Une question reçue aujourd'hui :
J'ai une question qui me trotte dans la tête à chaque fois que je fais des meringues : le sucre (50 g /1 blanc) pour monter les blancs en neige très ferme (formation de "bec") cuit-il ou non les blancs ?
Et la réponse :
Quand on fait des meringues, il est fréquent de monter des blancs en neige ferme, puis d'ajouter du sucre en poudre et de battre jusqu'à ce que les "grains" disparaissent et que la préparation devienne très très ferme, lourde, même, brillante, d'un brillant différent de celui de blancs d'oeufs battus en neige ferme.
Le mécanisme : quand on bat des blancs d'oeufs en neige, on introduit des bulles d'air dans le liquide jaune qu'est le blanc d'oeuf (un blanc, c'est 90 % d'eau, et 10 % de protéines, le tout avec de quoi donner une couleur jaune tirant sur le vert ; oui, regardez bien).
Progressivement, donc, des bulles d'air sont introduites, et elles sont stabilisées par les protéines, lesquelles sont comme des colliers de perles très petits, qui sont déroulés par le cisaillement du fouet ; elles forment alors comme des fils qui se mettent à la limite des bulles d'air.
Si l'on ajoute du sucre, on ajoute des grains... d'un matériau qui se dissout dans l'eau présente. Progressivement, donc, la partie liquide devient un sirop, visqueux. Cela a plusieurs conséquences. D'abord, la préparation prend un goût sucré (évidemment !), et, ensuite, la viscosité accrue est la cause que les bulles deviennent bien plus petites qu'elles n'étaient.
La présence de bulles bien plus petites explique le changement de consistance et de brillant. Consistance : les blancs battus ainsi sont faits de bulles d'air très tassées, dans un sirop très visqueux. Brillant : chaque bulle d'air réfléchit la lumière, de sorte que plus il y en a, plus la surface du blanc battu sucré paraît blanche, brillante.
Et effectivement, un blanc battu sucré très ferme fait un "bec de canard", sur le fouet, ce qui signifie que du blanc qui dépasse du fouet, quand le fouet est redressé, reste à l'horizontale.
Enfin, la question : le sucre "cuit-il" les blancs ? Tout tient dans le mot "cuire" !
Si l'on admet que la cuisson d'un blanc d'oeuf non battu correspond au déroulement des protéines et à la liaison de ces dernières. La liaison est irréversible (pour simplifier : en réalité, c'est plus compliqué).
En revanche, pour des blancs sucrés, ils peuvent retomber, preuve que la liaison des protéines n'est pas du même type que la cuisson classique d'un oeuf sur le plat.
Oui, les blancs sucrés retombent bien plus lentement que les blancs battus non sucrés, mais il y a à cela des raisons qui sont trop longues à donner ici, et qui figurent dans mon livre "Révélations gastronomiques".
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 3 août 2013
Samedi 3 août 2013. La gastronomie moléculaire concerne tous les pays, toutes les cultures.
-->
La gastronomie moléculaire
ne vaut-elle que pour la cuisine française ? Non, bien sûr ! Cette
discipline scientifique vise pour partie à étudier les précisions
culinaires, c'est-à-dire les trucs, astuces, tours de main...
Par exemple, les blancs en
neige montent-ils mieux quand ils sont vieux ? Les poissons
ont-ils une consistance différente quand ils sont cuits sur arête ?
Les salmis doivent-ils vraiment attendre après la cuisson ?
L'écumage des bouillons les fait-il plus clairs ? Les questions
de ce type se posent par dizaines de milliers, pour la seule cuisine
française, la seule que j'ai examinée un peu correctement.
Toutefois des questions du même type abondent pour d'autres pays,
pour d'autres cultures. Par exemple, au Brésil, avant le repas, il
est courant de boire une cai pirinha en apéritif : le cocktail
est fait de citron vert, de sucre de canne et de cachasa. Si l'on
interroge les cuisiniers ou les barman brésiliens qui préparent cet
apéritif, on les entend nous dire qu'il faut absolument enlever la
peau des citron vert sur la partie centrale. Pourquoi ? Ils nous
disent que cela donne l'amertume.
