Affichage des articles dont le libellé est gastronomie moléculaire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est gastronomie moléculaire. Afficher tous les articles

mardi 2 mars 2021

A propos des accords mets-vin



Ce soir, je reçois ce message :

Je travaille actuellement sur un sujet de science alimentaire sur les accords mets et vins.  
Je suis aujourd'hui en recherche d'informations scientifiques sur les accords mets et vins, à savoir quelles sont les composantes chimiques et/ou organoleptiques qui régissent ces accords ? Avez-vous déjà étudié ces relations, si oui auriez-vous des articles à me suggérer ?



Et ma réponse


Merci pour votre message amical.
La question est d'autant plus intéressante qu'elle est plombée par des gens (je connais au moins un sommelier dont les dents rayent le parquet)  qui disent n'importe quoi, parce que :
1. ils cherchent à paraître savants (ce qu'ils ne sont pas)
2. ils le font parce qu'ils vendent leurs compétences
3. ils ne "cadrent" pas bien la question.

Il faut commencer par observer que l'appréciation gustative (mets ou boissons, ou les deux) est d'abord une question sociale, ensuite une question artistique, et seulement enfin une question technique.
Par exemple, l'appréciation de l'amertume est une question de culture, ces saveurs étant rejetées par les jeunes enfants. Et c'est ainsi que certains en viendront à aimer le durian, et d'autres la boulette d'Avesnes.
Donc surtout pas ne pas mélanger les phénomènes physico-chimiques avec les questions du "j'aime" ou du "je n'aime pas". Et ne pas chercher du côté de la théorie du "food pairing", qui est très pourrie (à venir, dans le Handbook of molecular gastronomy, parution avril, un chapitre qui fait le constat de façon serrée, scientifique).

Ensuite il y a la question artistique : on aurait fait entendre du Debussy à Mozart qu'il serait sauté au plafond d'effroi. Là encore, une question difficile, culturelle... et qui était à l'origine de mon meilleur livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique", lequel est à ma connaissance le premier traité d'esthétique culinaire jamais publié.

Enfin, il y a la question technique, et là, il y a des faits :
- par exemple, la complexation des protéines salivaires par des tanins (seulement certains des polyphénols)
- par exemple, des phénomènes à base de pH
- par exemple, la force ionique qui provoque le relarguage des composés les plus hydrophobes
- par exemple...
Et c'est ainsi que j'avais fait une quotidienne sur ce thème, il y a plus de dix ans, sur France Inter, l'été, avec Philippe Faure Brac.

Cela étant, vous avez vu que j'ai mis le social et l'art avant la technique... car on a le droit d' aimer la sensation bizarre du bordeaux tannique avec de la salade bien vinaigrée (et je connais des gourmands qui l'aime).
Autrement dit, il n'est pas nécessaire de vouloir justifier des accords, mais, surtout, il y a lieu de bien séparer les faits et les interprétations. Ce qui signifie poser les faits physiologiques, biologiques, sociaux... et ne pas aller plus loin.
Tout cela, bien sûr, doit être fondé sur une bonne appréciation de ce qu'est le goût : saveur (un nombre infini de saveurs), odeur (ne parlez svp pas d'arôme mais de composés odorants), trigéminal, oléogustation, sensation du calcium, couleur, nom (pour les réflexes conditionnés type acidité, gras ou amidon), consistance, température, et autres.

Un point de méthode, maintenant : comment allez vous faire pour trouver les bonnes sources ? A la réflexion, je partirai de l'analyse de la question, avec (pour les professeurs qui en sont bien ignorants), un état de la perception sensorielle du goût ; puis un état des phénomènes connus sur des influences en bouche (température, pH, salinité, etc) ; puis un état des influences mutuelles ; puis une rechercher de l'évolution artistique de la question (un travail difficile, jamais fait), et enfin un état des effets sociaux (pour ce que l'on en sait, sans jamais dépasser les faits, et, surtout, sans vouloir des conclusions quie ne sont pas accessibles).

Pas opposé à vous aider à bien faire, car cela serait utile que quelqu'un pose tout ce que je vous ai dit par écrit.
bien à vous

lundi 1 mars 2021

A propos de pâtes

Cela fait longtemps que nous étions dans l'incompréhension, avec divers amis du séminaire de gastronomie moléculaire,  à propos des pâtes : les pâtes à tarte, mais qui servent souvent à autre chose que ces dernières, par exemple pour faire des tourtes, des rissoles, des pâtés chauds, etc.

Comment les nommer ? Le monde amateur ou professionnel est encombré de dénominations plus ou moins cohérentes,  avec notamment celles de pâte sablée, pâte brisée, pâte sucrée, pâte à foncer, etc. Et, d'autre part, on nous parle d'émulsion, de sablage, de crémage...

Or les enseignements culinaires s'étant déjà montrés incohérents par le passé,  avec les théories fautives des cuissons dites (fautivement) "par concentration" ou "par expansion", j'aurais dû me méfier bien plus tôt,  mais il a fallu qu'un formateur m'interroge sur la cuisson des légumes pour que je puisse le faire vraiment.
Et quand j'ai mis mon nez dans la question des pâtes, j'ai effectivement retrouvé la plus grande incohérence.

Du point de vue physico-chimique, les choses sont simples, en cela que si l'on travaille de la farine avec de l'eau, alors cette dernière vient ponter des protéines et former un réseau qui est nommé classiquement "gluten".  Cela durcit la pâte, mais, aussi, la fait tenir.
S'il y a du sucre, le réseau peut se faire de façon limitée voire pas du tout, et la pâte devient bien plus friable.

Mais reste la question de la dénomination, et, là, les travaux terminologiques de ces derniers mois m'ont fait comprendre qu'il n'y avait de légitimes que les définitions qui avaient de l'antériorité.
Autrement dit, il fallait aller chercher dans les livres de cuisine anciens les dominations des pâtes pour pouvoir choisir un nom juste.
Et finalement j'ai trouvé  d'abord des pâtes fines, avec de la farine blanche, et des pâtes bises, avec de la farine moins fine, moins blanche ou de seigle : "bis" signifie grisâtre.
Plus tard, dans l'histoire de la cuisine, on trouve des pâtes à foncer (on fonce effectivement un moule à tarte) ou des pâtes à dresser, qui étaient bien plus utilisées naguère, pour la production des pâtés, quand on n'avait pas de moule.

Mais, finalement, pour ces pâtes, la principale  caractéristique, c'est bien d'être soit friables, soit fermes. N'est-ce pas une dénomination suffisante ? Selon que l'on a du sucre ou non, c'est ou non une pâte sucrée, qui, comme dit plus haut, est souvent - mais pas toujours- plus friable.

Le procédé de fabrication doit-il être pris en compte dans la dénomination ?  Sablage, émulsion, crémage, et j'en passe...  Ma réponse est simple  : il n'y a lieu de stipuler le procédé que s'il donne des résultats particuliers. Sans quoi, c'est  juste une idiosyncrasie de plus,  qui doit donc être mise de côté.
Or d'anciens séminaires avaient comparé les mêmes pâtes par sablage et par "crémage" (un mot mal choisi), sans qu'on ait vu de différence.
 

De sorte que je conclus que le procédé est sans intérêt et que nous devons nous résoudre à parler de pâte à foncer friables ou fermes. C'est moins prétentieux... et tellement plus simple, pour les amateurs comme pour les jeunes  professionnels !

Je vous présente la tyrosine



Ah, le comté, merveilleux fromage, au goût frais et corsé quand il est jeune, puissant quand il s'affine... Et ses petits cristaux, dont la saveur ajoute au goût total !
Des cristaux de sel ? Non, des cristaux d'un composé nommé "tyrosine". D'ailleurs, il est amusant de voir l'étymologie de ce nom chimique... le fromage.
Le composé ? C'est un acide aminé, à savoir que ses molécules ont :
-  un atome de carbone lié à un groupe acide carboxylique, avec un atome de carbone lié à un atome d'oxygène, d'une part, et à un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène, d'autre part ;
- un groupe amine, avec un atome d'azote lié à deux atomes d'hydrogène.
Pourquoi le trouve-t-on dans le fromage, comme d'ailleurs dans des jambons secs ? Parce que ces produits contiennent beaucoup de protéines, qui, lors d'un affinage, se dissocient en libérant des acides aminés. Or la tyrosine n'est pas très soluble... de sorte qu'elle cristallise facilement.
Mais je me hâte d'ajouter que les choses sont plus compliquées que ne le dirait la phrase "les cristaux du comté ou du parmesan sont de la tyrosine"... car il y a des cristaux variés dans les fromages, et pas seulement de tyrosine.
Au fait (pour les moins avancés en chimie), oui, ces cristaux sont des empilement réguliers de molécules de tyrosine. Oui, nous mangeons des molécules.

dimanche 28 février 2021

Les craintes sont fondées sur l'ignorance. Vite, de la chimie à l'Ecole !



Dans les discussions publiques à propos des dangers ou des risques des aliments, ou des bienfaits potentiels d'ailleurs,  il est donc question de "chimie", puisque les aliments sont faits de composés, c'est-à-dire de molécules de diverses catégories : eau, protéines, acides aminés, lipides, sucres...

Aux tissus végétaux ou animaux, qui sont donc des assemblages de molécules, les cuisiniers -à domicile, dans des restaurants ou dans l'industrie- ajoutent des "produits" qui peuvent être des composés (pensons au sucre, par exemple) ou des mélanges de composés (pensons aux additifs, auxiliaires techniques, aromatisants).

Pour les composés, il s'agit donc encore de composés, c'est-à-dire de catégories de molécules, qu'il s'agisse de molécules d'origine naturelle ou artificielle.

