mardi 24 août 2021

Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?


Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?
La question semble évidente : le blanc est blanc, et le jaune est jaune. Mais déjà cette réponse est mauvaise, car le blanc d'oeuf est en réalité transparent, et légèrement jaune verdâtre, alors que le jaune est plutôt jaune orangé (on dit qu'il peut même être vert quand les poules ont mangé des scarabées, ce que je n'ai pas encore réussi à vérifier).
Et puis, il y a une différence de consistance : le blanc est plus collant que le jaune, plus gélifié en quelques sorte. Et une différence considérable de goût  : alors que le jaune a beaucoup de goût, le blanc n'en a presque pas, quand il n'est pas cuit.

Mais, en réalité, ce n'est pas bien répondre à la question qui m'était personnellement posée : mon interlocuteur voulait que je réponde de façon "chimique". Et là, il y a des différences essentielles.
Au premier ordre, disons que le blanc est composé de  90 % d'eau et de 10 % de protéines (dont les molécules sont comme des pelotes repliées sur elle-même et dispersés parmi les molécules d'eau). Le jaune, lui, est fait de 50 % d'eau seulement, de 15 % de protéines et de 35 % de lipides. Les lipides ? Une immense catégorie de composés, qui contient aussi bien les "phospholipides", que certains nomment de façon erronée des lécithines, que des triglycérides, les composés que l'on trouve par exemple dans l'huile.

Il faut assortir cette description de précisions. Par exemple, l'eau est  toujours l'eau, composée d'une seule sorte de molécules qui sont toutes identiques : n'importe quelle molécule d'eau, est un assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène.
En revanche, le terme de "protéines", au pluriel, indique qu'il y a des sortes de protéines très  différentes, et mêmes si celles qui sont dans l'eau sont souvent repliées sur elles-mêmes (on parle de protéines globulaires),  elles ont des caractéristiques parfois très disparates. Il en va ainsi de la température de coagulation, par exemple  : certaines protéines coagulent dès 61 degrés et d'autres seulement à 80 degrés. Certaines transportent des atomes de fer, et d'autres pas. Certaines, tel  "lysozyme", ont des effets bactériostatiques, et d'autres pas.
Tiens, et puis je vous invite à observer un oeuf frais que l'on casse dans une assiette : le blanc forme des "marches" autour du jaune, qui montrent que le blanc est "gélifié", avec des compositions différentes selon les parties. D'ailleurs, cela ne se voit pas à l'oeil nu, mais le jaune, aussi, est structuré, avec des couches concentriques, de compositions différentes, que l'on jaune clair et jaune profond, lesquelles sont déposées le jour ou la nuit.
Et il en va de même pour les "lipides" :  nous avons vu plus haut qu'il y a donc des phospholipides et des triglycérides, mais il y a en réalité bien d'autres possibilités de variation,  et, surtout, je n'ai pas expliqué que, dans le jaune, les lipides peuvent-être dans une sorte de sérum, en solution dans l'eau,  ou bien réunis en granules, visibles au microscope.

Bref,  il y a beaucoup de différences entre le jaune et le blanc... sans compter que la couleur et le goût ne sont pas rien. Les protéines, les phospholipides et les triglycérides n'ont ni couleur ni goût. Pour la couleur, celle du jaune est due à de nombreux composés de la famille chimique des xanthophilles, et cette couleur change d'ailleurs selon l'alimentation des poules, tout comme change la couleur des saumons d'élevage, quand on leur ajoute du carotène bêta (un composé qui donne la couleur aux carottes) dans leur alimentation.
Pour le goût, il y a dans le jaune un très grand nombre de composés odorants, mais là il faut rentrer dans plus de détails et donner des listes de noms indigestes. J'ai peur que cela ne dépasse le cadre de ces billets, et je préfère dire à mes amis que je tiens de la bibliographie à leur disposition !
 

dimanche 22 août 2021

L'honnête homme, au 21e siècle ?



Ici, nous partirons d'une question anodine, pour arriver à un questionnement politique, donc essentiel.

1. Un jeune ami me demande si la lumière est réfléchie par les liquides, et je lui réponds en lui indiquant des expériences : d'une part, on voit les arbres se refléter sur l'eau quand on est  près d'un lac ; d'autre part, on est parfois ébloui quand on regarde la mer agitée en direction du soleil, parce qu'il y a des réflexions de la lumières solaire sur chaque vaguelette.

2. Cela dit il y a la question de réfléchir "de la lumière", une partie donc, ou de réfléchir "la lumière", c'est-à-dire toute la lumière. A préciser, donc.