Pourquoi pas ? Faisons
l'expérience. Or les expériences, à ce jour, n'ont montré aucune
différence d'amertume, dans un test sensoriel bien fait. Je ne doute
pas que toutes les cultures du monde, toutes les cuisines du monde
aient leurs propres précisions culinaires : dictons, tours de main,
astuces, proverbes, et la science nommée gastronomie moléculaire a
bien des raisons de s'intéresser à ces objets culturels.
Tout d'abord, les
personnes qui détiennent ces savoirs populaires sont souvent de
vieilles personnes, qui risquent de disparaître avec leur savoir
populaire, et l'on risque de perdre une foule d'information, d'idées,
juste ou fausses -peu importe- qui concernent cette activité
merveilleuse qu'est la cuisine.
D'autre part, il y a
question de l'enseignement : peut-on imaginer de transmettre des
données fausses à nos successeurs ? Non, bien sûr ! Alors il
tester expérimentalement ces idées, afin de ne transmettre que les
bonnes, mettre les autres au musée, bien conservées ; il faudra
essayer de comprendre, aussi, comment les idées sont apparues,
comment les idées fausses aussi sont apparues, et pourquoi ?
Et puis il y
a des raisons scientifiques et techniques : parfois, les praticiens
ont fait des observations remarquables, merveilleuses,
incomprises de la science ;
là, il faudra comprendre, faire des travaux scientifiques pour
explorer les phénomènes, identifier leurs mécanismes... Et
c'est ainsi que la gastronomie culinaire est une
science éblouissante, remarquable, amusantes, passionnantes, à la
portée de tous, au moins pour les tests expérimentaux.
vendredi 2 août 2013
Vendredi 2 août. Les quenelles
-->
Je m'aperçois que je n'ai
guère fait état de ma collection de recettes de quenelles. Il y en
a aujourd'hui des centaines, recopiées de livre de cuisine française
de toutes les époques, et j'ai fini par comprendre qu'une quenelle,
c'est comme une boulette de viande !
La consultation de
l'étymologie ne donne pas de résultats probants : on nous dit
que le mot « quenelle » vient de l'Alsacien Knödel,
aliment en forme de boulette, et il est exact que la cuisine
alsacienne continue de produire de tels mets, mais je crois plus
intéressant de rapporter que le plus petit dénominateur de toutes
les recettes, c'est de la chair broyée. Cette chair coagule à la
cuisson, comme dans les steaks hachés, comme dans les terrines. Et
cela vaut pour les viandes comme pour les poissons !
En effet, le tissu
musculaire est fait de fibres, sortes de tuyaux dont la « peau »
est le tissu collagénique, fait d'une protéine nommée collagène
(qui est à l'origine de la gélatine), et dont l'intérieur est fait
d'eau et de quelques sortes de protéines, dont les principales sont
les actines et les myosines. Protéines qui coagulent ! La
dégradation des chairs conduit à leur libération, de sorte qu'une
viande bien broyée, tout comme un poisson pilé (les quenelles se
faisaient au mortier et au pilon), coagulent comme du blanc d'oeuf, à
la cuisson.
Toutefois, cette chair
étant fade, elle a souvent été aromatisée. On y a mis de l'oeuf,
dont le jaune a beaucoup de goût, mais aussi des ingrédients
variés, aromatiques.
La farine ? Elle sert de charge, pour « diluer » cette matière coûteuse qu'est la chair, de viande ou de poisson. Pour des raisons pratiques, on évite de la mettre sous la forme de farine toute simple, et on l'emploie souvent sous la forme d'une panade, où la farine est pré-cuite, dans de l'eau, du lait, du bouillon, lesquels ont également beaucoup de goût.
La farine ? Elle sert de charge, pour « diluer » cette matière coûteuse qu'est la chair, de viande ou de poisson. Pour des raisons pratiques, on évite de la mettre sous la forme de farine toute simple, et on l'emploie souvent sous la forme d'une panade, où la farine est pré-cuite, dans de l'eau, du lait, du bouillon, lesquels ont également beaucoup de goût.
Tout cela étant dit, le
résultat manque de moelleux, ce qui a conduit les cuisiniers du
passé à proposer l'emploi de matière grasse. Souvent, on utilisait
la graisse de rognon de boeuf, mais, plus récemment, on a remplacé
cette graisse par du beurre, de la crème, par exemple.
