Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 15 juin 2016
Le végétal, un nouveau pétrole ?
Mon ami Jean-François Maurot Gaudry publie un livre intitulé "Le végétal, nouveau pétrole ?". De quoi s'agit-il ?
L’Académie d’Agriculture de France s’intéresse depuis plusieurs années à la valorisation de la matière biologique végétale notamment pour des applications autres qu’alimentaires.
En effet, suite à l’« oubli » qu’a amené l’arrivée des produits carbonés fossiles, charbon, gaz et pétrole, dans les pays industrialisés, nous redécouvrons depuis peu que beaucoup de produits chimiques carbonés (lubrifiants, solvants, tensioactifs, etc.), matières énergétiques et matériaux (matières plastiques, par exemple) peuvent aussi être fabriqués à partir de la matière biologique, la biomasse, à des coûts énergétiques relativement bas tout en rejetant peu de gaz à effet de serre et de produits toxiques dans l’environnement.
Cette prise de conscience nous a amenés à revoir notre façon de penser et notre manière de vivre et à nous orienter vers une nouvelle économie dite bioéconomie, qui préconise de réduire ou de remplacer le plus possible l’utilisation de ces hydrocarbures fossiles par des ressources végétales renouvelables produites par la photosynthèse.
Cet ouvrage rappelle tout d’abord les problèmes posés par l’utilisation massive, voire exclusive dans certains cas, des produits fossiles pour la chimie et la fabrication des matériaux à base de carbone. Il décrit ensuite les principaux composés rencontrés dans les végétaux et leurs transformations en biomolécules et bioproduits, à la base de la chimie organique.
Il évoque les avantages et les problèmes posés par cette approche durable de la chimie, aux racines finalement ancestrales. Une liste des principales plantes d’intérêt est donnée pour montrer combien de nombreux végétaux sont encore détenteurs de molécules originales pour la chimie, parfumerie et cosmétologie incluses. Une discussion conclusive sur les retombées économiques, sociétales et environnementales de cette approche « chimie biosourcée » montre que cette économie « verte » n’est pas une utopie mais une réalité qui prend forme dans un monde conscient des limites de l’utilisation excessive des produits fossiles.
Dans un esprit de synthèse, sans être exhaustifs, il a essayé d’être le plus objectif possible dans les débats qu’engendre cette nouvelle approche de la chimie issue essentiellement de produits biologiques végétaux. Ces réflexions essaient de croiser, sans a priori ni exclusive, les connaissances les plus récentes avec les attentes technologiques nécessaires à une chimie et agriculture durables.
Jean-François Morot-Gaudry, directeur de recherche honoraire de l’INRA, a animé à l’Académie d’agriculture de France un groupe de travail intéressé par la valorisation non alimentaire des produits agricoles en chimie et biomatériaux.
Les résultats des recherches et réflexions de ce groupe ont fait l’objet de la publication de cet ouvrage paru aux éditions Quae.
dimanche 12 juin 2016
Faire n'est pas comprendre
Commençons par un avertissement : ce que je dis ici est factuel. Ce n'est pas une critique des étudiants ou des collègues, mais une nécessaire observation, en vue d'améliorer l'enseignement. Et, pour sous-tendre toute la discussion qui suit, merci de garder en tête les mots "indulgence", "bonté", "réalisme", "pragmatisme", "idéal", "amélioration"... Je ne donne pas de leçons, mais j'essaie d'oeuvrer pour le bien commun ; oui, je ne donne pas de leçons, car je n'oublie pas que je suis personnellement insuffisant, en tant qu'étudiant, en tant qu'enseignant, en tant que chercheur (mais j'essaie de me soigner par le travail).
Ca y est ? On est dans état d'esprit indulgent ? Alors allons-y.
D'abord, c'est un fait que certains collègues ne me croient pas quand je leur dis que certains étudiants de mastère ont des capacités de calcul extrèmement réduites. C'est pourtant un fait, notamment pour les matières qui s'éloignent de la physique : quand j'évoque le potentiel chimique, ou l'enthalpie libre, ou l'ensemble micro-canonique, ou encore l'équation de Schrödinger, les éudiants de chimie, de biochimie, de biologie, de nutrition sont souvent ignorants de ces notions. Quand ils sont en confiance, ils admettent se souvenir que ces mots ont été prononcés dans le premier cycle universitaire (ouf !)... et qu'ils ont tout oublié de ce dont il s'agit. Il leur reste les mots, mais, en tout cas, ils ne sont certainement plus (pas ?)capables de mettre en oeuvre les concepts en question.
Là, il faut que je remette une couche de précautions liminaires. Avec deux remarques : la première est que je ne condamne évidemment pas les disciplines éloignées de la physique, et qui ont une autre spécificité. La deuxième est que je ne condamne pas non plus les étudiants ; j'observe seulement que les notions précédentes leur manquent, de sorte qu'il devient difficile de construire un enseignement "par dessus", disons un enseignement qui utilise ces idées pour aller plus loin, vers du savoir de notre vingt-et-unième siècle.
Mais nous n'en sommes qu'au début de la discussion. Le cas le plus intéressant est celui de la règle de trois, qui, je le maintiens, n'est pas maîtrisée.
Là, mes collègues me disent généralement que j'exagère, mais j'ai dans mon bureau, accrochée au mur, une feuille où deux étudiants de mastère ont eu la même règle de trois à faire et ont produit deux résultats différents. Un des deux résultats est faux, donc, et l'autre est juste, mais l'étudiant qui l'a produit n'était pas prêt à parier une bouteille de champagne que son calcul était bon. D'ailleurs, je ne conserve cette feuille que comme une preuve de ce que j'avance, pour les autres, car, pour moi, je sais parfaitement que la très grande majorité des étudiants venus en stage ont perdu environ une semaine de travail en raison de calculs de concentrations qui étaient faux, ce qui revient à l'usage de la règle de trois.