3. Surtout il y a lieu de se demander mieux que vaguement ce qu'est ce phénomène de réflexion, et il y a notamment lieu de le distinguer du phénomène de réfraction... que mon jeune ami ne connait pas non plus. 

 



4. Evitons le cours d'optique pour dire simplement que c'est un fait d'expérience que certaines lumières, caractérisé par exemple par leur longueur d'onde, sont généralement réfléchies par les surfaces  des liquides, à des degrés divers.
Par exemple, un liquide noir absorbera fortement la lumière, alors qu'un liquide métallique, tel le mercure, sera beaucoup plus réfléchissant. Pour chaque cas, la quantité de lumière peut-être mesureée, dans une direction différente de celle où la lumière a été mise.

5. Mais, plus généralement, si l'on émet de la lumière vers un liquide, alors il y aura une partie réfléchie par la surface, et une partie transmise dans le liquide, dans une direction qui est d'ailleurs différente, le plus souvent, de celle de la lumière émise. C'est là le phénomène de réfraction, qui a été notamment étudié par le Néerlandais Willebrord Snell et par René Descartes, lesquels ont introduit une merveilleuse équation qui fait intervenir le sinus de l'angle de réflexion et de l'angle de réfraction.

6. Je crois savoir ça de toute éternité ou plus exactement je ne me souviens pas du moment où, enfant, j'ai découvert cette merveilleuse loi de Snell-Descartes.

7. Mais, de toute façon, c'était indépendamment de ma scolarité, parce que j'ai eu la chance d'avoir des parents qui m'ont toujours encouragé dans mes lectures de vulgarisation scientifique, quand j'étais enfant.

8. La vraie question, générale, est de savoir si cette loi de la réfraction est enseignée avant le brevet des collèges ou après. Car avant le brevet, pendant la scolarité obligatoire, cela signifie que l'on a jugé que les citoyens avaient besoin de cette notion. Si elle apparaît après, c'est donc qu'on a jugé qu'elle était superflue à l'ensemble des citoyens.

9. La question est en quelques sorte celle de la formation de l'honnête homme du 21e siècle.

10. "Honnête homme" ? Il ne s'agit pas de l'homme ou de la femme honnêtes, mais de ceux qui vivent en bon citoyens, intelligemment... au sens de l'intelligence du monde où nous vivons, de sa compréhension.

11.  C'est un fait que nous sommes dans une société très technique, avec des voitures, des ordinateurs, des vaccins, les médicaments, etc. Et on peut vouloir se comporter en conducteur de voiture ou en mécanicien, vis à vis de tous ces artefacts... mais il faut quand même observer que le conducteur de voiture ne peut pas se contenter de savoir appuyer sur les pédales et tourner le volant  : il doit savoir qu'il y a lieu de mettre de l'essence dans la voiture, il doit savoir qu'il y a lieu de mettre de l'huile sans quoi il coulera une bielle. De même, le mangeur doit savoir manger, sans quoi son "véhicule" (son corps) risque de tomber en panne.

12. Bref, il y a lieu d'avoir une connaissance minimale du monde où nous vivons,  pour ne pas être démuni faces aux circonstances variées que nous rencontrons.

13. D'autant qu'il y a de l'imprévu : pensons, par exemple, à cette pandémie de covid qui nous est tombée dessus. Pour survivre, au sens littéral du terme, il faut avoir des connaissances sur les virus, la physiologie humaine, la prophylaxie...

14. Bien sûr, on ne peut pas tout connaître, mais tout ce temps passé "au bistrot" (une métaphore qui regroupe tous les moments où nous cédons à la poussière du monde) pourrait, tellement plus utilement, être employé à découvrir les phénomènes de notre environnement.

15. Et cette connaissance nous permet de mieux vivre, et de mieux vivre en citoyen, car on ne doit pas oublier que nos sociétés ne fonctionnent bien que si chacun d'entre nous a un comportement raisonnable, rationnel... en pljus d'être honnête, juste, social.



samedi 21 août 2021

La cuisson des "oeufs parfaits"

Un ami, excellent scientifique, m'avoue ne pas bien comprendre la cuisson des oeufs à basse température, ce que j'avais jadis inventé sous le nom d'"oeufs parfaits", mais que je propose de nommer plutôt "oeuf à 65 degrés" quand ils sont cuits à 65 degrés, ou "oeufs à 67 degrés" quand ils sont cuits à 67 degrés, etc.


