jeudi 12 décembre 2024

Si j'étais une plante

 
Si j'étais une plante, je protégerais mes fruits. Je les protégerais contre tous les agresseurs, je les protégerais jusqu'à ce qu'ils puissent puissent se développer, et je les construirais aussi de façon que leur développement se fasse assez loin de moi pour qu'il ne me fassent pas concurrence. 

Au fond, la cerise est bien faite, avec le noyau qui contient la partie qui assure la reproduction, et la pulpe, colorée et sucrée, qui attire les animaux, lesquels iront disperser les noyaux plus loin. 

La pulpe est limitée par une peau, comme dans le grain de raisin par exemple  : il faut que la baie mûrisse sans être trop attaquée, sans quoi ses sucres seraient perdus, et des animaux ne la consommeraient pas ; elle pourrirait avant que le noyau ne soit prêt, alors même qu'elle contient de l'eau et des sucres, c'est-à-dire tout ce qu'il faut pour que des micro-organismes s'en régalent. 

La peau est donc plus dure, épaisse, et là, il n'y a pas véritablement de l'eau, mais un tégument un peu sec, hydrophobe, sur lequel l'eau glisse... ce qui est une condition intéressante, puisque les micro-organismes ont besoin d'eau pour se développer. 

Evidemment, il y a des insectes piqueurs qui peuvent percer la peau et aller se régaler du jus de l'intérieur, et les micro-organismes peuvent se développer sur les cires externes. 

Mais cela fait nombre de barrière avant d'arriver jusqu'à l'intérieur de la coque, dure et sèche, qui protège bien contre les agressions. 

Cette coque dure, il a fallu la constituer et cela ne se fait pas par miracle. La plante a donc déposé des composés successivement : ces composés qui circulent dans la plante sont majoritairement des polysaccharides, des protéines, des oligosaccharides, des acides aminés, des peptides, de l'eau bien sûr, mais aussi des composés phénoliques, par exemple. 

Il y a une hypothèse selon les laquelle les composés phénoliques, ce que certains nomment fautivement des "polyphénols",  antioxydants certes, sont protecteurs contre les micro-organisme. 

Pus généralement, ce qui est sûr, c'est que les parties corticales des végétaux sont chargées de composés qui sont des "pesticides" naturels, synthétisé par la plante,  capables de repousser les agresseurs, soit en les tuant,  soit par une amertume ou une astringence, par exemple. 

Évidemment, le chapitre est immense et on ne saurait évoquer toutes les possibilités, d'autant que les progrès de la biologie ont bien montré que les composés n'ont pas qu'une seule fonction, en général. Par exemple les anthocyanines qui donnent la couleur des fleurs et des fruits sont également antioxydants, comme on l'a vu, mais ils peuvent avoir bien d'autres fonctions : si  je n'étais pas chimiste,  cette fascination pour la diversité moléculaire des végétaux me capterait,  comme elle avait  apté le chimiste pharmacien Pierre Potier, qui avait mis au point le taxotère, avec lequel on combat les cancers du sein. 

Pierre Potier avait bien compris que si un composé est présent dans une plante, alors ses précurseurs le sont aussi, et  c'est en cherchant un précurseur du taxol dans les aiguilles de l'if qu'il l'a trouvé, premièrement, et qu'il l'a ensuite modifié pour faire le principe actif du taxotère. 

Dans nos études, il y a lieu de penser à toute cette complexité du vivant et mieux encore de ne pas oublier qu'il y a des questions d'évolution biologique, mais c'est-à-dire aussi des parentés qui rendent certains organismes chimiquement semblables. 

La biologie est fascinante parce que précisément elle cherche à comprendre ces regroupements et leurs raisons. On évitera bien sûr des visées simpliste sur les fonctions des molécules du vivant, mais on pensera à des questions d'économie. Par exemple, le même Pierre Potier m'avait fait observer, quand il était question de la découverte des neuromédiateurs, que le vivant ne pouvait pas se comporter comme une voiture où il n'y aurait qu'un accélérateur ; il fallait un débrayage, un frain à main, un accélérateur et un frein. De même, dans une plante, dans un organisme vivant, il ne peut pas y avoir la seule libération des neuromédiateurs et il faut aussi un recaptage qui permet d'éviter une nouvelle synthèse, énergétiquement coûteuse des molécules de neuromédiateur. 

