samedi 1 août 2020

Nos erreurs nous font grandir


1. Dans notre groupe de recherche, nos bilans de chaque soir comportent une partie essentielle, consacrée aux "symptômes", à ce qui "a coincé".

2. Cette partie est essentielle, parce que c'est un fait d'expérience que nous répétons nos erreurs, et que, même, souvent, elles sont la partie émergée d'iceberg que nous nous cachons à nous-mêmes, des "symptômes.

3. Un "g" mal tracé et que l'on confond répétitivement avec un 9, ce qui engendre des erreurs de calcul ; l'utilisation d'un résultat de calcul que nous ne comprenons pas, de sorte que notre utilisation est fragile ; le maniement insuffisamment assuré d'un formalisme chimique, qui nous expose à des erreurs, dès que les cas considérés sont plus délicats ; un mot dont l'acception est incertaine, et qui nous fait verser dans la faute ; l'absence de méthode, dans une tâche, qui nous ralentit considérablement, l'utilisation d'un concept dont les bases ne sont pas absolument certaines...  Tout cela nous retombe dessus  : les conséquences sont à la fois délétères, et répétitives. Sans faire de psychologie, on sait bien que nos névroses sont des carcans : les obsessionnels (en alsacien, Diffalaschiassar, chieurs de rondelles) qui passent leur temps à ranger inutilement, les hystériques qui ne se maîtrisent pas, les angoisses qui nous paralysent... Tout cela nous tombe dessus, et, ce qui est pire, nous empêche de bien penser.

4. D'où l'idée de nos introspections écrites, analytiques. Nous tirons le fil que la journée nous a tendu, et nous ne nous arrêtons évidemment au constat du détail des erreurs, mais, au contraire, appliquons l' "abstraire et généraliser" des logiciens, en nous fondant de surcroît sur le faisceau des constats quotidiens.

5. Je ne dis pas que nous parvenons à nous guérir de nos pires maladies, mais, au moins en surface, notre chasse aux symptômes ne nous rend plas plus bête.

6. Et puis, souvent, les erreurs que nous faisons sont celles que font certains de nos amis. D'où un intérêt supplémentaire de partager dans le groupe de recherche nos analyses.

7. Oui, nos erreurs nous font grandir, de sorte qu'il faut les chérir, les collectionner, les partager, pour aider nos amis.




vendredi 31 juillet 2020

A "cooking scientist"? Impossible: you can be a scientist, or you can cook, but cooking is not science (of nature), and science is not cooking


1. A friendly correspondant has named himself a "cooking scientist", but this is really impossible, as I shall try to show.

2. Let's observe first that human activities are defined by their goal, and the way to reach it. When you want to make shoes, i.e. being a shoe maker, the goal is to make shoes. And if you want to make food (or rather dishes), the goal is to produce dishes. The way to being able to make shoes is to learn how to make shoes, including having ideas about leather, tools for working it, etc. The way to being able to make dishes is to learn how food ingredients behave when you cut them, when you heat them, when you emulsify, foam, grind, distillate, etc.

3. For cooking (making dishes), there is more, because, as shown in one of my books, cooking is love, art and technique.

4. Accordingly, if you want to reach the goal of "cooking", it's probably good to decide how much of art you want to reach, how much love, how much technique.
I write this because I know chefs who don't think themselves as artist, and are happy to produce technically well done food. This does not mean that these dishes are not good, but the goal is not  to transmit emotions. Indeed, one can be proud to produce well done sandwiches for hungry people having lunch on their office site.

5. Some chefs can have the goal to be artists, i.e. for them the technical question is less important than the "beauty to eat" (to make "good dishes"). Did you ever cry of emotion while eating a dish? I did it twice in my live, and this was truly wonderful.

6. And other chefs focus on the social link. But more generally, I think that chefs would be well advised to choose the proportion of the three components, in order to reach their goal.

7. And science? For sure, the results of science, rather than the scientific activity can be helpful for chefs who want to be good at technique, because technology is exactly the activity of transferring scientific results into technique.

8. But science is very different from cooking!
Because the goal of science is to look for the mechanisms of the phenomena, not producing food!

9. Science does not mean being rigourous, as it is too often confused, in particular because Escoffier popularized the error.