Prenons la question simplement.
D'abord, un exemple. Supposons que pour 2,03 euros on ait 0,57 kg de banane, combien aurait-on pour 7,51 euros ?
Quand je pose la question, j'ai deux types de réponses : il y a les étudiants qui mettent correctement en oeuvre le "produit en croix", et qui, de ce fait, obtiennent un résultat juste, et ceux qui ne mettent pas correctement en oeuvre la technique -mécanique, il faut le répéter- et qui ont un résultat aléatoire, ce qui est une façon pudique de dire que le résultat est faux (dans la majorité des cas).
Pour ces derniers, on peut trouver des explications (ils sont intimidés, par exemple), mais quand même : ne doit-on pas s'interroger sur les mécanismes qui ont permis de faire arriver jusqu'en mastère de science des étudiants qui ne savent pas faire une règle de trois ? Je suis moins de ceux qui passent leur temps à analyser des questions difficiles, que de ceux qui, bien plus positivement, cherchent à rendre tous les étudiants autonomes : à les rendre tous capables de produire un résultat juste tout en étant assurés que ce résultat est juste puisque, un jour, plus personne ne sera derrière eux pour le valider.
Et c'est pour cette raison que je les questionne en leur demandant s'ils seraient prêts à parier une caisse de champagne sur le résultat qu'ils produisent. Je n'ai jamais eu personne prêt à faire ce pari, et encore moins quand j'évoque que leur vie puisse en dépendre.
La vraie question est là, la question honnête : comment être certain que notre calcul est juste?
La mise en oeuvre du produit en croix n'est pas une garantie de l'exactitude du résultat. C'est une opération mécanique, comme une espèce de petite boîte noire munie d'une manivelle que l'on tournerait : on produit un résultat, mais la question est de savoir si ce résultat est juste Il y a lieu de s'interroger puisque deux étudiants qui utilisent cette machine ont produit deux résultats différents.
Quand, finalement, les étudiants ont compris mon interrogation, ils en viennent à demander une méthode pour être certains de leurs résultats, et il n'est pas difficile de se mettre alors devant un ordinateur et de taper lentement :
- pour 2,23 euros, on a 0,57 kg de banane
- pour 2,23 fois moins d'argent, on a 2,23 fois moins de bananes
- donc pour 2,23 euros divisé par 2,23, on a 0,57 divisé par 2.23 kg de bananes
- c'est-à-dire que pour 1 euros on a cette quantité : 0,57 divisé par 2,23
- mais si on a 7,51 euros, c'est 7,51 fois plus que 1 euro
- de sorte que pour 7,51 euros, on a 7,51 fois 0,57 divisé par 2,23
Cette fois il n'y a plus de raison de se tromper ; il n'y a plus de possibilité de se tromper, et il ne reste qu'à s'émerveiller de la remarquable idée de proportionnalité. Cette notion apparaît quand nous faisons l'hypothèse que pour 2,23 fois moins d'argent, nous avons 2,23 fois moins de banane, et je maintiens que c'est là une des plus grandes difficultés des mathématiques élémentaires, avec peut-être la possibilité de remplacer des valeurs par des lettres. Bien sûr, pour m'expliquer la proportionnalité, on pourra me faire des schémas, me tracer des droites, etc., mais je maintiens qu'il y a une difficulté conceptuelle essentielle, qui n'est pas toujours perçue à sa vraie valeur, tout comme, et j'en tiens pour preuve les innombrables petits cours que je donnais, la difficulté de manier des équations, où des lettres représentent des quantités.
Plus tard, dans l'enseignement universitaire, le même type de difficultés demeure, par exemple quand il est question de potentiel chimique. Les étudiants habitués à faire marcher la mécanique arrivent à manipuler les équations et, notamment, à calculer des potentiels chimiques, mais combien ont-ils vraiment compris que le potentiel chimique d'une solution est comme l'énergie potentielle d'une bille, en bas ou en haut d'une montagne ? Combien ont-ils vraiment compris que l'ajout d'un soluté change l'énergie (chimique) de la solution ? Là est l'origine de l'osmose, où des solutions de concentrations différentes d'un même soluté évoluent quand elles sont séparées par une membrane semi-perméable. Qu'il y ait évolution du système est bien la preuve que l'énergie était initalement différente dans les deux compartiments, de sorte que progressivement, les échanges de matière à travers la membrane (le plus souvent, de l'eau) égalent les énergies entre les deux compartiments, ce qui est l'équilibre thermodynamique. Et c'est ainsi, finalement, que la pression osmotique peut être calculée.
Dans le cas de la règle de trois, comme dans ce cas plus compliqué du potentiel chimique, il y a utilité à ne pas s'arrêter au maniement des équations, mais à aller plus loin, vers la compréhension des phénomènes. Oui, il y en a quelques uns qui calculent comme les oiseaux chantent, et je suis de ceux-là. Le calcul se fait presque à notre insu, et, pour peu que nous ayons des règles sufisamment strictes, que nous connaissions les conditions dans lesquelles la mécanique calculatoire est possible, alors tout se passe bien, et le calcul est juste. Mais il y a aussi la possibilité de comprendre, et, alors, le calcul devient une expression de notre pensée des phénomènes, et non le socle sur lequel ccette pensée s'érigera.
On a compris, bien sûr, que mon questionnement est relatif à l'enseignement des sciences de la nature, et que je ne prends là que des exemples. La vraie question est de bien dire à nos jeunes amis que la question essentielle est la conservation de l'énergie, la conservation de la masse (laquelle est la "quantité de matière", plus que le nombre de moles, comme le disent certains chimistes), la conservation de la charg électrique. Voilà des notions universelles, à utiliser sans cesse, pour obotenir des calculs bien pensés et justes.