Enfin, il y a la question du gonflement des quenelles à la cuisson. Observons que des quenelles bien travaillées sont comme un appareil à soufflé, et que, de ce fait, chauffées, elles peuvent souffler. Cela a sans doute conduit, par analogie, à mettre du blanc d'oeuf battu en neige dans les quenelles. Autrement dit, le soufflage est obtenu même sans soufflage particulier. Dans les deux cas, le mécanisme est le même: c'est l'eau de la préparation qui s'évapore, quand elle est porté à 100 °C ; dans les deux cas, ce sont des protéines qui forment le réseau qui tient les bulles. Autrement dit, les protéines de l'oeuf sont inutiles, puisqu'il y a déjà celles de la chair.
Et c'est ainsi que,
comprenant la mécanique des quenelles, on peut en faire de
merveilleuses : n'hésitez pas à vous débarrasser de
l'opération fastidieuse qui consiste à pocher les quenelles entre
deux cuillers ; si vous mettez la préparation dans un film
plastique que vous roulez et fermez, vous pourrez pocher sans
difficulté... et même sans liquide, en mettant dans votre four à
une température juste suffisante pour faire coaguler les protéines
et stabiliser les quenelles.
mercredi 31 juillet 2013
Mercredi 31 juillet 2013. Battre la pâte à crêpes ?
Les
crêpières ont-elles raison
de dire que la pâte doit être bien battue ?
J'ai rencontré cette question il y a bien longtemps, alors
que, travaillant dans une crêperie, en Bretagne, j'étais notamment
chargé de la préparation de la pâte à crêpes et à galettes.
J'utilisais alors une
énorme bassine en plastique bien propre, où je mettais de la
farine de blé noir, du lait, de l'eau, du sel. Pas d'oeufs,
évidemment, car la tradition bretonne n'en préconise pas, limitant
les oeufs aux crêpes de froment ; pour la galette de sarrasin,
ou blé noir, l'oeuf changerait le goût de la pâte, ferait perdre
son caractère puissant.
Je me mettais alors torse nu, puis je mélangeais les ingrédients, à la main, jusqu'à ce que la pâte soit lisse. Toutefois les crêpières avaient observé que, lorsqu'elles utilisaient cette pâte, les galettes collaient parfois au bilic (l'instrument sur lequel on cuit crêpes et galettes), alors que, d'autres fois, elles ne collaient pas. Nous avions identifié que les galettes semblaient moins coller quand, lors de la préparation de la pâte, je l'aérais, en soulevant la pâte de la paume de la main, et en la lançant vers la bassine, afin de faire cloquer, de faire apparaître de grosses bulles d'air.
Je me mettais alors torse nu, puis je mélangeais les ingrédients, à la main, jusqu'à ce que la pâte soit lisse. Toutefois les crêpières avaient observé que, lorsqu'elles utilisaient cette pâte, les galettes collaient parfois au bilic (l'instrument sur lequel on cuit crêpes et galettes), alors que, d'autres fois, elles ne collaient pas. Nous avions identifié que les galettes semblaient moins coller quand, lors de la préparation de la pâte, je l'aérais, en soulevant la pâte de la paume de la main, et en la lançant vers la bassine, afin de faire cloquer, de faire apparaître de grosses bulles d'air.
Il semblait... Il
semblait, mais comment en avoir le coeur net ? Dans le feu du
travail d'une crêperie, il y a peu de place pour des
expérimentations, et je me posais la question depuis 35 ans...
Finalement, l'introduction d'air dans la pâte à galettes a-t-il un
effet sur la confection des galettes de blé noir ? Passons sur le
pléonasme « galettes de blé noir », car les vraies galettes sont
toujours obligatoirement de blé noir, mais conservons la question :
l'introduction d'air change-t-il quelque chose aux résultats ?
Le test s'est finalement
fait correctement sur le stand d'AgroParisTech, au Salon de
l'agriculture, en public, où nous avons introduit de l'air n'ont pas
la main, mais avec un batteur électrique. Une pâte à galette été
divisée en deux moitiés, dont l'une était fortement aérées au
batteur électrique, et l'autre non. Puis des galettes ont été
produites à partir de ces deux pâtes, non pas sur un bilic, mais
dans une même poêle, sur le même feu...
