dimanche 4 octobre 2020

Je veux des additifs dans ma cuisine... et je dis cela sans être "vendu à l'industrie agroalimentaire", ni d'ailleurs à des industries que l'on nomme fautivement "chimiques"

 Je veux des additifs dans ma cuisine... et je dis cela sans être "vendu à l'industrie agroalimentaire", ni d'ailleurs à des industries que l'on nomme fautivement "chimiques"

1. Il y a quelques jours, à l'Ecole de chimie de Paris - Chimie ParisTech"- où j'avais été invité par les étudiants (quel honneur ! quel bonheur !), ma conférence a suscité des questions, et notamment une à propos des additifs alimentaires.

2. En répondant, j'ai fait une petite erreur, parce que j'ai supposé que tous mes jeunes amis savaient ce dont il s'agit, mais, en réalité, ils sont baignés dans un discours cauchemardesque, de sorte que, même s'ils ont une vague idée de la chose, cette idée est erronée.

3. Commençons par signaler que les additifs sont des "produits" : ils sont produits par des sociétés qui les produisent... de sorte qu'ils ne sont pas plus naturels que du coq au vin ou de la choucroute : je rappelle qu'est "naturel" ce qui n'a pas fait l'objet d'une transformation par l'être humain, et est artificiel ce qui n'est pas naturel.

4. Enchaînons en signalant que ces produits peuvent être des substances, de mélanges de composés, ou bien des "composés", c'est-à-dire des groupes de molécules toutes identiques. Par exemple, la curcumine est le composé jaune  majoritaire du curcuma. Dans la curcumine (E100(ii)), toutes les molécules sont ce que l'Union internationale de chimie pure et appliquée nomme justement "(1E,6E)-1,7-bis(4-hydroxy-3-méthoxyphényl)-1,6-heptadiène-3,5-dione".

5. Et précisons que les additifs alimentaires ne se confondent pas avec les auxiliaires technologiques (on devrait dire "auxiliaires techniques"), ni avec les aromatisants (on voit que je ne parle pas d'arômes, et je m'en explique plus loin).

6. Un additif alimentaire est une substance (composés purs ou mélanges de composés) qui n'est pas habituellement consommée comme un aliment ou utilisée comme un ingrédient dans l'alimentation. Les additifs sont ajoutés aux denrées pour une raison technique, au stade de la fabrication, de la transformation, de la préparation, du traitement, du conditionnement, du transport ou de l'entreposage des denrées. Ils sont présents dans les produits finis.

7. Les additifs alimentaires ont des fonctions diverses, comme par exemple :
- garantir la qualité sanitaire des aliments (conservateurs, antioxydants),
- améliorer l'aspect et le goût d'une denrée (colorants, édulcorants, exhausteurs de goût),
- conférer une texture particulière (épaississants, gélifiants),
- garantir la stabilité du produit (émulsifiants, anti-agglomérants, stabilisants).

8. A noter que l'on distingue deux types d'additifs : dit "naturels" - c'est à dire obtenus à partir de micro-organismes, d'algues, d'extraits végétaux ou minéraux – et de synthèse.
C'est idiot, car les additifs qui ont été extraits... ont été extraits, et sont donc artificiels, au sens du dictionnaire, lequel est notre seul juge en matière de communication. En réalité, on veut dire que les additifs sont soit extraits, soit synthétisés.  

9. La présence des additifs dans les denrées est mentionnée dans la liste des ingrédients soit par leur code (E suivi de 3 ou 4 chiffres), soit par leur nom.

10. Un additif n'est autorisé en alimentation humaine que s'il ne fait pas courir de risque au consommateur aux doses utilisées.
Et la preuve de leur innocuité ne suffit pas : pour pouvoir être utilisée, une substance doit aussi faire la preuve de son intérêt. Ainsi, les additifs alimentaires ne sont approuvés que si l'effet technique revendiqué peut être démontré et que si l'emploi n'est pas susceptible de tromper le consommateur.

11. Avant d'être autorisés par la Commission européenne, les additifs sont soumis à évaluation de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Sur cette base, la Commission établit une liste positive (on ne peut utiliser que les additifs de cette liste) d'additifs autorisés auxquels un numéro E leur est attribué en indiquant les aliments dans lesquels ils peuvent être ajoutés et les doses maximales à utiliser.
J'insiste un peu : les additifs, autorisés donc, font l'objet d'évaluations extraordinairement serrées ! Je vous invite à bien regarder ces conditions sur le site de l'Efsa.

12. Et c'est un consensus international, avec la participation de toutes les agences nationales : l’évaluation et l’autorisation des additifs alimentaires sont encadrées et harmonisées au niveau européen au sein de l’Europe par les règlements CE/1331/2008 et CE/1333/2008.
Oui, contrairement à ce que prétendent des marchands de cauchemars, on ne joue certainement pas avec la santé des citoyens. D'ailleurs, les évaluateurs sont eux-mêmes des citoyens, n'est-ce pas ? Et ils consomment ces produits, en font consommer à leur famille. Y aviez-vous pensé ?

