jeudi 12 mars 2020

Même pour une simple omelette


Même pour une simple omelette je m'aperçois qu'il y a lieu de  donner des explications.
Oui, depuis quelques semaines, je me suis mis à expliquer les transformations qui surviennent lors de la préparation des certains plats compliqués : cassoulet, soufflé, etc. Mais c'est souvent bien compliqué, et des amis me demandent des explications pour des choses bien plus simples, en quelque sorte : les omelettes.
D'ailleurs, je m'aperçois que je suis tombé dans un travers d'analyse insuffisante : j'ai privilégié des recettes "intéressantes" à des recettes utiles (à mes amis).

Pour une omelette, donc,  il s'agit de battre de l'oeuf, et de chauffer l'oeuf battu. Là,  les informations de base sont les suivantes : le blanc d'oeuf est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines, tandis que le jaune est fait de 50 pour cent d'eau, de 15 pour cent de protéines et 35 pour cent de lipides (disons de "graisse"). Au total, il y a donc beaucoup d'eau avec des protéines, et un peu de graisse.
La graisse  n'étant pas soluble dans l'eau, elle est nécessairement dispersée sous la forme de gouttelettes. Et elle n'intervient pas notablement lors  de la cuisson.
On peut donc ne considérer que le chauffage de l'eau et des protéines, comme si la graisse n'était pas présente  : elle ne changera que la consistance plus ou moins crémeuse, en fin de cuisson.

De l'eau et les protéines  ?  Il faut imaginer un ensemble de billes pour représenter les molécules d'eau au milieu desquelles flottent des pelote de laine, pour représenter les protéines.


Quand on chauffe tout cela, les molécules s'agitent de plus en plus vite, et les pelotes se déroulent. Mais la différence entre des pelotes de laine et des protéines, c'est que les protéines déroulées s'attachent et  forment une espèce de toile d'araignée dans toutes les directions, emprisonnant les molécules d'eau. C'est cela qu'il faut apprendre à voir, quand on regarde une omelette  : un filet souple qui emprisonne les molécules d'eau.










Évidemment, si l'on agite l'omelette (avec une fourchette, on peut casser  localement le filet, ce que l'on nomme un réseau : on forme alors des morceaux d'omelette. Et si l'on agite bien plus vigoureusement, on peut aller jusqu'à l'oeuf brouillés.
Mais en tout cas, voilà la description générale du phénomène.

mercredi 11 mars 2020

De l'importance du geste


Aujourd'hui, je rapproche la question du chlore de celle de la crème chantilly. Oui le chlore ne se mange pas, contrairement à la crème chantilly, mais ces deux produits suscitent le même type d'observations, comme nous le verrons.

Commençons par la crème chantilly dont la confection n'a jamais été traditionnelle dans ma famille. Ce fut une de ces petites victoires personnelles que d'arriver à faire ma première crème chantilly. Pourtant, rien de plus simple : on prend la crème, on la fouette, et elle monte en chantilly ; disons en crème fouettée, qui devient de la crème chantilly quand on ajoute du sucre. Bien sûr, quand il fait chaud, il vaut mieux avoir refroidi la crème et le récipient, avoir éventuellement ajouté des glaçons. Mais en règle générale, c'est tout simple. D'ailleurs, si je me répète, je ne parviens pas à ajouter grand chose à ce que j'ai déjà dit. Voyons : on prend une jatte (s'il fait chaud, on refroidit cette dernière) ; on y met de la crème, si possible fleurette;  on fouette, et après un temps compris entre 22 secondes et plusieurs minutes, on voit que les bulles ont une taille  qui diminue et, surtout, que la consistance change. C'est tout : quand on fouette de la crème, on a de la crème fouettée, et si l'on sucre, on obtient de la crème chantilly.
Qu'ajouter ? Que si l'on a pas de crème fleurette, mais seulement la crème épaisse, alors on ajoute un peu de lait à la crème épaisse, mais pas trop sans quoi la préparation reste liquide même si l'on fouette longtemps.
Bref, malgré mes contorsions intellectuelles, je ne parviens pas à rendre les choses compliquées :  rien de plus simple que de fouetter  de la crème pour faire de la crème fouettée, qui devient de la crème chantilly si on l'a sucré, ce qui contribue d'ailleurs un peu plus de fermeté.