Ca y est ? On est dans état d'esprit indulgent ? Alors allons-y.
D'abord, c'est un fait que certains collègues ne me croient pas quand je leur dis que certains étudiants de mastère ont des capacités de calcul extrèmement réduites. C'est pourtant un fait, notamment pour les matières qui s'éloignent de la physique : quand j'évoque le potentiel chimique, ou l'enthalpie libre, ou l'ensemble micro-canonique, ou encore l'équation de Schrödinger, les éudiants de chimie, de biochimie, de biologie, de nutrition sont souvent ignorants de ces notions. Quand ils sont en confiance, ils admettent se souvenir que ces mots ont été prononcés dans le premier cycle universitaire (ouf !)... et qu'ils ont tout oublié de ce dont il s'agit. Il leur reste les mots, mais, en tout cas, ils ne sont certainement plus (pas ?)capables de mettre en oeuvre les concepts en question.
Là, il faut que je remette une couche de précautions liminaires. Avec deux remarques : la première est que je ne condamne évidemment pas les disciplines éloignées de la physique, et qui ont une autre spécificité. La deuxième est que je ne condamne pas non plus les étudiants ; j'observe seulement que les notions précédentes leur manquent, de sorte qu'il devient difficile de construire un enseignement "par dessus", disons un enseignement qui utilise ces idées pour aller plus loin, vers du savoir de notre vingt-et-unième siècle.
Mais nous n'en sommes qu'au début de la discussion. Le cas le plus intéressant est celui de la règle de trois, qui, je le maintiens, n'est pas maîtrisée.
Là, mes collègues me disent généralement que j'exagère, mais j'ai dans mon bureau, accrochée au mur, une feuille où deux étudiants de mastère ont eu la même règle de trois à faire et ont produit deux résultats différents. Un des deux résultats est faux, donc, et l'autre est juste, mais l'étudiant qui l'a produit n'était pas prêt à parier une bouteille de champagne que son calcul était bon. D'ailleurs, je ne conserve cette feuille que comme une preuve de ce que j'avance, pour les autres, car, pour moi, je sais parfaitement que la très grande majorité des étudiants venus en stage ont perdu environ une semaine de travail en raison de calculs de concentrations qui étaient faux, ce qui revient à l'usage de la règle de trois.
Prenons la question simplement.
D'abord, un exemple. Supposons que pour 2,03 euros on ait 0,57 kg de banane, combien aurait-on pour 7,51 euros ?
Quand je pose la question, j'ai deux types de réponses : il y a les étudiants qui mettent correctement en oeuvre le "produit en croix", et qui, de ce fait, obtiennent un résultat juste, et ceux qui ne mettent pas correctement en oeuvre la technique -mécanique, il faut le répéter- et qui ont un résultat aléatoire, ce qui est une façon pudique de dire que le résultat est faux (dans la majorité des cas).
Pour ces derniers, on peut trouver des explications (ils sont intimidés, par exemple), mais quand même : ne doit-on pas s'interroger sur les mécanismes qui ont permis de faire arriver jusqu'en mastère de science des étudiants qui ne savent pas faire une règle de trois ? Je suis moins de ceux qui passent leur temps à analyser des questions difficiles, que de ceux qui, bien plus positivement, cherchent à rendre tous les étudiants autonomes : à les rendre tous capables de produire un résultat juste tout en étant assurés que ce résultat est juste puisque, un jour, plus personne ne sera derrière eux pour le valider.
Et c'est pour cette raison que je les questionne en leur demandant s'ils seraient prêts à parier une caisse de champagne sur le résultat qu'ils produisent. Je n'ai jamais eu personne prêt à faire ce pari, et encore moins quand j'évoque que leur vie puisse en dépendre.
La vraie question est là, la question honnête : comment être certain que notre calcul est juste?
La mise en oeuvre du produit en croix n'est pas une garantie de l'exactitude du résultat. C'est une opération mécanique, comme une espèce de petite boîte noire munie d'une manivelle que l'on tournerait : on produit un résultat, mais la question est de savoir si ce résultat est juste Il y a lieu de s'interroger puisque deux étudiants qui utilisent cette machine ont produit deux résultats différents.
Quand, finalement, les étudiants ont compris mon interrogation, ils en viennent à demander une méthode pour être certains de leurs résultats, et il n'est pas difficile de se mettre alors devant un ordinateur et de taper lentement :
- pour 2,23 euros, on a 0,57 kg de banane
- pour 2,23 fois moins d'argent, on a 2,23 fois moins de bananes
- donc pour 2,23 euros divisé par 2,23, on a 0,57 divisé par 2.23 kg de bananes
- c'est-à-dire que pour 1 euros on a cette quantité : 0,57 divisé par 2,23
- mais si on a 7,51 euros, c'est 7,51 fois plus que 1 euro
- de sorte que pour 7,51 euros, on a 7,51 fois 0,57 divisé par 2,23
Cette fois il n'y a plus de raison de se tromper ; il n'y a plus de possibilité de se tromper, et il ne reste qu'à s'émerveiller de la remarquable idée de proportionnalité. Cette notion apparaît quand nous faisons l'hypothèse que pour 2,23 fois moins d'argent, nous avons 2,23 fois moins de banane, et je maintiens que c'est là une des plus grandes difficultés des mathématiques élémentaires, avec peut-être la possibilité de remplacer des valeurs par des lettres. Bien sûr, pour m'expliquer la proportionnalité, on pourra me faire des schémas, me tracer des droites, etc., mais je maintiens qu'il y a une difficulté conceptuelle essentielle, qui n'est pas toujours perçue à sa vraie valeur, tout comme, et j'en tiens pour preuve les innombrables petits cours que je donnais, la difficulté de manier des équations, où des lettres représentent des quantités.