13. Toute information scientifique et technique nouvelle relative à des additifs autorisés est examinée avec une attention particulière et leurs conditions d'emploi sont reconsidérées, si nécessaire.
Oui, il y a une veille scientifique constante, d'ailleurs un peu surabondante, avec les agences nationales (en France, l'Anses), en PLUS des agences internationales : l'Efsa en Europe, la FDA aux Etats-Unis...

14. Une réévaluation européenne systématique de l'ensemble des additifs autorisés a par ailleurs été effectuée par l'Efsa.
On ne dira jamais assez que les débats techniques des experts sont publics : libre à chacun d'y assister, preuve que tout cela se fait dans la plus grande transparence.

15. Ne pas confondre les additifs avec les "auxiliaire technologiques", "supports d'additif" ou "auxiliaires de fabrication", qui sont des substances utilisée par l'industrie agroalimentaire durant la préparation ou la transformation d'aliments, et qui peuvent s'y retrouver, mais qui ne doivent pas légalement être mentionnée dans les ingrédients. Utilisés pour permettre, faciliter ou optimiser une étape de la fabrication d'un aliment, ils n'en constituent pas un ingrédient, à l'opposé des additifs alimentaires.
Là, j'ai écrit "auxiliaire technologique", mais cela m'arrache la plume, car il s'agit seulement d'auxiliaire technique. La technologie, c'est une autre affaire que la technique !

16. Quant aux aromatisants, ce sont des produits destinés à être ajoutés à des denrées alimentaires pour leur conférer une odeur, c’est-à-dire une perception par voie nasale ou retro-nasale et/ou une saveur, c’est-à-dire une perception par voie linguale.
Ils font également l'objet de réglementations très strictes.
Sont exclus des aromatisant  : les substances qui ont exclusivement un goût sucré, acide ou salé,  parce qu’on retombe soit sur  des  denrées  alimentaires  «  générales  »  comme  le  sucre  ou  le  sel,   soit  sur  des  additifs  réglementés par ailleurs, comme les acidifiants et les édulcorants, les aromates, épices et fines herbes,  qui ne sont pas considérés comme des aromatisants.

17. La réglementation définit six catégories d'aromatisants,  dont les préparations aromatisantes, mélanges de composés obtenus à partir de matières premières naturelles d’origine végétale ou animale par des procédés physiques d’isolement ou des procédés biotechniques, c’est-à-dire la mise en œuvre d’enzymes ou de fermentations microbiennes.
Ainsi un extrait de vanille ou une huile essentielle d’orange sont des préparations aromatisantes. Les substances  aromatisantes  sont  au  contraire  des  composés particuliers qui sont soit extraits, soit synthétisés (la réglementation actuelle en matière de dénomination est à revoir, parce qu'elle fait un usage trompeur du mot "naturel") ; quand il y a synthèse, on distingue des composés déjà identifiés dans la nature, et des composés jamais trouvés à ce jour.

18. Je me souviens que rien ne vaut un exemple, pour clarifier les choses. La vanille, par exemple, est la gousse fermentée d'une plante. Elle doit son goût (odeur, et pas seulement) à des composés variés, mais le principal est la vanilline, ou 4-hydroxyl-3-méthoxybenzaldéhyde.
Et, de fait, de la vanilline dans de l'eau donne un goût très semblable à la vanille. Semblable, mais moins "complexe" quand même, moins velouté, moins puissant... La vanilline est "extraite"... quand elle est extraite, mais elle peut être synthétisée, si elle est synthétisée.
Les chimistes ont découvert qu'une modification chimique minime de la vanilline permet de produire de l'éthylvanilline, qui a un goût proche de la vanilline, en bien plus puissant. L'éthylvanilline est un composé artificiel, donc, et synthétique de surcroît.

19. Tout cela étant plus clair (j'espère : n'hésitez pas à me demander des précisions, des explications, à me signaler des erreurs, des imprécisions), je me place maintenant en cuisinier, dans ma cuisine. Et là, je vois des substances qui peuvent m'être utiles.
Par exemple, quand je veux donner de la couleur, pourquoi n'utiliserai-je pas un colorant ?
Par exemple, quand je veux modifier la saveur, pourquoi n'utiliserais-je pas pas un additif modificateur de saveur ? Par exemple du bicarbonate pour combattre une acidité excessive que certains de mes convives n'aiment pas ?
Par exemple, quand je veux gélifier, pourquoi n'utiliserai-je pas un gélifiant, telle la gélatine ou l'agar-agar ?
Par exemple, pourquoi n'utiliserai-je pas l'éthylvanilline pour avoir un goût puissant qui rappelle la vanille ? Ou le 1-octène-3-ol pour donner un merveilleux goût de sous-bois, de champignon sauvage ?

