, et pour laquelle on a réussi à enregistrer un spectre, après avoir appuyé sur les boutons spécifiques qui conduisent à la production de ce spectre. Alors on écrit  (dans les "compétences") : utilisation d'un spectromètre UV visible. Mais on voit que l'on peut être plus précis, et que cela vaut la peine de distinguer une utilisation de routine, débutante,  et une utilisation confirmée, puis, plus tard, une utilisation expert.
Cela nous conduit à ajouter une colonne supplémentaire, à droite de la liste initiale, de sorte qu'elle devient un tableau : la deuxième colonne contiendra l'état des connaissances et des compétences que l'on a. Par exemple si l'on commence à connaître le la définition du potentiel chimique, par exemple en rapportant l'enthalpie libre au nombre de moles, on est débutant, on a une connaissance faible, mais le jour où l'on passe à des petites variations, alors on devient plus confirmé.

Soit donc finalement un tableau ; ou plus exactement deux tableaux, puisque nous avons distingué connaissances et compétences.
Immédiatement, il est de notre devoir, si nous ne sommes pas paresseux,  d'ajouter  une colonne supplémentaire et une ligne supplémentaire à chacun des deux tableaux, selon le bon principe que toute case vide est à remplir : ayant une case vide, nous avons le bonheur d'être invité à  exercer notre intelligence pour nous demander comment la remplir.
Et puis,  selon le même principe : puisque nous avions deux tableaux, pourquoi n'en aurions-nous pas trois ? Par exemple avec des savoir vivre, des savoir être... ou toute autre chose à votre goût.

Évidemment, les connaissances et les compétences que nous avons sont définies dans les programmes et les référentiels des cursus que nous avons suivis. On pourrait donc, paresseusement, se reposer sur ces programmes et référentiels, en pensant que si nous avons des  diplômes, c'est donc que nous maîtrisons les connaissances et les compétences correspondant à ces diplômes...
Mais on sait bien que cela n'est pas vrai, et je fais une différence entre les prétentions que nous avons vis à vis du monde extérieur (les employeurs, par exemple), et celles que nous pouvons avoir vis à vis de nous-même, où nous n'avons pas intérêt à nous mentir. D'autant que les discussions avec mes amis plus jeunes prouvent que les notions, connaissances, compétences... sont parfois bien volatiles : on n'oublie pas qu'il faut avoir oublié plusieurs fois pour se souvenir. De sorte que, je le répète, il est bien paresseux de se reposer sur les programmes et référentiels.
Et surtout, je maintiens que l'on sait  mieux quand on sait ce que l'on sait,  et que l'on sait mieux faire quand on sait ce que l'on sait faire.

Je propose d'avoir, dès l'école primaire, un tel portfolio que, fièrement, nous augmentons ligne après ligne. Bien sûr, cette liste grossira considérablement et il faudra la structurer... ce qui est un avantage, puisque nous pourrons sans cesse réviser nos savoirs et nos compétences. Et nous serons amenés à changer les statut de savoir et de compétences (deuxième colonne), passant de débutant, à  confirmé, puis expert.
Et là , je vois apparaître le fait que ce portfolio, cette liste de connaissances et de compétences,  va de pair avec une évaluation que nous faisons nous-même de nos connaissance de nos compétences :  au lieu de laisser filer, nous reprenons la main sur ce que nous apprenons, nous maîtrisons, nous contrôlons, nous commandons ; nous évitons de la mauvaise foi, car si cette liste destiné à nous-même.

Évidemment, une telle liste peut-être utile pour chercher du travail : si nous arrivons devant un employeur avec la liste de tout ce que nous savons  et de tout ce que nous maîtrisons, alors non seulement ce dernier peut juger de l'adéquation de notre proposition avec ses besoins, mais, de surcroît, il voit qu'il a en face de lui quelqu'un de structuré, qui cherche à faire bien.