Plus tard, dans l'enseignement universitaire, le même type de difficultés demeure, par exemple quand il est question de potentiel chimique. Les étudiants habitués à faire marcher la mécanique arrivent à manipuler les équations et, notamment, à calculer des potentiels chimiques, mais combien ont-ils vraiment compris que le potentiel chimique d'une solution est comme l'énergie potentielle d'une bille, en bas ou en haut d'une montagne ? Combien ont-ils vraiment compris que l'ajout d'un soluté change l'énergie (chimique) de la solution ? Là est l'origine de l'osmose, où des solutions de concentrations différentes d'un même soluté évoluent quand elles sont séparées par une membrane semi-perméable. Qu'il y ait évolution du système est bien la preuve que l'énergie était initalement différente dans les deux compartiments, de sorte que progressivement, les échanges de matière à travers la membrane (le plus souvent, de l'eau) égalent les énergies entre les deux compartiments, ce qui est l'équilibre thermodynamique. Et c'est ainsi, finalement, que la pression osmotique peut être calculée.
Dans le cas de la règle de trois, comme dans ce cas plus compliqué du potentiel chimique, il y a utilité à ne pas s'arrêter au maniement des équations, mais à aller plus loin, vers la compréhension des phénomènes. Oui, il y en a quelques uns qui calculent comme les oiseaux chantent, et je suis de ceux-là. Le calcul se fait presque à notre insu, et, pour peu que nous ayons des règles sufisamment strictes, que nous connaissions les conditions dans lesquelles la mécanique calculatoire est possible, alors tout se passe bien, et le calcul est juste. Mais il y a aussi la possibilité de comprendre, et, alors, le calcul devient une expression de notre pensée des phénomènes, et non le socle sur lequel ccette pensée s'érigera.
On a compris, bien sûr, que mon questionnement est relatif à l'enseignement des sciences de la nature, et que je ne prends là que des exemples. La vraie question est de bien dire à nos jeunes amis que la question essentielle est la conservation de l'énergie, la conservation de la masse (laquelle est la "quantité de matière", plus que le nombre de moles, comme le disent certains chimistes), la conservation de la charg électrique. Voilà des notions universelles, à utiliser sans cesse, pour obotenir des calculs bien pensés et justes.
Des députés "épinglés" pour avoir déjeuné avec des industriels ? On en fait un titre, mais après ?
Il est amusant d'observer que, alors que le public ne croit plus à la presse, il se fonde quand même sur les informations données par cette dernière pour élaborer (si l'on peut dire) des raisonnements... qui, souvent, ne dépassent pas le stade du bistrot. Et puis, il y a presse et presse. A côté de celle qui veut donner des idées justes du monde, il y a celle qui veut d'abord "vendre du papier". Doit-on donner le nom de presse à ces entreprises où n'importe qui peut écrire, à condition non pas de savoir écrire, mais de savoir faire vendre, en sollicitant les pires fibres de l'être humain ? On a dit de la presse que c'était le "quatrième pouvoir" ? Pourquoi pas... mais serions-nous vraiment fier, aujourd'hui, d'être un "patron de presse" dont journaux seraient plein d'erreurs et d'insanités ? Serions-nous fiers d'employer des stagiaires, et de vivre d'aides de l'état, en raison d'une désertion de notre lectorat vers une presse en ligne ? Avons-nous vraiment du pouvoir, et sur qui ?
Toutes ces questions m'arrivent alors que l'on me signale des députés "épinglés" pour avoir déjeuné avec des industriels. Le mot "épinglé" est un mot tendancieux, et il sent son ambiance minable de dénonciation. Après tout, des députés qui ne rencontreraient pas le monde civil seraient bien en peine de représenter correctement les citoyens qui les ont élus. Il faut absolument qu'ils rencontrent l'industrie, l'artisanat, les forces vives de la nation.
De ce fait, à quoi rime le titre évoqué ? Des journalistes ont-ils été vexés de ne pas avoir été invités ? Et puis, au fond, quel travail de fouille vase les a mis sur la piste du déjeuner en question : la presse n'est pas la police, que je sache.
Le journaliste d'investigation ? Un genre qui se caractérise par un travail sur la durée, des recherches poussées. De la synthèse, pas de la dénonciation criminelle...
Le journaliste Pierre Péan écrit assez justement : "Les principes qui guident la profession de journaliste semblent avoir profondément changé. Si l'on part de très loin, on peut dire que nous assistons à une inversion de ce qu'avaient prévu les législateurs le 26 août 1789 qui, dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, avaient mis la présomption d'innocence au neuvième article, la liberté de la presse deux articles plus loin, à l'article onze. Aujourd'hui la liberté de presse prime, dans les faits, sur la présomption d'innocence. Ces affaires témoignent du fait qu'on assiste de plus en plus à l'association de deux pouvoirs : le pouvoir judiciaire et le pouvoir médiatique. Cela n'est pas sain dans une démocratie d'avoir deux pouvoirs qui font alliance. En tant que citoyen, quelque chose me dérange profondément: aujourd'hui, un certain journalisme se fonde sur la violation de la loi. Toutes les grandes affaires que vous évoquez sont basées sur la violation du secret de l'instruction. Le journaliste dit « d'investigation » a des pouvoirs et des moyens exorbitants du droit commun. En publiant une écoute, c'est comme s'il avait la possibilité d'écouter, de perquisitionner. Cela pose le problème de la défense du justiciable. Les politiques ne sont pas des sous-citoyens, ils méritent une protection de leur intimité, comme tout le monde."
Enfin, selon le journal que je cite en début de texte, cela semble un crime d'être "industriel"... mais l'industrie n'est-elle pas l'emploi, la production de biens et de services, l'innovation, nos médicaments, nos ordinateurs, notre eau, nos aliments ?