J'ajoute maintenant un point supplémentaire : je me souviens qu'il y a quelques années, le directeur commercial d'une grosse société alimentaire m'avait téléphoné pour me dire que mon livre Révélations gastronomiques, qui contenait les prescriptions pour obtenir une crème fouettée, n'était pas complètement suffisant, puisque, malgré la lecture attentive du livre, il n'avait pas réussi à faire une crème fouettée. Il était amical et nous décidâmes que j'irai chez lui pour dîner et lui montrer comment faire cette crème chantilly. Ensemble, nous avons donc pris une jatte, déposé de la crème dedans et je lui ai proposé de fouetter devant moi. Au bout d'un moment,  alors qu'il avait obtenu une crème bien fouettée, il continuait à fouetter, de sorte que je lui ai fait observer qu'il fallait s’arrêter, puis qu'il avait le résultat qu'il escomptait. Et c'est alors qu'il m'a demandé  : "Parce que c'est ça,  la crème chantilly ?"  Oui, il croyait qu'il devait obtenir la consistance des crèmes chantilly en bombe, qui sont bien différentes des véritables crèmes chantilly. En réalité,  il ne savait pas voir  qu'il avait obtenu le résultat visé, mais il savait faire la crème chantilly.





J'en viens maintenant à la question du chlore : c'est un gaz vert, toxique, qui fut étudié par les chimistes du 18e siècle, et liquéfié pour là pour la première fois par Michael Faraday. Je parle du chlore parce que je viens de retrouver dans une biographie de Faraday tout une discussion sur l'instruction, et notamment le fait que tous les livres du monde, avec toutes les descriptions qu'il faut, ne sauraient remplacer le fait de voir un jour du chlore véritablement.
C'est donc la même question que pour la crème fouettée  : on sait la chose, mais, tant qu'on ne l'a pas vue, il nous manque quelque chose. Cela nous rapproche d'une discussion préalable à propos des travaux pratiques, dans les études scientifiques, et le fait que ces séances pratiques sont en réalité indispensables, même pour des personnes qui comprennent parfaitement. Tant qu'on a pas appris à garder le capuchon d'une bouteille entre la paume de la main et les derniers doigts, tandis que les  autres doigts  servent à  verser, tant qu'on n'a pas pris l'habitude de ne jamais rien poser sur le premier carreau d'une paillasse, tant qu'on n'a pas appris à ne pas se toucher le visage avec les gants, tant que...  Et bien, on ne sait pas le faire ! D'ailleurs, il en va de même pour la bicyclette, nager, monter à cheval, jouer de la musique : il faut de la pratique, et aucune théorie n'est suffisante.
Bref, je suis dans les traces de Faraday : il ne suffit pas de savoir tous les beaux principes, et il faut expérimenter !

dimanche 8 mars 2020

Sait-on mieux quand on sait que l'on sait ? Je crois que oui.


Aujourd'hui, je veux discuter la question de ce que je nomme le "portfolio" : il s'agit d'une liste où l'on inscrit tout ce que l'on sait ("connaissances") et tout ce que l'on sait faire ("compétences").

Par exemple, si, un jour, lors des études supérieures, on apprend ce qu'est le pH, alors on marque dans le portfolio, dans la partie "connaissances"  : notion de pH. Puis, si l'on apprend à calculer le  pH d'une solution d'acide acétique dilué, on marque, cette fois dans la partie "compétences" : calcul d'une solution d'acide acétique dilué. On peut aussi faire mieux, et observer que si l'on sait calculer le pH d'une solution d'acide acétique dilué, on doit sans doute savoir aussi bien calculer le pH d'une solution d'un autre acide faible, de sorte que, après la vérification que l'on sait bien faire cela, on marque dans la partie "compétences" : calcul du pH d'une solution d'un acide faible.

Prenons un nouvel exemple qui nous conduit plus loin : supposons que l'on ait appris à utiliser un spectromètre UV visible, à préparer une solution qu'on a mis dans une cuve, et pour laquelle on a réussi à enregistrer un spectre, après avoir appuyé sur les boutons spécifiques qui conduisent à la production de ce spectre. Alors on écrit  (dans les "compétences") : utilisation d'un spectromètre UV visible. Mais on voit que l'on peut être plus précis, et que cela vaut la peine de distinguer une utilisation de routine, débutante,  et une utilisation confirmée, puis, plus tard, une utilisation expert.
Cela nous conduit à ajouter une colonne supplémentaire, à droite de la liste initiale, de sorte qu'elle devient un tableau : la deuxième colonne contiendra l'état des connaissances et des compétences que l'on a. Par exemple si l'on commence à connaître le la définition du potentiel chimique, par exemple en rapportant l'enthalpie libre au nombre de moles, on est débutant, on a une connaissance faible, mais le jour où l'on passe à des petites variations, alors on devient plus confirmé.