Il me faut lui expliquer le mécanisme de la constitution de ces oeufs, puisque si lui ne comprend pas, bien d'autres, aussi, risquent de ne pas comprendre.


1. Commençons simplement par considérer le blanc d'oeuf, parce qu'il est plus simple chimiquement que le jaune.
Ce blanc d'oeuf, c'est 90 % d'eau et 10 % de protéines. Ce qui correspond à 20 000 fois plus de molécules d'eau que de molécules de protéines.

2. Pour comprendre l'effet de la cuisson, il faut savoir que quand on chauffe un matériau,  les molécules du matériau s'agitent plus vite.
Or les molécules de protéines sont comme des pelote repliées sur elles-mêmes, dispersés parmi les molécules d'eau.

3. Quand on chauffe au-delà d'une certaine température, alors les protéines se déroulent, exposant la partie centrale qui, pour les protéines du blanc d'oeuf,  contient un atome de soufre lié à un atome d'hydrogène.

4. Et quand deux molécules de protéines voisines sont ainsi déroulées, alors les atome de soufre peuvent se lier et former des liaisons que l'on nomme des "ponts disulfures". 


5. L'ensemble des protéines attachées  les unes aux autres forme une sorte d'échafaudage dans toute la masse du blanc d'oeuf, une sorte de filet où les molécules d'eau sont piégées, comme des poissons dans un filet.
Et comme l'eau est piégée, elle ne coule plus, de sorte que l'on obtient un solide mou, qui est ce que l'on nomme un gel.

6. À ce point , on ne comprends pas pourquoi la coagulation de l'œuf peut être différente à différentes température, mais c'est cela que j'ai découvert, proposant la théorie améliorée suivante : dans la précédente description, j'ai évoqué des "protéines" sans plus de précisions, mais, en réalité, dans le blanc d'oeuf, il y a plusieurs sortes de protéines, et ces dernières coagulent à des températures différentes.

7. Vers 62 degrés, il y a une sorte de protéines qui coagule et qui forme donc un réseau, le filet dont je parlais.
Avec un seul filet et beaucoup de choses à l'intérieur, on comprend que le gel formé soit très délicat, très fragile. Cela correspond d'ailleurs à la cuisson que l'on observe entre 62 et 65 degrés : le blanc devient à peine laiteux et encore presque liquide ; plus ou moins fragile en tout cas.

8. Puis, si l'on chauffe à 65 degrés, alors un deuxième filet se forme, avec une autre sorte de protéines. Ce deuxième filet s'ajoute au premier, et l'ensemble est mieux tenu  : le gel est  un peu plus opaque et un peu plus solide.

9. Et si l'on porte maintenant la température à 68 degrés, alors c'est un troisième gel qui s'ajoute et le blanc devient un peu plus ferme et un peu plus blanc.

10. Et ainsi de suite jusqu'à 100 degrés où l'on a un empilement de réseaux qui fait le blanc que l'on reconnaît comme être caoutchouteux dans les oeufs durs.

11. Il faut ajouter que tout cela se fait "immédiatement" : dès qu'une température de coagulation est atteinte, la coagulation se fait. Et une fois une coagulation faite, elle ne bouge plus. Autrement dit, si l'on a porté l'oeuf à une certaine température, on peut le refroidir et le réchauffer sans avoir de changement... tant que la température ne dépasse pas celle qui avait été atteinte.

vendredi 20 août 2021

Gravité et pesanteur


On m'interroge sur la différence entre gravité et pesanteur.  La différence entre les deux ?

 

La pesanteur, c'est le phénomène qui correspond au poids. Sur la terre, un objet qui a une masse est "pesant", il a un poids,  ce qui signifie que,  lâché, il tombe.
 

Pour la gravité, c'est une révolution intellectuelle extraordinaire due à Isaac Newton, qui a compris que ce phénomène de pesanteur était universel, et qu'il correspondait à une attraction mutuelle des corps qui ont une masse. Il en a fait  la théorie de la gravitation universelle, avec une force entre les corps qu'il a proposé être proportionnelle aux deux corps massifs en interactions, et inversement proportionnelle au carré de la distance entre ces deux masses.
Autrement dit, entre la gravitation et la pesanteur, il y a une des plus grandes découvertes scientifiques de tous les temps.