Allons, positivement, on sait qu'une partie du monde est faite de gens honnêtes, et de gens malhonnêtes, de gens positifs et de gens négatifs. Bien sûr, il faut combattre (positivement, toujours très positivement) la malhonnêteté, la méchanceté. Sans pour autant généraliser. Et inventer une presse positive, qui montre l'existence de personnalités merveilleuses, qui font progresser nos collectivités : des intellectuels, des bâtisseurs, de bons gestionnaires...
Toutes ces questions m'arrivent alors que l'on me signale des députés "épinglés" pour avoir déjeuné avec des industriels. Le mot "épinglé" est un mot tendancieux, et il sent son ambiance minable de dénonciation. Après tout, des députés qui ne rencontreraient pas le monde civil seraient bien en peine de représenter correctement les citoyens qui les ont élus. Il faut absolument qu'ils rencontrent l'industrie, l'artisanat, les forces vives de la nation.
De ce fait, à quoi rime le titre évoqué ? Des journalistes ont-ils été vexés de ne pas avoir été invités ? Et puis, au fond, quel travail de fouille vase les a mis sur la piste du déjeuner en question : la presse n'est pas la police, que je sache.
Le journaliste d'investigation ? Un genre qui se caractérise par un travail sur la durée, des recherches poussées. De la synthèse, pas de la dénonciation criminelle...
Le journaliste Pierre Péan écrit assez justement : "Les principes qui guident la profession de journaliste semblent avoir profondément changé. Si l'on part de très loin, on peut dire que nous assistons à une inversion de ce qu'avaient prévu les législateurs le 26 août 1789 qui, dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, avaient mis la présomption d'innocence au neuvième article, la liberté de la presse deux articles plus loin, à l'article onze. Aujourd'hui la liberté de presse prime, dans les faits, sur la présomption d'innocence. Ces affaires témoignent du fait qu'on assiste de plus en plus à l'association de deux pouvoirs : le pouvoir judiciaire et le pouvoir médiatique. Cela n'est pas sain dans une démocratie d'avoir deux pouvoirs qui font alliance. En tant que citoyen, quelque chose me dérange profondément: aujourd'hui, un certain journalisme se fonde sur la violation de la loi. Toutes les grandes affaires que vous évoquez sont basées sur la violation du secret de l'instruction. Le journaliste dit « d'investigation » a des pouvoirs et des moyens exorbitants du droit commun. En publiant une écoute, c'est comme s'il avait la possibilité d'écouter, de perquisitionner. Cela pose le problème de la défense du justiciable. Les politiques ne sont pas des sous-citoyens, ils méritent une protection de leur intimité, comme tout le monde."
Enfin, selon le journal que je cite en début de texte, cela semble un crime d'être "industriel"... mais l'industrie n'est-elle pas l'emploi, la production de biens et de services, l'innovation, nos médicaments, nos ordinateurs, notre eau, nos aliments ?
Allons, positivement, on sait qu'une partie du monde est faite de gens honnêtes, et de gens malhonnêtes, de gens positifs et de gens négatifs. Bien sûr, il faut combattre (positivement, toujours très positivement) la malhonnêteté, la méchanceté. Sans pour autant généraliser. Et inventer une presse positive, qui montre l'existence de personnalités merveilleuses, qui font progresser nos collectivités : des intellectuels, des bâtisseurs, de bons gestionnaires...
Questions et réponses
1. Comment avez-vous découvert le concept de cuisine moléculaire/quel a été l'élément déclencheur de la cuisine moléculaire ?
L'élément déclencheur, pour la gastronomie moléculaire comme pour la cuisine moléculaire, a été un soufflé au roquefort que j'ai fait le 16 mars 1980. La recette disait d'ajouter les jaunes d'oeufs deux par deux, dans la béchamel au fromage. Ayant jugé que ce conseil était sans intérêt, j'ai mis les jaunes tous ensemble... et coup de chance, sans que cet ajout particulier n'ait rien à voir à l'affaire, le soufflé a été raté. La semaine suivant, j'ai refait le soufflé, et j'ai mis les jaunes un par un. Je sais aujourd'hui que cela ne change rien, mais, par chance, le soufflé a été réussi.
Le 24 mars 1980, j'ai donc décidé d'exploré toutes ces "prévisions" (trucs, astuces, dictons, on dit, proverbes...). J'en ai 25 000 aujourd'hui, dont beaucoup testées... et nous en explorons tous les mois, lors de nos "séminaires de gastronomie moléculaire" (on peut recevoir les invitations, et aussi les comptes rendus, en demandant à icmg@agroparistech.fr ; c'est gratuit).
Au même moment, mon laboratoire étant dans ma cuisine, je me suis dit qu'il serait bon de rénover les techniques culinaires, et j'ai commencé à proposer aux cuisiniers d'utiliser des objets de laboratoire. C'est cela, la "cuisine moléculaire", dont le nom a été donnée (par moi, en réponse à un journaliste qui m'interrogeait) en 1999, pour distinguer de la gastronomie moléculaire, qui, elle, est une activité de physico-chimie, réservée aux scientifiques.
A noter que le nom de "gastronomie moléculaire", et l'identification de cette nouvelle discipline, ont été introduits en 1988. A noter aussi que la cuisine moléculaire, ce n'est (évidemment pas) "cuisiner avec des molécules", parce que tous les aliments sont faits de molécules.
2. Concrètement comment l'avez vous appliquée à la cuisine? Pierre Gagnaire a-t-il dès le début collaboré avec vous?
Comme dit plus haut, j'ai commencé à utiliser des ustensiles de laboratoire pour cuisiner dès 1980. Et je dois vous dire que le milieu professionnel français a été très lent à accepter l'idée.
Dès les années 1990, je montrais des utilisations de l'azote liquide pour faire des sorbets, mais aucun chef ne s'y mettait (sauf André Daguin, puis Philippe et Christian Conticini, ou encore Raymond Blanc !). Il a fallu un programme européen, dans les années 2000, pour que je puisse convaincre des chefs, notamment Ferran Adria, Heston Blumenthal et d'autres.