Bref, dans tous les cas, il y a des molécules dans l'affaire, qu'il s'agisse d'eau, de protéines, de lipides, de sucre,  et cetera. Et ces molécules sont les mêmes, qu'elles soient d'origine naturelle ou artificielle.

Oui, une molécule ne dépend pas de son origine, parce qu'elle est toujours faite d'atomes, qui sont de différentes sortes (on parle des "éléments"), et qui ont pour nom  : hydrogène, hélium, lithium, béryllium, bore, carbone, azote, oxygène, et ainsi de suite (il y a environ 200 éléments).

Or une molécule, assemblage d'atomes, est la même que les atomes aient été liés en molécule spontanément, dans l'univers, ou bien que l'on ait fait la chose dans un laboratoire : sauf des cas tordus, rarissimes, on ne peut pas distinguer une molécule naturelle d'une molécule synthétisée, qu'elle le soit dans un laboratoire ou dans une casserole, par l'action inconsciente d'un cuisinier (aucun cuisinier ne pense à faire des dianhydrides de fructose quand il fabrique du caramel !).

Ces molécules que nous mangeons se moquent bien de notre santé, et la "nature" se moque de l'être humain, de ce qui est bon ou mauvais pour l'être humain, contrairement à ce que pensent quelques naïfs, quelques ignorants, quelques idéologues, ou quelques personnes délirantes. La nature produit tout aussi bien la girolle que l'ammanite phalloïde, et c'est notre humanité qui nous conduit à sélectionner ce qui nous est utile.

Mais, j'y revient, on voit trop souvent dans les débats publics, l'idée selon laquelles les molécules d'origine naturelle ou artificielle seraient différentes : elle ne le sont pas !
Prenons l'exemple de l'eau. A Paris, l'eau de pluie est loin d'être pure, d'être seulement faite de molécules d'eau : avons-nous oublié les "pluies acides" qui attaquaient les forêts ? Et dans l'eau "minérale", en bouteille, ne savons-nous pas lire, sur l'étiquette, la présence, parmi les molécules d'eau, de nombreuses espèces moléculaires ou ioniques : des ions magnésium, sodium potassium, nitrates, sulfates, etc. ?
En revanche, pour de l'eau qui serait synthétisée à partir de dihydrogène et de dioxygène, la pureté serait quasi parfaite... ce qui ne signifie pas que cette eau serait meilleure pour la santé : il faut craindre les chocs osmotiques quand on boit de la neige fondue !

Il faut arriver au cœur du sujet, à savoir que la molécule d'eau, quelle que soit son origine, naturelle ou artificielle, est faite d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. Ces atomes d'oxygène et d'hydrogène  viennent tous de la nature, car nous ne faisons que les utiliser, les réarranger, et les réactions qui se font dans les laboratoires ne sont que des réarrangements d'atomes.
Bien sûr,  la physique nucléaire parvient à changer un élément en un autre (très difficilement d'ailleurs), mais, pour ce qui concerne la cuisine, on en est loin.

Allez, j'insiste encore : une molécule d'eau de la pluie, ou une molécule d'eau synthétisée dans un laboratoire, c'est toujours une molécule d'eau.

Cette information serait utile dans les débats publics... où je vois à la fois de l'ignorance des faits et des confusions avec l'idéologie. Pourtant, le créateur du journal Le Monde ne recommandait-il pas, très justement, de ne pas confondre les faits et les interprétation?

Là, c'est fait : vous avez des faits, et j'espère que vous en ferez bon usage, dans les débats publics, surtout si ces débats déterminent des choix collectifs.
Bref, pour être un bon citoyen, il ne faut pas dire n'importe quoi, agiter sa langue de façon incohérente, mais commencer à comprendre de quoi l'on parle : un vaste programme... qui doit commencer dès l'Ecole !

samedi 27 février 2021

Les alcools : tous ne sont pas égaux. Donc ne pas confondre

Aujourd'hui, je  veux délivrer une information pour mes amis vignerons qu'ils ont pas toujours de formation poussée en chimie : il s'agit de discuter la question les alcools.

Car le produit merveilleux qu'ils produisent, c'est-à-dire le vin,  contient effectivement en abondance un alcool qui a pour nom "éthanol"... mais il contient également, en moindre quantité,  de nombreux composés différents de l'éthanol mais qui sont des "cousins", en ce sens que ce sont également des "alcools".

 Il y a par exemple le méthanol avec un m. Certes, l'éthanol est toxique... mais le méthanol est bien pire, parce qu'il rend fou et aveugle pour dire les choses simplement.

L'éthanol, lui, donne un goût merveilleux à des liquides variés, mais il provoquer de l'ébritété, des anomalies du comportements, sans compter les différentes affections qui vont du cancer au diabète, etc. Et le composé est d'autant plus dangereux que c'est une "drogue", qui provoque donc accoutumance et dépendance.

Donc oui, boire avec modération est essentiel... mais pas suffisant : je propose surtout de boire avec culture : d'où vient ce vin, qui l'a produit, comment, quand, à partir de quoi, sur quel sol, avec quel climat ?

Revenons la question des alcools. Ce sont des composés qui sont faits de molécules toutes identiques pour chaque catégorie. Par exemple, "éthanol" est le nom d'une catégorie de molécules identiques, et "méthanol" est le nom d'une  autre catégorie. Les molécules de méthanol sont toutes identiques, mais elles diffèrent des molécule d'éthanol.

Pourquoi ces composés sont-ils des alcools ? Parce que leurs molécules, différentes donc pour les divers alcools, comportent toutes au moins un atome de carbone qui est lié à un atome d'oxygène, lequel est lui-même à un atome d'hydrogène.
Ce groupe d'atomes,  avec un atome d'oxygène et atome d'hydrogène, est nommé groupe hydroxyle, et c'est lui qui fait que les molécules sont des alcools.
Bien sûr, les molécules des alcools ne sont pas limitées à ce groupe, et il peut y avoir plein d'autres atomes, de carbone, d'hydrogène, d'oxygène, etc. Et les molécules sont plus ou moins grosses, ce qui signifie qu'elles ont plus ou moins d'atomes.

 Le méthanol, lui, est le plus petit des alcools, avec un seul atome de carbone.
Puis vient l'éthanol, avec deux atomes de carbone, puis le propanol, le butanol, le pentanol, l'hexanol, l'heptanol, et ainsi de suite avec des noms comportant le suffixe "ol" qui désigne les alcools et un préfixe en grec qui dit le nombre d'atomes de carbone.
C'est tout simple non ?

Ajoutons que tous les alcools ont des propriétés très différentes  : des températures d'ébullition différentes, des actions physiologiques différentes, des odeurs différentes...

Et, en tout cas, il faut boire avec modération : nous ne sommes pas des bêtes, n'est-ce pas ?

Des classifications ? A condition qu'elles soient utiles !

 Se pose à nouveau à moi, aujourd'hui, la question des référentiels et des examens pour les cuisiniers.

Il y a quelques années, j'avais combattu une classification fautives, qui évoquait des "cuissons par concentration" (alors qu'il n'y avait de concentration) et des cuissons dites "par expansion", où n'y avait pas non plus ce qui était dit dans le nom.

Je m'aperçois aujourd'hui que je n'ai pas pris le mal à la racine... car, au fond, pourquoi cette classification ?

Un ancien formateur me dit aujourd'hui :
"Mais en fait, jamais je n’ai entendu dans une brigade dans la bouche d’un chef ordonner de cuire par expansion etc. C’était appris pour le savoir le jour de l’examen. Donc une théorie totalement inutile."

Donc non seulement c'était faux, mais c'était de surcroît inutile ? De qui se moque-t-on ?

Et puis, quand même, y a-t-il tant de types de cuisson qu'il faille en faire une catégorisation ? On compte les cuissons sur les doigts d'une main : rôtissage, poêlage (dans un poêlon), sauté (dans une poêle), étuvage, cuisson à la vapeur, grillades...

Surtout, quel service une catégorisation peut-elle rendre ? Si elle ne rend pas un service pratique, alors il est idiot de l'utiliser. C'est de la pédanterie (quand c'est juste), ou un scandale (quand c'est faux).

Pour autant, on comprend que l'enseignement culinaire ne doive pas montrer seulement de la technique, mais s'élever à de la technologie, plus puissante.

De sorte que se pose la question de voir plus loin que le geste technique. Voir quoi ?

Comparons un pot-au-feu et un poulet rôti : on voit bien une différence, à savoir que le poulet devient croustillant et brun, alors que la viande de pot au feu devient grisâtre et molle (dans les bons cas). Si l'on analyse, ce n'est pas la question du brunissement qui est première, mais le fait que, à plus de 100 degrés (pour le rôtissage), l'eau de surface s'évapore, et la viande croûte ; ce qui ne se produit pas dans le cas du pot-au-feu.

Et c'est la raison pour laquelle, dans Mon histoire de cuisine, j'ai proposé 14 commandements aussi fondamentaux que simples, et véritablement "technologiques", car il donnent es véritables clé de la technologie culinaire au lieu d'être des mots de plus de trois syllabes prétentieusement plaqués sur les notions variables et floues.

Aujourd'hui, la question se pose à nouveau à propos de la cuisson des légumes et, de nouveau, je dépiste des terminologies foireuses.

Mais il se trouve que au même moment, je vois pour la pâtisserie des incohérences... avec le même phénomène d'interprétations technologiques fautives. Là encore, je retrouve la prétention qui ne prend pas la technologie au phénomène, mais introduit des terminologies fautives.