On doit s'émerveiller de la proposition de Newton, même si la loi proposée n'est probablement qu'approchée. À l'époque, l'idée d'action à distance été quelque chose aussi étrange que la notion de vide, par exemple. Et c'est seulement en 1798 que Henry Cavendish a utilisé des boules suspendues à un fil (comme une haltère) pour mesurer la constante de gravitation à partir de la torsion du fil où l'haltère était suspendue. L'expérience a été refaite à l'université d'Orsay il y a quelques décennies, et elle nécessite un savoir-faire expérimental tout à fait remarquables.


Emerveillons-nous de l'audace  intellectuelle extraordinaire de Newton, de l'intelligence et du savoir-faire expérimentaux de Cavendish !


jeudi 19 août 2021

La chimie peut-elle être "de synthèse" ou "analytique" ? Non !


Il y a bien longtemps, quand j'ai déménagé le Groupe de gastronomie moléculaire, du Laboratoire de chimie des interactions moléculaires du Collège de France vers AgroParisTech, nous avons été accueilli par le "Laboratoire de chimie analytique". J'étais heureux de rencontrer des collègues intelligents, sympathiques, accueillants, mais... chimie analytique ? De quoi s'agit-il ? 



D'abord, je pars de l'hypothèse que la chimie est une science de la nature, et non pas une technologie ou une technique. C'est ainsi qu'elle a été rénovée par des Lavoisier, par exemple : il s'agit d'utiliser la méthode scientifique pour explorer les phénomènes de la nature, et, notamment, les transformations de la matière. 


Et, pour tous les travaux de chimie, il y a de l'analyse (il faut savoir de quoi l'on parle, connaître les objets que l'on explore), et il y a parfois de la synthèse moléculaire, pour explorer des mécanismes réactionnels.
 

Cela dit, c'est une faute de langage que de parler de chimie synthétique ou de chimie analytique ! D'autant, pour cette seconde expression, qu'il y a une confusion entre l'analyse chimique, l'étude -technologique- de mise au point de nouvelles méthodes d'analyse, et la chimie. 


Bien sûr, je n'ai pas ennuyé mes amis avec ces déclarations, et j'ai fait le dos rond, avec un Groupe de gastronomie moléculaire et physique proprement nommé, dans un laboratoire de "chimie" : ce n'était pas si mal.
D'autant que, à l'époque, mon idée n'était pas si claire qu'aujourd'hui : j'avais hésité quant au statut de la chimie, qui aurait tout aussi bien pu être soit une technique, soit une technologie.
 

Mais on verra que, depuis quelques années, tout est clair : la chimie est une science de la nature, qui ne se confond pas avec ses applications. Il n'y a donc pas de "chimie analytique" ! Et même si l'on a fait, et si l'on fait encore des analyses, il est bien rare que l'on ait à identifier des nouveaux composés, aussi mystérieux que le benzène à l'époque de Michael Faraday, ou que les pectines à l'époque de Braconnot.

mercredi 18 août 2021

Des âneries naturopathiques

Ce matin, je lis un texte sur le barbecue, qui me fait sursauter tant il est bourré d'âneries. Il est intitulé "comment faire sainement des barbecues", et rien que ce titre m'interpelle, parce que le barbecue classiquement fait, avec la viande au-dessus des braises, dépose environ 2000 fois plus de benzopyrènes cancérogènes qu'il n'en est admis par la loi dans les produits fumés. Alors le barbecue sain : une rigolade !
En réalité, ma dernière phrase est abusive, parce qu'il y a un moyen de faire sain... mais ce moyen n'est pas donné dans le texte que je lis, ce qui montre combien l'auteur est ignorant ! 



Je propose de lire les phrases en discussion et de les commenter, afin d'aider mes amis à ne pas se laisser abuser par des charlatans :


"L’inconvénient majeur de la cuisson au barbecue est que les aliments sont saisis à très forte chaleur" :

1. Ce n'est pas vrai : dans un barbecue, la température à l'intérieur des viandes est toujours inférieure à 100 °C, selon le bon principe que, à pression ambiante, une matière qui contient de l'eau ne peut avoir une température qui dépasse 100 °C... et ce n'est pas de la théorie : je l'ai mesuré !
Pour l'extérieur, oui, la viande est saisie... mais moins fortement que dans certains sautés. Donc c'est faux, et encore faux.

2. L'inconvénient majeur n'est pas que les aliments soient "saisis à très forte chaleur" ; c'est que ce type de cuisson dépose sur les viandes des benzopyrènes cancérogènes... quand on ne sait pas cuire, à savoir quand on cuit la viande en la mettant au dessus des braises.
La bonne méthode, qui aurait dû être conseillée, est d'utiliser un barbecue vertical, auquel cas il n'y a pas de benzopyrènes du tout !