10. By the way, the "way" of science, leading to its goal is to:
- identify phenomena
- characterize them quantitatively (measure everything)
- group the data into equations called "laws" (by fitting)
- induce a theory, introducing new concepts quantitatively compatible with the laws
- look for testable consequences of the theory
- test experimentally these consequences, trying to refute the theory
- and so on, back to the phenomena.

11. As we can see in 10, there is no room for cooking in sciences of nature. Sciences of nature are not producing food, but new knowledge.

12. For sure, one can like (or love) cooking AND science, but when one want to be very good in something, is it possible to have two activities?

13. So, finally, our friendly correspondant can change: he can be a scientist interested in cooking (molecular gastronomy) or a chef interested in science (or the results of science?). Which choice will be his own?



mercredi 29 juillet 2020

De la rationalité partout !

1. Récemment, je me suis étonné qu'une jeune amie de notre groupe de recherche ignore comment nous sentons. Oui, pourquoi percevons-nous les odeurs ?

2. Je m'étonnais de cette ignorance, tout comme je me suis étonné, il y a plusieurs décennies, quand, âgé de vingt ans, j'avais rencontré une personne de mon âge qui ignorait que la Terre est une boule dans le vide de l'espace.

3. Là, je viens de comprendre que mes étonnements sont peut être hors de mise : pourquoi ne pas admettre que l'on puisse s'intéresser à tout autre chose que les mécanismes du monde, à ses caractéristiques ? Pourquoi ne pas considérer que d'autres puissent se focaliser sur les relations interpersonnelles, par exemple, ou bien l'histoire, l'économie, que sais-je ?

4. L'école, puis le collège et le lycée donnent des informations dans les limites des référentiels (les "programmes"), et si des notions d'astrophysique élémentaire sont présentes, les mécanismes de l'olfaction ne sont pas abordés : notre jeune amie a une excuse.

5. Doit-on toutefois l'accuser de manque de curiosité ? Après tout, l'éventail des connaissances possibles est infini, et ce serait un mauvais procès, même si le monde où nous vivons mérite quelque considération, avant les êtres qui l'habitent.

6. Mais bon, qu'importe, car le présent billet a un autre but : bien reconnaître qu'il y a lieu de donner simplement des explications des phénomènes les plus courants. D'ailleurs, à l'origine de cette série de billets, il y a eu ceux qui étaient consacrés au brunissement des feuilles des arbres en automne, par exemple. Oui, la chimie, cette science mal connue, mérite d'être "communiquée", par ce qu'elle nous dit des changements de notre environnement.  En cuisine, mais pas seulement !

7. Et il y a lieu de donner des explications simples, pas les calculs qui fondent ces explications, mais qui rebutent la majorité d'entre nous. Certes, il y a alors un peu de paternalisme, comme dans les "on démontre que" des cours de mathématiques, quand un professeur veut aller rapidement au résultat, pour des "conducteurs de voiture"  plutôt que pour des "mécaniciens".

8. D'ailleurs, il y a lieu de penser à des explications expérimentales, jamais contestables, car on se souvient avec le physicien italien Galilée (1564-1642), un des pères de la science moderne, que ""Un bon moyen pour atteindre la vérité, c'est de préférer l'expérience à n'importe quel raisonnement, puisque nous sommes sûrs que lorsqu'un raisonnement est en désaccord avec l'expérience il contient une erreur, au moins sous une forme dissimulée. Il n'est pas possible, en effet, qu'une expérience sensible soit contraire à la vérité. Et c'est vraiment là un précepte qu'Aristote plaçait très haut et dont la force et la valeur dépassent de beaucoup celles qu'il faut accorder à l'autorité de n'importe quel homme au monde."





mardi 28 juillet 2020

Rendre compte de nos talents


"Nous devrons compte de nos talents"... C'est là une expression que l'on trouve dans des textes de religion, et qui signale que, le grand jour venu, nous serons jugés de l'usage que nous avons fait des dons que nous avons reçus.