Et il n'est jamais trop tard pour se lancer : j'ai entendu quelques amis déjà bien avancés dans leurs études, par exemple en fin  de licence,  me dire qu'il était trop tard. Non, il n'est jamais trop tard, et l'on voit bien que l'on puisse commencer ce portfolio à tout moment, même rétrospectivement, parce que cela conduit à des révisions qui affermissent nos savoirs et non compétences. Tout bon, donc !

dimanche 1 mars 2020

La vérité ?


La vérité ? Démontrer scientifiquement ? Des théories justes ? Des sciences exactes ?
Il faudrait que nous constituions progressivement un catalogue des idées populaires ou simplement communes qui  sont parfaitement fausses.

Par exemple, les sciences de la nature ne démontrent rien, mais se limitent à décrire de mieux en mieux les phénomènes, leurs mécanismes. Ce sont seulement les mathématiques, qui démontrent.
Les théories ? Elles sont toujours insuffisantes, imparfaites, et c'est la raison pour laquelle les sciences de la nature n'auront jamais de fin : il faut améliorer, et améliorer encore, en sachant qu'un modèle réduit de la réalité n'est pas la réalité, et que ce serait une erreur terrible que de confondre, que de croire qu'une description tout à fait locale puisse être globale.
Des sciences exactes ? Moi, je connais les sciences de la nature, qui, parce que nos outils de mesure sont nécessairement imprécis, rien qu'en raison du "bruit du monde" (je rappelle que, au minimum, l'énergie est kT).

Et la vérité, dans tout cela ? 

C'est amusant de voir comment la science est devenu bien plus prudente que par le passé, du point de vue épistémologique : personne aujourd'hui ne pourrait plus prétendre -sauf à avoir beaucoup de naïveté-  que nous cherchons la "vérité".  Nous cherchons seulement des descriptions de plus en plus précises des phénomènes, des objets du monde, et ces descriptions condamnées à être toujours imprécises (la question, c'est "combien ?") ne sont pas inutiles puisqu'elles permettent l'introduction notions et concepts, qui sont des outils qui nous aident à penser mieux.

Pas de place pour la "vérité", dans tout cela, sauf à considérer que notre discours est factuel, pas mensonger.

jeudi 27 février 2020

Some questions from Greece

When was Molecular gastronomy first applied in the kitchen? 
 
The question needs rephrasing, because there are two options :
1. when was molecular gastronomy done for the first time?
2. when was is "applied", i.e. when were the results of MG used in the kitchen?

And the answer is simple :
1. MG was done for the first time when it was named, i.e., in 1988, by me  and Nicholas Kurti.
This does not mean that we did not make anything before, on the contrary, but before the name was officially given, it was a "prehistory". And here, the prehistory began a long time ago, because the pharmacist Geoffroy, in the early 18th century, was already studying the chemistry of meat stock, for example.
By the way, forget Brillat-Savarin, because he was not a scientist, but a lawyer. And all what he writes is fiction, like in a novel. Even the osmazome has nothing to do with the real osmazome, a concept and a name given by the French chemist Jacques Thenard (an ethanol extract of meat).
Brillat-Savarin never studied cooking: he wrote a book. And he did not know anything about chemistry.

2. About application: indeed because the application of sciences is not science, but technology, I gave the name "molecular cooking" to this modern way of cooking, which is to use hardware from laboratories (chemistry) to cook. I promoted that since 1980, but I gave the name itself only in 1999, because there was much confusion between cooking and sciences (of nature), in particular between cooking and molecular gastronomy.