20. On le voit, il ne s'agit pas d'être "un faux nez de l'industrie chimique", ou "vendu à l'industrie", mais simplement de cuisiner de façon moins archaïque qu'au Moyen-Âge.
Et je fais seulement mon devoir de citoyen en essayant d'éclairer mes amis sur des notions qui sont obscures pour eux... en les invitant à utiliser des additifs, des auxiliaires techniques ou des aromatisants. Cela fait en outre des décennies que je dis que si ces produits sont évalués, et sans risques, alors il nous les faut en cuisine !



PS. Des liens : 

https://www.anses.fr/fr/content/le-point-sur-les-additifs-alimentaires

http://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/food-additives

http://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/food-additive-re-evaluations

https://www.academie-agriculture.fr/publications/publications-academie/points-de-vue/y-t-il-de-bons-et-de-mauvais-additifs-alimentaires

https://www.academie-agriculture.fr/actualites/agriculture-alimentation-environnement/colorants-edulcorants-conservateurs-tout-savoir

https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seance/academie/reevaluation-des-additifs-alimentaires-par-lefsa

samedi 3 octobre 2020

Certaines connaissances sont révisables... mais d'autres ne le sont pas !

 Certaines connaissances sont révisables... mais d'autres ne le sont pas !

Il y a dans ce monde du bon et du moins bon. En termes d'interlocuteurs, par exemple.  Parmi les moins bons, il y a notamment les anti-sciences, les fous, les idéologues prêts à mentir pour soutenir leur cause, les autoritaires, les paresseux, les malhonnêtes, les ignorants qui s'ignorent tels, et j'en passe.
Certains de ceux-là profitent de l'honnêteté des scientifiques - qui admettent que les théories sont réfutables, ou, mieux, doivent être réfutables- pour avancer leurs arguments pourris, et notamment faire fi des données apportées par la science.
Ici, je propose d'expliquer ce mécanisme, et, aussi, de montrer qu'il y a lieu d'avoir un peu de modestie (dans tous les domaines, toujours, partout).

En matière d'épistémologie, il y a un mouvement un peu simplet qui, ayant compris qu'il y a des rapports entre les sciences de la nature et leurs applications, confond les sciences de la nature et leurs applications ; et un mouvement qui, ayant compris que le développement des sciences de la nature s'ancre dans une société, croit que les sciences de la nature sont une connaissance "révisable", donc fragile.
Souvent, ce sont les mêmes esprits faux qui font ces confusions, mais, bien sûr, la diversité du monde fait que certains tombent dans la première erreur, et d'autres dans la seconde ; certains tombent dans les deux.

Ayant déjà discuté la question des "technosciences", qui sont une chimère, ou un fantasme correspondant à la première erreur, je propose de considérer ici la seconde erreur, en expliquant bien en quoi les sciences sont révisables, et, surtout, en quoi cela ne change rien aux résultats qui sont établis.

Comme les généralités risquent de faire un discours bien compliqué, je propose de prendre l'exemple du courant électrique pour l'expliquer. J'ajoute aussitôt que c'est un exemple très représentatif, et pas du tout anecdotique.

Branchons simplement une pile aux deux extrémités d'un fil métallique : cela conduit au passage d'un courant électrique dans le fil.

A propos de ce phénomène, que l'on connaisse ou non l'existence des objets que nous nommons aujourd'hui des électrons, c'est-à-dire que l'on soit au 18e ou au 21e siècle, on peut mesurer une différence de potentiel entre les bornes de la pile, et l'intensité du courant dans le fil conducteur. Cela reste vrai aujourd'hui.

En 1870, le physicien américain Edwin Hall découvrit que des forces magnétiques provoquent l'apparition de différences de potentiel perpendiculaires à l'axe du courant.
La connaissance précédente n'est pas révisée par la découverte de cet "effet Hall".

Puis, en 1980, le physicien allemand Klaus von Klitzing, regardant en quelque sorte l'effet Hall à la loupe, découvre que la conductivité est quantifiée  : l'intensité du courant n'est pas exactement proportionnelle à la différence de potentiel, mais elle augmente par à coups.

Cette fois, il semble que la révision soit considérable... mais c'est oublier que cela n'est visible que dans des conditions extrêmes, à des températures de quelques degrés au-dessus du zéro absolu (soit -273,15 °C), et pour des champs magnétiques très intenses.
Donc oui, la loi de Hall n'est pas absolument juste, mais elle l'est presque toujours, et, en tout cas, elle le reste dans les conditions de Hall. Pas de révision, donc.

Ce type d'observations vaut assez généralement. Par exemple, s'il reste vrai que la vitesse d'un ballon qui roule dans un train, par rapport à un observateur fixe,  n'est pas exactement égale à la somme de la vitesse du ballon par rapport au train et de la vitesse du train, il n'en reste pas moins que l'écart entre la vitesse réelle et la somme des vitesse est très faible, et, en tout cas, pas mesurable avec les ustensiles habituels que sont des chaînes d'arpenteur et des chronomètres. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette somme est enseignée dans les cours de physique.