Soit donc finalement un tableau ; ou plus exactement deux tableaux, puisque nous avons distingué connaissances et compétences.
Immédiatement, il est de notre devoir, si nous ne sommes pas paresseux,  d'ajouter  une colonne supplémentaire et une ligne supplémentaire à chacun des deux tableaux, selon le bon principe que toute case vide est à remplir : ayant une case vide, nous avons le bonheur d'être invité à  exercer notre intelligence pour nous demander comment la remplir.
Et puis,  selon le même principe : puisque nous avions deux tableaux, pourquoi n'en aurions-nous pas trois ? Par exemple avec des savoir vivre, des savoir être... ou toute autre chose à votre goût.

Évidemment, les connaissances et les compétences que nous avons sont définies dans les programmes et les référentiels des cursus que nous avons suivis. On pourrait donc, paresseusement, se reposer sur ces programmes et référentiels, en pensant que si nous avons des  diplômes, c'est donc que nous maîtrisons les connaissances et les compétences correspondant à ces diplômes...
Mais on sait bien que cela n'est pas vrai, et je fais une différence entre les prétentions que nous avons vis à vis du monde extérieur (les employeurs, par exemple), et celles que nous pouvons avoir vis à vis de nous-même, où nous n'avons pas intérêt à nous mentir. D'autant que les discussions avec mes amis plus jeunes prouvent que les notions, connaissances, compétences... sont parfois bien volatiles : on n'oublie pas qu'il faut avoir oublié plusieurs fois pour se souvenir. De sorte que, je le répète, il est bien paresseux de se reposer sur les programmes et référentiels.
Et surtout, je maintiens que l'on sait  mieux quand on sait ce que l'on sait,  et que l'on sait mieux faire quand on sait ce que l'on sait faire.

Je propose d'avoir, dès l'école primaire, un tel portfolio que, fièrement, nous augmentons ligne après ligne. Bien sûr, cette liste grossira considérablement et il faudra la structurer... ce qui est un avantage, puisque nous pourrons sans cesse réviser nos savoirs et nos compétences. Et nous serons amenés à changer les statut de savoir et de compétences (deuxième colonne), passant de débutant, à  confirmé, puis expert.
Et là , je vois apparaître le fait que ce portfolio, cette liste de connaissances et de compétences,  va de pair avec une évaluation que nous faisons nous-même de nos connaissance de nos compétences :  au lieu de laisser filer, nous reprenons la main sur ce que nous apprenons, nous maîtrisons, nous contrôlons, nous commandons ; nous évitons de la mauvaise foi, car si cette liste destiné à nous-même.

Évidemment, une telle liste peut-être utile pour chercher du travail : si nous arrivons devant un employeur avec la liste de tout ce que nous savons  et de tout ce que nous maîtrisons, alors non seulement ce dernier peut juger de l'adéquation de notre proposition avec ses besoins, mais, de surcroît, il voit qu'il a en face de lui quelqu'un de structuré, qui cherche à faire bien.

Et il n'est jamais trop tard pour se lancer : j'ai entendu quelques amis déjà bien avancés dans leurs études, par exemple en fin  de licence,  me dire qu'il était trop tard. Non, il n'est jamais trop tard, et l'on voit bien que l'on puisse commencer ce portfolio à tout moment, même rétrospectivement, parce que cela conduit à des révisions qui affermissent nos savoirs et non compétences. Tout bon, donc !

dimanche 1 mars 2020

La vérité ?


La vérité ? Démontrer scientifiquement ? Des théories justes ? Des sciences exactes ?
Il faudrait que nous constituions progressivement un catalogue des idées populaires ou simplement communes qui  sont parfaitement fausses.

Par exemple, les sciences de la nature ne démontrent rien, mais se limitent à décrire de mieux en mieux les phénomènes, leurs mécanismes. Ce sont seulement les mathématiques, qui démontrent.
Les théories ? Elles sont toujours insuffisantes, imparfaites, et c'est la raison pour laquelle les sciences de la nature n'auront jamais de fin : il faut améliorer, et améliorer encore, en sachant qu'un modèle réduit de la réalité n'est pas la réalité, et que ce serait une erreur terrible que de confondre, que de croire qu'une description tout à fait locale puisse être globale.
Des sciences exactes ? Moi, je connais les sciences de la nature, qui, parce que nos outils de mesure sont nécessairement imprécis, rien qu'en raison du "bruit du monde" (je rappelle que, au minimum, l'énergie est kT).

Et la vérité, dans tout cela ? 

