Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 26 février 2020
Comment déguster, dans un jury
Alors que je sors d'un jury de dégustation, je m'aperçois que l'organisation était fautive, puisque les jurés qui m'accompagnaient manquaient parfaitement de méthode, et que les grilles d'évaluation étaient insuffisantes, confondant la saveur et le goût. Surtout, j'ai été choqué de voir que les jurés à ma table avaient l'impudence de vouloir noter sur leur goût propre, sur leurs préférences ! Ce n'est pas ça qui leur est demandé : nous devons juger... quoi au juste ? Si l'objectif n'est pas clair, nos amis auront du mal.
En l'occurrence il s'agissait de miels, c'est-à-dire de préparations sucrées mais qui ne se réduisent certainement pas au sucre dans l'eau, sans quoi on mettrait du sucre dans de l'eau et l'on ferait des sirops.
Non, les miels doivent savoir du goût, et ce goût s'obtient précisément quand les abeilles butinent des plantes très particulières. Avec les miel toutes fleurs, on peut avoir, parfois, de bonnes surprises, mais avec les vielles monofloraux, on peut avoir plus de typicité, plus de chant gustatif.
Mais commençons par le commencement : l'aspect. A notre table, il y avait des miels cristallisés et des miels liquides. Aucune des deux formes n'est fautive, en soi, d'autant que l'on sait que le miel crémeux peut fondre, et que la cristallisation est d'une physico-chimie complexe. Bien sûr, les miels cristallisés ne doivent pas laisser de trop gros cristaux en bouche, ne doivent pas fendre le palais... Mais, je le répète, la cristallisation se contrôle parfaitement. Pour les miels liquides, le trouble n'est pas un défaut... car ce qui m'importe, c'est le goût.
Approchons un miel de la bouche : quand il passe devant le nez, laissons-l'y séjourner un peu, pour apprécier l'odeur, l'odeur anténasale. Pas l'arôme, parce que le mot "arôme" désigne en français l'odeur d'une plante aromatique... ce que n'est pas le miel.
Là, pour l'odeur anténasale, je dois constater qu'il y avait de belles différences, selon les échantillons. Pour certains miels, une très belle odeur, puissante, et pour d'autres miels, une odeur beaucoup plus faible. Une odeur faible, c'est déjà le signe que le miel n'aura sans doute pas une grande qualité gustative. Pas une preuve absolue, mais un premier signe.
Puis j'ai proposé aux jurés à ma table de se pincer d'abord le nez avant de mettre le miel en bouche, car c'est ainsi que l'on perçoit la saveur, indépendamment des autres composantes du goût. Et là on percevait effectivement des miels plus ou moins sucrés, des acidités plus ou moins agressives, des fraîcheurs, parfois une amertume. Certains miels étaient excessivement sucrés, preuve sans doute que le contenu en fructose était important ; et quand le sucré l'emportait, il y avait donc un défaut.
Puis quand on libère les narines lors de la mastication, alors on perçoit l'odeur retronasale, qui, avec la saveur et le reste des sensations, fait le goût. Là, il y a eu de très beaux miels, avec des odeurs de cire propre, de rose, florales, fruités... Cela, ce sont des vrais qualité.
Enfin on n'oubliera pas qu'il est toujours bon de considérer la longueur en bouche, et c'est là où j'ai eu des plus belles surprises : alors que certains miels qui, d'ailleurs, n'avaient pas beaucoup d'odeur anténasale n'avait de durée en bouche que quelques secondes, il y a eu un miel très puissant, pour lequel le goût a persisté pendant 40 secondes. Je dis bien 40 secondes : je ne l'aimais pas particulièrement, mais qu'importe mon goût personnel idiot ; c'était un miel extraordinaire et j'ai appuyé de toutes mes forces pour qu'on lui donne une médaille !
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