"ce qui dénature les éléments nutritionnels de la viande"  :

La cuisson au barbecue ne dénature pas plus les "éléments nutritionnels de la viande" que les autres cuissons. Je rappelle que, dans la viande, quelle que soit le mode de cuisson, la température reste toujours inférieure à 100 ° C (comme dans le bouilli), et seule la surface (soit trois fois rien) est  portée à haute température.
Au fait : qu'est-ce que cette prétendue "dénaturation des éléments nutritionnels de la viande" ? Je prends le pari que l'auteur de ces mots ne le sait pas, se limitant à réciter une sorte de dogme idiot. D'ailleurs "éléments nutritionnels" : veut-il parler de composés ayant un effet nutritionnel ?
Des protéines ? Des lipides ? Des saccharides ? Des polyphénols ? Des ions minéraux (là, aucun changement possible) ?


"(les acides aminés nécessaires à la fabrication de nos tissus, muscles)" :

Désolé, mais puisqu'il s'agit de chimie, le mot "dénaturer" s'applique seulement aux protéines, et pas aux  acides aminés... qui n'existent pas dans la viande (à la marge, disons) sauf sous la forme de résidus (cela ne signifie pas "dégradé") dans les protéines.
Oui, ce sont les protéines qui peuvent être "dénaturées"  : cela signifie que les molécules des protéines changent de forme, ce qui permet la coagulation (pensons à du blanc d'oeuf que l'on chauffe, dans un oeuf dur, par exemple).


"et cette forte cuisson provoque également une réaction chimique appelée « molécules de maillard » " :

Là, c'est le summum de l'ignorance : l'auteur confond une molécule avec une réaction. Même pas du niveau de la classe de Sixième  ! Une honte.

On pourrait dire à la limite "la forte chaleur provoque des réactions de Maillard, qui engendrent des composés de Maillard"... sauf que ce n'est même pas vrai. Il y a surtout des pyrolyses, et les réactions de glycation (pas "de Maillard") engendrent des composés de glycation, et ils ne sont pas "hautement cancérigènes et toxiques pour le corps". Erreur, confusion, mensonge, ignorance : comment cet auteur peut-il se regarder dans la glace ?
D'autant que, je le rappelle parce que c'est utile,  le danger principal du barbecue mal conduit, ce sont les benzopyrènes !


 

"A force de faire griller toutes ses viandes, on perd donc des éléments nutritionnels de taille" :

Du grand n'importe quoi, à nouveau. On ne perd quasiment rien.

 

"et on risque de développer des soucis digestifs" :

Ah bon ? En vertu de quoi ? D'ailleurs, "développer des soucis... digestifs ? Un souci, selon le dictionnaire, c'est "État d'esprit plus ou moins douloureux, permanent ou répété, de quelqu'un qui s'inquiète à propos d'une personne ou d'une chose à laquelle il accorde de l'importance".


 

"et notre corps s’encrasse fortement" :

Allons, continuons à être séditieux : combien ? Et puis, un corps humain, ce n'est pas un moteur automobile.


Allons, je termine en signalant que je vois cela sous la plume d'un "naturopathe", "expert en nutrition" (sic !), et qui a écrit un livre pour être en bonne santé, alors qu'il est maigre, avec une tête décavée ! Si seulement notre homme devait cette mauvaise mine à la mauvaise conscience qu'il a de dire n'importe quoi !


mardi 10 août 2021

De nouvelles questions de pâte à choux

Ce matin, ces questions, à propos de pâte à choux :


En quoi consiste réellement  le "dessèchement" de la panade :
correspond-t-il un empesage optimal des grains d’amidon à 95 degrés, à la déshydratation partielle du mélange en vue de rajouter les œufs (eau+protéines), ou bien les deux ?

Au cours du dessèchement de la panade (température montée jusqu’à 95 degrés), les protéines de la farine ainsi que certaines protéines du lactosérum vont dénaturées. Je souhaiterais savoir si cette dénaturation est irréversible ou bien réversible avec l’ajout des l’oeufs (eau)?

Aussi, les protéines des œufs, sont-elles les seules responsables de la formation de la pellicule qui emprisonnera la vapeur d’eau, permettant ainsi le développement du choux?


Essayons de répondre, question après question 

 


1. En quoi consiste réellement  le "dessèchement" de la panade :
correspond-t-il un empesage optimal des grains d’amidon à 95 degrés, à la déshydratation partielle du mélange en vue de rajouter les œufs (eau+protéines), ou bien les deux ?


