Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 7 février 2020
C'est important, pour les professeurs
Je vois aujourd'hui deux questions :
(1) comment bien écouter et conserver des traces de ce que l'on entend, ce que l'on comprend ?
(2) comment se fait-il que des informations qui sont donnés explicitement ne soient pas reçues ?
La première question est ancienne, et elle se pose pour tous les cours, de tous les temps. On comprend que des étudiants attentifs, qui veulent retenir des points importants d'un discours oral, veuillent noter quand ils ne peuvent tout enregistrer. Mais notant, ils perdent le fil et le contenu de ce qui suit leur échappe. Je caricature évidemment, mais c'est une très vieille question, qui a été souvent discutée, et que j'ai rencontrée personnellement sous une autre forme dans des amphithéâtres que je donnais pour les universités de l'Université Paris 6 : il y avait dans le groupe deux étudiants qui se parlaient, ce qui gênait l'ensemble du groupe... mais il est apparu que ces deux étudiants avaient été particulièrement intéressés par un point du cours, et qu'ils le discutaient en vue de mieux le comprendre. C'était donc le zèle qui les faisait apparaître cancres !
Cela étant, la possibilité d'enregistrer ce que l'on entend nous permet aujourd'hui d'y revenir... ce qui doit d'ailleurs changer le discours qui est délivré. Mais il faudra y revenir.
D'autant que tout est en ligne : faut-il alors écouter, prendre du temps pour enregistrer ce que l'on trouvera en ligne ? Les étudiants doivent-ils aller en cours ? Pas sur ! Et, en tout cas, si l'on veut éviter des redondances, il faudra que les cours soient autre chose.
D'ailleurs, cours profonds ou cours feux d'artifices ? Les derniers donnent de l'enthousiasme.
Et dans tous les cas, il reste que le temps d'étude s'impose.
Pour la deuxième question, je suis plus dubitatif mais très intéressé de voir que depuis deux jours, dans un groupe de gens de bonne volonté, il y a eu, soit par autre que moi, soit par moi-même, des informations qui on été donnés et qui n'ont absolument pas été comprises.
On peut bien sûr imaginer des causes. Par exemple, des différence de niveaux de langue : il est vrai que si l'on s'adresse à quelqu'un qui ne parle pas notre langue, qu'il s'agisse d'une langue étrangère ou d'un vocabulaire différent de celui qui est connu, alors l'incompréhension est quasi certaine.
Mais quand les termes sont tous simples, pourquoi ne comprendrait-on pas ? Il peut y avoir une question de rapidité : si les informations sont données trop vite, alors le temps que l'on passe à la première ne permet pas d'accéder à la deuxième si celle-ci arrive tant qu'on a pas fini de digérer le premier morceau. Ici le remède est simple : il s'agit d'aller beaucoup plus lentement.
Mais il y a sans doute d'autres causes : lesquelles ?
jeudi 6 février 2020
La "pyramide" des études ? Méfions-nous !
Je viens de recevoir un très "intéressant" document qui discute l'efficacité des méthodes d'étude, sous la forme d'une pyramide (un schéma simple, ça marche toujours, non ?) venant d'une institution de formation prestigieuse (une école de commerce : des quasi divinités, non ?)... et je dois avouer que je suis tombé dans le panneau de l'argument d'autorité, pendant quelques secondes. Mais c'est parce que je suis affligé de la même mauvaise foi que l'ensemble de mes congénères, et j'aurais dû relire mon propre livre !
Bref, j'ai reçu la pyramide suivante :
Elle dit (mais tout ce que l'on nous dit n'est pas juste, loin s'en faut) que les études seraient plus efficaces quand les informations sont transmises par des pairs que quand il y a un cours donné par un professeur. Cela me prenait dans le sens du poil, mois qui ne cesse de discuter la question des études au point de refuser de parler d'enseignement : voir http://www2.agroparistech.fr/-A-propos-d-etudes-superieures-mais-pas-seulement-.html.