Il y a donc lieu de mener un grand combat, de faire un grand ménage et si nos élèves gagnent à savoir faire des gestes particuliers tels que rôtir, sauter, et cetera, il y a surtout à donner les clés technologique, car,  je le répète,  pour la pâtisserie, il y a surtout dans deux idées,  à savoir que
1. quand on m'alaxe de la farine et de l'eau, on obtient une pâte de plus en plus ferme,  parce que des protéines liées par de l'eau forment un réseau, nommé "réseau de gluten", 2. si l'on ajoute du sucre à une pâte ferme, elle perd sa fermeté, s'effondre,  parce que le sucre capte l'eau pour former un sirop dans lequel les grains d'amidon sont dispersés.
Arrêtons-nous là, et on aura déjà rendu bien service !

vendredi 26 février 2021

Basse température et barbecue ?

On m'interroge sur les relations entre la "récente" cuisson basse température et les cuissons plus traditionnelles de type barbecue à la texane.

Récentes, les cuissons à basse température ? Cela fait au moins depuis 1987 que je discute cela, soit plus de 30 ans !

Ce qu'il faut dire, quoi qu'il en soit, c'est que la viande est faite de fibres réunies en faisceaux. Chaque fibre est faite d'un intérieur et d'une enveloppe, comme un tuyau quelque sorte, et c'est une sorte de tissu qui réunit les fibres en faisceaux, puis d'ailleurs des faisceaux en super faisceaux.

Dans toutes les affaires, il y a lieu simplement de considérer que les enveloppes des fibres tout comme le tissu qui les réunit est fait  principalement d'une protéine qui a pour nom "collagène", d'où le nom de tissu collagénique pour le tissu qui gaine les fibres ou les réunit en faisceaux.
Et ce tissu est dur.

A l'intérieur des fibres, d'autre part,  il y a comme du blanc d'oeuf, c'est-à-dire de l'eau et des protéines, mais pas les mêmes protéines qui font le tissu collagénique. Non, des protéines qui assurent la contraction des muscles et qui ont pour nom, pour les principales, actine et myosine.

Mais pensons simplement a du blanc d'oeuf dans des tuyaux durs.

Dans une cuisson rapide, la chaleur coagule l'intérieur des fibres : la viande durcit si elle est initialement tendre. Ce n'est pas très grave pour les viandes à griller.

Mais si les viandes sont initialement plus dures,  parce qu'elle contiennent beaucoup de tissu collagénique, alors la dureté augmente encore, et la viande devient  immangeable.

C'est la raison pour laquelle les viandes à braiser doivent être cuites très longtemps  : il faut que le tissu collagénique soit progressivement dégradé... ce qui se passe si la cuisson est longue.

Et c'est ainsi que, pour bien conduire les braisages,  pour éviter ce que l'on nommait naguère le terrible "coup de feu", il y a lieu de bien commander la température.

Et là je renvoie ver mes innombrables articles relatifs à la cuisson des oeufs pour expliquer pourquoi c'est la température plutôt que le temps qui est essentiel pour la coagulation des protéines.

Mais surtout j'insiste : le tissu collagénique, à basse température va se dégrader progressivement  et  une viande dure va s'attendrir.

Pour cela, il y a des températures essentielles et 60 degrés est un bon ordre de grandeur, puisque, d'une part, les micro-organismes sont détruits, et que, d'autre part, on  dégrade le tissu collagénique, de sorte que l'on attendait les viandes s'endurcir trop l'intérieur.

Pour une cuisson au barbecue à la texane, j'en connais mille, et toutes ne sont pas remarquables.
Certaines portent longuement la viande à basse température, et cela a l'effet décrit précédemment, avec de surcroit un goût de fumée.

mercredi 24 février 2021

"Promouvoir la science dans l'industrie" ?



Un jeune ami me tend l'expression "promouvoir la science dans l'industrie" :  de quoi s'agit-il ?

Les sciences de la nature, puisque c'est cela dont parle notre ami, sont des activités de production de connaissances,  sans considération aucune de l'utilité au sens pratique.

D'ailleurs je me hâte de dire que ce n'est pas parce que les sciences ne "doivent pas" être utiles, dans leur pratique,  qu'elle ne peuvent pas être utiles... en pratique. Bien sûr que les sciences ont des applications, mais la question est simplement de "milieu" : aux scientifiques de faire des sciences, sans chercher des applications, et au reste du monde de chercher des applications des sciences, sans donc en faire.

Et je me hâte de dire aussitôt que les applications techniques ne sont pas les seules d'application des sciences. Les sciences trouvent de merveilleuses applications dans l'enseignement, par exemple,  et elles sont parfaitement "utiles" puisqu'elles changent les mentalités, elles changent nos pensées, nos cultures...
Le bouleversement qui a lieu quand on compris que ce n'est pas le Soleil qui tournait autour de la Terre, mais l'inverse, a été un séisme intellectuel dans tout l'Ancien Monde. La compréhension de l'inertie, de l'énergie... Tous lces outils sont des outils intellectuels au même titre qu'un marteau ou un tournevis le sont pour un menuisier.

Les sciences de la nature, donc, ne doivent pas être utiles dans leur  pratique interne, mais elles ont d'innombrables utilités pour qui veut les chercher.
Bien sûr, des métiers techniques vont chercher des applications techniques,  et d'autres métiers vont chercher  d'autres applications.
Par exemple, on a vu les artistes inspirés par les nouvelles perspectives des sciences de la nature (pensons à Zola, pensons aux musiciens modernes, pensons aux peintres et au néo-impressionnisme...), on a vu des légistes inspirés pour des réglementations, on a vu des nutritionnistes ou des toxicologues inspirés par des nouvelles descriptions des aliments...

Oui les sciences ne sont pas là pour leur utilité, mets parce qu'elles sont l'honneur de l'esprit humain.
N'est-ce pas cela, la connaissance, la culture qui nous fait véritablement humains ?

Pour en revenir à la question : oui, je crois que l'industrie a besoin de bien comprendre qu'elle a tout intérêt à prendre les résultats les plus récents des sciences pour en faire de l'innovation, pour en tirer des applications... ce qui impose que ceux qui feront le travail de "promotion" feront bien de faire aussi le travail de transfert ! Vanter les travaux scientifiques, c'est très bien, mais prouver le mouvement en marchant, n'est-ce pas mieux ?
La question devient donc, pour l'ingénieur : regardons une à une les productions scientifiques les plus récentes, et cherchons ce que nous allons en faire.

lundi 22 février 2021

C'est de la chimie

1. A propos de l'expression "c'est de la chimie",  je vois aujourd'hui la même discussion qu'avec le "ce n'est pas de l'art", qui a été si bien discuté par Anne Gauquelin dans un livre de ce titre.

2. Pour l'art, il y a la question de l'art moderne,  provocateur, échappant précisément aux règles de l'art plus classique, et qui ne semble pas de l'art pour ceux qui ont sont restés précisément aux règles classiques.
Mais l'artiste n'est pas un suiveur ;  c'est un créateur, qui peut se donner les règles qu'il veut.

3. En cuisine, là où je connais assez bien les choses, j'ai vu mille fois des créations culinaires qui était récusées au nom d'un clacissisme que je trouve étriqué. Quand on dit "les choses sont bonnes quand elles sont au goût de ce qu'elles sont", on édicte une loi artistique , ce qui est idiot, puisque cela cantonne les artistes culinaires à de l'artisanat. Pas étonnant que cette injonction soit reprise à l'envi par les artisans qui ne savent pas être des artistes, par ceux qui sont limités par la répétition, par ceux qui ne sont pas des créateurs...
Conserver cette idée, ce n'est pas de l'art -et là j'utilise l'expression correctement. Oui, ce n'est que de l'interprétation, et pas de la création, que de refaire un plat qui a été fait 1000 fois. Et, d'ailleurs, pourquoi l'interprétation se limiterait-elle à une idée seulement, à savoir donner le goût de ce que c'est ? Sans compter que cette idée est bien impossible : cuire du veau, de la volaille, ce n'est pas donner le goût du veau, parce qu'il y a tout le reste, dans le plat !
L'art culinaire consiste précisément à faire autre chose, y mettre un sentiment personnel, une touche personnelle, imaginer les émotions et orchestrer le travail  pour les faire surgir.
Il en va de même en peinture, en littérature et l'on ne saurais trop rappeler que tous nos classiques ont été des révolutionnaires. Rabelais Flaubert, Hugo, Rembrandt, Picasso...

4. "Ce n'est pas de l'art" est une déclaration réactionnaire, étriquée, inculte en quelque sorte.

5. Pour le "c'est de la chimie", je vois une déclaration d'un type analogue, à l'emporce-pièce, une formule qui n'invite pas à réfléchir, bêtement péremptoire. Le plus souvent, ceux qui la profèrent sont les mêmes qui ont une idée naïve de la nature, du naturel et de l'artificiel.
Espérant toujours le salut du pécheur, je ne cesse de citer le dictionnaire, qui dit justement que l'artificiel (entendons le mot "art" dans ce terme) est le produit de l'intervention d'un être humain, alors que le naturel ne fait pas intervenir l'humain.
Rien de naturel dans la cuisine, donc, puisqu'il y a - a minima !- l'intervention de la cuisinière ou du cuisinier !

6. Mais il y a autre chose, dans ce "c'est de la chimie", à savoir une crainte de phénomènes qui seraient mal connus, ou mal maîtrisés... Mais cette crainte n'est-elle pas surtout fondée sur l'ignorance ? Mal connus par qui : par celui ou celle qui parle ! Mal maîtrisés... par celui  ou celle qui parle... puisqu'il ou elle ne les comprend pas.