L'idée me déplait pour deux raisons : d'une part, la vertu étant sa propre récompense, ce n'est pas en vue de ce jour-là que nous aurions intérêt à considérer l'usage que nous faisons de nos talents, mais, surtout, il y a cette questions des "talents" ou des "dons", qui laisse croire que tout tombe tout cuit du ciel, alors que je maintiens, au contraire, que c'est le travail qui engendre le talent. Je ne crois pas aux "dons", aux "talents" au sens initial, chrétien, et je déteste même cette idée, même si je vois dans les circonstances de nos naissances les germes de notre capacité à travailler et à obtenir lesdits talents. Il ne s'agit pas de richesse, ni même de culture, de milieu, et l'on voit trop des rejetons médiocres de personnalités remarquables, ou inversement tant de belles personnes nées de rien, pour ne pas penser qu'il y a des déterminants encore bien mal connus. Certes, l'éducation aide, ainsi que l'instruction : on parlait naguère de "formation" par les lettres, ou par les sciences... mais plus d'un ou d'une formé avec des lettres ou des sciences n'en a pas fait son miel. Oui, les écoles d'ingénieurs "se reproduisent" : les élèves qui réussissent les concours viennent souvent de famille d'enseignants, par exemple, mais j'étais moi-même dans une école où la promotion accueillait une toute autre sorte de personnes... parce que la scolarité ne coûtait quasiment rien, et que des jeunes de familles défavorisées la choisissait, quand ils le pouvaient : fils de garde barrière et de femme de chambre, fils de pâtre et de paysanne, fils d'agriculteurs, fils d'horloger dans le Jura, fils de... Certes, il y avait aussi des enfants de bourgeois, mais quand même : les talents résultaient de labeur.

Mais je reviens à mon idée initiale : rendre compte de ses talents... Au fond, y a-t-il vraiment une obligation à cela ? Car, dans mon hypothèse, s'il y a talent, c'est bien qu'il y a eu exercice, travail, labeur qui y ont conduit, et il est douteux qu'une personne qui a obtenu un talent s'arrête à l'avoir obtenu sans le mettre en oeuvre, sans en "rendre compte".

Rendre compte ? Compte à qui, d'ailleurs ? A soi ? Aux autres ? A une collectivité à qui nous les devrions ?

lundi 27 juillet 2020

"Ultratransformé" ? La notion est fantasmatique

L'Agence espagnole pour la sécurité sanitaire des aliments et la nutrition (AECOSAN) a publié un rapport sur les notions d’ultra transformation et le manque de robustesse de la définition de ce concept. Les auteurs soulignent notamment qu’il serait préférable de désigner ce concept avec les termes suivant : « aliments transformés de composition complexe ».
Le Comité scientifique conclut qu’il existe encore trop peu d’études mettant clairement en évidence un lien entre consommation d’aliments dits ultra-transformés et impact délétère sur la santé (les effets sur la santé semblant être attribués à certains ingrédients). Les experts considèrent que, pour justifier la nécessité de définir une catégorie d’aliments ultra-transformés ou  «aliments transformés de composition complexe», il serait nécessaire de mener des études épidémiologiques qui comparent l'impact sur la santé des régimes à forte consommation d’ aliments transformés contenant les ingrédients qui semblent contribuer aux problèmes de santé, par rapport aux régimes basés sur des aliments transformés qui n'incluent pas ces ingrédients dans leur composition. 

Décomposition et synthèse de l'eau : des exemples de réactions

 Rubrique :  science/politique/études/cuisine

1. La dissociation de l'eau et la synthèse de l'eau ?  Cela s'apparente à l'expérience effectuée avec la lumière par  le physicien anglais Isaac Newton (oui, l'homme qui a compris que le Soleil attirait la Terre par une force qui diminue en proportion du carré de la distance entre les deux astres, qui a interprété la "gravitation"), au 17e siècle : ce dernier a en effet décomposé la lumière blanche à l'aide d'un prisme, produisant toutes les couleurs de l'arc-en-ciel ; puis il a recomposé de la lumière blanche avec les lumières colorées qui avaient été séparées.

2. L'expérience est vraiment merveilleuse et les enfants devraient tous être conduits un jour à jouer avec des prismes : ce n'est pas difficile à produire, puisque il suffit de tailler un bout le plastique ou, si l'on veut mieux, de verre. Quand on met le prisme devant un faisceau de lumière blanche, on voit ce faisceau s'étaler avec toutes les couleurs de l'arc-en-ciel qui partent dans des directions différentes.