De surcroît, je récuse l'autorité des professeurs... mais pas complètement comme on le verra. Ce que j'accuse, c'est que les professeurs aient une autorité, non pas intellectuelle, mais humaine. Car sommes-nous bien assurés qu'ils soient tous supérieurs aux étudiants ? Qu'ils soient tous des exemples moraux et politiques ? Devons-nous supporter que cette autorité ne soit pas discutée ? En outre, je maintiens que les professeurs sont prétentieux de penser qu'ils puissent enseigner, parce qu'un étudiant qui n'a pas décidé d'étudier n'apprendra pas, en dépit des efforts éventuels du professeur, de son "autorité".
Bref, cette pyramide m'allait bien, jusqu'au moment où je me suis aperçu qu'il y avait des évaluations numériques : 95, 5, etc. Or mon métier m'a habitué à discuter les valeurs numériques, et, au minimum, de les assortir d'estimation des incertitudes. On mesure ? Alors on estime les incertitudes, surtout si l'on veut comparer des mesures. Et puis, on mesure comment, avec quel instrument, quelle méthode ?
Mais au fond, je ne vais pas perdre mon temps à aller regarder cela dans une éventuelle publication, parce que ma réflexion me montrer que tout cela est idiot : la question est celle de l'efficacité des méthodes d'études... mais pour qui ? Je vois tant d'amis qui n'étudient pas comme moi que je dois conclure que les étudiants sont tous différents, et que l'efficacité des méthodes dépendent des humains, de leur culture, de leurs habitudes, de leur milieu, de leur pays...
D'ailleurs, même quand on évoquer les cours donnés par les professeurs, c'est idiot de parler de cela comme quelque chose d'homogène, car il y a des professeurs merveilleux, et d'autres... moins bien. L'efficacité de leur discours n'est certainement pas la même !
Et par les pairs : si mes pairs sont des paresseux ignares, leur transmission sera-t-elle bonne ?
Bref, avant de caractériser un objet, il faut quand même s'assurer que cet objet existe, et, en l'occurrence, il n'existe pas : il n'y a pas "les pairs" comme un tout homogène, ou "les professeurs", ou "les étudiants".
Et je m'en veux d'avoir vaciller quelques instants. Bon, quelques instants seulement, le temps d'un clic en quelque sorte et, au fond je suis très heureux d'avoir finalement hésité avant d'avoir pris le dessus, car cela me donne l'occasion d'y revenir, de bien ruminer tout cet événement, de l'analyser, de discuter, afin de devenir demain un peu moins bête qu'aujourd'hui.
Bref, j'ai reçu la pyramide suivante :
Elle dit (mais tout ce que l'on nous dit n'est pas juste, loin s'en faut) que les études seraient plus efficaces quand les informations sont transmises par des pairs que quand il y a un cours donné par un professeur. Cela me prenait dans le sens du poil, mois qui ne cesse de discuter la question des études au point de refuser de parler d'enseignement : voir http://www2.agroparistech.fr/-A-propos-d-etudes-superieures-mais-pas-seulement-.html.
De surcroît, je récuse l'autorité des professeurs... mais pas complètement comme on le verra. Ce que j'accuse, c'est que les professeurs aient une autorité, non pas intellectuelle, mais humaine. Car sommes-nous bien assurés qu'ils soient tous supérieurs aux étudiants ? Qu'ils soient tous des exemples moraux et politiques ? Devons-nous supporter que cette autorité ne soit pas discutée ? En outre, je maintiens que les professeurs sont prétentieux de penser qu'ils puissent enseigner, parce qu'un étudiant qui n'a pas décidé d'étudier n'apprendra pas, en dépit des efforts éventuels du professeur, de son "autorité".
Bref, cette pyramide m'allait bien, jusqu'au moment où je me suis aperçu qu'il y avait des évaluations numériques : 95, 5, etc. Or mon métier m'a habitué à discuter les valeurs numériques, et, au minimum, de les assortir d'estimation des incertitudes. On mesure ? Alors on estime les incertitudes, surtout si l'on veut comparer des mesures. Et puis, on mesure comment, avec quel instrument, quelle méthode ?