7. Et l'on voit les mêmes se comporter de façon "chimique" idiote : ils consomment des compléments alimentaires pas évalués quand ils critiquent des additifs qui le sont, ils recourent à des préparations "naturopatiques" excessivement dangereuses (les huiles essentielles, qui font de plus en plus de dégats) quand ils récusent des aromatisants bien réalisés, ils fument, boivent, se tatouent avec des encres cancérogènes, mangent sucre et gras en disant vouloir manger sainement.

8. Oui, la mauvaise foi est parfois terrible... et à ce jour, je n'ai entendu du  "c'est de la chimie" que par des ignorants, des craintifs, des idéologues, des malhonnêtes, des paresseux.

dimanche 21 février 2021

Une mesure ? Pas sans incertitudes... ni sans une raison de la faire

1. Aujourd'hui, des étudiants me demandent des conseils à propos d'une expérimentation qu'ils ont faite. Ils m'envoient en pièce jointe d'un courriel un graphe où des points rouges et bleus sont respectivement reliés par des segments de droite, formant deux courbes.
Malgré l'obscurité de leur message, je crois comprendre qu'ils pensent avoir mis en évidence deux comportements différents, pour des systèmes identiques traités différemment.

2. Dans un tel cas, la première des choses à faire est de pure forme : il faut se souvenir que les résultats de mesure ne valent rien sans une information précise sur les matériels et les méthodes qui ont été employées.

3. De ce fait, les points de mesures doivent nécessairement être assortis d'une indication sur les incertitudes de mesure et ce sont seulement ces indications qui permettront de savoir si les deux courbes sont effectivement différentes... ou pas.

4. On ne répétera jamais assez que deux mesures sont toujours différentes et que c'est la comparaison de ces mesures avec leur incertitude qui établit ou non une probabilité notable, ou faible, de différence. Ce qui vaut pour deux points vaut évidemment pour une courbe tout entière

5. De sorte que je suis immédiatement conduit répondre à mes correspondants que, sans toute l'information nécessaire, je suis dans incapable de les aider.

6. Cela, c'est pour le détail, mais il y a pire, qui tient  dans un « de quoi s'agit-il  ?». que disait notamment le maréchal Foch, ce qui fut ensuite repris par le photographe Henri Cartier-Bresson.  
Pourquoi mes correspondant ont-ils fait cette expérience ? Qu'est-ce qui justifie que l'on s'intéresse à cette expérience ? Faut-il que je passe plus de temps à analyser une question qui serait complètement idiote ? Et, dans l'hypothèse où la question est pertinente, il y a lieu de se poser d'abord l'adéquation de l'expérimentation qui a été faite à la question qui a été posée. D'où le choix des matériels et des méthodes.

7. Bref, pour faire bien, il faut éviter de se lancer, et il vaut mieux avoir de vraies raisons... ce qui est précisément demandé dans la première partie de nos "documents structurants de recherche" (DSR).
Les connaissez-vous ?

mercredi 10 février 2021

Oublions définitivement ces idées fautives de "concentration" et d' "expansion"... pour les légumes comme pour les viandes ou les poissons !



Oui, décidément oui, la "théorie culinaire" doit être révisée, quand elle est fautive. Ce matin, j'ai le bonheur de recevoir un premier message, qui me permet de donner à tous nombre de commentaires... qui permettront de réfuter une fois de plus cette classification tout à fait fautive qui parlait de "concentration" quand il n'y en a pas, et d' "expansion" quand il n'y en a pas non plus.

Je pose en préalable que les mots ont un sens défini par le dictionnaire, et non pas par nos envies individuelles. Et pour ceux qui ont besoin d'un bon dictionnaire, je recommande absolument https://www.cnrtl.fr/. J’ajoute que, pour de la transmission (ce qui prend parfois la forme d’ « enseignements »), cette question de l’inter-compréhension est évidemment essentielle : non seulement nous devons parler justement, mais, de surcroît, nous devons nous assurer que nos interlocuteurs nous comprennent bien, alors même que leur capacité à comprendre bien les mots n’est peut-être pas de beaucoup supérieure à la nôtre ( ;-) : on comprend que, même pour un sujet aussi sérieux que celui que je traite aujourd’hui, je reste souriant).



Voici donc, d'abord, le message général, que je vais reprendre ensuite, ligne à ligne, phrase à phrase, mot à mot :


Vous avez contribué, il me semble, à remettre en cause la classification traditionnelle des modes de cuisson : concentration/expansion/mixte. En effet cette classification ne marche pas pour une cuisine à base de viande.

Mais pour la cuisine végétale, celle-ci ne garde-t-elle pas encore toute sa pertinence

Je n’ai en tout cas pas encore trouvé d’affirmations qui montre que cette classification ne marche pas pour le végétal. Mon choix de garder cette classification pour une cuisine à base d'ingrédients végétaux se base sur le fait que :

Cuisson par concentration

o La cuisson d'un aliment dans un milieu sec (rôtir, sauter, deshydrater…) concentre les goûts et certains parfums par évaporation de son eau de constitution.

o Durant une friture l’aliment aqueux va « se fermer » au contact de l’huile chaude et il va se colorer.

o Jeter un aliment dans de l’eau chaude à tendance à le saisir et à le fermer et à ainsi freiner la sortie de ses composés chimiques. Bien sûr dans la cadre d’une cuisson rapide.

Cuisson par expansion

o La cuisson longue d’un aliment dans un liquide fait sortir ses composés chimiques dans ce liquide.

o La cuisson du froid vers le chaud (pocher départ à froid) favorise la sortie les composés chimiques des aliments.



Et voici mes commentaires :


Pour ces commentaires, quelques indications préalables :

- je ne cherche pas à "dénoncer" quiconque, mais à diffuser de l'information juste : oui, me rendre un peu utile, aider mes amis...

- j'ai des dizaines, voire des centaines de publications scientifiques pour valider ce que j'avance : mais on comprendra que je ne les cite pas, que je ne les joins pas ici, sans quoi le texte deviendrait très indigeste ;

- je ne touche pas un centime à propos de ces questions, de sorte que je n'ai aucun "intérêt" à ne pas dire la plus stricte vérité : pas de conflit d’intérêts, pas d’intérêts… sauf peut-être les mêmes que ceux des philosophes des Lumières, car on sait mon admiration pour Denis Diderot ;

- en revanche, je reste un enfant très en colère contre certains professeurs qui ne se remettaient pas en question, ou contre ceux qui transmettent sans vouloir changer leurs pratiques quand elles sont mauvaises… et très reconnaissants envers les professeurs qui ont su se remettre en question (l'on voit que j'apprécie d'être questionné par mon interlocuteur dont je conserve l'anonymat), qui ont travaillé pour défricher le chemin de connaissance sur lequel je marchais. Oui, il y a une vraie belle responsabilité des professeurs !



1. "Vous avez contribué, il me semble, à remettre en cause la classification traditionnelle des modes de cuisson : concentration/expansion/mixte."


Oui, effectivement, j'ai combattu de toutes mes forces la théorie fautive des cuissons qui étaient dites « par concentration », « par expansion » ou « mixtes », précisément parce que cette théorie était très fautive et qu’il me semblait tout à fait déplacé de l'enseigner depuis des décennies. Quelle honte de l'avoir transmise à des jeunes ! Quelle paresse de l'avoir acceptée sans esprit critique !

Mais qu'importe, l'affaire est faite : grâce au soutien de l'inspection générale de l'Education nationale, grâce au soutien du ministre, nous avons réussi à changer les référentiels du CAP du BEP, après un passage par la Commission paritaire. Cela a pris plusieurs années, mais c'est fait : quel bonheur !



Pour expliquer la chose à ceux qui ne sont pas au courant, disons d'abord que l'on parlait (fautivement, donc) de "cuisson par concentration" pour évoquer les cuissons de type rôtissage au four. Et certains ajoutaient même que "les jus se réfugiaient à coeur".


Pourtant, il n’est pas possible que le jus migrent vers l’intérieur de la viande, parce qu’il n’y a pas de place pour cela. Une viande, c'est de l'eau prise dans la structure fibrillée de la viande. Où les jus (de l'eau, essentiellement) seraient-ils allés ? D’autant que l’eau est incompressible : la meilleure indication de ce fait, c’est que les garagistes parviennent à lever des voitures avec leur vérins hydrauliques, ce que l’on apprend dans les cours de physique du Collège, à condition de les suivre, bien sûr


D'autres disaient que les goûts se concentraient... mais ce n'est pas vrai : dans les rôtissages, les composés odorants ou sapides (et autres) qui sont formés par des transformations moléculaires (que certains nomment des « réactions chimiques ») sont à l'extérieur, cet extérieur brun qui est atteint par la forte chaleur du four (à l'intérieur des viandes ainsi cuites, la température est partout inférieure à 100 °C).


Enfin, pour mettre l’estocade finale à cette théorie fautive, il suffit de peser une viande que l'on rôtit : elle perd jusqu’à un tiers de sa masse (plus de 300 grammes pour un kilogramme initial)… parce qu’elle se contracte. Si l'on était de très mauvaise foi, on pourrait dire, vu que les jus sont exclus de la masse par la contraction du tissu collagénique, que la viande se concentre en viande... mais on verra plus loin que cela n'est pas une caractéristique du rôtissage et des autres types de cuisson qui étaient fautivement désignés par « concentration »... puisque l'on mesure la même contraction dans un pot-au-feu ;-)


J’y pense : avez-vous déjà regardé ce que signifie le mot « concentration » ?

La même théorie fautive faisait état de l’également fautive dénomination de "cuisson par expansion", pour les cuissons de type pot-au-feu.

Et là encore, c'était une erreur... puisque la viande se contracte quand on la chauffe, dans l’eau comme dans un four ! Et, comme précédemment, c’est le « collagène » qui fait cette contraction, laquelle presse la viande comme si l’on pressait une éponge, ce qui fait sortir les « jus ».