C'est amusant de voir comment la science est devenu bien plus prudente que par le passé, du point de vue épistémologique : personne aujourd'hui ne pourrait plus prétendre -sauf à avoir beaucoup de naïveté-  que nous cherchons la "vérité".  Nous cherchons seulement des descriptions de plus en plus précises des phénomènes, des objets du monde, et ces descriptions condamnées à être toujours imprécises (la question, c'est "combien ?") ne sont pas inutiles puisqu'elles permettent l'introduction notions et concepts, qui sont des outils qui nous aident à penser mieux.

Pas de place pour la "vérité", dans tout cela, sauf à considérer que notre discours est factuel, pas mensonger.

jeudi 27 février 2020

Some questions from Greece

When was Molecular gastronomy first applied in the kitchen? 
 
The question needs rephrasing, because there are two options :
1. when was molecular gastronomy done for the first time?
2. when was is "applied", i.e. when were the results of MG used in the kitchen?

And the answer is simple :
1. MG was done for the first time when it was named, i.e., in 1988, by me  and Nicholas Kurti.
This does not mean that we did not make anything before, on the contrary, but before the name was officially given, it was a "prehistory". And here, the prehistory began a long time ago, because the pharmacist Geoffroy, in the early 18th century, was already studying the chemistry of meat stock, for example.
By the way, forget Brillat-Savarin, because he was not a scientist, but a lawyer. And all what he writes is fiction, like in a novel. Even the osmazome has nothing to do with the real osmazome, a concept and a name given by the French chemist Jacques Thenard (an ethanol extract of meat).
Brillat-Savarin never studied cooking: he wrote a book. And he did not know anything about chemistry.

2. About application: indeed because the application of sciences is not science, but technology, I gave the name "molecular cooking" to this modern way of cooking, which is to use hardware from laboratories (chemistry) to cook. I promoted that since 1980, but I gave the name itself only in 1999, because there was much confusion between cooking and sciences (of nature), in particular between cooking and molecular gastronomy.

mercredi 26 février 2020

Comment déguster, dans un jury



Alors que je sors d'un jury de dégustation, je m'aperçois que l'organisation était fautive, puisque  les jurés qui m'accompagnaient manquaient parfaitement de méthode, et que les grilles d'évaluation étaient insuffisantes, confondant la saveur et le   goût. Surtout, j'ai été choqué de voir que les jurés à ma table avaient l'impudence de vouloir noter sur leur goût propre, sur leurs préférences ! Ce n'est pas ça qui leur est demandé  : nous devons juger... quoi au juste ? Si l'objectif n'est pas clair, nos amis auront du mal.
En l'occurrence il s'agissait de miels, c'est-à-dire de préparations sucrées mais qui ne se réduisent certainement pas au sucre dans l'eau, sans quoi on mettrait du sucre dans  de l'eau et l'on ferait des sirops.
Non, les miels doivent savoir du goût,  et ce goût s'obtient précisément quand les abeilles butinent des plantes très particulières. Avec les miel toutes fleurs, on peut avoir, parfois, de bonnes surprises, mais avec les vielles monofloraux, on peut avoir plus de typicité, plus de chant gustatif.

Mais commençons par le commencement  : l'aspect. A notre table, il y avait des miels cristallisés et des miels liquides. Aucune des deux formes n'est fautive, en soi, d'autant que l'on sait que  le miel crémeux peut fondre, et que la cristallisation est d'une physico-chimie complexe. Bien sûr, les miels cristallisés ne doivent pas laisser  de trop gros cristaux en bouche, ne doivent pas fendre le palais... Mais, je le répète, la cristallisation se contrôle parfaitement. Pour les miels  liquides, le trouble n'est pas un défaut... car ce qui m'importe, c'est le goût.
Approchons un miel de la bouche : quand il passe devant le nez, laissons-l'y séjourner un peu, pour apprécier  l'odeur, l'odeur anténasale. Pas l'arôme, parce que le mot "arôme" désigne en français l'odeur d'une plante aromatique... ce que n'est pas le miel.
Là, pour l'odeur anténasale, je dois constater qu'il y avait de belles différences, selon les échantillons. Pour certains miels,  une très belle odeur, puissante, et pour d'autres miels,  une odeur beaucoup plus faible. Une odeur faible, c'est déjà le signe que le miel n'aura sans doute pas une  grande qualité gustative. Pas une preuve absolue, mais un premier signe.
Puis j'ai proposé aux jurés à ma table de se pincer d'abord le nez avant de mettre le miel en bouche, car c'est ainsi que l'on perçoit la saveur, indépendamment des autres composantes du goût. Et là on percevait effectivement des miels plus ou moins sucrés, des acidités plus ou moins agressives, des fraîcheurs, parfois une amertume. Certains miels étaient  excessivement sucrés, preuve  sans doute que le contenu en fructose était important  ; et quand le  sucré l'emportait, il y avait donc un défaut.
Puis quand on libère les narines lors de la mastication, alors on perçoit l'odeur retronasale, qui,  avec la saveur et le reste des sensations,  fait le goût. Là,  il y a eu de très beaux miels,  avec des odeurs de cire propre,  de rose,  florales, fruités... Cela, ce sont des vrais qualité.
Enfin on n'oubliera pas qu'il est toujours bon de considérer la longueur en bouche,  et c'est là où j'ai eu des plus belles surprises  : alors que certains miels qui, d'ailleurs,  n'avaient pas beaucoup d'odeur anténasale n'avait de durée en bouche que quelques secondes, il y a eu un miel très puissant, pour lequel le goût a persisté  pendant 40 secondes. Je dis bien 40 secondes  : je ne l'aimais pas particulièrement, mais qu'importe mon goût personnel idiot ; c'était un miel extraordinaire et j'ai appuyé de toutes mes forces pour qu'on lui donne une médaille !