Mais au fond, je ne vais pas perdre mon temps à aller regarder cela dans une éventuelle publication, parce que ma réflexion me montrer que tout cela est idiot : la question est celle de l'efficacité des méthodes d'études... mais pour qui ? Je vois tant d'amis qui n'étudient pas comme moi que je dois conclure que les étudiants sont tous différents, et que l'efficacité des méthodes dépendent des humains, de leur culture, de leurs habitudes, de leur milieu, de leur pays...
D'ailleurs, même quand on évoquer les cours donnés par les professeurs, c'est idiot de parler de cela comme quelque chose d'homogène, car il y a des professeurs merveilleux, et d'autres... moins bien. L'efficacité de leur discours n'est certainement pas la même !
Et par les pairs : si mes pairs sont des paresseux ignares, leur transmission sera-t-elle bonne ?
Bref, avant de caractériser un objet, il faut quand même s'assurer que cet objet existe, et, en l'occurrence, il n'existe pas : il n'y a pas "les pairs" comme un tout homogène, ou "les professeurs", ou "les étudiants".
Et je m'en veux d'avoir vaciller quelques instants. Bon, quelques instants seulement, le temps d'un clic en quelque sorte et, au fond je suis très heureux d'avoir finalement hésité avant d'avoir pris le dessus, car cela me donne l'occasion d'y revenir, de bien ruminer tout cet événement, de l'analyser, de discuter, afin de devenir demain un peu moins bête qu'aujourd'hui.
mercredi 5 février 2020
Ne pas tout confondre par ignorance ou par idéologie
Alors que le restaurant de Paul Bocuse vient de perdre sa troisième étoile, je vois un journaliste prendre la défense de ce restaurant et dire que là, enfin, on a de la vraie cuisine française et pas ces viandes standardisées cuites à basse température.
Je ne cherche pas ici à prendre parti pour ou contre la troisième étoile du restaurant où Paul Bocuse n'est plus, mais simplement de discuter cette idée selon laquelle le rôtissage ou d'autres cuissons de ce type (lesquelles ?) vaudraient mieux que la cuisson à basse température.
Et je tiens à signaler immédiatement que la critique faite aux cuissons basses température s'apparente en tous points au critiques que faisaient certains, au début du 20e siècle, quand le gaz est arrivé à tous les étages et que l'on a cuit autrement que par du bois ou du charbon. D'ailleurs, ces critiques sont du même type que celles qui sont apparues quand on a introduit les mixers, avec lesquels on a fait des farces bien plus fines que par le passé, au tamis, en y passant des heures. Ou quand on a commencé à utiliser les feuilles de gélatine plutôt que le pied de veau. Ou encore quand on a produit des mousses au siphon, au lieu de passer de longs moments au fouet. Et ainsi de suite...
Dans tous ces cas, on ne peut s'empêcher de penser à la crise des canuts à Lyon, ou aux Luddites, c'est-à-dire quand des techniques modernes ont mis des gens au chômage. Oui, dans chaque cas, il y a l'avènement de systèmes techniques modernes qui facilitent le travail, mais qui sont refusés pour des raisons en réalité idéologiques, politiques. Mon point de vue : si c'est le cas, disons le franchement, sans incriminer la technique pour ce qu'elle produit, mais pour ses conséquences.
Mais revenons à cette question de la basse température pour observer que les grands auteurs de cuisine du passé, en France, n'avaient pas de mots assez élogieux pour le braisage, cette grande opération culinaire française classique, qui fait des viandes parfaitement tendres.
Le braisage se faisait dans une braisière, cendres dessus et dessous, et c'était en réalité de la cuisson à basse température, sauf que l'on avait le plus grand mal à contrôler la cuisson et que l'on savait bien que le moindre coup de feu ruinait tout. Un coup de feu, cela signifie passer à plus haute température, et effectivement, c'est pour les éviter que la cuisson basse température a été introduite.
La cuisson à basse température, il faut le répéter, c'est du braisage, et du braisage parfait en quelque sorte.