On le voit, donc, il n'y a pas d' « expansion » (de la viande), mais une sortir de certains composés en phase aqueuse, qui correspond à cette même expulsion des jus par la viande que la chaleur contracte.


D'ailleurs, dans un pot-au-feu, il n'y a pas seulement une contraction de la viande et une expulsion des jus : dans le bouillon, il y a des réactions, tout comme dans le fond du plat de cuisson au four (ce qui fait le résidu brun que l'on déglace parfois). J'ajoute que ces réactions ne sont pas les mêmes pour la viande rôtie et dans le bouillon, ce qui est évident quand on compare, à la dégustation, une viande bouillie et une viande rôtie... et j'ajoute que je propose que l'on considère qu'il y a nombre de réactions pour expliquer ce brunissement :

- des réactions de glycation (oubliez s'il vous plaît la terminologie « réactions de Maillard » qui est bien trop souvent enseignée de façon erronée)

- des déshydratations intramoléculaires des hexoses

- des thermolyses et pyrolyses variées.


Bref, s'il n'y a pas de concentration de quoi que ce soit dans les cuissons au four, dans les rôtissages, et s'il n'y a pas d'expansion dans la cuisson des viandes quand on fait un pot-au-feu, par exemple, alors, il n'y a rien de mixte, et toute cette théorie entièrement fantasmagorique doit être oubliée... et elle l'est, puisque l'Education nationale y a merveilleusement mis bon ordre. Ce qui appelle deux commentaires :

1. la France est pionnière de ce point de vue

2. si un professeur continuait (pourquoi, au fond ?) à l'enseigner ou à le faire dire à un examen ou à un concours, il pourrait être attaqué, et l’examen ou le concours annulé.



Cela, c’était pour les viandes, mais nous allons voir que, pour les légumes aussi, ces théories sont fausses, et d'ailleurs, elles n'ont jamais été établies par personne... puisque l'on serait bien incapable de les établir, étant donné qu'elles sont fausses.

Mais avant de passer à cela, j'ajoute -bien plus positivement- que l'on a recommandé, pour ceux qui veulent faire des catégories (mais faut-il vraiment en faire ?), de parler de cuissons avec brunissement ou sans brunissement.




2 "En effet cette classification ne marche pas pour une cuisine à base de viande."


Il ne s'agit pas qu'une théorie "marche" ou qu'elle ne marche pas... et d'ailleurs une théorie ne marche jamais, puisqu'elle n'a pas de jambes.

Une théorie décrit correctement ou non les phénomènes, et, dans le cas des viandes, notamment, elle ne les décrit pas du tout.




3. "Mais pour la cuisine végétale, celle-ci ne garde-t-elle pas encore toute sa pertinence ?"


Commençons par observer que l'expression "cuisine végétale" est fautive : cuisiner des végétaux, ce n'est pas faire une "cuisine végétale" (c'est ce que l’on nomme la faute du partitif, en français).

Mais surtout, non, désolé, mais la théorie de la concentration et de l'expansion (dont je rappelle qu'on ne sait pas d'où elle sort, puisque personne ne l'a établie, ce qui aurait été impossible) n'a aucune pertinence, ni pour les viandes, ni pour les végétaux, comme on va le voir plus loin.

Et évidemment, je ne connais aucune publication scientifique qui montrerait que cette classification s'appliquerait aux ingrédients culinaires végétaux… puisqu’elle ne s’applique pas.




4. "Mon choix de garder cette classification pour une cuisine à base d'ingrédients végétaux se base sur le fait que :"


Je répète que, moi qui fait mes études bibliographiques tous les matins, je n'ai encore trouvé aucune indication que la classification fautive qui a été abandonnée pour les viandes puisse s'appliquer végétaux.

Et pourtant, je cherche : je passe mes journées à cela !


J'ajoute que "se baser sur" est un anglicisme, à prohiber, donc, devant des élèves.


Et je pose à nouveau la question : faut-il vraiment une classification, pour évoquer un nombre de procédés de cuisson qui tient sur les doigts des deux mains ? Et en quoi une telle classification aidera-t-elle les élèves ?

Et si l'on veut une classification, alors je recommande celle que j'ai évoquée dans mon livre "Casseroles et éprouvettes", ou dans "Mon histoire de cuisine". Elle est toute simple (et juste), puisqu’elle considère la manière dont on transmet la chaleur à l’aliment, viande ou légume.


Mais surtout, pourquoi conserver cette théorie, si elle est douteuse ? Quelle indication pourrait nous la faire conserver ?

Le fait qu’on nous l’a enseignée ? Ne répétons surtout pas les erreurs de nos prédécesseurs : nos élèves seraient en droit de nous le reprocher.

J'entends bien que mon interlocuteur va énoncer des "faits"... mais a-t-il fait des mesures ? des analyses ? des observations au microscope ? Non, non et non. Donc il ne devrait certainement pas adhérer à une idée qui traîne... d'autant qu'elle est ancienne et que, en science comme en médecine, ce qui est ancien est périmé, et pas emprunt d'une grande sagesse : nos anciens n'avaient aucune des bases intellectuelles que nous avons aujourd'hui. Ils ignoraient l’existence des protéines, de la structure de la viande, des réactions de glycation, ils avaient des idées fausses à la pelle, que nous réfutons expérimentalement une à une depuis vingt ans dans les Séminaires de gastronomie moléculaire. N’ai-je pas vu des chefs triplement étoilés qui écrivaient que l’on pouvait atteindre 130 °C dans une casserole avec un couvercle ? Ou que le fait masser une viande avec du beurre aurait fait entrer le beurre dans la viande ? Ou que des bouchons de liège auraient attendri les poulpes ? Ou que les mayonnaises rateraient si les jaunes et l’huile n’étaient pas à la même température ? Ou que l’on cesserait de pleurer en épluchant des oignons si l’on mordait une cuiller en bois ?

Et, pour revenir aux « anciens », n’oublions pas trop vite qu’ils s'éclairaient à la bougie, mouraient quand des micro-organismes pathogènes les attaquaient, que les femmes mouraient en couches d'infections, et les enfants n’atteignaient pas souvent l’âge adulte, que l’on vivait dans des espaces sans autre chauffage que du feu de bois... Ce n'est pas un monde que j'envie !




5. "Cuisson par concentration"


Ah, débarrassons-nous vite de cette expression détestable ! Vite ! Pour les légumes comme pour les viandes !




6. "o La cuisson d'un aliment dans un milieu sec (rôtir, sauter, deshydrater…) concentre les goûts et certains parfums par évaporation de son eau de constitution."



Mon interlocuteur écrit que la cuisson dans un milieu sec concentrerait les goûts. Mais que veut-il dire par "concentrer les goûts" ?

Veut-il dire que les goûts sont plus puissants ? D'ailleurs est-ce quelque chose qu'il a mesuré ? Il faut surtout observer que le goût change : une carotte revenue, brunie par le caramel qui s’est formé par réaction de ses sucres (glucose, fructose, saccharose) a plus de goût de caramel à l’extérieur, et moins de goût de caramel à l’intérieur, mais elle a évidemment plus de goût (faible!) de carotte à l’intérieur qu’ à l’extérieur. .


Cela étant établi, il faut questionner les mots "goûts" et "parfums".


Un goût, c'est la sensation qui résulte de très nombreuses perceptions :

- les saveurs (et il y a plus que quatre saveurs, car la théorie ancienne, à nouveau, est tout à faire erronée!)

- les odeurs (perçues quand des molécules odorantes passent dans le nez, quand on met l’aliment en bouche, puis à nouveau perçues quand on mastique l’aliment, ce qui libère les molécules odorantes au rythme de la mastication, leur permettant de passer de la bouche au nez par les fosses rétronasales, en arrière de la bouche)

- des perceptions "trigéminales" (les piquants, les frais...)

- des perceptions des acides gras insaturés à longue chaîne (découvertes par des physiologistes de Dijon il y a une vingtaine d’années)

- des perceptions des ions calcium

- la température

- la consistance

- et ainsi de suite.


Oui, le goût change quand on cuit... mais que signifie "concentrer les goûts" ? Imaginons que la saveur soit réduite et l'odeur augmentée (cela m'arrache la bouche de parler ainsi, mais c'est pour expliquer) : le « goût » serait-il « concentré » ?

Et entre une carotte crue ou une carotte rôtie : le goût de carotte crue est moindre, dans la carotte rôtie... Alors, quel goût est « concentré » ?


Le mot « parfum », maintenant. C’est une appréciation « agréable », donc qui n’a rien à faire ici, puisque le bon des uns n’est pas le bon des autres. Parlons éventuellement d’odeur… qui ne se concentre pas. Et évitons de parler d'arôme, puisque l'arôme est l'odeur d'un aromate, ce que ne sont pas un poireau, un artichaut ou une pomme de terre. Il y a des odeurs (anténasales) et des odeurs rétronasales.


D'autre part, si mon interlocuteur avait disposé de moyens de mesure, il aurait observé qu'il y a des goûts qui disparaissent, et des goûts qui apparaissent.

Par exemple (un parmi mille !), une étude a bien établi que certains composés importants pour le goût de tomate disparaissent entièrement lors de la production de concentrés de tomate, en même temps que l'eau. Est-ce une "concentration", cela ?


Et puis, mettons simplement notre nez au dessus d'un plat de carottes que l'on fait sauter : oui, il y a des "jus" qui sont éliminés, notamment de l'eau avec les trois sucres principaux des végétaux que sont D-glucose, D-fructose et saccharose (et ces sucres caramélisent : j'utilise le mot dans une acception parfaitement juste, dans ce cas tout particulier), mais il y a aussi des composés odorants, des composés à action trigéminale, etc.