Certes, la loi d'addition des vitesses a été révisée par la découverte de la théorie de la relativité restreinte, et cette révision fut une avancée majeure de la physique, mais elle n'est pas manifeste dans les conditions de vitesse habituelle, pour lesquelles la somme reste la loi à appliquer.

Dans toute cette affaire, il faut considérer "S'Dicki vor de Kleinigkeit", le gros avant le détail. Et l'on aura raison de considérer qu'une feuille de papier rectangulaire est... rectangulaire, même s'il est vrai que, à la loupe ou au microscope, les bords de la feuille sont évidemment crénelés.

Car il y aurait une sorte d'imbécilité à ne pas considérer la feuille comme rectangulaire. Si l'on est extrèmement rigoureux, on ne peut plus rien dire : tout est faux... et c'est précisément pour cette raison que des esprits trop justes deviennent faux, si l'on peut dire.


jeudi 1 octobre 2020

A propos de présentations orales


Passionnante séance, hier, avec la restitution de travaux de jeunes collègues de Master : c'était pour eux l'occasion de se confronter avec une obligation de résultats, et non plus de moyens. Car ils devaient préparer une présentation, et la faire devant leurs amis, comme un cours... ce qui imposait :
- qu'ils cherchent les informations
- qu'ils les comprennent
- qu'ils choisissent ce qu'ils voulaient dire
- qu'ils ordonnent les éléments à présenter
- qu'ils le disent, mais non pas seulement pour le dire, mais avec le souci de se faire comprendre des autres !
Il y avait évidemment du moins bon et du bon, et l'objectif, ici, n'est pas de stigmatiser, mais plutôt d'analyser, de tirer des leçons pour la suite.

Premier exemple :  il y a eu un étudiant qui, dans le fil de la conversation, à toute vitesse, a parlé de « systèmes complexes polydispersés dans le régime d'encombrement ». L'expression était dite rapidement, donc, et il enchaînait allègrement sur des choses qu'il semblait avoir appris par cœur et qu'il récitait rapidement, parce qu'il avait fait trop de diapositives pour le temps qui lui est imparti.
Là, je propose de ne jamais oublier que la clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public et que, pour des esprits lents comme le mien (mais j'ai peur de ne pas être seul dans ma catégorie), il faut un long moment avant de digérer des "systèmes complexes polydispersés dans le régime d'encombrement".
Manifestement, notre ami ne s'adressait pas aux autres; il ne prenait aucun soin d'eux,  et il ne cherchait pas à expliquer, mais seulement à dire... et cela est complètement inutile : qu'il aille parler seul devant l'océan !

Autre exemple un étudiant qui montrait un schéma et qui en donnait les conclusions sans l'expliquer. Là,  par malheur pour lui, il y avait ce fait que j'ai reconnu que le schéma était faux ! Oui, on a bien lu : il expliquait quelque chose de faux... et qu'il n'avait donc pas pu comprendre, puisqu'il n'y avait pas de logique !
Et  c'est parce qu'il n'avait pas pris le temps d'expliquer ce schéma qu'il montrait à tous qu'il ne s'était pas aperçu que son schéma était faux. Il avait fait un rapide copier-coller.
Devant tous, j'ai pris le temps de faire au tableau le schéma, lentement, en m'assurant que je comprenne bien moi-même, en surveillant mes propres mots, en m'assurant que tous mes amis comprenaient, à l'aide de questions que je leur posais...  et cela m'a pris au moins deux minutes, qu'il faut comparer au quelques secondes qui avaient suffi à notre jeune ami.

Là encore, il y avait une sorte de mépris pour ceux à qui notre ami parlait.  Mais le pire, c'est quand quelqu'un qui n'a pas assez travaillé, explique avec aplomb quelque chose qu'il ne comprend pas : est-ce de la bêtise ? de la malhonnêteté ?

Allons, soyons positifs : surtout, cette séance a montré à tous combien le métier de professeur est difficile. Elle a montré qu'il y a lieu d'aller d'aller très lentement, de tenir compte des ignorances de tous, et je ne dis pas ici que les étudiants sont ignorants, mais qu'ils ignorent des choses qu'il faut leur expliquer.
Une bonne idée, dans cette affaire, c'est de bien distinguer les questions de contenu et les questions de communication. Dans les exposés qui sont pratiqués dans universités ou même dans les collèges et lycées, il y a cette confusion entre les deux champs, mais je peux garantir à mes amis qu'il n'y a pas de bonne communication s'il n'y a pas d'abord un bon contenu. Une fois la question du contenu déterminée,  alors, et alors seulement, on peut s'interroger sur la maquette du powerpoint, les couleurs, etc.,  mais on peut pas mettre la charrue.
En quelque sorte, les sciences de la nature ne tolèrent pas la rhétorique au sens du Phidias de Platon, cette rhétorique des malhonnêtes qui visent le pouvoir ou l'argent. Non, les sciences de la nature ne marchent pas à l'hypnose, en quelque sorte, mais la pierre de touche qu'est la logique, l'implacable logique, est toujours sous la main, dégainée, employée.

samedi 26 septembre 2020

Le tremplin du covid

1. La relance ? Elle passe aussi par l'économie familiale et par l'instruction

2. La pandémie de covid a donc bouleversé les économies, mais elle a également bouleversé les modes de vie, et la "cuisine" s'est à nouveau imposée, dans les foyers... au point que les médecins qui pèsent leurs patients ont eu l'occasion d'observer des prises de poids de plusieurs kilogrammes : l'inactivité physique accrue avec le confinement, et un temps  de préparation culinaire accru ont déséquilibré l'alimentation de certains.