mercredi 26 février 2020

Comment déguster, dans un jury



Alors que je sors d'un jury de dégustation, je m'aperçois que l'organisation était fautive, puisque  les jurés qui m'accompagnaient manquaient parfaitement de méthode, et que les grilles d'évaluation étaient insuffisantes, confondant la saveur et le   goût. Surtout, j'ai été choqué de voir que les jurés à ma table avaient l'impudence de vouloir noter sur leur goût propre, sur leurs préférences ! Ce n'est pas ça qui leur est demandé  : nous devons juger... quoi au juste ? Si l'objectif n'est pas clair, nos amis auront du mal.
En l'occurrence il s'agissait de miels, c'est-à-dire de préparations sucrées mais qui ne se réduisent certainement pas au sucre dans l'eau, sans quoi on mettrait du sucre dans  de l'eau et l'on ferait des sirops.
Non, les miels doivent savoir du goût,  et ce goût s'obtient précisément quand les abeilles butinent des plantes très particulières. Avec les miel toutes fleurs, on peut avoir, parfois, de bonnes surprises, mais avec les vielles monofloraux, on peut avoir plus de typicité, plus de chant gustatif.

Mais commençons par le commencement  : l'aspect. A notre table, il y avait des miels cristallisés et des miels liquides. Aucune des deux formes n'est fautive, en soi, d'autant que l'on sait que  le miel crémeux peut fondre, et que la cristallisation est d'une physico-chimie complexe. Bien sûr, les miels cristallisés ne doivent pas laisser  de trop gros cristaux en bouche, ne doivent pas fendre le palais... Mais, je le répète, la cristallisation se contrôle parfaitement. Pour les miels  liquides, le trouble n'est pas un défaut... car ce qui m'importe, c'est le goût.
Approchons un miel de la bouche : quand il passe devant le nez, laissons-l'y séjourner un peu, pour apprécier  l'odeur, l'odeur anténasale. Pas l'arôme, parce que le mot "arôme" désigne en français l'odeur d'une plante aromatique... ce que n'est pas le miel.
Là, pour l'odeur anténasale, je dois constater qu'il y avait de belles différences, selon les échantillons. Pour certains miels,  une très belle odeur, puissante, et pour d'autres miels,  une odeur beaucoup plus faible. Une odeur faible, c'est déjà le signe que le miel n'aura sans doute pas une  grande qualité gustative. Pas une preuve absolue, mais un premier signe.
Puis j'ai proposé aux jurés à ma table de se pincer d'abord le nez avant de mettre le miel en bouche, car c'est ainsi que l'on perçoit la saveur, indépendamment des autres composantes du goût. Et là on percevait effectivement des miels plus ou moins sucrés, des acidités plus ou moins agressives, des fraîcheurs, parfois une amertume. Certains miels étaient  excessivement sucrés, preuve  sans doute que le contenu en fructose était important  ; et quand le  sucré l'emportait, il y avait donc un défaut.
Puis quand on libère les narines lors de la mastication, alors on perçoit l'odeur retronasale, qui,  avec la saveur et le reste des sensations,  fait le goût. Là,  il y a eu de très beaux miels,  avec des odeurs de cire propre,  de rose,  florales, fruités... Cela, ce sont des vrais qualité.
Enfin on n'oubliera pas qu'il est toujours bon de considérer la longueur en bouche,  et c'est là où j'ai eu des plus belles surprises  : alors que certains miels qui, d'ailleurs,  n'avaient pas beaucoup d'odeur anténasale n'avait de durée en bouche que quelques secondes, il y a eu un miel très puissant, pour lequel le goût a persisté  pendant 40 secondes. Je dis bien 40 secondes  : je ne l'aimais pas particulièrement, mais qu'importe mon goût personnel idiot ; c'était un miel extraordinaire et j'ai appuyé de toutes mes forces pour qu'on lui donne une médaille !

mardi 25 février 2020

La nature se dévoile devant la science : mieux !

J'ai publié il y a quelque temps un billet de ce même titre... mais il était trop court. J'ai donc tout repris, et voici qui est mieux  !


Un ami m'envoie une image de cette statue : "la nature se dévoile devant la science".


