mercredi 30 octobre 2019

Comment rater un soufflé


Comment rater un soufflé ? Pour savoir comment réussir à souffler, il faut peut-être savoir comment le rater. Et pour cela, il faut analyser l'objectif.
D'abord se demander ce que c'est qu'un soufflé : c'est une préparation qui doit avoir bon goût et qui gonfle à la cuisson, reste stable jusqu'au moment où on l'apporte sur la table, et qui peut retomber pendant qu'on le sert.

Analysons ces caractéristiques.

Tout d'abord, le bon goût  : là, on se souvient que le bon, c'est le beau à manger et que les règles n'existent guère pour parvenir à ce résultat. Évidemment, il y a des limites physiologiques  : le trop salé, le trop piquant.  Mais, en matière artistique, les règles sont de peu d'utilité à part peut-être pour les novices qui découvrent la question technique. Et pour ceux-là, je donne ici la règle que m'a transmise mon ami Émile Jung, cuisinier alsacien étoilé :  dans un plat, il doit y avoir  une partie de violence, trois parties de force et neuf  parties de douceur.
Pour un soufflé fait d'une béchamel au fromage, par exemple,  la douceur est acquise.  La force vient peut-être du fromage que l'on peut renforcer avec de la noix de muscade. La violence ? Je ne suis pas cuisinier mais j'aurais tendance à ne pas oublier le piment de Cayenne.

Le gonflement maintenant ? 

On comprend que si l'on fait en début de cuisson un chapeau qui bloquera le gonflement, alors ce dernier n'aura pas lieu. A contrario, si l'on s'arrange pour que la partie supérieure puisse se détacher des parois, alors ce chapeau pourra se soulever. Et c'est d'ailleurs une des "trois règles de Hervé" : avant la cuisson, faire une croûte en passant la préparation sous le gril, afin que le gonflement se fasse joliment. A la pointe du couteau, une fois la croûte faite, détachons cette croûte des bords.
On comprend aussi qu'un soufflé qui ne gonfle pas est raté, de sorte qu'il faut s'intéresser à ce gonflement. Si l'on chauffe par le haut, de l'eau évaporée part vers le haut. A contrario, si l'on chauffe par le fond (règle 2 de Hervé), alors l'eau s'évapore, et l'on obtiendra le gonflement puisque un gramme d'eau seulement suffit à faire environ un litre de vapeur.
Dans cette analyse, j'oublie qu'il faut que le soufflé puisse gonfler, c'est-à-dire que la préparation ne colle pas aux parois, ce qui justifie qu'on aura amplement beurré les parois. Peut-être aussi fariné et sucré selon qu'on a  un soufflé salé ou sucré.
Le gonflement n'est pas tout, et il faut que notre souffle et se maintienne un peu,  ce que l'on obtient précisément avec la croûte, laquelle s'obtient par une température du four d'environ 180 degrés, mais on peut aussi penser à faire figer l e soufflé, ce qui s'obtient à l'aide de protéines qui coagulent. Ici, on comprend l'intérêt de l’œuf, et l'on devra se souvenir d'ordres de grandeur  : le blanc d’œuf contient environ 10 % de protéines susceptibles de coaguler, alors que le jaune en contient 15 %.
Avec tout ça, il faut préciser que si l'on a des blancs bien battus en neige (troisième règle de Hervé), cela permet d'avoir un soufflé plus gonflé,  avec des protéines mieux réparties dans la masse. La fermeté de la mousse contribue à empêcher les bulles de vapeur de s'échapper par le haut, tout comme la croûte qu'on aura fait en tout début.

Et voila comment éviter de rater permet de réussir !

mardi 29 octobre 2019

Présenter la gastronomie moléculaire à ceux qui n'en font pas ?


Ce matin, je dois présenter la gastronomie moléculaire à des cuisiniers, et je vais évidemment commencer par bien expliquer que la gastronomie moléculaire est une science de la nature, qui qui se distingue donc  absolument de ses applications, à savoir  la cuisine moléculaire et la cuisine note à note, qui sont deux techniques.

Cela, je sais assez bien faire, mais la question que je me pose est surtout : à quoi bon parler de gastronomie moléculaire, c'est-à-dire de physico-chimie,  à des personnes qui en seront toujours parfaitement éloignées ? Oui, pourquoi entrer dans des détails techniques sur nos méthodes scientifiques, nos stratégies scientifiques, et même nos résultats scientifiques, alors que nous nous adressons à des cuisiniers qui ont surtout envie d'améliorer leur technique, c'est-à-dire qui ont besoin de technologie pour faire grandir leur  technique, et, ainsi, faire grandir leur art ?