De sorte que le journaliste dont il était question au début de ce billet n'a rien compris techniquement, à moins qu'il ait tout mélangé volontairement, pour des raisons politiques ?
Dans toutes ces affaires, il y a la question du mélange entre l'appréciation technique et l'idéologie. On comprend bien que certains individus puissent avoir peur de perdre une compétence unique, un savoir-faire, voire leur emploi. Cela est légitime, mais c'est une autre affaire que la question technique elle-même.
Bref, il y a soit un peu d'incompétence technique, sois un peu de malhonnêteté idéologique à faire la critique qui a été faite contre la cuisson à basse température.
D'autant que « la » cuisson à basse température n'existe pas : il y a mille cuissons à basse température, et les résultats sont tous différents. De même, la fraise n'existe pas : il y a mille fraises différentes, aux goûts tous différents.
À propos de la cuisson basse température, on est donc dans une généralisation hâtive et déplacée, et je retrouve une fois de plus, pour des raisons qu'il faut bien élucider, la vraie la grande querelle entre Aristote et Platon. Le Beau n'existe pas : il y a des beaux. Le Bon, idem. La Fraise, la Bonne Cuisson... Tout cela, c'est du fantasme, et le monde est bien plus beau que s'il y avait une voie unique.
Il y a mille belles cuissons, et c'est en le reconnaissant que nous ferons grandir l'Art culinaire.
mardi 4 février 2020
Galettes des rois
On me demande de parler de galette, puisque c'est environ la saison, et je réponds que j'en ai déjà parlé souvent. En revanche, je ne retrouve pas les billets où je l'ai fait, je sorte que je me vois obligé de reprendre ici l'analyse.
Et cette analyse consiste principalement à dire que la galette s'obtient simplement en soudant deux disques de pâte feuilletée après avoir mis au milieu une garniture si l'on y tient. Car on peut très bien se limiter à de la pâte feuilletée, que l'on aura évidement dorée à l'or et au sucre.
Mais en général, donc, il y a deux questions : celle de la pâte feuilletée, et celle de la garniture.
Commençons par la garniture, qui est souvent une préparation crémeuse, comme une crème pâtissière avec de la poudre d'amande. La crème pâtissière contient de l'oeuf, du sucre, du lait, de la farine. Rien que les ingrédients qui plaisent, surtout si l'on ajoute la poudre d'amande qui est un must en pâtisserie. Je n'insiste guère : il suffit de dire que cette crème est à la fois comme une crème anglaise, avec l'oeuf qui forme des grumeaux microscopiques en cuisant, et la sauce blanche, où les grains d'amidon qui s'empèsent en cuisant donnent de l'épaisseur, de la consistance.
Pour la pâte feuilletée, j'en ai également parlé souvent : le procédé classique de production des pâtes feuilletées, avec du beurre enveloppé dans de la pâte, le tout étant étendu et replié six fois, conduit à des empilements de feuillets de beurre et de feuillets de pâtes. Quand on a replié 6 fois, il y a 729 feuillets de beurre et 730 feuillets et de pâtes, qui se séparent à la cuisson parce que l'eau de la pâte s'évapore, formant une vapeur qui prend beaucoup de place. Plus exactement, les feuillets se séparent... s'ils n'ont pas été soudés, ce qui s'obtient quand le coup de rouleau est bien régulier, que le pâton a été travaillé de façon aussi délicate, régulière que possible.
Mais on le voit, tout cela est assez facile.
Facile ? Oui facile mais il y a des différences extraordinaires entre les recettes, et l'on peut s'interroger sur les qualités d'une bonne galette des rois. Là, cette question est la même que celle que j'ai posée à mon ami Charles Blanck, vigneron alsacien, pour comprendre pourquoi le vin de Zind-Humbrecht, en Alsace, était si exceptionnel. Et la réponse de mon ami Charles a été en quelque sorte évidente : tout est fait à la perfection, depuis le saut du lit au matin jusqu'au coucher le soir. Les soins de la vigne, la manipulation des raisins, la conduite de la fermentation, l'élevage des vins... Il ne s'agit pas de bio ou de biodynamie, ou que sais-je, mais de soin : a chaque étape, le vigneron veut faire quelque chose de parfait, d'aussi parfait que possible, et cela se sent finalement.