Le résultat a été
spectaculaire : oui il y a une différence considérable entre les
galettes bien aérées et les galettes qui n'ont pas été battues.
Pourquoi ? Je n'en sais toujours rien, mais je sais que l'expérience
nous a fait progresser. Après des décennies d'incertitude, nous
avons maintenant un résultat assez bien établie : il y a une
différence entre des pâtes bien aérées et des pâtes qui n'ont
pas été aérées. D'autres pourront maintenant monter sur dce
socle, pour poursuivre le travail d'analyse, et identifier les
mécanismes des phénomènes établis.
A vous !
A vous !
lundi 29 juillet 2013
Lundi 29 juillet 2013. Des questions. Comment perfectionner la vulgarisation scientifique ?
-->
Pour expliquer pourquoi la
vulgarisation scientifique (certains disent « médiation »,
mais, après plusieurs décennies d'exercice, je crois que la
différence est sans intérêt), prenons deux exemples : la loi d'Ohm
et l'effet photoélectrique.
Au XIXe siècle, le
physicien allemand Georg Simon Ohm mesure des différences de
potentiel (pensons à une chute d'eau) associées à des intensités
de courant (pensons au débit), en faisant passer divers courants
électrique dans un même conducteur (pensons à une tige
métallique), et il découvre que le rapport, le quotient, de la
différence de potentiel par l'intensité du courant est constant,
pour un même conducteur : il nomme « résistance
électrique » de ce conducteur particulier le quotient obtenu.
Jusque là, la
vulgarisation-récit se tient. Pour expliquer la découverte
(croyez-moi, je peux faire mieux que cela, mais l'objectif, ici,
n'est pas d'expliquer la loi d'Ohm), il a suffi d'imposer aux
interlocuteurs une simple division.
Pourquoi la loi d'Ohm
s'observe-t-elle, quand on dispose d'outils scientifiques du XIXe
siècle ? En soi, une loi est sans intérêt autre que technique,
mais, pour parler de science, il faut poursuivre l'explication,
chercher les mécanismes qui sont derrière la loi, et, en
l'occurrence, discuter la notion d'électrons et leur propagation
dans les conducteurs.
Présenter des électrons ?
On pourra encore recourir à une expérience : celle d'un tube
de Crookes, par exemple, un tube où l'on fait le vide et où l'on
applique une différence de potentiel électrique (on branche une
pile, en pratique) entre deux électrodes, placées aux extrémités
du tube. Encore un récit. Et pour décrire le propagation des
électrons dans un conducteur ?O n pourra sans doute, à
nouveau, se limiter à une description en mots.
D'ailleurs, le physicien
Stephen Hawkings, qui publia un livre de vulgarisation pas
extraordinaire, mais qui eut du succès, y explique que son éditeur
lui avait dit d'éviter les équations, sous peine que le livre ne se vende
pas. Voilà donc l'état de la vulgarisation scientifique, en ce
début du XXIe siècle. Des récits, des récits que l'on est invité
à croire, sans pouvoir juger. Bref, la vulgarisation scientifique
est une information par croyance, alors que les Lumières auraient
préféré, n'est-ce pas, qu'elle sollicite la Raison !
Oui, au fond, qui nous
prouve que ces récits sont exacts ? Que ce ne sont pas de
fantasmagoriques élucubrations, comme le sont les récits des
pseudo-sciences ? Les sciences quantitatives ont cela de
merveilleux que ce sont pas des récits au hasard, que ce ne sont pas
des divagations : parmi l'ensemble des possibilités de
mécanismes, c'est l'adéquation des mesures à la théorie qui
conduit à la sélection d'un ou de plusieurs mécanismes
admissibles.
Passons au second
exemple : l'effet photoélectrique, étudié par Albert
Einstein, en 1905. Cette fois, le récit consiste à expliquer que
l'on place deux plaques métalliques en vis-à-vis, à l'intérieur
d'un tube en verre où l'on a fait le vide, et l'on applique une
différence de potentiel modérée entre les deux plaques. Rien ne se
passe.