Bien sûr, un cuisinier, comme n'importe qui d'autre, a le droit de s'intéresser à d'autres champs que le sien, et, notamment, à la gastronomie moléculaire, tout comme il pourrait s'intéresser à l'astrophysique, à la cosmologie, à la génétique... Mais alors, cet intérêt doit me conduire à présenter la discipline d'une façon particulière, qui soit précisément susceptible d'intéresser  mes interlocuteurs. Mon enthousiasme personnel pour ma discipline ne palliera pas l'absence d'une réflexion qu'il faudra que je fasse.

En attendant, je me rassure avec la teneur d'une discussion que j'ai eue hier avec un jeune cuisinier, en début de formation, et qui était tout heureux de regarder certains de mes podcasts, parce que ces derniers lui permettaient "de comprendre ce qu'il faisait en cuisine".
C'est un immense motif d'optimisme de voir mon jeune ami s'intéresser  à ce qu'il fait,  et, de surcroît, partager avec les spécialistes de gastronomie moléculaire l'attrait pour les mécanismes des phénomènes
De sorte que je conclus que, en l'absence de la réflexion que j'ai évoquée plus haut, il me faudra me focaliser sur précisément ces mécanismes.
Bien sûr, je pourrais évoquer l'utilisation des résultats de la gastronomie moléculaire, mais la discussion d'hier me montre que ce n'est peut-être pas la peine, et que l'intérêt pour les mécanismes des phénomènes qui surviennent en cuisine est plus partagé que je ne le pense.

Allons, présentons peut-être naïvement !

lundi 28 octobre 2019

Comment le métier de cuisinier évoluera-t-il ?



Après une conférence où je discutais la cuisine note à note :

J'ai une petite question sur votre conférence que je vais essayer de formuler correctement : le chef qui a ouvert un restaurant totalement note à note se considère-t-il encore comme un chef au sens classique du terme ou bien désormais davantage comme un technicien de laboratoire ? Il ne doit quasiment plus appliquer les gestes classiquement employés dans la restauration !
C'est intéressant de se dire que le métier de cuisinier pourrait maintenant basculer davantage sur la capacité de savoir mettre en partition des saveurs en étant totalement  déconnecté de la maîtrise des gestes encore en vigueur dans ce métier et qui en sont une identité très forte.


Ma réponse est la suivante : 

1. en substance, la question culinaire est artistique, et la technique n'est rien.
2. donc les cuisiniers sont des artistes, pas des techniciens, ni des technologues, ni des scientifiques ;
3. et les cuisiniers "note à note" suivent des recettes et les interprètent en termes gustatifs, comme Andras Schiff interprète Bach.


Je développe un peu :

1. La question culinaire est la suivante : le cuisinier ou la cuisinière doivent "faire à manger", ce qui signifie d'organiser des ingrédients pour faire des "plats", des "mets", ce que l'on peut interpréter comme des systèmes physico-chimiques qui apportent à l'organisme de quoi se développer ou s'entretenir. Mais ces mets doivent "passer la barrière du goût", à savoir qu'ils doivent être reconnus comme "bons", et non pas seulement pour des raisons intellectuelles, mais aussi parce que la détection sensorielle des divers composés permet à l'organisme de préparer la digestion des mets.
Il y a donc des questions sensorielles, et des questions culturelles.
Et, d'autre part, je vois clairement une différence entre l'artisanat (pensons au peintre en bâtiment) et l'art : bien sûr, l'artiste doit être un excellent technicien, mais la question technique est seulement de venir à l'appui de l'idée artistique (le "bon", qui est le beau à manger). Et pour l'artisan, aussi, la question du bon s'impose.

Pour cette question technique, la cuisine note à note se pratique avec les mêmes ustensiles que la cuisine classique ou que la cuisine moléculaire : on coupe, on chauffe, on broie, on refroidit, on verse, etc.


2. Oui, les cuisiniers sont des techniciens, quand ils sont artisans, ou des artistes quand ils sont artistes.
Par exemple, un crêpier doit correctement préparer la pâte, avec une fluidité appropriée, puis bien l'étaler et la retourner, quand vient le moment : c'est un travail technique.
Par exemple, un cuisinier qui sert des steaks frites ou n'importe quel plat du jour classique doit être capable de suivre une recette, à savoir que le steak doit être bleu, saignant, à point ou bien cuit selon la demande du client, et les frites doivent être cuites sans être trop brunes (sans quoi elles seraient chargées de trop d'acrylamide et autres composés toxiques).
Par exemple, un pâtissier doit savoir faire de la pâte à choux et la cuire.

