Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 29 décembre 2017
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée
On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée.
Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres.
Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs...
Tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force.
En sciences de la nature, cette phrase « Une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : Work, finish, publish (travailler, fignoler, publier). Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits.
Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature. Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu.
Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas.
Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées, et je décide de penser que ces idées n'existent pas.
Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… Mais, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait ! Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention.
A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux.
Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force.
Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Corriger des acidites excessives ou insuffisantes
Une question vraiment importante :
Bonjour M. This,
J'espère que vous allez bien. J'ai fabriqué de la saucisse aux choux avec principalement 50% de filet de porc fumé et 50% de chou déjà fermenté. A côté des épices, j'ai mis pour 2kg de farce 3 cs de jus de citron.
Je trouve cette saucisse pas assez acide malgré le jus de citron ajouté et je me demande comment faire pour augmenter l'acidité sans trop ajouter de liquide qui dilue la farce. Cela revient probablement à trouver un moyen de faire fermenter le chou dans la farce avant l'embossage ou après l'embossage, quand la farce mûrit dans la saucisse.
Si vous avez une idée, je l'essaie volontiers.
Ma réponse :
A ce jour, on n'a pas encore assez joué avec les acides et les bases en cuisine : acide tartrique, acide citrique, acide lactique, acide ascorbique... et acide lactique, qui est formé lors de la fermentation du même nom.
Ici, pas d'hésitation : ajoutons de l'acide lactique, pour avoir l'acidité... et si l'on en avait mis trop, corrigeons avec du bicarbonate de sodium.
Faut-il avoir peur de ces jeux ? D'abord, quelques bandelettes de papier pH pourront servir de contrôle. Ensuite, on utilisera évidemment des acides et des bases de qualité alimentaire.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Bonjour M. This,
J'espère que vous allez bien. J'ai fabriqué de la saucisse aux choux avec principalement 50% de filet de porc fumé et 50% de chou déjà fermenté. A côté des épices, j'ai mis pour 2kg de farce 3 cs de jus de citron.
Je trouve cette saucisse pas assez acide malgré le jus de citron ajouté et je me demande comment faire pour augmenter l'acidité sans trop ajouter de liquide qui dilue la farce. Cela revient probablement à trouver un moyen de faire fermenter le chou dans la farce avant l'embossage ou après l'embossage, quand la farce mûrit dans la saucisse.
Si vous avez une idée, je l'essaie volontiers.
Ma réponse :
A ce jour, on n'a pas encore assez joué avec les acides et les bases en cuisine : acide tartrique, acide citrique, acide lactique, acide ascorbique... et acide lactique, qui est formé lors de la fermentation du même nom.
Ici, pas d'hésitation : ajoutons de l'acide lactique, pour avoir l'acidité... et si l'on en avait mis trop, corrigeons avec du bicarbonate de sodium.
Faut-il avoir peur de ces jeux ? D'abord, quelques bandelettes de papier pH pourront servir de contrôle. Ensuite, on utilisera évidemment des acides et des bases de qualité alimentaire.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
A propos d'émulsions
Une question ? Une réponse... mais pour tous !
Bonjour, je suis une élève de première S et je dois bientôt rendre mon TPE. Mais je ne comprend pas certaines informations à propos de l'émulsion huile-eau-œuf.
Je vois que tout cela est un peu confus, parce que général, et je propose donc de considérer l'exemple de deux molécules d'eau voisines, que je nommerai E1 et E2.
Bonjour, je suis une élève de première S et je dois bientôt rendre mon TPE. Mais je ne comprend pas certaines informations à propos de l'émulsion huile-eau-œuf.
Je n'arrive pas à savoir s'il se forme des
liaisons hydrogène entre la tête hydrophile de l'huile (composée elle
même d'oxygène) et la molécule d'eau. Si il existe des liaisons
hydrogène, se font-elles entre les atomes d'oxygène de la tête
hydrophile de la molécule d'huile et les atome oxygène des molécules
d'eau?
Je profite
évidemment de l'occasion pour répéter que, en sciences de la nature, il
est essentiel d'utiliser de mots appropriés, d'une part, et je propose,
d'autre part, de bien "ingurgiter les questions, les ruminer", avant de
répondre. Pour ce second conseil, il s'agit de reformulation, et c'est
souvent l'occasion de s'apercevoir que la question était mal posée.