Puis on éclaire une des
plaques, à l'aide d'une lumière de longueur particulière, par
exemple du rouge. Rien ne se passe. On augmente l'intensité de la
lumière, ce qui correspond à une énergie de plus en plus grande,
et rien ne se passe.
On change alors la
longueur d'onde de la lumière, passant du rouge au bleu, par
exemple, et, soudain, pour une longueur de particulière, un courant
électrique se met à passer entre les plaques.
Jusque là, on a expliqué
le phénomène par un recours à l'expérience ; on a décrit le
phénomène, par un récit, mais comment expliquer le phénomène ?
Cette fois, le recours à
une simple division ne suffit plus. Pour autant, le calcul, dans ce
cas, n'est pas difficile ; il est à la portée d'un étudiant de
baccalauréat. Mais c'est le calcul qui dit tout !
Bien sûr, on aurait pu «
expliquer » que la lumière est faite de « grains »
nommés photons, chacun porteur d'une énergie particulière, mais
comment expliquer l'effet photoélectrique ? Seul le calcul en
donne une explication, et ce n'est pas la transcription du calcul
avec des mots du langage naturel qui aide à comprendre. Au
contraire même : les phrases deviennent très longues, les notions
s'enchaînent les unes aux autres, et l'on découvre à cette
occasion que le calcul formel, où des notions comme l'énergie, la
masse... sont remplacés par les lettres E, m..., est bien
plus efficace pour la compréhension que la description avec
des mots.
La description avec des
mots ne donne pas de compréhension des phénomènes, et seul le
calcul - très simple- permet de comprendre combien le travail
d'Einstein, dans ces circonstances, était merveilleux.
Et puis, il y la question
de la sélection d'un récit parmi d'autres, qui doit être
considérée. Pour expliquer un phénomènes, on peut invoquer mille
mécanismes, mais les sciences quantitatives, je l'ai déjà écrit
dans d'autres billets, ont cette particularité que le calcul permet
de faire la sélection. Le recours aux nombres, aux notions formelles
du calcul, la considération que le monde est écrit en langage
mathématique... C'est cela, la science, et non un récit qui
s'apparente... ôsons le mot, à celui des religions. Il ne s'agit
pas de foi, mais d'émerveillement de voir le monde fonctionner selon
des lois formelles toujours insuffisantes, certes, mais de plus en
plus précisément collées aux phénomènes.
De ce fait, je crois que
la vraie tâche de la vulgarisation, c'est donc d'expliquer les
calculs, et de ne pas se limiter à des récits. C'est une tâche
difficile, merveilleuse, qui nécessite des talents nouveaux, des
énergies puissantes, des esprits tout tendus vers cet objctif
remarquable.
La vulgarisation
scientifique évoluera-t-elle, au XXIe siècle, de façon qu'elle
devienne enfin capable de considérer la vraie activité
scientifique ?
dimanche 28 juillet 2013
Montaigne
Il y a quelques semaines, j'avais fait état de ce merveilleux proverbe alsacien "Mer isch was mer mocht", nous sommes ce que nous faisons.
Et Michel de Montaigne disait : "Chaque parcelle, chaque occupation de l'homme l'accuse et le montre également qu'une autre".
(Montaigne, Les Essais, Livre I, chapitre L)
Et Michel de Montaigne disait : "Chaque parcelle, chaque occupation de l'homme l'accuse et le montre également qu'une autre".
(Montaigne, Les Essais, Livre I, chapitre L)
Dimanche 28 juillet 2013. Les connaissances et les compétences.
On
me connait : je répète que je ne suis pas assuré de mes
certitudes. Alors, de mes incertitudes...
En
revanche, j'ai la naïveté, le courage (je vois déjà quelques
commentaires que je n'afficherai pas ; pardon, mais le ton doit
rester mesuré), l'inconscience de discuter d'enseignement. Et pis,
je le fais au mépris de la règle qui réclame une saine recherhe
bibliographique en préalable aux discussions « scientifiques »
(ici, j'écris le mot dans l'acception « savoir général »,
et pas « sciences quantitatives »). Plus spécifiquement,
de la différence entre les connaissances et les compétences.