Il y a là quelque chose qui doit me faire réfléchir à mon analyse du travail technique, pour laquelle je disais que le soin était l'essentiel. J'avais analysé le soin en termes d'amour, en expliquant quel travail soigné, c'est aussi une façon de dire je t'aime parce que cela se voit. Mais dans le cas du vin, c'est plus : c'est une question d'effet sur le produit final.
Et il en va de même pour la galette !
lundi 3 février 2020
Crêpes et galettes
Ce matin, c'est de crêpes et de galettes dont je veux parler. Je fais la bien la différence, car, ayant été crêpier en Bretagne il y a bien longtemps, je sais parfaitement que la pâte à galette se fait avec du sarrasin (ou blé noir), de l'eau et du sel, alors que la pâte à crêpes se fait avec de la farine de froment, des oeufs, de l'eau ou du lait, du sel. Ces deux préparations conduisent à des produits bien différents.
Pour la pâte à galette, pour laquelle il n'y a pas d'oeufs, ce sont les grains d'amidon de la farine qui, chauffés dans l'eau, vont s'empeser, c'est-à-dire gonfler en absorbant de l'eau, et se souder, libérant aussi dans leur environnement des composés qui augmentent la viscosité et qui facilitent la soudure. La cohésion n'est pas considérable, et il faut soit des épaisseurs très faibles pour que tout se tienne, soit une belle épaisseur pour que la galette supporte d'être retournée.
,Pour la pâte à crêpes, il y a l'oeuf qui, en coagulant, assure de la cohésion, ce qui permet de faire des crêpes bien plus minces, des crêpes dentelles
Tout cela étant dit, on peut entrer maintenant plus dans les détails pour ceux qui le souhaitent. La farine, donc, est essentiellement composée de petits grains, qui sont des grains d'amidon. L'amidon n'est pas une matière chimique pure : c'est le nom donné à ces grains qui sont faits de couches concentriques, avec deux sortes de molécules, à savoir des molécules d'amylose et des molécules d'amylopectine. Dans les deux cas, ces molécules sont des enchaînements d'un même motif qui est un "résidu de glucose", ce qui ne signifie pas que ce soit formé par dégradation du glucose, mais seulement que c'en est une partie. Et ces résidus de glucose forment comme les maillons d'une chaîne. L'amylose est comme une chaîne habituelle, linéaire, tandis que l'amylopectine est ramifiée, comme un arbre.
Ce qu'il faut considérer, c'est que ces molécules s'enchevêtrent, et aussi que, si l'on poursuit la cuisson, l'eau s'évapore comme on le voit à la fumée qui s'élève au-dessus des bilics ou des poêles. De sorte que toute l'eau est évaporée, on a soudure des grains d'amidon mais, aussi, formation d'une feuille croustillante.
Ce qui me donne l'occasion de répéter deux de mes commandements édictés dans mon livre Mon histoire de cuisine :
- les aliments qui contiennent un liquide sont souples, tendres, moelleux,
- tandis que les aliments où l'on a éliminé les liquides sont croquants, craquants, croustillants
dimanche 2 février 2020
Améliorons le koulibiac... pour faire des poissons en croûte feuilletée
Le koulibiac est un plat qui est dit d'origine russe, avec une pâte qui enferme du poisson, du riz, des oeufs dur, des épinards, des échalotes.
J'ai toujours trouvé que ce plat était lourd, et d'ailleurs, je ne peux m'empêcher d'observer qu'il y a comme une redondance entre le riz et la pâte : deux ingrédients qui apportent le même type d'effet, ce que mon ami Pierre Gagnaire dirait sans doute "le pain avec le pain". De surcroît, le riz dans l'intérieur du plat ne vient pas faire de contraste avec la pâte.