Regardons-la de façon critique : n'est-il pas amusant de voir qu'un sculpteur -Ernest Barrias- donne de la nature l'image d'une femme, mais, surtout, que cette femme se dévoile, comme si la "Science" suffisait à apparaître pour que tout soit joué. D'ailleurs, c'est étrange aussi que la statue se dévoile devant nous, car tous les visiteurs qui font face à cette statue ne sont  pas scientifiques.
Et puis, pourquoi la nature serait-elle une femme ? En est-on encore à l'idée de la terre nourricière ? Certes, en français, la nature est au féminin, mais méfions-nous des genres : si les Français par de "la" lune et évoque "le" soleil, les Allemands évoque "die" Sonne, et "der" Mund, ce qui en dit long sur les interprétations des mythes alémaniques, et notamment du mythe de l'or du Rhin...

Mais c'est une autre histoire. Revenons à notre question de la nature qui se dévoile devant la science. En réalité, je trouve l'idée très fausse, très pernicieuse : il ne suffit pas de se présenter paresseusement devant la nature pour qu'elle se dévoile !
Je crois qu'il faut rectifier : ce sont les scientifiques, et certains d'entre eux seulement, les plus actifs, les plus ingénieux, qui, par une activité incessante, démultipliée, parviennent à lever difficilement un coin du grand voile. La nature, elle, n'est pas une personne, et, en tout cas, certainement pas la personne active qui est ici dépeinte.

D'ailleurs, l'expression "lever un coin du grand voile", qu'utilisait Albert Einstein, doit être discutée : si certains objets sont bien découverts (par exemple, le graphène, les fullérènes, les planètes extrasolaires, le boson de Higgs....), les théories, elles, sont certainement inventées. Le meilleur exemple est le formalisme de la physique quantique, qui peut être matriciel ou par opérateurs : qu'importe, le résultat est finalement le même.

Et puis, il faut répéter que nos théories sont insuffisantes, toujours insuffisantes par définition. Par des efforts considérables, les scientifiques parviennent difficilement à décrire les phénomènes de mieux en mieux. Un bon exemple est la loi d'Ohm, d'une proportionnalité entre la différence de potentiel électrique aux bornes d'un fil conducteur, et l'intensité du courant électrique qui parcourt le fil  : cette théorie était "assez bonne"... mais elle a été abattue par la découverte de l'effet Hall quantique, qui a valu le prix Nobel de physique à Klaus von Klintzing. Et nul doute que l'on améliorera encore les choses, un de ces jours, si un ou une scientifique s'y colle activement.

Activement : tout est là ! La nature n'est dévoilée que si l'on tire sur le voile avec une activité démesurée, avec une intelligence soutenus, qui n'est pas distraite par une poussière du monde que nous créons si nous n'y prenons pas garde (cela renvoie à d'innombrables billets précédents, donc je n'insiste pas).
Bref, nous pouvons dévoiler la nature, si nous sommes parfaitement actifs : cela doit être dit à tous nos jeunes amis !

lundi 24 février 2020

A propos de chimie qui serait partout, ou de cette notion de technoscience que je crois chimérique (pour l'instant)

Décidément, il faudra que l'on m'explique mieux... si l'on peut !
Des amis disent que "la chimie est partout", d'une part,  et d'autres prétendent que la science moderne est une "technoscience", d'autre part.

Je ne comprends pas l'argumentation de mes interlocuteurs. En soi, ce n'est pas grave, mais j'aimerais quand même être assuré de mes propres idées.

Commençons par la chimie, qui est donc une science de la nature : celle qui étudie les réarrangements d'atomes.
Que veulent dire nos amis qui disent que la chimie serait partout ? Quand on marche, quand on respire, il y a des myriades de réarrangements d'atomes (des "réactions", qui ne deviennent chimiques que s'ils sont étudiés par la chimie), mais une personne qui respire ou qui marche n'est pas un chimiste, puisque ce n'est pas un scientifique.