Pour Pierre Gagnaire, la chose est plus compliquée, parce qu'il ne fait pas de cuisine moléculaire, pas plus qu'il ne fait de cuisine note à note. Il a été l'un des premiers à tester les techniques de cuisine moléculaire, et il a clairement été le premier chef à servir un plat de cuisine note à note, mais il fait du Pierre Gagnaire.
Avec Pierre, notre première rencontre date sans doute de 1996, mais nous avons vraiment commencé nos explorations communes (je lui donne environ une nouvelle invention par mois, et il la met en art culinaire) en 1999.
3. Quel a été l'élément déclencheur de la cuisine note à note (rappelez ici l'année exacte)?
Ce fut la rédaction de la conclusion de l'article "Physics and chemistry in the kitchen", pour le numéro d'avril 1994 de Scientific American. Depuis plusieurs années, j'utilisais des composés dans les aliments et les boissons, mais j'ai soudain compris que l'on pouvait généraliser la chose... et c'est ce que j'ai écrit, moitié par conviction, moitié par provocation, dans la fin de mon article.
# Rétrospectivement, je ne comprends même plus pourquoi j'avais hésité... mais il est vrai que, à l'époque, j'ai reçu des lettres d'injures.
4. Nous observons dans plusieurs pays - notamment la France - un vrai retour à la "bonne bouffe", des produits locaux, de saison, artisanaux qui s'inscrivent dans la philosophie "Slow food". On a l'impression que les gens se battent pour un retour au goût et aux bons produits. Quelle place tient la cuisine moléculaire et note à note dans cette réalité?
Les retours nostalgiques ne m'intéressent pas particulièrement. En art, il y a tout le temps ce retour aux Classiques, mais l'art moderne, lui, avance sans se soucier des nostalgiques, des craintifs, des timorés. La nature ? Un fantasme qu'un certain marketing malhonnête utilise. D'autant qu'aucun aliment n'est "naturel", puisque :
- les ingrédients (carottes, animaux, etc.) sont parfaitement artificialisés (sélectionnés, cultivés)
- est naturel ce qui ne fait pas l'objet d'un travail humain ; alors les plats... sont tous artificiels.
5. Comment vous voyez l'avenir de la cuisine moléculaire et de la cuisine note à note? Comment cette dernière va-t-elle se développer? Y a-t-il des pays où publics plus "réceptifs" que d'autres?
La cuisine note à note est l'exact équivalent de la musique électroacoustiquee, de la musique de synthès... qui est aujourd'hui partout ! Et je la présente, pays après pays. Elle est enseignée à des jeunes cuisiniers en France, au Danemark, au Japon, au Portugal, en Espagne... Et de plus en plus de gens s'y intéressent. Il faut donc attendre encore quelques années, et la tendance explosera.
6. Vous aimez cuisiner? Si oui, vous êtes plutôt cuisine terroir, moléculaire ou note à note? Si non, vous aimez bien manger?
Je cuisine depuis que je fais de la chimie : à l'âge de six ans, et, dans ma famille alsacienne, on boit et on mange tout le temps. Alors que je n'avais guère d'argent, j'ai conduit mes enfants dans des restaurants étoilés dès l'âge de deux ans (chez Michel Bras, ils s'en souviennent encore). Mais j'aurais tendance à dire aujourd'hui que si je très bon en technique culinaire (je sais faire plus de 40 litres de blancs en neige à partir d'un seul blanc d'oeuf, je sais cuire des soufflés sans battre les blancs en neige, et je fais une invention par mois au minimum), je suis un nul artistique... surtout quand je me compare à mon ami Pierre Gagnaire, qui est un superbe artiste.
Et puis, il y a cette question sociale, où je ne suis pas bon non plus.
En réalité, je préfère de beaucoup les calculs, les équations, l'activité scientifique en général (sans quoi, d'ailleurs, cela fait longtemps que j'aurais ouvert un restaurant !).
Est-ce que j'aime manger ? Manger : le mot est compliqué, et confus. J'aime à la passion manger et boire en excellente compagnie, et j'ai ce concept des "belles personnes", ceux qui me surprennent à chaque mot, qui me font voir des aspects du monde que je ne soupçonnais pas. Cela peut être un goût, mais aussi un livre, une idée...
Cuisine de terroir, moléculaire ou note à note ? Je crois que là n'est pas la question. La vraie question, quelque soit l'époque, la technique, c'est de faire "bon", et c'est pour cette raison que j'ai fait un livre intitulé "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".
L'élément déclencheur, pour la gastronomie moléculaire comme pour la cuisine moléculaire, a été un soufflé au roquefort que j'ai fait le 16 mars 1980. La recette disait d'ajouter les jaunes d'oeufs deux par deux, dans la béchamel au fromage. Ayant jugé que ce conseil était sans intérêt, j'ai mis les jaunes tous ensemble... et coup de chance, sans que cet ajout particulier n'ait rien à voir à l'affaire, le soufflé a été raté. La semaine suivant, j'ai refait le soufflé, et j'ai mis les jaunes un par un. Je sais aujourd'hui que cela ne change rien, mais, par chance, le soufflé a été réussi.
Le 24 mars 1980, j'ai donc décidé d'exploré toutes ces "prévisions" (trucs, astuces, dictons, on dit, proverbes...). J'en ai 25 000 aujourd'hui, dont beaucoup testées... et nous en explorons tous les mois, lors de nos "séminaires de gastronomie moléculaire" (on peut recevoir les invitations, et aussi les comptes rendus, en demandant à icmg@agroparistech.fr ; c'est gratuit).