Pourtant, on pressent qu'il y a quelque chose d'intéressant dans ce plat, avec une bonne pâte feuilletée, et un poisson pas trop cuit, sans oublier qu'il faudra ajouter une belle sauce (au vin et à la crème).
L'analyse d'un défaut courant des koulibiac révèle des pistes d'amélioration. Souvent le poisson est trop cuit, donc sec, et ce n'est pas l'oeuf dur ni le riz qui peuvent venir contrebalancer cela. En revanche, on peut analyser la question et comprendre qu'il faut protéger le poisson d'une cuisson excessive en amincissant la pâte, ce qui permet de raccourcir la cuisson, et aussi en enveloppant le poisson dans des matières qui ralentirons les transferts de chaleur. Par exemple, on peut très bien faire un lit de champignons de Paris à peine cuits et une couverture d'épinard juste tombés au beurre, avec bien sûr des échalotes hachées préalablement passées au beurres : fondantes, elles viendront apporter du moelleux à tout cela.
Et c'est ainsi que je vous propose de faire un plat qui n'est plus un koulibiac, mais dont je peux vous garantir qu'il est absolument délicieux :
1. on abaisse une pâte feuilletée très mince
2. au centre, on pose un lit de champignons de Paris crus en lamelles assez épaisses
3. sur ce lit de lamelles de champignons de Paris, on dépose le filet de poisson (cru)
4. on met par-dessus les échalote émincées et passées au beurre, fondantes
5. on couvre d'épinards cuis très légèrement, juste tombés à la vapeur
6. on referme la pâte
7. on dore évidement au jaune d'oeuf
8. on cuit jusqu'à ce que le mince feuilletage soit doré
9. et je vous invite à accompagner préparation de la sauce alsacienne que j'ai décrite ailleurs.
samedi 1 février 2020
La véritable et merveilleuse sauce au vin d'Alsace
En Alsace, coq au riesling, avec, donc, une merveilleuse sauce au riesling ; il y a des poissons avec une sauce un régal, encore au vin...
J'ai cherché longtemps comment les faire, j'ai tourné autour des recettes des uns et des autres, orales ou écrites, et j'ai vu des liaisons à l'oeuf, des liaisons à la farine... Mais, finalement, l'amitié de quelques cuisiniers alsaciens m'a donné la cé du mystère : ces sauces merveilleuses sont des réductions de fond de poisson (ou de volaille), de vin et de crème.
Évidemment, tout tient dans la qualité des trois ingrédients : le fond de poisson (ou de volaille, ou le fumet de champignons), le vin et la crème.
Ainsi, plus d'une sauce que j'ai testée était un peu vulgaire parce que le fond était médiocre. Non, il faut un beau fond de poisson, à partir d'un poisson pas trop gras ; il faut que le fonds soit dégraissé.
Pour le vin, aussi, il faut aussi un bon vin, qui apporte de la structure à la sauce, qui viennent équilibrer la puissance du fond de poisson. Enfin il faut la crème, et là, il faut quand même dire qu'il y a toute la différence du monde entre la crème des Vosges et des crèmes plus standard telles qu'on les trouve trop souvent en région parisienne. Pour preuve, d'ailleurs, la crème Alsace lait monte en chantilly en 22 secondes montre en main ! Alors qu'avec la crème de supermarché que je trouve à Paris, il me faut plusieurs minutes...
Finalement, quand les ingrédients sont bons, on produit une sauce nappante, onctueuse, délicieuse, qui n'a pas la lourdeur d'une sauce liée à la farine, qui garde un chant bien clair sans que l'exubérance du jaune d'œuf ne vienne s'imposer, comme dans les sauces liées à l'oeuf. La recette ?
1. faire un fond de poisson
2. le dégraisser
3. ajouter autant de vin que de fond
4. réduire beaucoup
5. ajouter beaucoup de crème
6. réduire jusqu'à consistance nappante
7. rectifier l'assaisonnement
Mais surtout, n'hésitons pas : choisissons les bons ingrédients pour faire une bonne sauce.
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