Mais pour la question artistique, le travail technique est dépassé par la création artistique.

Bien sûr, il n'est pas interdit au cuisinier d'avoir une réflexion technologique : s'intéresser à sa technique et chercher à l'améliorer. Mais cela ne doit pas l'emporter sur son travail, sans quoi il n'est plus cuisinier, mais technologue.
De même pour la science : le cuisinier pourrait décider de s'intéresser à chercher les mécanismes des phénomènes qui surviennent quand il cuisine... mais :
- il ne serait plus cuisinier
- il lui faudrait lâcher les ustensiles de cuisine pour passer au maniement d'outils d'analyse et d'équations... en vue de tout autre chose que la production d'aliments.


3. Pour la cuisine note à note, il en va exactement comme pour la cuisine classique, avec des créateurs et des interprètes.
Pour les deux, il n'est pas nécessaire d'être chimiste, mais il faut connaître les ingrédients et la façon dont ils se transforment quand on les traite. Par exemple, un poulet chauffé à plus de 150 degrés brunit, tandis que sa chair coagule, que son goût change. Mais, au fond, est-ce si différent quand le cuisinier mélange des protéines (une poudre, comme la farine) et de l'eau, avant d'ajouter des composés colorés, sapides ou odorants, et de faire cuire l'ensemble dans une poêle : ça ou une crêpe, quelle différence ?
Bref  les cuisiniers "note à note" suivent des recettes (qu'ils créent eux-mêmes ou qu'ils  interprètent en termes gustatifs, comme n'importe quel musicien interpréterait des auteurs classiques. Quand l'outil est au point, la technique s'efface devant le travail artistique.

Et c'est ainsi que, un jour, mon ami Pierre m'a demandé s'il devait apprendre la chimie, et ma réponse a été immédiate : surtout pas, consacre tout ton temps à ton art, puisque la question technique n'a guère d'intérêt, et qu'elle pourra éventuellement résolue par des technologues, le jour où tu en auras besoin.

Bref, pour les cuisiniers de demain ne seront certainement pas des scientifiques, ils n'ont pas besoin d'être des technologues ; en revanche, il leur incombera un travail technique... et la question du bon, à savoir du beau à manger !

About the sugar effect

I am asked about the "sugar effect", that I demonstrated sometimes during lectures.


I would demonstrate it in this way :

1. observing that water rolls on flour shows that the surface is rather hydrophobic

2. but kneading makes a dough: water goes in the flour through capillarity

3. when you knead, it is stronger and stronger, which shows that something happens (the gluten network formation)

4. but when you lixiviate, then you demonstrate the presence of the "gluten" network (+starch); this is due to protein bridging by water

5. if instead of lixiviating, you add the sugar, then the sucrose traps water and dissolves in it, making a continuous phase (syrup), in which the starch particles are suspended (you move from a D0(S)/D3(S) toward a D0(s)/D3(W) system).

For the "sugar effect",  it is much more efficient when icy sugar is used (because of faster dissolution).

And this is why doughs are more tender with sugar is added in the dough before cooking: instead of having this network, the flour is cemented by butter. 

jeudi 24 octobre 2019

Nous mangeons une alimentation, pas des aliments !


Que penser des évaluations nutritionnelle des aliments ?
Il y a fréquemment des messages de la part des hygiénistes pour dire qu'il faut manger des fruits et des légumes, qu'il ne faut pas trop manger gras, sucré, salé, qu'il faut  faire de l'exercice... Et tout cela n'est pas contestable  : oui, il faut manger des fruits des légumes afin d'obtenir des vitamines, des oligoéléments, des fibres... mais aussi des lipides qui font les membranes de nos cellules, des protéines, etc. Oui, il faut manger des viandes afin de récupérer des protéines, du fer bien assimilable (sans quoi les enfants seront intellectuellement attardés). Oui, il faut éviter de manger des produits frits en excès,  sans quoi nous verserons dans une obésité qui nous vaudra bien des déboires. Oui, il faut manger éviter de manger trop salé, sans quoi l'hypertension artérielle nous guette ;  il faut éviter de manger trop sucré, sans quoi nous aurons des caries, du diabètes... Oui  il faut aussi éviter de manger trop fumé sans quoi, comme les populations du nord de l'Europe, nous seront atteints de cancers du système digestif.