Il
me semble que les compétences sont plus difficiles à obtenir que
les connaissances. Ces dernières peuvent se transmettre par des
« récits », tandis que les compétences mettent
étudiants en situation d'autonomie, souhaitable si l'on veut qu'il
devienne secouer le carcan du « Maître ».
Un
exemple, l'utilisation de l'expression de l'entropie en fonction du
nombre d'états microscopiques (une merveilleuse loi qui s'exprime
par S = k ln Ω, où S représente l'entropie, k la constante de
Boltzmann, égale à 1,3806488 × 10-23 m2 kg
s-2 K-1, ln la fonction logarithme
népérien, et Ω le nombre de configurations microscopiques
associées à un état macroscopique).
La
connaissance, dans ce cas, n'est pas compliquée, puisqu'elle se
réduit à une définition que même un âne finira par apprendre par
coeur pourvu qu'on lui donne carottes et bâton, mais c'est la
compétence que l'on doit viser, à savoir que les étudiants,
connaissant bien la loi, doivent finir par avoir le quasi réflexe de
chercher à l'appliquer, chaque fois qu'ils sont en présence d'un
nombre de configurations microscopiques et qu'ils envisagent les
questions d'énergie, dont l'entropie (oui : multipliée par la
température et avec un signe moins) est une composante.
Rien
de difficile, dans cette affaire, mais il faut de la familiarité, et
éviter que les étudiants considèrent que l'apprentissage de ces
notions est une « peau d'âne », dont ils doivent se
débarrasser le plus vite possible après l'examen. D'ailleurs,
ajoutons que ce type de connaissances/compétences sont très
« locales », et méritent évidemment être placées dans
un cadre explicatif plus général. Pour dire les choses très
simplement, la plus simple des « lois de la nature »
(pensons à U = R . I si l'on a les compétences scientifiques du
lycée) doit être apprise dans les conditions de son application (la
loi d'Ohm précédente n'est valable que tant que le courant est
limité, sans quoi le conducteur chauffe et fond, de sorte que la loi
ne s'applique plus). Bref, il n'est pas interdit de réfléchir,
quand on apprend.
Il
y a quelques jours, dans notre « étincelle scientifique du
matin » (une réunion du Groupe INRA/AgroParisTech comme il y
en a tous les matins, et où l'on discute des points scientifiques,
des molécules, des livres), nous avons ainsi vu comment calculer la
pression de Laplace : en substance, dans une bulle d'air, au
sein d'une mousse, il y a une pression d'autant plus grande que la
bulle est petite ; et cette pression conduit à la rupture des
mousses, les petites bulles, sous forte pression, se vidant au profit
des grosses bulles, où la pression est moindre).
La
démonstration que les étudiants ont suivie, et qui établissait
l'expression mathématique de la pression de Laplace, relevait des
connaissances, et l'application au calcul de la hauteur de montée
capillaire (qui en résulte), elle, peut en devenir une simple
application. Lors de cette application, on s'aperçoit qu'il faut
savoir des faits simples, à savoir la variation de pression en
fonction de la hauteur dans un liquide, ou le fait qu'à la surface
d'un liquide, la pression est égale à la pression atmosphérique.
Il y a donc un exercice à proposer pour passer de la force à la
hauteur de montée capillaire.
Supposons
que, face à ce travail opposé, les étudiants « sèchent ». Que
faut-il faire ? Bien sûr, aujourd'hui, ils trouveront en ligne la
solution de l'exercice, mais s'ils se contentent de lire cette
solution, ils resteront du côté de la connaissance, et ne passeront
pas du côté de la compétence. La compétence, c'est donc un
travail personnel qui, dans ce cas particulier, consiste à mettre en
oeuvre les connaissances.
D'où
la question : une compétence est-elle toujours la capacité de
mettre en oeuvre des connaissances ?
Note :
il y a des cours qui se font par des excercices. On en évidemment
conduit à penser que, si ces cours sont bien faits dans le détail,
ils seront efficaces, n'est-ce pas ?
Note
de la note : à condition que les étudiants n'aillent pas trop
vite, ne sautent pas des étapes pourtant bien organisées, dans les
cours bien faits.
Note
de la note de la note : on n'oublie pas, dans toute cette
discussion, que, suivant l'exemple de Michel Eugène Chevreul, je
cherche à devenir un jour le doyen des étudiants de France !
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