D'ailleurs, ce cas est intéressant, puisqu'il me permet d'ajouter que la « bioaccessibilité » de certains composés est modifiée : par exemple, le carotène bêta est plus assimilable, plus "libre", dans une carotte cuite que dans une carotte crue... et cela n'a rien à voir avec les jus, mais seulement avec la modification de la consistance.


J'ajoute à ce propos que la cuisson des tissus végétaux amollit ces derniers (parfois) en modifiant les pectines, ce qui forme de nouveaux composés, qui ont « du goût » : les pectines sont des polysaccharides, et des sucres sont libérés.


Tout cela étant dit, mon interlocuteur me donne aussi la possibilité d'évoquer le phénomène nommé « entraînement à la vapeur d'eau », avec lequel les sociétés de parfumerie extraient des composés odorants des matières végétales. Pour ne pas me répéter, je renvoie à mon livre Mon histoire de cuisine, où j'ai expliqué la chose en détail.


Oui, une partie de l'eau des légumes est évaporée quand les légumes sont chauffés... mais, cette fois, pas de contraction, puisqu'il n'y a pas de tissu collagénique. Seulement l'eau des cellules (je rappelle qu'un tissu végétal est fait de petits « sacs vivants » agrégés, les « cellules ») qui s'évapore des zones où la température est supérieure à 100 °C. D'où la formation d'une croûte... qui a une couleur et un goût qui résulte des transformations moléculaires associées à cette formation de croûte.


J'insiste : dans les cuisson, il y a les composés qui restent, les composés qui partent, et les composés qui se forment. Il serait simpliste de raisonner seulement en terme des deux premières catégories... puisque les composés nouvellement formés sont essentiels, surtout dans les cuissons avec brunissement.




7. "o Durant une friture l’aliment aqueux va se fermer au contact de l’huile chaude et il va se colorer."


Un « aliment aqueux » ? Qu'est-ce que cela signifie ? Les aliments ne sont pas « aqueux », mais ils renferment de l'eau. J'insiste un peu sur la correction du langage, surtout dans l'enseignement : si nous voulons nous faire comprendre des apprenants, ne nommons pas « chien » un animal qui fait « miaou ».


D'autre part, une information : les tissus végétaux, comme les tissus animaux, sont tous faits de beaucoup d'eau... puisqu'ils sont faits de cellules, et que ces dernières sont pleines d'eau.


Posons donc la question plus justement : un tissu végétal se « fermerait »-il au contact de l'huile chaude ? Et là, notre interlocuteur le dit... mais j'aimerais bien qu'il puisse en apporter la preuve... parce que cela n'est sans doute pas vrai !

Ce que je sais, moi, c'est qu'un tissu végétal est fait de cellules groupées en différentes zones. Par exemple, pour la carotte, une rondelle est faite d'une partie corticale (autour), d'un parenchyme, d'un cambium, d'un coeur. Pour certaines zones, les cellules sont simplement agrégées, mais pour d'autres zones, il y a des « canaux » qui montent la sève brute (principalement de l'eau et des ions minéraux) et d'autres qui descendent la sève élaborée (de l'eau, des sucres, des acides aminés). Ces canaux ont pour nom xylème et phloème.


Pour les carottes, les canaux sont ouverts, quand on coupe des rondelles, et pour les « feuilles », il y a aussi des stomates. Mais ces ouvertures se ferment-elles ? Je n’en ai aucune indication.

Et puis, le fait que l'on récupère un caramel ou un corps gras qui a beaucoup de goût quand on sue des légumes montre que des échanges se font. S'il y a « fermeture », il n'y a en tout cas pas d'étanchéité... d'autant que, si l'on met un échantillon de tissu végétal dans une friture, on voit des bulles : c'est de l'eau, sous forme de vapeur, qui traverse la surface : rien d'étanche, donc.


Pour la coloration, enfin, c'est une réaction qu'il a rien à voir avec les canaux ; elle se fait partout et la surface et non pas seulement à l'endroit des canaux.




8. "o Jeter un aliment dans de l’eau chaude à tendance à le saisir et à le fermer et à ainsi freiner la sortie de ses composés chimiques. Bien sûr dans la cadre d’une cuisson rapide."


Mon interlocuteur nous dit que jeter un aliment dans l'eau chaude a tendance à le « saisir »... mais, au fait, à quoi voit-il cela ? A quoi correspond ce prétendu saisissement ? J'aimerais bien qu'il me le dise, parce que je n'ai rien vu de tel.

Il nous répète que cela « ferme » l'aliment, mais quelle preuve a-t-il ? Quant aux « bien sûr », j’aurais tendance à être prudent, non ?


« Freiner » la sortie de ses composés chimiques : là, le mot « freiner » devrait être remplacé par « ralentir », mais passons sur ce détail. Ce qui m'arrête surtout, ici, c'est « composés chimiques ». Un composé est un composé, et il n'est « chimique » que s'il est étudié par un chimiste. Donc pas de composés chimiques (ne pas confondre avec « composé de synthèse », ni avec « composé artificiel ») dans les tissus végétaux : seulement de l'eau, des pectines, des celluloses, des hémicelluloses, des sucres, des acides aminés, des protéines, des lipides, etc. De quels composés notre interlocuteur parle-t-il ?


Et puis, comment peut-il affirmer que jeter un aliment dans l'eau chaude ralentirait la sortie de composés ? Et puis, ralentir par rapport à quoi ?

De toute façon, au contraire l'eau chaude favorise la sortie des composés qui peuvent sortir : sucres, acides aminés, etc. Nous avons eu, dans mon groupe de recherche, une thèse qui explore précisément cela, et j'invite chacun à comparer les sorties de sucres aux différentes températures. D'ailleurs, on sait bien que les extractions se font mieux à chaud qu'à froid. Tiens, essayez donc de préparer du thé à l’eau froide, et vous verrez.


D'autant que, à chaud, les parois végétales (celluloses, pectines, hémicelluloses) sont dégradées, comme je l’ai indiqué plus haut.




9. "Cuisson par expansion"


Allons, oublions maintenant cette terminologie ! La carotte ne s'expand pas, quand on la cuit, et, d'ailleurs, sa masse ne change pas notablement.

Et si l'on parle des composés extraits, ce n'est pas une expansion, mais une extraction.




10. "o La cuisson longue d’un aliment dans un liquide fait sortir ses composés chimiques dans ce liquide."


Il y a maintenant une « cuisson longue » : oui, plus on cuit longuement, plus on extrait : voir la thèse sur le bouillon de carotte dont j'ai parlé précédemment.


Mais à nouveau : ne parlons pas de composés chimiques, mais seulement de composés.




11. "o La cuisson du froid vers le chaud (pocher départ à froid) favorise la sortie les composés chimiques des aliments."


Une « cuisson du froid vers le chaud » ? Notre interlocuteur veut sans doute parler de cuisson dans l'eau avec départ à froid ?


Observons d'ailleurs qu'une telle cuisson n'est pas un pochage, terme qui désigne classiquement l'inverse d'une « infusion » (pensons aux feuilles de thé, dans l'eau bouillante dont la température diminue).


Le départ à froid favoriserait la sortie des composés ? Où notre ami a-t-il vu cela ? Quelle preuve en a-t-il ? Quelles mesures a-t-il faites pour l'établir ? J’ajoute que ces questions peuvent être posées pour bien des idées culinaires, et, mieux, que l’on aurait raison de les poser plus que cela n’a été fait.




Puis, une suite à ma réponse


En substance, j'ai dit une partie de ce qui précède à mon interlocuteur par oral, en lui promettant de mettre tout cela par écrit... ce qui me prend un temps précieux, mais que je fais parce que je pense à tous les élèves qui veulent apprendre des choses justes.


Cela étant, avant même que je puisse faire ce billet, mon interlocuteur m'a envoyé un nouvel email, avec ce qui suit :


Pour être sûr d’avoir bien compris notre échange téléphonique :

Extraction en milieu humide

Si je comprends bien, les techniques de cuisson "pocher départ à froid" et "pocher et départ à chaud" n'ont pas de différences significatifs quant à l'extraction des molécules sapides et odorantes ?

Du coup concrètement :

- Le conseil d'un Régis Marcon dans son dernier livre sur les légumes (cf image en pièce-jointe) de pocher départ à froid les légumes pour leur retirer leur "goût amer" n'a pas lieu d'être ? Jeter le même légume dans de l'eau bouillante aurait retiré ce "goût amer" de la même façon, et même plus rapidement grâce à la chaleur ?

- La recette traditionnelle de la crème d'ail consistant d'abord à pocher départ à froid des gousses d'ail épluchées pour "sortir" leur piquant dans l'eau pourrait tout aussi bien marcher (et même plus rapidement) en les pochant départ à eau ?

Ainsi il vaudrait mieux dans tous les cas pocher départ à chaud pour obtenir une perte volontaire de molécules sapides plus rapide et donc de diminuer la perte des autres molécules sapides, des molécules odorantes et des nutriments dans l'eau de cuisson ?

Dans quels cas pocher départ à froid peut-il avoir une utilité par rapport à pocher à chaud ?

Si je n'ai pas encore bien compris, pourriez-vous me renvoyer vers de documents de recherche/vulgarisation m'expliquant les choses précisément ?

Choix Nouvelles Classification

Si cela vous convient, je vais opter pour la classification :

- Cuissons Humides (pocher, étuver...)

- Cuissons Sèches (sauter, rôtir, torréfier...)

- Cuissons Mixtes /ie Sèches puis Humides ou l'inverse/ (ragoût, poêler, braiser...)

Sel

Quel type de sel ralentit la cuisson des végétaux ?




Et là, il y a encore beaucoup à dire.