Mais je reviens aux messages diététiques (plutôt que nutritionnels, d'ailleurs, puisque la nutrition est une science, et la diététique son application). A qui s'adressent-ils ? Et sont-ils utiles ?
J'observe tout d'abord que des responsables de la santé humaine ne peuvent manquer de s'effrayer de l'augmentation de l'obésité dans nos sociétés modernes  : nous stockons, avec nos aliments, plus que nous n'en dépensons. Et il reste vrai  qu'il y a lieu d'enseigner à manger, car un régime qui serait focalisé sur un seul type d'aliments conduirait à de graves dysfonctionnements de l'organisme.  C'est par exemple ce qui avait été observé au 19e siècle, quand on a voulu établir l'intérêt des bouillon de viande : on s'est aperçu que les  chiens qui en étaient nourris exclusivement sont morts en assez peu de temps. La leçon a été bien retenue par les bons nutritionnistes :  il faut manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément.
C'est là un vrai message qui doit être donné... mais comment le faire passer efficacement ? Le citoyen veut sans cesse du neuf, d'où les diversifications sur l'exercice, le gras-sucré-salé, les cinq fruits et légumes...
Jusque-là, tout va encore assez bien, mais ce qui me va plus, ce sont ces codes couleurs qui stigmatisent certains aliments. Il faut dire que nous pouvons manger de tout... sans excès. Et éviter des simplifications qui révèlent que l'on est soi-même... simplet.
Par exemple, un député vient de proposer une taxe sur les produits de la charcuterie. Il se fonde notamment sur les évaluations toxicologiques ou épidémiologiques de ces composés particuliers que sont les nitrites ou les nitrates... mais il oublie de reconnaître que ces composés évitent des cas de botulisme mortels!  Et puis, imaginons que les cas de  botulisme apparaissent, par conséquence de la proposition de ce député  : ira-t-on le chercher pour le mettre en prison ? Je propose à mes amis de ne pas oublier que les conseilleurs ne sont pas les payeurs,  et cet  homme ne sera pas poursuivi, et il continuera  son œuvre délétère. Certes  les citoyens ont les représentants qu'ils méritent, mais quand même, il y a des gens douteux dont il faut apprendre à se méfier. Nous avons la responsabilité d'avoir des réactions  énergiques et rapides !
D'ailleurs, je passe sur le cas particuliers des charcuteries pour revenir à   ce code couleur que je déteste pour une raison très simple  : nous ne mangeons pas des aliments mais une alimentation.
Tout ingrédient alimentaire, qu'il s'agisse d'une carotte, d'un navet, d'une terrine, d'un saucisson, d'un éclair au chocolat, d'un poisson, etc. contient des composés qui ont une certaine toxicité, mais cela n'est pas une raison pour l'éviter ! Souvenons-nous de l'exemple des bouillon de viande. Et sachons aussi que les toxicologues évoquent souvent une "courbe en J" que j'explique maintenant ainsi  : certaines vitamines sont absolument indispensables en petite quantité, mais elles deviennent toxiques en quantités supérieures. Ce phénomène est très général.

Soyons positifs : que pouvons-nous dire si nous voulons avoir un message diététique de type national ? Certainement qu'il faut faire de l'exercice modérément,  mais certainement aussi qu'il faut varier notre alimentation et ne pas manger trop. Nous pouvons manger de tout (sauf évidemment de graves poisons), mais en petite quantité. Et nous devons lutter absolument contre les docteur Knock de l'alimentation  : : ceux pour qui tout bien mangeant et un malade qui s'ignore... et qui peut tomber entre leurs griffes.

Mais je vois que mon regard s'attarde sur la frange et je veux relever le nez immédiatement pour regarder le ciel bleu : il y a de la marge pour apprendre à manger, individuellement et collectivement, pour enseigner à nos enfants comment bien manger. Car le message est simple  : nous devons manger de tout en quantités modérées et faire de l'exercice modérément.
Pas de codes couleurs stigmatisant !

La chimie est une science, qui ne se confond pas avec ses applications, et certainement pas avec la cuisine


Des journalistes écrivent une fois de plus que la cuisine serait de la chimie, et je veux dire un NON énergique !

Car la cuisine est une activité technique, parfois artistique, qui consiste à produire des aliments, c'est-à-dire soit des assemblages de nutriments, soit des œuvres d'art (culinaire).
En revanche, la chimie est une activité scientifique, qui cherche les mécanismes des phénomènes, par une méthode que j'ai présentée plusieurs fois, mais que je redonne ici pour bien faire comprendre que cela n'a RIEN A VOIR avec de la cuisine !