3. Ce constat ne doit-il pas être l'occasion de tirer des leçons d'autant plus importantes que les personnes en surpoids ou obèses ont été particulièrement atteintes par le virus ?

4. Les leçons sont de plusieurs types. Nutritionnelles, certainement : l'activité culinaire, qui était hier toute de reproduction de recettes traditionnelles, s'est considérablement diversifiée, augmentée de recettes de tous les pays, tout comme les ingrédients qui sont utilisés.
Quand je me souviens avoir été critiqué, après une émission de télévision en 1992, parce que j'avais proposé de faire un sorbet mêlant basilic et citron vert... à l'azote liquide ! Ce qui était en cause, c'était moins l'azote liquide que l'association de deux ingrédients dont la réunion n'était pas "traditionnelle" : cela allait-il nous empoisonner, par je ne sais quelle "réaction chimique" nouvelle et imprévue ?

5. Mais pour en revenir à ce régime alimentaire confiné, les foyers ont dû cuisiner au long cours, sans se reposer au moins la moitié du temps sur la restauration collective, et si du temps a été passé, on a donc vu que l'apport calorique était excessif par rapport aux dépenses (https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2020/confinement-quelles-consequences-sur-les-habitudes-alimentaires).

6. Cela a pour conséquence que nous devons apprendre à cuisiner avec moins de sucre et moins de gras... ce qui est difficile, parce que notre composante animale ne cesse de nous diriger vers la direction inverse.
Oui, nous ne cessons de travestir la graisse et le sucre en chocolat, les graisses et sucres en pâtisserie, nous déguisons l'huile en sauce mayonnaise, le beurre en sauces hollandaises ou béarnaises, nous faisons des fritures que nous préférons quand elles sont chargées d'huile, et d'huile malsaine -parce que chauffée- de surcroît, et ainsi de suite : je n'arriverais pas à faire la liste complète.

7. Et il se trouve que, peut-être, une cuisine moins grasse et moins sucrée est plus coûteuse : la question de l'économie familiale est posée.
Car, après tout, que sont nos aliments, d'un point de vue chimique, pour la masse (le goût, c'est autre chose) : de l'eau, d'abord, puis des protéines (coûteuses), des lipides, des sucres lents (polysaccharides tels que l'amylose et l'amylopectine de l'amidon) ou rapides (le saccharose, ou sucre de table, mais aussi les glucose et fructose des miels et de bien des légumes ou fruits). Or les produits "frais" que sont fruits et légumes sont coûteux.

8. Cette conclusion rejoint une question de culture : la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique, mais c'est très certainement une question de culture. Or ne pas reproduire des cuisines du passé, c'est déjà faire un saut de culture terrible.
Qui doit être préparé ! Se pose la question d'un enseignement culinaire (dès l'école, surtout dès l'école) qui saurait ne pas se limiter à de la reproduction, mais évoluer vers de la compréhension !

9. Et il faudra apprendre à manger la "nouvelle" cuisine. Ici, des guillemets à "nouvelle", parce que l'expression "nouvelle cuisine" a été utilisée dans les années 1960 par Gault et Millau... qui ne faisaient que reprendre une expression du 17e siècle.
Là, aujourd'hui, c'est une autre nouvelle cuisine qu'il faut introduire, pour cette ère post-covid.

10. Mais surtout, le passage des citoyens par la cuisine n'est-il pas l'occasion de faire évoluer notre modèle alimentaire, avec plus de préparations domestiques ? 

11. Je rappelle que, si la cuisine, c'est d'abord de l'amour, ce n'est pas l'industrie alimentaire (très importante : je ne la dénigre certainement pas) qui peut donner cela ? Mettre sur la table une pizza surgelée pour sa famille n'est pas malsain, mais ce n'est pas la question : l'amour, ai-je dit !
 

12. Et si la cuisine, c'est de l'art, au même titre que l'aquarelle que l'on fait le dimanche, la musique que l'on joue en amateur, ce n'est pas non plus l'industrie alimentaire qui peut pallier nos insuffisances.
 

13. La technique ? Rien de plus simple si la transmission est bien faite, si l'on cesse de publier des recettes "pourries", infaisables, fausses, tordues... Bref, rien de difficile dans la technique culinaire si elle est bien expliquée.