Bref il y a lieu de penser que la biologie est une science fascinante quand on fait de la chimie et que les molécules que l'on considère viennent du vivant.

mercredi 11 décembre 2024

Tests charcutiers : assaisonnement et malaxage

Nous venons de terminer le séminaire consacré à la charcuterie et, plus exactement  à l'assaisonnement et au malaxage. 

Nous avons fait une première expérience qui consistait à prendre de la viande (poitrine de porc), à la couper en morceaux et à diviser ces morceaux en deux moitiés : 

- une moitié était assaisonnée de sel et de poivre avant le hachage

- et l'autre moitié était d'abord hachée avant d'être assaisonné. 

Nous avons utilisé une grille de 10 conformément à la pratique de la confection des saucisses de Toulouse. Nous n'avons pas mélangé, toujours conformément à la pratique de la confection des saucisses de Toulouse. Et nous avons formé de petites galettes que nous avons cuites ensemble, dans la même poêle, au même endroit de la poêle et pendant le même temps. 

Puis nous avons organisé un test triangulaire et nous n'avons pas perçu de différence gustatives entre la viande assaisonnée avant ou après le hachage. 

 

Puis nous avons fait une deuxième expérience qui consistait hacher de la viande, à l'assaisonner, puis à diviser la viande hachée en deux moitiés 

- l'une était malaxée  (à la main, en triturant, jusque environ 7 minutes)

- et l'autre moitié n'était pas malaxée. 

Le résultat a été parfaitement clair : visuellement, il y a une différence considérable et au bout de 6 minutes de mélange à la main, l'opérateur a senti comme de l'eau qui sortait de la masse malaxée. Mais l'aspect visuel suffisait à montrer combien il y avait de changement. 

Puis à la cuisson, nous avons vu une autre différence  : la viande qui avait été malaxée gonflait plus que l'autre. Après cuisson, elle se tenait bien mieux : elle formait une masse homogène tandis que pour la viande hachée et non malaxée, les parties se défaisaient, se séparaient,  avant ou après la cuisson d'ailleurs. Au test triangulaire, nous avons vu une belle différence non pas de goût mais évidemment de consistance.

Parfois, dans nos séminaires, les expériences sont préliminaires et il y a lieu de les répéter ultérieurement, mais cette fois-ci, les effets sont si clairs qu'il n'est sans doute pas nécessaire de répéter les tests... sauf évidemment avec des apprenants, afin qu'ils voient par eux-mêmes les effets qu'on leur annonce.

mardi 10 décembre 2024

A propos de feuilletages, et notamment du tourage

Je ne suis pas certain d'avoir bien expliqué les résultats du séminaire consacré à l'influence de la régularité du tourage sur le gonflement des pâtes feuilletées. 

Mais déjà, je m'aperçois qu'il faut dire les choses différemment pour me faire mieux comprendre : il s'agissait donc de faire une pâte feuilletée, et de chercher à l'obtenir très gonflée. 

Une pâte feuilletée, c'est un empilement de feuillets de pâtes séparés par des feuillets de beurre.
Et quand on cuit, l'eau de la pâte et du beurre s'évapore, ce qui repousse les feuillets les uns des autres. 

Le "tourage", c'est le fait d'étaler la pâte et de la replier sur elle-même, comme on va le comprendre en examinant la recette. 

1. On part de farine et d'eau, et l'on fait une boule de pâte, un pâton, que l'on aplatit en un gros disque. 

2. Puis on prend du beurre en quantité approximativement égale à celle de la farine, et on le malaxe pour en faire un disque également épais, mais un peu plus petit que le disque de pâtes. 

3. On pose le disque de beurre sur le disque de pâtes, et on replie la pâte sur le beurre pour l'envelopper. A ce stade, nous avons un disque composé, avec, au centre, un disque de beurre. 

4. Le tourage, c'est le fait de prendre un rouleau, d'allonger ce disque de beurre enveloppé dans la pâte trois fois plus long que large, puis de replier en trois. 

5. Cela, c'est un "tour simple", et, pour faire une pâte feuilletée on fait 6 tours de cette sorte, éventuellement deux par deux. 

On comprend que le premier tour, partant d'une couche de beurre, conduise à trois couches de beurre et donc quatre couches de farine... puisque les couches de pâtes mises les unes sur les autres se recollent. Au deuxième tour on aura donc 9 couches de beurre, puis 27 au troisième tour, puis 81, puis 243, puis 729. Après si tours, nous avons donc 729 couches de beurre et 730 couches de pâtes soit 1459 couches au total. Et 1459 couches dans l'épaisseur de la pâte, c'est-à-dire environ 1 cm : cela signifie que les couches de beurre ou de pâtes sont au maximum d'un millième de centimètre d'épaisseur, soit encore un centième de millimètre. C'est très peu. 

