lundi 24 février 2020

A propos de chimie qui serait partout, ou de cette notion de technoscience que je crois chimérique (pour l'instant)

Décidément, il faudra que l'on m'explique mieux... si l'on peut !
Des amis disent que "la chimie est partout", d'une part,  et d'autres prétendent que la science moderne est une "technoscience", d'autre part.

Je ne comprends pas l'argumentation de mes interlocuteurs. En soi, ce n'est pas grave, mais j'aimerais quand même être assuré de mes propres idées.

Commençons par la chimie, qui est donc une science de la nature : celle qui étudie les réarrangements d'atomes.
Que veulent dire nos amis qui disent que la chimie serait partout ? Quand on marche, quand on respire, il y a des myriades de réarrangements d'atomes (des "réactions", qui ne deviennent chimiques que s'ils sont étudiés par la chimie), mais une personne qui respire ou qui marche n'est pas un chimiste, puisque ce n'est pas un scientifique.

Mes interlocuteurs veulent-ils dire qu'il y a des réarrangements atomiques partout ?
D'abord, pas partout (parfois, pour les métaux ou pour des matériaux inorganiques, ce ne sont pas des molécules, dont il s'agit), et, ensuite, si c'est cela que l'on veut dire, pourquoi ne le dit-on pas ?
Mes interlocuteurs veulent-ils dire qu'il y a des applications de la chimie partout  :  les cosmétiques, les détergents, les engrais, etc. ?  Alors disons que les applications de la chimie sont (presque) partout...  mais pas la chimie elle-même,  puisque la chimie est  une science de la nature (on y reviendra), qui ne se confond pas avec ses applications... même si certains font la confusion des deux.
Plus généralement, je ne comprends pas l'intérêt qu'on certains à vouloir confondre les sciences et les applications des sciences  : l'arbre n'est pas le fruit.


Les technosciences seraient-elles comme les anges ?
À propos des "technosciences", maintenant, je maintiens que dire un mot ne suffit pas pour faire exister une idée : on peut parler des anges, mais ils n'existent pas (jusqu'à plus ample informé).
D'autre part, mes  interlocuteurs qui me parlent de technosciences sont souvent des épistémologistes qui évoquent je ne sais quel Kuhn (en réalité, je le sais très bien, puisque j'ai lu -sans plaisir- Thomas Kuhn), mais qu'ils me parlent de Kuhn, ou de Koyré, ou de Feyerabend, ou de Popper, ou de Wittgenstein, ou de Hottois, peu me chaut : c'est un argument  d'autorité... et la lecture de ces auteurs ne me convainc pas. 
Mais surtout, je vois mal pourquoi je devrais me référer à des épistémologistes ou des sociologues, puisqu'il suffit de réfléchir et d'observer l'activité scientifique que je fais chaque jour : comme beaucoup d'entre nous, je cherche les mécanismes des phénomènes (par une méthode que j'ai décrite par ailleurs trop souvent pour que j'y revienne ici).
Et là, nous savons parfaitement - à condition d'être de bonne foi- distinguer les activités scientifiques et les activités technologiques.

Enfin, oui, quand nous  sommes dans la partie expérimentale des sciences de la nature, quand nous faisons des mesures, nous utilisons des instruments de mesure, qu'il s'agisse d'un double décimètre, d'un thermomètre, d'un appareil de résonance magnétique nucléaire... ou d'un vélo quand nous allons au laboratoire.
Le statut intellectuel de ces objets est le même : ce sont des outils techniques utiles pour notre activité scientifique, et qui ont tous le même statut intellectuel, du vélo à la RMN. Et cela n'a pas changé depuis Galilée  :  le télescope s'apparente absolument à l'anneau du CERN à Genève.
Bref, il y a donc des personnes qui ont une activité qui consiste à utiliser ses instruments pour explorer les mécanismes les phénomènes, dans la composante expérimentale de leur activité. Je ne veux pas rentrer dans la querelle des adjectifs (science pure,  exacte,  fondamentale...). Je me contente donc de parler ici de sciences de la nature, en sachant parfaitement -j'insiste parce que j'ai toujours l'impression que certains de mes interlocuteurs me prennent pour un ignorant ou un imbécile- que le concept de nature est bien compliqué.
Il y a donc des personnes qui explorent les mécanismes des phénomènes à l'aide d'outils, et d'outils techniques puisque par définition un outil  sert à faire, ce qui est la définition la technique.
Ces personnes ont une activité de sciences de la nature même, si le mot nature est  bien compliqué (pardon, je saute cette discussion ici). Mais ce que je sais, c'est que la technique n'est pas première, mais seulement accessoire, et, ni Bachelard, ni Popper, ni Kuhn, ni Hottois, ni Ellul, ni aucun autre ne pourra me faire penser avec autorité que les sciences de la nature puissent être autre chose que... des sciences de la nature... quand elle le sont !
Car j'y  reviens : Lavoisier, Pasteur, et des personnes d'une stature respectable ont parfaitement distingué les sciences de la nature et leurs applications. Et rien n'a changé depuis eux.

Mais pour y revenir, je fais donc état de ma double incompréhension  : suis-je obtus, ou bien les arguments que l'on m'a donnés sont-ils mauvais, et déplacés ?
J'ajoute que je n'ai pas d'intérêt à prendre à parti plutôt qu'un autre, et je cherche simplement être conduit logiquement à une position ferme.
Pour l'instant aucune des argumentations à propos de la chimie qui  serait partout ou bien à propos de l'éventuelle existence de  technosciences ne m'a convaincue. J'en suis bien désolé !

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