mardi 25 février 2020

La nature se dévoile devant la science : mieux !

J'ai publié il y a quelque temps un billet de ce même titre... mais il était trop court. J'ai donc tout repris, et voici qui est mieux  !


Un ami m'envoie une image de cette statue : "la nature se dévoile devant la science".


Regardons-la de façon critique : n'est-il pas amusant de voir qu'un sculpteur -Ernest Barrias- donne de la nature l'image d'une femme, mais, surtout, que cette femme se dévoile, comme si la "Science" suffisait à apparaître pour que tout soit joué. D'ailleurs, c'est étrange aussi que la statue se dévoile devant nous, car tous les visiteurs qui font face à cette statue ne sont  pas scientifiques.
Et puis, pourquoi la nature serait-elle une femme ? En est-on encore à l'idée de la terre nourricière ? Certes, en français, la nature est au féminin, mais méfions-nous des genres : si les Français par de "la" lune et évoque "le" soleil, les Allemands évoque "die" Sonne, et "der" Mund, ce qui en dit long sur les interprétations des mythes alémaniques, et notamment du mythe de l'or du Rhin...

Mais c'est une autre histoire. Revenons à notre question de la nature qui se dévoile devant la science. En réalité, je trouve l'idée très fausse, très pernicieuse : il ne suffit pas de se présenter paresseusement devant la nature pour qu'elle se dévoile !
Je crois qu'il faut rectifier : ce sont les scientifiques, et certains d'entre eux seulement, les plus actifs, les plus ingénieux, qui, par une activité incessante, démultipliée, parviennent à lever difficilement un coin du grand voile. La nature, elle, n'est pas une personne, et, en tout cas, certainement pas la personne active qui est ici dépeinte.

D'ailleurs, l'expression "lever un coin du grand voile", qu'utilisait Albert Einstein, doit être discutée : si certains objets sont bien découverts (par exemple, le graphène, les fullérènes, les planètes extrasolaires, le boson de Higgs....), les théories, elles, sont certainement inventées. Le meilleur exemple est le formalisme de la physique quantique, qui peut être matriciel ou par opérateurs : qu'importe, le résultat est finalement le même.

Et puis, il faut répéter que nos théories sont insuffisantes, toujours insuffisantes par définition. Par des efforts considérables, les scientifiques parviennent difficilement à décrire les phénomènes de mieux en mieux. Un bon exemple est la loi d'Ohm, d'une proportionnalité entre la différence de potentiel électrique aux bornes d'un fil conducteur, et l'intensité du courant électrique qui parcourt le fil  : cette théorie était "assez bonne"... mais elle a été abattue par la découverte de l'effet Hall quantique, qui a valu le prix Nobel de physique à Klaus von Klintzing. Et nul doute que l'on améliorera encore les choses, un de ces jours, si un ou une scientifique s'y colle activement.

Activement : tout est là ! La nature n'est dévoilée que si l'on tire sur le voile avec une activité démesurée, avec une intelligence soutenus, qui n'est pas distraite par une poussière du monde que nous créons si nous n'y prenons pas garde (cela renvoie à d'innombrables billets précédents, donc je n'insiste pas).
Bref, nous pouvons dévoiler la nature, si nous sommes parfaitement actifs : cela doit être dit à tous nos jeunes amis !