14. Et finalement, la crise du covid peut être un tremplin pour un nouveau modèle alimentaire, parce que culinaire !

vendredi 25 septembre 2020

Une question de communication scientifique est-elle en réalité une question scientifique ?

science/études/cuisine/politique/émerveillement/gratitude

 

 

1. Pour la communication, en général, il est clair que le "contraste" est essentiel : une musique jouée sans variations d'intensité n'est pas belle, et il suffit d'écouter les meilleurs des musiciens pour comprendre qu'il faut de la variété. Le violoniste Pablo Casals, par exemple, expliquant bien que les phrases musicales comprenant un passage dans les aigus devraient être comme des arc-en-ciel, avec un son dont l'intensité augmente dans les aigus, et diminue en redescendant vers les graves.  De même, une peinture sans variation ennuie, et même Pierre Soulages, qui "broie du noir", donne des variations, de teinte, de reflets, d'épaisseur... En peinture, il faut aussi  des contrastes... sauf à jouer de l'absence de ces derniers. Et une littérature sans événements ennuie, un discours monocorde endort... Il faut des alternances, des variations, du contraste ! Qu'il s'agisse de ce qui est narré, ou de la façon de dire les choses.  
 
2. Bref, quand on expose un travail, il semble essentiel d'alterner des phases calmes et des phases plus "excitées", d'alterner une exposition à voix douce ou à voix plus forte.

3. Mais pourquoi parler de contraste alors qu'il est question de sciences de la nature ? Parce que je sors d'une n-ième relecture de la vie de Michael Faraday, et que je vois, une fois de plus, combien il avait compris qu'il fallait rendre les choses vivantes,  quand il mit au point les Friday Evening Lectures, ces conférences du vendredi soir qui avaient été imaginées pour renflouer les caisses alors vides de la Royal Institution of London : en donnant au monde "civil" (industrie, artisanat) des connaissances applicables en pratique, il attirait les industriels à   à un club  (la cotisation servant à faire fonctionner l'institution.

4. Cela étant pesé, au delà de l'ennui que l'on a à assister à une conférence monocorde, y a-t-il des conséquences non plus de communication, mais de contenu ? de science ? Est-il vrai, comme je le pense sans analyse, que l'arc en ciel de la communication a une influence sur le travail scientifique lui-même?

5. Il y a certainement des scientifiques qui ont un "style", mais pas un style au sens de la façon de vivre. Bien plutôt un "style de faire de la science". Pierre Gilles de Gennes, par exemple, était très idiosyncratique, et c'est ce que le comité Nobel a bien reconnu, quand il lui a attribué le prix. De même, Jean-Marie Lehn a clairement un style.

Quel est ton style, en sciences ?

jeudi 24 septembre 2020

Une terrine ? Les recettes sont inutiles quand on y pense.

science/études/cuisine/politique/Alsace/émerveillement/gratitude
 

 

1. On veut confectionner une terrine ? Classiquement, on utiliserait une recette : cela signifie suivre un protocole, sans avoir de latitude, en espérant que les prescriptions seront valides. Mais on n'est ainsi pas en sécurité, car les textes culinaires fourmillent d'erreurs,  de "précisions culinaires" largement réfutées : cela va du "le jaune d'oeuf est en bas de l'oeuf" à "il faut couper la tête des cochons de lait au sortir du four afin d'avoir la peau plus croustillante", en passant par "les règles féminines font tourner les sauces mayonnaises" ou "une barre de fer sous un tonneau de vin empêchent ce dernier de tourner en cas d'orage".
Bref, pourquoi omettrions-nous de mettre en action ce que nous avons entre les deux oreilles, surtout si nous avons les connaissances physico-chimiques qui permettent de comprendre les phénomènes mis en oeuvre ?

2. Commençons par les mots : une terrine, c'est d'abord un récipient de terre, puis son contenu.

3. Le plus souvent, pour les terrines de "viande", la recette est simple : il s'agit de broyer de la viande, de la mettre dans la terrine, puis de chauffer.

4. Mais on met la charrue avant les boeufs, puisque l'objectif n'a pas été donné ! Que cherche-t-on à produire ? Et pourquoi ?

5. Restons sur la terrine de viande, en observant qu'il s'agit d'abord de broyer de la viande : historiquement, on valorisait tous les morceaux, & pas seulement les pièces les plus tendres. D'où le hachage.

6. Là, cela vaut la peine de s'interroger plus finement : quelle est l'action du hachage ?

7. Pour répondre à la question, commençons par observer que la "viande", c'est du tissu musculaire, un faisceau de faisceaux de cellules allongées nommées "fibres musculaires". Ces cellules contiennent de l'eau des protéines qui assureront la contraction du muscle, & elles sont limitées par une "peau" en "tissu conjonctif". Comme le papier qui est fait de fibres entremêlées, le tissu conjonctif est fait de protéines fibreuses : le collagène.
C'est ce même tissu conjonctif qui relie les fibres en faisceaux, et ces faisceaux en super-faisceaux.
Finissons en disant que plus le tissu conjonctif est abondant dans une viande, & plus cette viande est dure.