Au même moment, mon laboratoire étant dans ma cuisine, je me suis dit qu'il serait bon de rénover les techniques culinaires, et j'ai commencé à proposer aux cuisiniers d'utiliser des objets de laboratoire. C'est cela, la "cuisine moléculaire", dont le nom a été donnée (par moi, en réponse à un journaliste qui m'interrogeait) en 1999, pour distinguer de la gastronomie moléculaire, qui, elle, est une activité de physico-chimie, réservée aux scientifiques.
A noter que le nom de "gastronomie moléculaire", et l'identification de cette nouvelle discipline, ont été introduits en 1988. A noter aussi que la cuisine moléculaire, ce n'est (évidemment pas) "cuisiner avec des molécules", parce que tous les aliments sont faits de molécules.
2. Concrètement comment l'avez vous appliquée à la cuisine? Pierre Gagnaire a-t-il dès le début collaboré avec vous?
Comme dit plus haut, j'ai commencé à utiliser des ustensiles de laboratoire pour cuisiner dès 1980. Et je dois vous dire que le milieu professionnel français a été très lent à accepter l'idée.
Dès les années 1990, je montrais des utilisations de l'azote liquide pour faire des sorbets, mais aucun chef ne s'y mettait (sauf André Daguin, puis Philippe et Christian Conticini, ou encore Raymond Blanc !). Il a fallu un programme européen, dans les années 2000, pour que je puisse convaincre des chefs, notamment Ferran Adria, Heston Blumenthal et d'autres.
Pour Pierre Gagnaire, la chose est plus compliquée, parce qu'il ne fait pas de cuisine moléculaire, pas plus qu'il ne fait de cuisine note à note. Il a été l'un des premiers à tester les techniques de cuisine moléculaire, et il a clairement été le premier chef à servir un plat de cuisine note à note, mais il fait du Pierre Gagnaire.
Avec Pierre, notre première rencontre date sans doute de 1996, mais nous avons vraiment commencé nos explorations communes (je lui donne environ une nouvelle invention par mois, et il la met en art culinaire) en 1999.
3. Quel a été l'élément déclencheur de la cuisine note à note (rappelez ici l'année exacte)?
Ce fut la rédaction de la conclusion de l'article "Physics and chemistry in the kitchen", pour le numéro d'avril 1994 de Scientific American. Depuis plusieurs années, j'utilisais des composés dans les aliments et les boissons, mais j'ai soudain compris que l'on pouvait généraliser la chose... et c'est ce que j'ai écrit, moitié par conviction, moitié par provocation, dans la fin de mon article.
# Rétrospectivement, je ne comprends même plus pourquoi j'avais hésité... mais il est vrai que, à l'époque, j'ai reçu des lettres d'injures.
4. Nous observons dans plusieurs pays - notamment la France - un vrai retour à la "bonne bouffe", des produits locaux, de saison, artisanaux qui s'inscrivent dans la philosophie "Slow food". On a l'impression que les gens se battent pour un retour au goût et aux bons produits. Quelle place tient la cuisine moléculaire et note à note dans cette réalité?
Les retours nostalgiques ne m'intéressent pas particulièrement. En art, il y a tout le temps ce retour aux Classiques, mais l'art moderne, lui, avance sans se soucier des nostalgiques, des craintifs, des timorés. La nature ? Un fantasme qu'un certain marketing malhonnête utilise. D'autant qu'aucun aliment n'est "naturel", puisque :
- les ingrédients (carottes, animaux, etc.) sont parfaitement artificialisés (sélectionnés, cultivés)
- est naturel ce qui ne fait pas l'objet d'un travail humain ; alors les plats... sont tous artificiels.
5. Comment vous voyez l'avenir de la cuisine moléculaire et de la cuisine note à note? Comment cette dernière va-t-elle se développer? Y a-t-il des pays où publics plus "réceptifs" que d'autres?
La cuisine note à note est l'exact équivalent de la musique électroacoustiquee, de la musique de synthès... qui est aujourd'hui partout ! Et je la présente, pays après pays. Elle est enseignée à des jeunes cuisiniers en France, au Danemark, au Japon, au Portugal, en Espagne... Et de plus en plus de gens s'y intéressent. Il faut donc attendre encore quelques années, et la tendance explosera.
6. Vous aimez cuisiner? Si oui, vous êtes plutôt cuisine terroir, moléculaire ou note à note? Si non, vous aimez bien manger?
Je cuisine depuis que je fais de la chimie : à l'âge de six ans, et, dans ma famille alsacienne, on boit et on mange tout le temps. Alors que je n'avais guère d'argent, j'ai conduit mes enfants dans des restaurants étoilés dès l'âge de deux ans (chez Michel Bras, ils s'en souviennent encore). Mais j'aurais tendance à dire aujourd'hui que si je très bon en technique culinaire (je sais faire plus de 40 litres de blancs en neige à partir d'un seul blanc d'oeuf, je sais cuire des soufflés sans battre les blancs en neige, et je fais une invention par mois au minimum), je suis un nul artistique... surtout quand je me compare à mon ami Pierre Gagnaire, qui est un superbe artiste.
Et puis, il y a cette question sociale, où je ne suis pas bon non plus.
En réalité, je préfère de beaucoup les calculs, les équations, l'activité scientifique en général (sans quoi, d'ailleurs, cela fait longtemps que j'aurais ouvert un restaurant !).
Est-ce que j'aime manger ? Manger : le mot est compliqué, et confus. J'aime à la passion manger et boire en excellente compagnie, et j'ai ce concept des "belles personnes", ceux qui me surprennent à chaque mot, qui me font voir des aspects du monde que je ne soupçonnais pas. Cela peut être un goût, mais aussi un livre, une idée...