Je ne comprends pas comment il est possible que l'on puisse faire la confusion entre une activité technique artistique, d'un côté, et une activité scientifique de l'autre ! Bien sûr, je sais qu'il y a beaucoup de confusions à propos de la chimie,  avec des groupes qui s'emparent indûment du nom de "chimie". Par exemple, il faut dire, répéter et répéter encore jusqu'à ce que cela soit clair pour tous qu'il n'y a pas d'industrie chimique. Car l'industrie ne fait pas de science, mais  de la technique.
Oui, il y a eu des chimistes qui se sont intéressés aux applications de leur science, comme quand Michel Eugène Chevreul, découvrant la constitution moléculaire des graisse, arrive, par application de ces travaux, à un brevet sur la fabrication des bougies. Mais il ne confondait pas la chimie avec ses applications. Pas plus que Louis Pasteur, qui était un excellent chimiste : il a bien expliqué que son activité de la deuxième moitié de sa vie n'était  plus de la chimie, mais bien des applications de la chimie ou de la biologie.
Cc'est cela qu'il faut expliquer : la chimie est une science de la nature, c'est-à-dire la recherche des mécanismes des phénomènes à l'aide d'une méthode bien particulière que j'ai donc exposée de nombreuses fois. Et, à l'opposé,  les applications de la chimie ne sont pas de la chimie, mais  des applications de la chimie, c'est-à-dire soit de la technologie, soit de la technique...  aussi de l'instruction.
Pour expliquer ce dernier point,  on peut observer qu'il y eut un bouleversement intellectuel quand on comprit, vers l'époque de Galilée, qu'une pierre lancée en l'air n'allait pas d'abord en ligne droite avant de retomber verticalement. De même, ce fut très grand progrès quand on a découvert l'existence des micro-organismes et qu'on a pu, par application de cette découverte scientifique, prendre des mesures d'hygiène judicieuses.
De même, pour la chimie,  il y a, comme application intellectuelle, l'idée le monde est fait de molécules, d'atomes, et que les énergies qui conduisent à des réarrangements d'atomes sont tout à fait raisonnables, puisque ce sont celles du feu. J'ai dit ailleurs combien je pensais que cette partie des applications de la chimie était essentielle, ce qui vaut d'ailleurs pour les autres sciences.

Je synthétise, donc,  maintenant  : il y a la science d'un côté et les applications de la science de l'autre. La science, c'est la science, et ce n'est pas "appliqué" Et les applications des sciences sont des applications de sciences, mais ce ne sont pas des sciences. Ce qui est dit là vaut pour toutes les sciences de la nature, notamment pour la chimie. Et voilà pourquoi, malgré l'utilisation, dans les cuisines modernes, de résultats de cette branche particulière de la chimie qu'est la gastronomie moléculaire,  je suis très rigoureusement opposé à la confusion.

Je le répète encore et encore : la chimie est une science!

mardi 22 octobre 2019

Connaissances ouvertes et connaissances fermées


Un ami m'a tendu une perche : distinguer des connaissances ouverte et des connaissances fermées. Je l'ai prise, mais  en me demandant  immédiatement ce que seraient ces connaissances ouvertes et ces connaissances fermées.

Connaissance fermée ? On imagine une connaissance qui ne conduit pas à  autre chose  : par exemple,  quelle heure est-il ? On répond "onze heures", et tout s'arrête.  Une connaissance ouverte ? Cela me fait penser immédiatement à ces questions étincelles que j'avais déjà discutées ailleurs.
Pour autant, je me méfie de moi-même, car je suis tombé déjà une fois dans le panneau avec le traité de peinture du moine Citrouille amère, Shitao : il parlait de la "poussière du monde", et j'ai mis un certain temps à comprendre que cette poussière du monde ne préexistait pas, mais que c'est éventuellement nous qui la créions.  A contrario, c'est à nous qu'il revient de mettre de l'intelligence dans le monde qui nous entoure, dans le moindre objet, dans la moindre relation, dans le moindre acte...
Le monde n'est ni poussière ni intelligence, pas plus que la nature n'est bonne ou mauvaise, et c'est à nous, entièrement à nous, qu'il revient d'en faire quelque chose que nous jugeons, que nous apprécions par notre culture. C'est à nous de voir la beauté, c'est à nous de voir intelligence. Mais en disant "voir",  je m'aperçois de la faute, parce que ce verbe suppose que l'intelligence ou la beauté sont là et qu'il nous faut apprendre à les voir, alors qu'en réalité,  c'est à nous de les créer.

Oui, c'est à nous de créer l'intelligence ; c'est à nous de ne pas créer de la poussière dans ce monde. Et, au fond, tout cela est merveilleusement optimiste, car cela revient à reconnaître que le bonheur de la contemplation est en nous-même,  qu'il ne dépend que peu des circonstances.

Nous voulons de l'intelligence ? Créons-la !