Alors que je sors d'une séance expérimentale avec un étudiant intelligent et intéressé, je le vois faire des erreurs qui sapent son travail, annihilent ses efforts.
Plus exactement, l'envie de faire bien l'a conduit à se lancer trop vite dans la partie expérimentale, et c'est ainsi que des phénomènes non anticipés se sont ajoutés à ceux qu'il voulait analyser.
L'analyse de son échec ne vise pas à lui mettre la tête dans la boue, mais à lui permettre d'éviter ce type d'erreurs pour le futur.
Car on ne considère pas assez qu'une expérimentation est moins un travail technique local d'une sorte d'ascèse, de recherche d'amélioration personnelle, et c'est d'ailleurs ainsi que l'expérimentation prend tout son intérêt.
À la réflexion, je m'aperçois que nous avons déjà rencontré souvent des erreurs du type de celle d'hier, et cela a a constitué la base de ce que nous avons donné des "DSR", des documents structurants de recherche qui visent précisément à éviter les erreurs, à nous prémunir contre les complexités inattendues, à nous permettre de mieux anticiper.
La première leçon, la leçon la plus immédiate de l'analyse de l'erreur d'hier, c'est que nous devons avoir un programme expérimental clair avant de nous lancer. Ce programme doit être fondé sur une analyse, de même que dans un calcul, s'impose un libellé clair et explicite des objectifs, puis un schéma sur lequel apparaissent les grandeurs d'intérêt. L'expérimentation doit commencer par l'établissement d'un modèle théorique qui sera exploré expérimentalement.
Au fond, que l'on calcule que l'on expérimente, il y a des quantités à considérer, et rien ne vaut un schéma faire apparaître, les identifier
J'y reviens : on aurait beau jeu de critiquer l'étudiant pour une sorte de légèreté, car je suis presque sûr que, sans la méthode que je propose, la plupart des étudiants seraient tombés dans le piège.
J'ai bien raison de dire que le diable est caché derrière tout geste expérimental, tout calcul
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 5 novembre 2024
La bonne foi est fructueuse : analysons nos erreurs
dimanche 21 février 2021
Une mesure ? Pas sans incertitudes... ni sans une raison de la faire
1. Aujourd'hui, des étudiants me demandent des conseils à propos d'une expérimentation qu'ils ont faite. Ils m'envoient en pièce jointe d'un courriel un graphe où des points rouges et bleus sont respectivement reliés par des segments de droite, formant deux courbes.
Malgré l'obscurité de leur message, je crois comprendre qu'ils pensent avoir mis en évidence deux comportements différents, pour des systèmes identiques traités différemment.
2. Dans un tel cas, la première des choses à faire est de pure forme : il faut se souvenir que les résultats de mesure ne valent rien sans une information précise sur les matériels et les méthodes qui ont été employées.
3. De ce fait, les points de mesures doivent nécessairement être assortis d'une indication sur les incertitudes de mesure et ce sont seulement ces indications qui permettront de savoir si les deux courbes sont effectivement différentes... ou pas.
4. On ne répétera jamais assez que deux mesures sont toujours différentes et que c'est la comparaison de ces mesures avec leur incertitude qui établit ou non une probabilité notable, ou faible, de différence. Ce qui vaut pour deux points vaut évidemment pour une courbe tout entière
5. De sorte que je suis immédiatement conduit répondre à mes correspondants que, sans toute l'information nécessaire, je suis dans incapable de les aider.
6. Cela, c'est pour le détail, mais il y a pire, qui tient dans un « de quoi s'agit-il ?». que disait notamment le maréchal Foch, ce qui fut ensuite repris par le photographe Henri Cartier-Bresson.
Pourquoi mes correspondant ont-ils fait cette expérience ? Qu'est-ce qui justifie que l'on s'intéresse à cette expérience ? Faut-il que je passe plus de temps à analyser une question qui serait complètement idiote ? Et, dans l'hypothèse où la question est pertinente, il y a lieu de se poser d'abord l'adéquation de l'expérimentation qui a été faite à la question qui a été posée. D'où le choix des matériels et des méthodes.
7. Bref, pour faire bien, il faut éviter de se lancer, et il vaut mieux avoir de vraies raisons... ce qui est précisément demandé dans la première partie de nos "documents structurants de recherche" (DSR).
Les connaissez-vous ?