Mes interlocuteurs veulent-ils dire qu'il y a des réarrangements atomiques partout ?
D'abord, pas partout (parfois, pour les métaux ou pour des matériaux inorganiques, ce ne sont pas des molécules, dont il s'agit), et, ensuite, si c'est cela que l'on veut dire, pourquoi ne le dit-on pas ?
Mes interlocuteurs veulent-ils dire qu'il y a des applications de la chimie partout  :  les cosmétiques, les détergents, les engrais, etc. ?  Alors disons que les applications de la chimie sont (presque) partout...  mais pas la chimie elle-même,  puisque la chimie est  une science de la nature (on y reviendra), qui ne se confond pas avec ses applications... même si certains font la confusion des deux.
Plus généralement, je ne comprends pas l'intérêt qu'on certains à vouloir confondre les sciences et les applications des sciences  : l'arbre n'est pas le fruit.


Les technosciences seraient-elles comme les anges ?
À propos des "technosciences", maintenant, je maintiens que dire un mot ne suffit pas pour faire exister une idée : on peut parler des anges, mais ils n'existent pas (jusqu'à plus ample informé).
D'autre part, mes  interlocuteurs qui me parlent de technosciences sont souvent des épistémologistes qui évoquent je ne sais quel Kuhn (en réalité, je le sais très bien, puisque j'ai lu -sans plaisir- Thomas Kuhn), mais qu'ils me parlent de Kuhn, ou de Koyré, ou de Feyerabend, ou de Popper, ou de Wittgenstein, ou de Hottois, peu me chaut : c'est un argument  d'autorité... et la lecture de ces auteurs ne me convainc pas. 
Mais surtout, je vois mal pourquoi je devrais me référer à des épistémologistes ou des sociologues, puisqu'il suffit de réfléchir et d'observer l'activité scientifique que je fais chaque jour : comme beaucoup d'entre nous, je cherche les mécanismes des phénomènes (par une méthode que j'ai décrite par ailleurs trop souvent pour que j'y revienne ici).
Et là, nous savons parfaitement - à condition d'être de bonne foi- distinguer les activités scientifiques et les activités technologiques.

Enfin, oui, quand nous  sommes dans la partie expérimentale des sciences de la nature, quand nous faisons des mesures, nous utilisons des instruments de mesure, qu'il s'agisse d'un double décimètre, d'un thermomètre, d'un appareil de résonance magnétique nucléaire... ou d'un vélo quand nous allons au laboratoire.
Le statut intellectuel de ces objets est le même : ce sont des outils techniques utiles pour notre activité scientifique, et qui ont tous le même statut intellectuel, du vélo à la RMN. Et cela n'a pas changé depuis Galilée  :  le télescope s'apparente absolument à l'anneau du CERN à Genève.
Bref, il y a donc des personnes qui ont une activité qui consiste à utiliser ses instruments pour explorer les mécanismes les phénomènes, dans la composante expérimentale de leur activité. Je ne veux pas rentrer dans la querelle des adjectifs (science pure,  exacte,  fondamentale...). Je me contente donc de parler ici de sciences de la nature, en sachant parfaitement -j'insiste parce que j'ai toujours l'impression que certains de mes interlocuteurs me prennent pour un ignorant ou un imbécile- que le concept de nature est bien compliqué.
Il y a donc des personnes qui explorent les mécanismes des phénomènes à l'aide d'outils, et d'outils techniques puisque par définition un outil  sert à faire, ce qui est la définition la technique.
Ces personnes ont une activité de sciences de la nature même, si le mot nature est  bien compliqué (pardon, je saute cette discussion ici). Mais ce que je sais, c'est que la technique n'est pas première, mais seulement accessoire, et, ni Bachelard, ni Popper, ni Kuhn, ni Hottois, ni Ellul, ni aucun autre ne pourra me faire penser avec autorité que les sciences de la nature puissent être autre chose que... des sciences de la nature... quand elle le sont !
Car j'y  reviens : Lavoisier, Pasteur, et des personnes d'une stature respectable ont parfaitement distingué les sciences de la nature et leurs applications. Et rien n'a changé depuis eux.