8. Hacher la viande, c'est évidemment diviser cette structure, tout en libérant une partie de l'intérieur des fibres musculaires : la masse de viande hachée ne contient que de petites parties directement assimilables, plus l'eau & les protéines libérées.

9. La cuisson d'une telle masse ? Les protéines libérées coagulent, comme les protéines d'un blanc d'oeuf, et le "gel" formé emprisonne l'eau et les morceaux de muscle formés par le hachage : la masse, qui était molle, durcit, et c'est la terrine.

10. A ce stade, il ne faut pas oublier que toute matière grasse qui aurait été ajoutée avant la cuisson restera piégée dans le gel final, ce qui donnera une consistance plus souple. Tout comme de la mie de pain qui aurait été trempée dans du lait. Et des échalotes, des oignons, de l'ail ou du persil broyés ou ciselés resteront également emprisonnés dans le gel.

11. A ce stade, nous savons donc que le hachage attendrit une viande dure, et que la cuisson redonne de la structure à la mêlée hachée et assaisonnée. La question est maintenant : comment cuire ?

12. Pour répondre à la question, il y a des données que nous devons avoir :
- à 40°C, début de la dénaturation des protéines, la viande perd sa transparence;
- à 50°C, les fibres de collagène commencent à se contracter ;
-à 55°C, coagulation de la partie fibrillaire de la myosine
-à 55°C, début de la dissolution du collagène ;
-à 66°C, coagulation des protéines sarcoplasmiques, du collagène, de la partie globulaire de la myosine ;
- à 70°C, la myoglobine ne fixe plus l'oxygène, et l'intérieur de la viande devient rose ;
-à 79°C, coagulation de l’actine ;
- à 80°C, les parois cellulaires sont rompues, et la viande devient grise.
- à 100°C, l’eau est évaporée.
- à une température supérieure à 150°C (voir plus loin), les réactions de Maillard engendrent des produits mélanoïdes bruns.
Ces changements sont visibles dans une section d'un rôti de boeuf cuit au four à 200°C  pendant un temps ajusté pour que la température au centre reste inférieure à 40°C  : on observe les différentes  zones, concentriques.

13. De ce fait, la mêlée d'une terrine évoluera selon la température à laquelle on la portera.
Et rien ne prescrit, dans tout cela, l'usage d'un bain marie dans un four chaud (par exemple 180 °C ou 200 °C) ! D'ailleurs, le bain-marie ne s'imposait que parce que l'on ne pouvait pas régler la température, dans les fours d'antan.

14. Aujourd'hui, supprimons donc le bain marie, et choisissons notre température de cuisson... en n'oubliant pas que la cuisson sert en tout premier lieu à a assainir microbiologiquement les produits alimentaires, nécessairement contaminés en surface (mais dans une mêlée, la surface vient à coeur !).
Et il est bon de savoir que plus  de 60 °C pendant plus de 15 minutes suffisent pour tuer des salmonelles... mais à condition que la température soit bien atteinte au coeur de la masse !
Avec du porc, par exemple, on craindra des parasites, et l'on dépassera 82 °C.

15. Bref, avec tout cela, on sera tranquille avec un four branché à 85 °C, pendant un très long moment (plus d'une heure, mais cela dépend du rayon de la masse que l'on chauffe).

16. Et, dans les terrines traditionnelles, il y a la croûte, délicieuse. Un coup de gril, un coup de chalumeau, et l'affaire est faite. Bien sûr, on n'oublie pas le cognac, qui pourra être pris dans la gelée de bon aloi, qui se formera sur la partie supérieure, au refroidissement.

À propos de sel et de viande

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1. Il se dit mille choses, à propos de viandes, jusqu'à ceux qui, sans formation scientifique et n'ayant fait aucune étude scientifique des phénomènes, en donnent des "explications", en ligne, dans des revues, dans des livres... J'aimerais bien avoir leur certitudes, mais j'invite mes amis à se méfier quand ils entendent parler d'osmose, de réactions de Maillard, de choc thermique, et j'en passe et des meilleures.

2. L'osmose ? Si vous entendez dire que l'eau va du milieu le plus concentré au milieu le moins concentré, passez votre chemin. Les réactions de Maillard ? Là encore, si l'on vous dit qu'elles sont responsables du brunissement des viandes, c'est nul. Le choc thermique ? J'en ai déjà parlé mille fois dans ce blog, et, bien souvent, c'est du pur fantasme.

3. Bref, puisque l'on m'interroge à propose de saler la viande que l'on fait sauter (je rappelle que cela se fait dans une poêle, alors que poêler se fait dans un poêlon), je commence par rappeler que nous avons fait un séminaire de gastronomie moléculaire où nous avons vu s'affronter des professionnels : certains disaient que mettre le sel avant change la couleur (pas vu d'effet), d'autres disaient que saler après la cuisson permettait d'avoir une viande plus juteuse (pas vu d'effet), tandis que d'autres, encore, salaient en cours de cuisson... sans que l'on voit de différences avec les autres façons de saler.