Et l'on comprend aussi que si l'on s'y prend mal, deux couches de pâtes peuvent se souder à travers une couche de beurre qui fuirait. A de tels endroits, la pâte ne pourrait plus gonfler, puisque les couches de pâtes sont soudées. 

Et voilà l'hypothèse que nous voulions tester : est-ce que si l'on fait des tourages très réguliers, on évite de telles soudure et l'on obtient des pâtes feuilletées plus gonflées ? 

Le séminaire a consisté à faire une pâte, une seule pour commencer qui a été tourée 4 fois. Puis nous avons divisé le pâton en deux. Une moitié a été très régulièrement tourée, tandis que l'autre a été médiocrement tourée. Les deux pâtons ont été ensuite cuits dans le même four, à la même température et pendant le même temps, et nous avons observé le résultat : la pâte régulièrement tourée était beaucoup plus gonflée que l'autre. Mieux encore, elle était homogène à l'intérieur, ce qui signifie que les feuillets étaient régulièrement espacés, tandis que, pour la pâte mal tourée, il y avait une espèce de grosse poche vide au centre. 

Même si ce résultat doit être répété, notre hypothèse semble donc corroborée expérimentalement, et je crois qu'il n'est pas mauvais de dire à tous ceux qui font des pâtes feuilletées de tourer aussi proprement que possible. 

J'ajoute que, lors du séminaire, nous avions un couteau médiocre pour couper les bords, alors que cette découpe est absolument essentielle. Si l'on ne coupe pas les bords, les couches se repliées au bord ne peuvent pas s'écarter à cet endroit, formant une sorte de gros portefeuille un peu ouvert. 

Pour avoir un bon gonflement, il faut couper les bords le plus proprement possible et sans souder les couches lors de pâtes lors de la coupure. 

Et c'est ainsi que l'on obtient des pâtes feuilletées bien gonflées !


lundi 9 décembre 2024

Les études expérimentales doivent être en phase avec les théories, et les enseignements doivent évoluer.

Dans les années 2000, le ministre de l'Education nationale et des inspecteurs avaient décidé de rénover les référentiels des établissements d'enseignement culinaire pour supprimer des notions périmées, qui avaient été introduites dès les années 1900. 


À l'époque, j'avais rencontré une personne "importante" dans cette organisation qui savait à peu près tout, même ce qui était faux et avec un aplomb considérable. Mais avec l'appui du ministre, avec un parfait accord avec l'inspection générale, nous avons donc réformé les référentiels de cuisine, supprimé les théories fausses de "cuisson par concentration" et de "cuisson par expansion", par exemple, mais nous avons fait également nombre d'autres changements.

C'était il y a longtemps et, depuis cette époque, les séminaires de gastronomie moléculaire, chaque mois, avec la bénédiction de l'Inspection générale, contribuent à montrer qu'il y a encore  largement lieu de rénover les enseignements.
C'est ainsi que si l'on regarde les séminaires et leur compte rendu, on verra presque chaque mois que des idées techniques enseignées sont réfutés expérimentalement.

Oui, il y a donc lieu de changer à nouveau les référentiels, il y a lieu de diffuser très largement une information juste et il y a lieu d'enseigner des choses justes.

Je le répète, mais, dans nos séminaires, nous avons régulièrement la présence de professionnels et d'enseignants, et nous faisons les tests tels qu'ils doivent être faits.
Bien sûr, nous devrions multiplier ces tests mais quand même, un contre-exemple à une loi générale suffit pour abattre cette loi... surtout quand l'idée théorique sur laquelle la loi est fondée est manifestement fausses.

Par exemple, il a été écrit par des chefs triplement étoilés et il a été enseigné que le dégorgement des aubergines  par du sel les faisait mieux tenir à la cuisson. Pourtant, l'expérience a montré que, au contraire, les rondelles d'aubergines tenaient moins bien quand elles étaient dégorgées. Qu'enseigner alors ?