Avant tout, il faut indiquer à ceux qui ne le savent pas que la première opération de préparation d'une pâte à choux consiste à faire bouillir de l'eau avec sel et beurre, puis à jeter la farine dans ce liquide bouillant, puis à travailler la pâte qui se forme, éventuellement en chauffant ("désséchement"). C'est seulement quand elle a été ainsi travaillée que l'on ajoute des oeufs entiers, en travaillant bien, et jusque la consistance soit un peu molle, mais pas coulante. On cuit alors sur plaque.
 Cela dit, on peut commencer à analyser. Certes, l'opération de "desséchement" fait perdre de l'eau, et la preuve en est que l'on voit une fumée blanche au-dessus de la casserole. Je n'a pas mesuré la perte de masse... mais des amis pourraient le faire facilement.
Un empesage "optimal" des grains d'amidon ? à 95 degrés ? Le terme "optimal" est un adjectif, qui n'a pas de sens, car optimal en vue de quoi  ? Et pourquoi la température serait-elle seulement de 95 degrés, alors que l'on voit des bulles de vapeur se former, indication que la température est au moins de 100 degrés.
Mieux, je crois que le brunissement léger montre que la température est supérieure à 100 degrés, là où la pâte touche le fond de la casserole.
Ce dont on peut être raisonnablement certain, c'est que l'agitation mécanique conduit certainement à des modifications  des grains d'amidon, lesquels sont empesés quand la farine est initialement déposée dans l'eau bouillante, un peu comme quand un risotto devient crémeux parce que le travail a libéré de l'amylose et de l'amylopectine, dans la solution entre les grains de riz.
Oui, aussi, le désséchement permet sans doute d'ajouter plus d'oeufs : il est bon de se souvenir que le blanc d'oeuf apporte 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines, et le jaune 50 pour cent d'eau ; d'ailleurs, on voit bien que l'ajout des oeufs conduit à une fluidification de la pâte, et l'on pressent qu'elle ne doit pas finalement être trop liquide, sous peine de s'étaler trop.


2. Au cours du dessèchement de la panade (température montée jusqu’à 95 degrés), les protéines de la farine ainsi que certaines protéines du lactosérum vont dénaturées. Je souhaiterais savoir si cette dénaturation est irréversible ou bien réversible avec l’ajout des l’oeufs (eau) ?
Là encore, mon correspondant signale une température de 95 degrés, que je conteste. 


Les protéines de la farine ou du lactosérum dénaturées ? Tout tient dans le mot "dénaturé" : il s'agit tout aussi bien d'une petite modification des protéines qu'un déroulement complet. Et, pour répondre à la question, je propose de considérer une autre protéines que celles dont on discute ici : la gélatine. Dans l'eau chaude, les brins protéines qui font la gélatine sont certainement "dénaturés", mais c'est sans conséquence. Au contraire de protéines globulaires du blanc d'oeuf qui, elles, quand elles sont déroulées, s'attachent en un réseau  : c'est la coagulation. Pour la gélatine, le réchauffage suffit à dissocier une gelée, à la faire fondre, mais le chauffage de blanc d'oeuf coagulé, lui, ne peut pas défaire le réseau (pour cela, il faut, comme j'ai été le premier à le montrer, ajouter un composé réducteur).
Et pour en revenir aux protéines de la farine ou du beurre, je dois dire que je n'ai pas la réponse. En tout cas, on voit que ce n'est pas une question de plus ou moins d'eau dans la pâte, qui fera le changement.


 3. Aussi, les protéines des œufs, sont-elles les seules responsables de la formation de la pellicule qui emprisonnera la vapeur d’eau, permettant ainsi le développement du choux?

 
Je ne crois pas que la croûte autour des choux qui emprisonne (un peu) la vapeur d'eau soit due aux protéines, mais plutôt au croûtage dû à l'asséchement de la couche de farine superficielle, les grains d'amidon empesés perdant leur eau et se soudant. Les protéines de l'oeuf, elles, me semblent surtout utiles pour la coagulation de l'intérieur, et, surtout, pour le goût.
Et je ne peux m'empêcher de comparer avec les soufflés : là, au contraire, ce sont clairement les protéines qui font la croûte... et cette croûte n'est en tout cas pas imperméable, puisqu'un soufflé de 100 grammes seulement perd 10 grammes d'eau à la cuisson (voir mon livre "Révélations gastronomiques", ainsi que mon calcul plus "universitaire" dans les Cours en ligne d'AgroParisTech.