Cuisine de terroir, moléculaire ou note à note ? Je crois que là n'est pas la question. La vraie question, quelque soit l'époque, la technique, c'est de faire "bon", et c'est pour cette raison que j'ai fait un livre intitulé "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".
samedi 11 juin 2016
Les résultats du Quatrième Concours International de Cuisine note à note
Quatrième
Concours
International
de
Cuisine Note à Note
Paris,
le 10 juin 2016
Thème :
cellulose, dérivés de la cellulose et composés à action
trigéminale.
Le 10 juin 2016, à
AgroParisTech, les candidats, de plus de 20 pays, ont présenté
leurs travaux à un jury composé de :
● Thierry
Mechinaud, Restaurant Pierre Gagnaire, Paris, France
● Patrick Terrien,
ancien chef des chefs de l'Ecole du Cordon bleu
● Sandrine Kault,
Société Louis François
● Yolanda Rigault,
organisatrice du Concours
● Hervé This,
AgroParisTech-Inra International Centre for Molecular Gastronomy
Les prix ont été
attribués, dans trois catégories :
Catégorie
Chefs :
Premier Prix :
Guillaume Siegler,
chef du Cordon Bleu Tokyo, Japon
Deuxième Prix :
Roux-Var
Emmanuel, Manager en restauration, chef
de cuisine, formateur
en cuisine sous vide, Ecole Pralus, France.
Catégorie
Amateurs :
Premier Prix :
Eric Olivier
Lermusiaux, France
Catégorie
Etudiants :
Premier Prix ex
aequo :
Michael Pontif,
Chimie ParisTech, France
Sophie Dalton,
Dublin Institute of Technology, Dublin, Irlande
Deuxième Prix
Etienne Laborie,
Chimie ParisTech, France
Troisième Prix :
Rohit, Etudiant du
Master Erasmus Mundus Food Innovation and Product Design, Inde
Alice Payrault,
ISIPCA
Les recettes
illustrées seront progressivement mises en ligne sur le site
http://www.agroparistech.fr/Le-quatrieme-Concours.html
Merci
à nos partenaires :
Mane SA Louis François
jeudi 2 juin 2016
A méditer...
Si les
gouvernements ne sont pas certains que le glyphosate est
sans danger, les Européens ne devraient pas y être exposés, dit Bert
Wander, directeur de campagne d'un collectif qui a
recueilli 1,4 million de signatures contre l'utilisation
du glyphosate.
Ah bon ? Rappelons d'abord les classifications du CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer)
Ah bon ? Rappelons d'abord les classifications du CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer)
Groupe 1 (cancérogène certain pour au moins une localisation)
|
118 substances
|
Groupe 2A (cancérogène probable)
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75 substances
|
Groupe 2B (cancérogène possible)
|
288 substances
|
Groupe 3 (inclassable)
|
503 substances
|
Groupe 4 (probablement non cancérogène)
|
1 substance (caprolactame)
|
La
catégorie « non cancérogène » n’existe pas… et les gouvernements
ne sont donc pas près d’être « certains ».
Pour mémoire :
- la viande transformée et les boissons alcoolisées sont en groupe 1
- la viande rouge est en 2A
- le café en 2B.
Pour mémoire :
- la viande transformée et les boissons alcoolisées sont en groupe 1
- la viande rouge est en 2A
- le café en 2B.
Alors ?
Morgen Stund het Gold a Mund
Il y aurait ceux qui se lèvent tôt et se couchent tôt, ceux qui se lèvent tard et de couchent tard. Avec cette alternative, c'est comme avec pile ou face. Deux possibilités seulement semblent apparaître ; pourtant, il y a la tranche ! Il y en a qui se lèvent tard et se couchent tôt, justifiant leur comportement par le besoin de sommeil, mais si la physiologie est parfois une vraie justification, cette catégorie habille, parfois aussi, une peur du vaste monde, comme quand l'escargot ne sort plus de sa coquille.
Et puis, il y a ceux qui, passionnés par une activité, c'est-à-dire ayant appris à comprendre les beautés de cette dernière, se lèvent tôt et se couchent tard, parce qu'ils ne veulent pas perdre une seconde, qu'ils ont plaisir à être actifs... On a bien lu "ayant appris". Oui, il y a ceux qui sont tombés dans la marmite quand ils étaient petits, mais il y a aussi ceux qui ont grandi, ont appris.
Pour moi, la passion est venue de cette expérience merveilleuse -la beauté est dans le regard !- de l'eau de chaux qui se trouble quand on souffle dedans : enfant, j'ai aimé la chimie à la passion, utilisant mes moindres moments pour des expériences parfois risibles. Je n'ai toujours bien compris les enjeux, ou, plus exactement, je n'ai pas du tout compris les enjeux... confondant pendant longtemps la technique, la technologie et la science.
Et c'est ainsi que, pendant des décennies, j'ai signé mes messages d'un "Vive la chimie ! » énergique. C'est pour cette même raison que j'avais détourné cette phrase avec laquelle Alexandre Vialatte concluait ses Chroniques de la Montagne : « Et c'est ainsi qu'Allah est grand ». L'enthousiasme ironique de cette phrase me permettait, en la transposant à la chimie, de faire état d'un éblouissement et, aussi, de prendre un peu de recul par rapport à ce dernier. Pas assez pourtant pour comprendre que mon coeur va autant à la chimie qu'à la physique.
Mais je me suis éloigné de la phrase « Morgen Stund het gold a mund », qui est affichée sur un mur de mon laboratoire. C'est une phrase en alsacien qui signifie « Ceux qui se lèvent tôt ont de l'or dans l'a bouche", ce qu'il faut interpréter par "L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt". On comprend que c'est donc la justification (de mauvaise foi) de ceux qui se lèvent tôt et qui veulent prétendre à une supériorité par rapport à ceux qui se lèvent tard. Je préfère penser que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt et se couchent tard, mettant beaucoup de soin et d'application à ce qu'ils font.
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