Je propose de ne pas continuer à enseigner les erreurs venues de chefs qui n'ont jamais fait de tests expérimentaux rigoureux et qui se sont simplement fondés sur des idées personnelles pour dire avec beaucoup d'autorité des choses qui ont été ensuite répétées.
 Je propose que les enseignement soient fondés sur des travaux référencés,  avec des références qui ne soient pas d'autorité (le Guide culinaire, plein d'erreurs !), mais sur des  tests expérimentaux fiables, répétés, rigoureux...
 
 Bref je propose une réforme assez fondamentale de l'enseignement de la cuisine et je ne doute pas que l'inspection et le ministère est à cœur de nous suivre dans cette direction.

Des voeux

Alors que des guerres font rage, alors que des vociférateurs politiques montent les groupes les uns contre les autres,  les fêtes de fin d'année, les voeux sont clairs : nous devons nous souhaiter d'être exemplaires, rassemblants, rationnels... 

Alors qu'il y a de l'obscurité et de l'obscurantisme, nous avons un devoir de profiter des ce que nous sommes au chaud pour chercher des moyens de diffuser les Lumières, d'allumer les Lumières de l'esprit. 

Lutter contre l' "obscurité" sous toutes ses formes, c'est lutter contre les Tyrannies. Mettre de la lumière partout, c'est empêcher les Tyrans, qui voudraient profiter de l'obscurité pour faire leurs coups bas, d'agir au détriment de tous. 

Le voeu que je forme à l'attention de tous, et notamment de mes amis, c'est surtout que nous soyons capables d'être dans une telle dynamique : connaître, comprendre, transmettre, expliciter, nous améliorer... Nous pouvons être meilleurs, nous devons devenir meilleurs.

La clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public

Je combats la confusion entre "acides gras" et "résidu d'acide gras" : dans de l'huile, les molécules constitutives sont majoritairement des triglycérides, c'est-à-dire des assemblages d'atomes où l'on trouve un "résidu de glycérol" et trois "résidus d'acides gras".

 Car stricto sensu, dans une molécule de triglycérides, il n'y a pas de glycérol et il n'y a pas d'acide gras : il y a seulement une partie de la molécule qui ressemble à du glycérol, à quelques atomes près, tout comme on trouve des groupes d'atomes qui ressemblent à des acides gras. 

Pour avoir du glycérol ou des acides gras, il faudrait des atomes en plus, il faudrait surtout que ces molécules soient séparées, car une molécule de triglycéride n'est pas un assemblage de glycérol et d'acides gras, mais une molécule particulière. 

D'ailleurs, on peut synthétiser des triglycérides avec autre chose que du glycérol et des acides gras, et la décomposition d'un triglycérides peut produire autre chose que du glycérol et acides gras. 

Evidemment, quand des spécialistes se parlent, ils peuvent juger plus rapide de parler d'acide gras que de résidu d'acide gras, et le risque, là, est seulement qu'il y ait une confusion, qui peut-être levé par le contexte. 

En revanche, pour de l'enseignement ou pour le public, je trouve très contestable de parler d'acides gras pour désigner les résidus d'acides gras des triglycérides, car on voit, derrière, les confusions que cela engendre : en licence et même en master, je rencontre des étudiants qui ne comprennent pas la différence, et je vois même des collègues qui croient qu'il y a des acides gras dans l'huile ! 

Le public, lui, est persuadé que l'huile est faite d'acide gras. 

J'ai rencontré des collègues qui n'utilisent pas l'expression résidu d'acides gras sous prétexte qu'il y aurait le mot résidu, qui pourrait être confondu avec les résidus de pesticides. En réalité, je crois qu'ils sous-estiment l'enjeu de la clarté du discours chimique en public. 

Nous ne devons pas être démagogue, nous devons expliquer sans supériorité, mais avec autant de clarté que possible : les citoyens le méritent !
 

dimanche 8 décembre 2024

La science ? Théorie et expérience : cela s'apprend.

Ce matin, alors que je recevais au laboratoire un étudiant venu faire des expérimentations, j'ai mieux compris l'étendue des explications à donner. 

En l'occurrence, j'avais imaginé produire des mousses en soufflant de l'air par la partie inférieure d'un liquide susceptible de mousser. Quand j'avais initialement expliqué à l'étudiant, j'avais compris qu'il voyait mal comment nous pourrions faire, et c'est à ce moment-là que j'ai compris que mon idée "évidente" était celle d'une colonne de chromatographie où l'on soufflerait de l'air par la base n'avait rien d'évident. 