3. On dit que Newton s'enferma dans sa chambre après avoir obturé les fenêtres avec des rideaux, ne laissant qu'un trou dans ces derniers devant lequel il mit le prisme pour faire ses expériences. Puis, ayant séparé la lumière blanche en ses diverses composantes colorées, il chercha à séparer chacune de ces composantes sans y parvenir : en quelque sorte, chaque composante colorée était donc "élémentaire".

4. En 1776, les chimistes français Macquer et Sigaud de Lafond montrèrent que l'on pouvait synthétiser de l'eau à partir du gaz dihydrogène que l'on fait brûler dans l'air, mais il fallut les travaux de Lavoisier pour que l'on refasse comme Newton, mais pour de l'eau : on peut décomposer l'eau en deux gaz, dihydrogène et dioxygène, puis recomposer ces deux gaz en eau.

5. Aujourd'hui, un enfant peut faire cela. Pour la décomposition, branchons deux fils conducteurs aux bornes d'une pile, et plaçons ces fils dans de l'eau (on peut ajouter un peu de sel pour que l'expérience aille mieux). On voit apparaître des petites bulles sur les. Captons ces gaz, à l'aide de tube retournés, empli d'eau, placés au dessus de chaque fil. Progressivement, le volume de gaz augmente dans chaque tube. Si l'on met une allumette seulement incandescente dans le tube qui contient le dihydrogène, elle se rallume vivement. Et si l'on approche une allumette du tube qui contient le dihydrogène, ce dernier brûle.

6. Enfin, si l'on mélange les deux gaz, et que l'on approche une allumette,  on a une explosion et la paroi du tube se couvre de buée  : on a synthétisé de l'eau.

7. Ces expériences montrent que l'eau n'est pas "élémentaire" : on peut la séparer en des éléments plus simples.

dimanche 26 juillet 2020

Une solution qui bout


J'ai évoqué l'ébullition de l'eau, laquelle (l'eau, pas l'ébullition) est un composé pur, mais je n'ai pas considéré les solutions que sont l'eau salée ou l'eau sucrée.

Commençons par mettre du sel dans l'eau, et l'on voit la température descendre un peu, d'environ 1 degré : l'agitation de l'eau a diminué, parce qu'une partie de l'énergie de mouvement des molécules d'eau a été dépensée, pour séparer les atomes du sel.

Si l'on chauffe, la température augmente comme quand on chauffer de l'eau, mais cette fois, on peut  dépasser 100 °C, et atteindre une température légèrement supérieure de quelques degrés (deux ou trois), notamment quand la solution est saturée en sel.

En tout cas, ce n'est pas en mettant du sel dans l'eau que l'on obtiendra les  130 degrés qu'un cuisinier triplement étoilé a écrit que l'on atteindrait !

Bref, quelques degrés en plus de 100 °C, ce n'est pas grand-chose... mais évidemment on évitera de calibrer un thermomètre dans l'eau salée.

Bref une fois que cette température d'ébullition est atteinte, l'eau s'évapore régulièrement ,et rien ne change plus jusqu'au moment où la sursaturation apparaît, et où le sel se met à cristalliser, mais la température ne change pas.

Avec le sucre, c'est différent, car si le sel ne se dégrade pas la chaleur, le sucre lui, se transforme chimiquement : si l'on chauffe une solution d'eau sucrée, on voit  la température monter jusqu'à 100 degrés, mais avec l'évaporation de l'eau, on voit la température qui continue d'augmenter 102, 103, 104..  D'abord, a solution reste claire, mais la couleur peut changer (jaunir) tandis que l'apparence des bulles évolue.

La température augmente parce que la quantité d'eau diminue,  et l'on est moins dans une solution d'eau sucrée que dans un système nouveau avec des molécules d'eau et des molécules de saccharose (le sucre de table).

Le léger jaunissement que l'on observe est le signe d'une dégradation chimique des molécules de  saccharose, alors même que le saccharose se dissocie notamment en glucose et en fructose.






Puis, quand on atteint la température de 140 degrés environ,  la caramélisation a lieu. Cette fois, la dégradation est franche et elle correspond réaction très énergétique,  qui a été largement étudiée par notre collègue de Grenoble Jacques Defaye.

Mais je n'entre pas dans les détails,  puisque nous sommes ici dans un billet d'expérimentation. Et je me limite à dire ici que cette caramélisation est une réaction plus énergétique que ne le feraient des chimistes dans leurs laboratoires.