4. Pour autant, il y a des phénomènes, qui doivent s'interpréter à partir de la connaissance de la structure des viandes... en commençant par rappeler que la viande est du tissu musculaire, fait de cellules allongées que l'on nomme des "fibres musculaires", lesquelles contiennent comme du blanc d'oeuf (de l'eau, des protéines), et qui sont groupées en faisceau par du "tissu collagénique" : un matériau qui limite les cellules, et les groupe en faisceaux, et les faisceaux en faisceaux de faisceaux.

5. Ce muscle est coupé... et il y a toute la différence du monde entre un découpe perpendiculaire aux fibres, et parallèles aux fibres : pensons à la différence entre une entrecôte et une bavette.

6. Et c'est en gros la quantité de tissu collagénique qui fait la dureté des viandes : quand il y a beaucoup de tissu collagénique, la viande est naturellement dure, et l'on préfère la braiser que la griller.

7. Mais, à propos de sauter les viandes, il faut bien garder en tête deux notions : la jutosité (combien il y a de jus) et la tendreté (combien la viande est tendre, molle en quelque sorte).

8. Quand on chauffe une telle viande, il y a des phénomènes divers, à commencer par des coagulations de protéines qui opacifient la viande, la perte d'oxygène qui change la couleur, la contraction du tissu collagénique qui comprime la viande comme une éponge et en expulse des jus, ou la dégradation du tissu collagénique qui attendrit la viande, ou encore le brunissement de surface, la formation d'une croûte (qui n'est en aucun cas imperméable).

9. Bref, mille phénomènes qui jouent différemment selon la façon particulière de chauffer.

10. Et c'est ainsi que l'on distingue assez justement la cuisson rapide, à haute température, et les cuissons lentes, à basse température.

11. A haute température, on chauffe surtout la surface, que l'on fait brunir ; la cuisson évapore l'eau de surface, et l'on s'arrête généralement avant que la texture de la viande soit homogène : le but est de produire un contraste, avec une partie centrale peut modifiée, qui conserve donc ses jus.

12. Pour la cuisson rapide, à haute température, il y a une contraction de la viande qui expulse les jus, d'où des bulles de vapeur au pied de la viande, des sifflements, de la fumée... Là, rien ne rentre et tout sort, de sorte que le sel ne peut en aucun cas venir à coeur.

13. En revanche, quand une viande sautée repose, elle se détend un peu, et peut absorber un peu de jus qui aurait été salé quand du jus exclu par la contraction se serait trouve au contact de sel, qui se serait donc dissous dans le jus.

14. Pour la cuisson à basse température, il y a deux façons de la faire :  courte ou longue.

15. Quand la cuisson est courte et que la température est basse, alors, surtout si le morceau de viande est épais, la température augmente légèrement de l'extérieur vers l'intérieur et, si on fixe une température de cuisson à 50 degrés par exemple avec quelques minutes, alors on obtiendra 50 degrés que sur une faible épaisseur et la viande sera quasi crue. Pas de risque microbiologique pour de la viande de boeuf, car c'est en surface que se trouvent des micro-organismes : si l'on a lavé la viande, ou si on l'a fait brunir avec un coup de gril ou de chalumeau, elle sera assainie.

16. Mais j'ai pris la précaution de parler de boeuf. Avec du porc, du sanglier, du cheval, il faut se méfier des parasites, et chauffer à plus haute température : on n'oublie pas que la cuisson sert (1) à assainir microbiologiquement, (2) à modifier la consistance pour rendre les denrées facilement consommables et assimilables, (3) enfin, et enfin seulement, à donner du goût.

17. Passons à la cuisson longue à basse température : le but est alors de dissoudre le tissu collagénique, pour attendrir la viande sans lui faire perdre sa jutosité.

18. Si maintenant on fixe une température de 60 degrés pendant plusieurs heures ou jours, alors la température sera de 60 degrés dans la totalité de la viande.

19. J'ai pris la précaution de parler de 60 degrés, parce que pour ces cuissons longues, il ne faut pas descendre trop bas en température, sans quoi on fait proliférer les micro-organismes, et l'on risque des accidents.

20. D'ailleurs, c'est une bonne pratique, quand on fait ce type de cuisson, de commencer par un brunissement à haute température, qui tue les micro-organismes ; puis on enferme la viande dans une cocotte ou dans une poche plastique, afin qu'elle ne soit pas recontaminée à l'air.

21. Et quand on cuit ainsi, à basse température pendant longtemps, le tissu collagénique est dégradé, et la viande s'attendrit merveilleusement : c'est la technique du braisage enfin maîtrisée par les thermostats modernes, qui évitent ce "coup de feu" qui ruinait tout.

22. Et là, la viande, qui est restée juteuse, devient tendre : tout bien, d'autant que cette viande à braiser est généralement bon marché.

23. Notons que, quand le tissu collagénique se défait, les fibres peuvent se séparer, et un liquide salé peut entrer à coeur par "capillarité".