Oui, là encore, j'ai matière à donner des explications supplémentaires, et cela par écrit afin que chacun puisse lire lentement, à son rythme, mieux que dans une rapide conversation téléphonique.




1'. "Extraction en milieu humide"


Une extraction en milieu humide ? Je salue d'abord mon interlocuteur qui parle maintenant d'extraction, plutôt que d'expansion. Je le félicite vivement d'avoir su changer, au vu des arguments qui lui ont été donnés.


Cela dit, mon interlocuteur fait encore une confusion car une solution aqueuse n'est pas un "milieu humide" : l'humidité, c'est quand il y a peu d'eau dans un gaz, comme dans un poêlage (dans un poêlon, pas dans une poêle), par exemple. Mais ici, je vois bien à la suite de son texte qu'il parle de cuisson dans l'eau. On pourrait parler d' « extraction dans l’eau ».




2'. "Si je comprends bien, les techniques de cuisson "pocher départ à froid" et "pocher et départ à chaud" n'ont pas de différences significatifs quant à l'extraction des molécules sapides et odorantes ?"


Là, je retrouve le mot "pocher", qui n'est pas juste. Mettons le de côté, puisque j'en ai déjà parlé.


En reformulant, je n'ai certainement pas dit qu'il n'y avait pas de différence d'extraction selon que l'on extrait dans l'eau à partir d'eau froide ou à partir d'eau chaude... parce que je ne sais pas ce que l'on compare. Les ingrédients séjournent-ils, par exemple, le même temps ? Et la quantité de chaleur transmise est-elle la même ?


Mais, surtout, la cuisson dans l'eau départ a froid fait des résultats très différents de la cuisson dans l'eau départ à chaud... comme on peut l'observer en mettant des rondelles de carottes dans l'eau froide ou tiède : les rondelles durcissent au point qu'on ne peut plus, ensuite, les amollir ! En effet, les températures chaudes mais douces activent des enzymes qui font libérer des ions calcium, lesquels sont importants pour "ponter" les pectines", et durcir les légumes.

C'est essentiel, notamment pour durcir des cornichons que l'on veut conserver longtemps dans le vinaigre sans qu'ils se défassent... et important aussi pour la moderne "cuisson à basse température", surtout quand la température est inférieure à 80 °C environ... mais c'est une autre histoire.


Quant aux effets sur les composés sapides ou odorants, il y a donc la question de la durée de la cuisson.


Mais à ce stade, je vois surtout qu'il me manque une discussion préalable des « objectifs ». Au fond, de quoi parlons-nous ? Que voulons nous ? Cuire des légumes ? Leur donner du goût ? Les attendrir ? Les faire changer de couleur ? Les faire changer de goût ? C'est seulement quand on aura répondu à ces questions que l'on pourra se préoccuper des molécules sapides, odorantes, à action trigéminale, des ions calcium, etc. Et l'on n'oubliera pas qu'il n'y a pas seulement des extractions, mais également des réactions.


Et cela me fait penser à inviter mon interlocuteur à aller voir les « 14 commandements de la cuisine » que j'avais donnés dans mon livre Mon histoire de cuisine. S’il y a enseignement, je recommande de commencer ainsi.




3'. "Du coup concrètement : le conseil d'un Régis Marcon dans son dernier livre sur les légumes, de pocher départ à froid les légumes pour leur retirer leur "goût amer" n'a pas lieu d'être ? Jeter le même légume dans de l'eau bouillante aurait retiré ce "goût amer" de la même façon, et même plus rapidement grâce à la chaleur ?"


A propos d'amertume et d'âcreté, je renvoie mon interlocuteur à un séminaire où nous avons exploré ces questions. Tout est en ligne sur le site d’AgroParisTech.




4'. "La recette traditionnelle de la crème d'ail consistant d'abord à pocher départ à froid des gousses d'ail épluchées pour "sortir" leur piquant dans l'eau pourrait tout aussi bien marcher (et même plus rapidement) en les pochant départ à eau ?"



Je ne sais pas d'où mon interlocuteur tire sa recette « traditionnelle », mais moi, j'ai une recette « traditionnelle » (un livre ancien) qui me dit de mettre les gousses d'ail cinq fois de suite dans l'eau bouillante.


De toute façon, comme je l'ai expliqué, c'est surtout le fait d'extraire bien les composés qui donnent le goût d'ail qui compte, et cela se fait plus à chaud qu'à froid (nouvelle preuve qu'il n'y a pas de « fermeture »).




5'. "Ainsi il vaudrait mieux dans tous les cas pocher départ à chaud pour obtenir une perte volontaire de molécules sapides plus rapide et donc de diminuer la perte des autres molécules sapides, des molécules odorantes et des nutriments dans l'eau de cuisson ?"


Je n'ai pas dit cela. Mais j'y reviens, quel est l'objectif ? Et là, c'est un trop gros morceau pour répondre.



6'. "Dans quels cas pocher départ à froid peut-il avoir une utilité par rapport à pocher à chaud ?"


Dans quel cas partir à froid ou partir à chaud ? J'ai expliqué que le départ à froid avait l' "inconvénient" de durcir les légumes... quand on n revanche,


Mais pensons plutôt à des objectifs, encore des objectifs, toujours des objectifs. Pour prendre une comparaison, c'est seulement après que j'ai décidé d'aller à Colmar que je peux choisir le chemin qui m'y mène... sinon je risque d'arriver à Brest !



7'. "Si je n'ai pas encore bien compris, pourriez-vous me renvoyer vers de documents de recherche/vulgarisation m'expliquant les choses précisément ?"


C'est fait : commencez par les deux livres cités précédemment.



8. "Choix Nouvelles Classification

Si cela vous convient, je vais opter pour la classification :

- Cuissons Humides (pocher, étuver...)

- Cuissons Sèches (sauter, rôtir, torréfier...)

- Cuissons Mixtes /ie Sèches puis Humides ou l'inverse/ (ragoût, poêler, braiser...)".


Enfin, pour la nouvelle classification, puisque j'ai critiqué l'expression « cuisson humide », au sens de « cuisson dans l'eau », je propose plutôt la classification qui figure dans mon livre « Casseroles et éprouvettes », mais aussi dans mon livre « Cours de gastronomie moléculaire N°1 », et, enfin, dans mon livre « Mon histoire de cuisine ». Je ne dis pas la même chose dans les trois livres.




9. "Sel. Quel type de sel ralentit la cuisson des végétaux ?"


Aucun. Enfin, plus exactement, je ne sais ce que signifie « ralentir la cuisson ». Si la « cuisson » est synonyme d’attendrir, alors le calcium n’est pas bon.

Mais commençons simplement : le sel de table, quand il est très pur, est quasiment limité à du chlorure de sodium. Mais le sel moins raffiné contient du calcium... qui durcit les légumes. Une autre histoire, à nouveau.



Tout cela étant posé, je prie mon interlocuteur de ne pas se vexer d'être ainsi réfuté : qu'il considère surtout que j'ai passé BEAUCOUP de temps à préparer cette réponse, pour l'aider, et pour aider les élèves.

Et je le félicite d’oser m’interroger, au risque que j’abatte ses idées initiales : c’est la marque d’un esprit ouvert, que j’encourage vivement, et que je remercie au nom des élèves qu’il aura.



mardi 9 février 2021

Qui a la charge de la preuve ? Celui qui soutient une thèse !

science/études/cuisine/politique/Alsace/émerveillement/gratitude

 

 

Au fond, il y a quand même un peu lieu de s'étonner à propos des indications techniques que donnent certains cuisiniers,  ar exemple à propos du fait que la viande serait cautérisée quand elle est saisie. En réalité,  on sait bien qu'il n'en n'est rien, car quand on soulève un steak qui était grillé, après qu'on l'a posé sur une assiette, à la sortie de la poêle, on voit bien qu'il repose sur sur une mare de jus : je ne sais pas bien ce qu'est une "cautérisation" (mais mes amis qui utilisent ce mot le savent-ils mieux que moi ?), mais nous voyons tous parfaitement que, cautérisation ou pas, nous avons la preuve que les liquides sont sortis et que cette sortie n'a pas été évitée par le fait de saisir la viande.  


La question que je pose aujourd'hui est savoir pourquoi on nous serine de telles erreurs avec autant d'imprudence ou d'impudence. Et je m'étonne aussi que l'on   doive aujourd'hui faire tout notre possible pour réfuter ces erreurs, alors qu'il aurait été plus naturel que ceux qui prétendent l'existence de la cautérisation des viandes saisies en apportent la preuve (et ils n'auraient alors pas pu le faire). Bref, pourquoi, dans un milieu pourtant techniques, dit-on parfois n'importe quoi ? Pourquoi  cause-t-on ainsi dans le vide depuis des siècles ? Pourquoi n'a-t-on pas établi les faits auparavant ? 


Bien sûr, les anciens avaient des excuses, puisqu'ils n'avaient pas la notion de molécules que nous avons aujourd'hui, ils ignoraient les vrais mécanisme de la capillarité ou de l'osmose, ils ignoraient la constitution des viandes... Mais quand même, il y en a eu beaucoup, qui, plus récemment, alors que ces connaissances sont disponibles (mais il faut reconnaître que c'est du "travail" d'aller les chercher) ont raconté n'importe quoi avec un aplomb extraordinaire.
Oui, il nous faut détester l'argument d'autorité ! Il faut détester ceux qui, réputés compétents par une communauté ou par eux-mêmes, se sont laissés aller à dire plus qu'ils ne savaient, car cela est de la prétention. 