Rien d'évident...  parce que mon jeune ami ne savait pas ce que c'est une colonne de chromatographie. Une colonne de chromatographie ? C'est une colonne en verre qui comporte à sa base un "fritté". Un fritté ? Il s'agit de particules de silice agglomérées pour faire comme un filtre solide. 

La colonne de chromatographie était le premier objet inconnu de mon ami et le fritté était le second. 

Comment souffler de l'air dans cette colonne ? Il me semblait évident que l'on utiliserait de l'air comprimé, mais j'ai bientôt compris que mon ami ne savait pas qu'il y avait des systèmes d'air comprimé mutualisés dans les laboratoires. Je lui ai donc montré cela (c'est un robinet qui arrive sur les paillasses), en ajoutant "évidemment" qu'il fallait régler le débit. 

Comment régler le débit ? Pas en ouvrant plus ou moins la vanne, mais en faisant passer cet air du circuit mutualisé vers un débitmètre, tel que nous en avons dans les placards. Je lui en ai trouvé un deux : il s'agit simplement de faire passer l'air dans un système qui fait monter plus ou moins une bille dans une échelle graduée, laquelle doit être calibrée. 

Comment brancher ces divers éléments ? Il me semblait "évident" que nous utiliserions des tuyaux en caoutchouc, mais comment notre jeune ami aurait-il su que nous avions de tels tuyaux de différents diamètres dans nos réserves ? 

Je lui ai donc trouvé ce qu'il fallait et j'ai fait les branchements. Restait à raccorder le tuyau de caoutchouc à la sortie mutualisée d'air comprimé. Pour cela il fallait un système vissable sur la sortie d'air. Mais ce système fuyait, et la solution était d'enrouler sur le raccord vissable un "ruban de Téflon". Un ruban de téflon ? Là encore, notre ami ignorait l'existence d'un tel objet, et nous lui avons montré ce dont il s'agissait. 

Finalement, le montage étant fait, j'ai expliqué qu'il fallait laver la colonne de chromatographie qui, sortant des réserves de verrerie, n'était pas d'une propreté parfaite, ce qui risque de fausser les mesures, les mousses étant particulièrement sensibles à la présence de certains composés qui souillent les équipements. 

Comment laver ? Là c'était plus facile, parce que j'avais un document tout fait ayant précisément ce titre. Mais en réalité, une bonne réflexion aurait suffi : un matériel est souillé parce que des composés sont à sa surface. Pour enlever les composés soluble dans l'eau, on utilisera de l'eau, mais pour enlever les composants l'eau ? On prendra "évidemment" un solvant organique. 

Bref,  on lavera d'abord  à grande eau froide, puis à l'eau chaude, pour éliminer  les composés solubles. "Évidemment" on terminera avec de l'eau distillée. Et on passera ensuite à l'acétone qui dissoudra les composés insolubles et on le fera trois fois parce que si l'on enlève 90 pour cent des souillures au premier lavage, il en restera 10 pour cent ;  mais le deuxième lavage enlèvera 90 pour cent de ces 10 pour cent, de sorte qu'il ne restera qu'un pour cent et l'on comprend pourquoi la troisième opération s'impose. 

Ayant lavé à l'acétone, on repassera à l'eau pour ne pas laisser de trace sur le verre et là encore, on aura intérêt à faire grande eau froide, eau chaude, eau froide et eau distillée. 

Le lavage de l'intérieur du fritté pose une question particulière parce qu'il ne s'agit pas de faire simplement un nettoyage de surface, mais un nettoyage profond. Et c'est là qu'on sera amené à pousser les liquides nettoyants à travers le fruité... à l'aide d'air comprimé, que l'on utilisera pour pousser les liquides lavant. 

Et c'est ainsi que, disposant d'une colonne bien propre, nous pourrons pousser de l'air avec un débit connu, faible ou fort. 

Surtout, j'y reviens, je vois qu'il n'y avait rien d'évident dans tout cela, et qu'il a fallu en quelque sorte bricoler : nos étudiants sont mieux formés à la théorie qu'au bricolage, et quand ils savent bricoler, ils n'imaginent pas toujours que la recherche scientifique puisse se fonder sur de telles bricolages. 

Bien sûr, on bricole mais avec rigueur :  par exemple, pour notre système, s'imposait absolument de le calibrer, de le tester, de voir la répétabilité du foisonnement, etc. 

La recherche scientifique est donc un jeu constant entre l'expérimentation et la théorie, je l'ai déjà dit souvent, c'est précisément cette vie simultanée dans deux mondes parallèles qui me fascine