Mais pour y revenir, je fais donc état de ma double incompréhension  : suis-je obtus, ou bien les arguments que l'on m'a donnés sont-ils mauvais, et déplacés ?
J'ajoute que je n'ai pas d'intérêt à prendre à parti plutôt qu'un autre, et je cherche simplement être conduit logiquement à une position ferme.
Pour l'instant aucune des argumentations à propos de la chimie qui  serait partout ou bien à propos de l'éventuelle existence de  technosciences ne m'a convaincue. J'en suis bien désolé !

dimanche 23 février 2020

Apprendre, c'est retenir

Il y a cette observation récurrente et terrible : je vois en Master 1 ou 2 de jeunes amis qui ignorent ce qu'est le potentiel chimique (par exemple) : à quoi il sert, quelle est son expression... Ou qui ne savent pas calculer le pH d'une solution un peu complexe. Ou qui ne connaissent  pas des réactions chimiques élémentaires de chimie organique (la réaction de Diels-Alder, de Friedel-Craft...).

Ces notions ont fait l'objet de leurs cours de licence, et ce sont des outils intellectuels des physiciens ou des chimistes,  un peu comme les marteaux ou les ciseaux à bois pour les menuisier, comme les poêles ou les couteaux pour les cuisiniers... On comprend qu'un menuisier a intérêt à savoir l'existence des ciseaux à bois, à savoir à quoi ils servent, à savoir comment les utiliser. Il en va exactement de même pour le potentiel chimique, et c'est la raison pour laquelle il est enseigné plutôt vers le début des études de sciences de la nature et de technologie.

Mais, surtout, j'espère que l'on comprend aussi mon étonnement quand mes jeunes amis arrivent dans mon entourage et que je constate -ils sont honnêtes avec moi, puisqu'ils savent que je suis leur ami, et que je cherche d'abord à les aider- qu'ils ignorent tout du potentiel  chimique (je répète : c'est un exemple)  sauf le nom  : ils sont un peu comme un jeune menuisier qui aurait des cours sur le ciseau à bois mais qui n'aurait retenu que le nom, et  même pas à quoi sert cet outil.
Bref, je constate que les cours de licence ont été inutiles, que les collègues professeurs, tout comme les étudiants qui ont suivi ces cours, ont peredu leur temps.

Que l'on me comprenne bien  : je ne suis pas en train de critiquer ni mes collègues professeurs, ni mes amis étudiants,  et je me limite à observer des faits. Et les faits sont que, année après année, mes jeunes amis  ignorent tout du potentiel chimique, sauf le nom... et encore : parfois, ils confondent le potentiel chimique avec le potentiel ionique (merveilleux qu'ils aient entendu le mot), voire la différence de potentiel.
Oui, je ne critique pas, mais j'observe que nos amis qui sont arrivés en master ont réussi leurs examens, où le potentiel chimique a sans doute fait l'objet de questions : une formule que l'on apprend la veille et que l'on oublie le lendemain ? C'est du temps perdu pour tous, et un examen mal conçu, inutile, hypocrite en quelque sorte. Oui, une connaissance éphémère est inutile, répétons-le : ceux qui ne veulent pas retenir (puisque apprendre, c'est cela), doivent faire autre chose qu'apprendre, sans quoi ils perdent leur temps.
Bien sûr, je sais que retenir impose d'y revenir plusieurs fois.... mais alors, revenons-y plusieurs fois ! Jusqu'à ce que nous le sachions ! 
Bref, il y a certainement quelque chose à changer dans le système des études supérieures, pour bien faire comprendre qu'apprendre, c'est avoir une connaissance durable... sans quoi on a rien appris. Ne perdons pas notre temps à faire des choses inutiles ; faisons des choses utiles, apprenons pour retenir, seulement pour retenir !