Après vingt ans de séminaires de gastronomie moléculaire, nous avons eu très fréquemment l'occasion de voir que le milieu culinaire n'a qu'exceptionnellement fait des expériences de comparaison, avec un seul facteur changé, et des procédés rigoureux : pesée, mesures de temps, de température, de pH, observations au microscopes.
Les cuisiniers sont pour certains des artistes, et leur question est le bon, donc le beau à manger, pour lequel il n'y a rien à discuter, mais quand ils vont sur le terrain technique, ils ont intérêt à être prudents, car que peut penser leur entourage s'ils se mettent à divaguer ?  

Mais il y a des raison d'être optimistes : depuis une dizaine d'années, les professeurs de cuisine sont formés à la technologie. On leur apprend à faire des expériences, et ils apprennent cela à leur élèves. Oui, ayons confiance : la prochaine génération de cuisiniers français sera techniquement plus assurée que la précédente !

Restera la question de l'Art !

mardi 19 janvier 2021

Les échaudés



Les échaudés ? Il s'agit de préparation farineuses qui sont cuites dans l'eau bouillante. Cela existe depuis le moyen-âge où, à Paris, sur des ponts, des marchands ambulants avaient de grosses bassines d'eau où ils faisaient tomber de petits tas de pâte, par exemple.
On reconnaît là un ancêtre des gnocchis, et d'ailleurs, nombre de ces derniers devraient être plutôt nommé des échaudés.

Il y a de nombreux échaudé possible : toujours avec de la farine, mais, selon les cas, avec ou sans matière grasse, avec ou sans œufs, avec ou sans farce...

Si les beignets, rissoles ou pets de putain sont frits, les échaudés, eux, sont bouillis... mais le mécanisme par lequel les échaudés obtiennent de la cohésion est analogue à celui qui est à l'oeuvre dans les beignets : les grains d'amidon de la partie externe, chauffés dans de l'eau, gonflent et se soudent, formant un gel nommé "empois", ici souples tandis que celui des beignets et consorts est séché, et forme une croûte.



lundi 18 janvier 2021

Encore des questions de pot-au-feu


Dans un billet précédent, je discutais l'écumage du pot-au-feu, mais rapidement, et sans dire  qu'il y a des moyens modernes, rapides et efficaces d'écumer : par exemple à l'aide de frittés de laboratoire, des sortes d'entonnoirs avec un filtre en verre, des trous de taille bien déterminée, et que l'on utilise en conjonction avec des trompes à vide, qui accélèrent la filtration. Ces système donnent des résultats bien meilleurs que l'écumage classique, qui, lui, prends des heures et nécessite de surcroît une clarification ultérieure.

Mais, surtout, je disais précédemment, rapidement, que la question de l'équipage s'inscrit dans le cadre plus général de la confection du pot-au-feu. Et là, il faut considérer les choses différemment  : à savoir que l'objectif est de produire une bonne viande et un bon bouillon, certes clair.

Partons de la viande, puisque c'est la matière essentielle et coûteuse de l'ensemble. C'est souvent une viande de bœuf, une viande à braiser comme l'on dit, c'est-à-dire une viande qui est si dure initialement qu'elle ne peut être griller. Elle contient souvent beaucoup de tissu collagénique, cette matière qui rend la viande dure... mais qui libère  beaucoup de gélatine lors d'une cuisson prolongée.
Or  une viande initialement dure que l'on cuit peu de temps devient encore plus dure, quasi inmangeable. En revanche, cette même viande se défait, si elle est cuite très longuement dans l'eau (plusieurs heures ou plusieurs jours), parce que ces longues cuissons dissocient le tissu collagénique, permettant aux fibres musculaires de se séparer les unes des autres.
Il y a deux façons de faire cela  : soit a plus de 100 degrés, soit à moins de 100 degrés. À plus que 100 degrés, l'intérieur des fibres durcit, de sorte que la viande semble sèche quand les fibres se séparent. C'est le signe des mauvaises pot-au-feu. En revanche, quand on cuit à moins de 100 degrés, par exemple à 65, ou 70, alors la cuisson est plus longue, mais l'intérieur des fibres ne durcit pas, et l'on obtient finalement une viande qui peut se manger à la cuillère tant elle est tendre... et c'est là le résultat qu'il faut atteindre. Bien sûr, c'est plus long, mais c'est tellement mieux du point de vue gustatif : la dégradation du tissu collagénique libère de la gélatine, qui donnent une consistance améliorée, et la dégradation libère aussi des acides et des peptides, qui contribuent au goût :  le bouillon devient absolument merveilleux en même temps que la viande s'attendrit.

Évidemment, dans une telle cuisson, il n'y a pas d'agitation de l'eau, et l'écume éventuelle peut se former à la surface, se rassembler sans être dispersés au point d'imposer ensuite une clarification. D'ailleurs, on voit bien un bouillon parfaitement clair, et parfois même sans écume.

La viande dans l'eau froide ? Ou dans l'eau chaude ? Peu importe.

dimanche 17 janvier 2021

Modélisation d'un beignet

Les beignets ? Ce ne sont ni des rissoles ni des pets de putain, ou pets de nonne.
Pour les rissoles, il s'agit de pâte (pensons à de la pâte brisée, par exemple, ou feuilletée) qui enferment  une préparation (un salpicon) et qui était frite, même si, aujourd'hui, elles sont plutôt cuites au four.
Pour les beignets c'est une préparation qui est  trempée dans une pâte liquide, avant que l'ensemble ne soit frit.
Pour les pets de putain, enfin, c'est la pâte elle-même qui est frite directement, ce qui la fait souffler et lui donne d'épaisseur qu'elle n'a pas puisqu'elle n'a pas de farce.

Dans les trois cas, il y a à l'extérieur une pâte, avec de l'amidon, à savoir de petits grains formés de couches concentriques de deux types de molécules : des molécules d'amylose et des molécules d'amylopectine.
es deux types de molécules sont ce que l'on nomme des "polymères" c'est-à-dire des enchaînements de très nombreux motifs élémentaires, en l'occurrence des résidus de D-glucose. Pour les amyloses,l'enchaînement est linéaire, mais pour les amylopectines, les molécules  sont ramifiées.

Lorsque l'on chauffe des  grains (on parle aussi de "granules") d'amidon en présence d'eau, les grains gonflent, libérant de l'amylose et absorbant de l'eau environnante. Leur volume augmente au point que des granules voisins peuvent s'interpénétrer, formant une couche continue d'un "gel" : c'est ce que l'on nommait jadis un empois.
Si l'on sèche ensuite un empois, il s'effondre sur lui-même quand l'eau qui le gonfle s'évapore, et il reste une croûte dure, tout comme les grains secs l'étaient initialement.

Ajoutons que la croûte est cette partie sèche, où la température externe est celle de l'huile, soit environ 180 degrés, et où la température interne n'est que 100 degrés : un milieu où il y a de l'eau ne peut avoir une température supérieure si la pression n'augmente pas. Or, dans les beignets, rissoles ou pets de putain, la pression n'augmente que peu, parce que la vapeur formée à l'intérieur s'élimine sous la forme de ces jets de bulle que l'on voit sortir du produit frit.

vendredi 15 janvier 2021

Écumer le pot-au-feu ?

Certains m'interrogent sur l'intérêt de l'écumage du pot-au-feu, et ils se demandent d'ailleurs souvent, parallèlement,   s'il vaut mieux mettre la viande dans l'eau chaude ou dans l'eau froide.

Il est facile de répondre à la première question, puisque, s'il y a écume, c'est que des composés présent dans le liquide se sont agrégés en une "écume", venue flotter à la surface du liquide. C'est d'ailleurs cela, la définition d'une écume : une mousse qui résulte de la présence d' "impuretés".
J'ai mis le mot "impureté"  entre guillemets, parce que les viandes n'ont pas de raison d'en contenir, et ce sont sans doute des composés tout à fait normaux des viandes qui font l'écume. Lesquels ? A ce jour, je suppose que les protéines qui sont dans le sang sortent du réseau sanguin qui parcourt les viandes, et viennent dans l'eau environnante, d'autant que la viande se contracte quand on la chauffe. A l'extérieur de la viande, ces protéines peuvent coaguler. D'autre part, il y a aussi d'autres protéines, qui peuvent quitter la viande, ou des fragments de ces dernières. Et toutes les protéines sont "foisonnantes", à savoir qu'elles contribuent à stabiliser des bulles d'air, à faire des "mousses".
Cela étant dit, l'écume formée, quand elle est ensuite agitée par l'eau qui bout, risque de se disperser sous la forme de petits agrégats, et le bouillon risque de se troubler. Comme la clarté des bouillons est un critère de réussite professionnelle culinaire, une marque du soin que le cuisinier a apporté à son travail, on comprend que ce trouble doit être évité... et que les bouillons doivent être régulièrement écumés. D'ailleurs, traditionnellement, les cuisiniers sont avec une cuiller, et, pendant des heures, ils écument, écument, écument encore.

Avec cela, pas de question de toxicologie ou de nutrition : les protéines ne sont pas toxiques, coagulées ou pas (pensons à du blanc d'oeuf qui cuit : il est formé de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines), et la masse d'écume retirée est très faible. Donc pas de problème.

La viande dans l'eau froide ou plutôt dans l'eau chaude ? La question est ici double : répondre par rapport à l'écume, ou répondre par rapport à la viande. Pour ce qui concerne la viande, la cuisson doit être surtout faite à basse température et pendant longtemps, parce que c'est ainsi que la viande devient tendre. Pour l'écume, il faut surtout éviter -comme dit précédemment- que les mouvements turbulents de l'eau ne dispersent l'écume et ne troublent le bouillon... Ce qui ne serait pas grave, car, de toute façon, c'est une bonne pratique des cuisiniers que de clarifier les bouillons (j'expliquerai comment une autre fois).