Ici,
que mon interlocutrice soit une "élève de première S" me va bien, et
je comprends bien ce qu'est les TPE, puisque je répète que j'ai mis sur
mon site une analyse du travail qui doit être fait dans ce cadre (https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/applications-pedagogiques/second-degre/tpe-et-tipe).
Puis
notre jeune amie m'interroge sur "l'émulsion huile-eau-oeuf". Là, c'est
bien moins clair, car les émulsions sont des systèmes où l'on disperse
un liquide dans un autre liquide, non miscible avec le premier.
Si
notre jeune amie pense à la mayonnaise, ce n'est pas une émulsion
huile-eau-oeuf, mais une "émulsion de type huile dans eau" (la
terminologie est consacrée... et on pourrait conseiller de donner une
référence). Et, pour faire une telle émulsion, de nombreux "composés
tensioactifs" peuvent être utilisés.
Composés
tensioactifs ? Ce sont des composés qui abaissent l'énergie interfaciale
eau/huile, comme indiqué dans un de mes cours en ligne d'AgroParisTech
(https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=PHYSICOCHIMIEPOURLAF&curdirpath=/Des%20elements%20de%20cours/Cours_sur_des_points_particuliers).
Bref,
l'expression "émulsion huile-eau-oeuf" n'est pas claire, et je devine
que notre jeune amie ne voit pas clairement comment une mayonnaise se
construit :
- on part d'un jaune d'oeuf, qui est une phase aqueuse (type eau), avec des protéines et des phospholipides dispersés ou dissous
-
on ajoute du vinaigre, c'est-à-dire une solution aqueuse d'acide
acétique (et de divers composés minoritaires), ce qui produit au total
une solution aqueuse (de l'eau plus de l'eau, ça fait de l'eau ; pensons
à un sirop de sucre mélangé à de l'eau salée)
- enfin,
on disperse dans ce mélange aqueux de l'huile, en fouettant, pour
obtenir une dispersion de gouttes d'huile dans la phase aqueuse.
Ouf, voilà la première étape faite : comprendre le système. Passons à "Je n'arrive pas à savoir s'il se forme des
liaisons hydrogène entre la tête hydrophile de l'huile (composée elle
même d'oxygène) et la molécule d'eau."
Là, si notre
jeune amie est à la veille de rendre son TPE, elle doit se faire du
souci. Des liaisons hydrogène entre la tête hydrophile de l'huile et la
molécule d'eau ?
Il faut commencer par expliquer que
les liaisons hydrogène sont des liaisons qui s'établissent entre un
atome d'hydrogène d'une molécule (par exemple une molécule d'eau) et un
atome d'oxygène d'une autre molécule, parce que cet atome d'oxygène,
qui a deux liaisons covalentes avec un ou deux atomes d'une molécule, a
aussi une paire d'électrons, qui, négativement chargés, peuvent
interagir avec l'atome d'hydrogène, si celui-ci est partiellement privé
de son électron, par l'atome lié à lui.
Je vois que tout cela est un peu confus, parce que général, et je propose donc de considérer l'exemple de deux molécules d'eau voisines, que je nommerai E1 et E2.
Considérons un des atomes
d'hydrogène de E1. Il est lié à un atome d'oxygène, mais l'oxygène a
tendance à "tirer la couverture à lui" : l'électrion de l'atome
d'hydrogène que nous considérions est plus attiré vers l'atome
d'oxygène. De sorte que cet atome, partiellement chargé positivement,
est attiré par l'atome d'oxygène de la molécule d'eau voisine E2.
Ce
qui est gênant, dans la question de notre jeune amie, c'est qu'elle
évoque la tête hydrophile de l'huile... alors que cette fameuse tête
n'existe pas !
Les molécules de l'huile sont des
"triglycérides," avec un squelette qui est un résidu de glycérol, trois
atomes de carbone, liés chacun à un atome d'hydrogène et à un atome
d'oxygène qui fait le lien avec des résidus d'acides gras. Les acides
gras ? Une chaîne d'atomes de carbone tous liés à des atomes
d'hydrogène, mais avec, à une extrémité, un groupe acide carboxylique
-COOH, avec un atome de carbone lié à un atome d'oxygène (=O), d'une
part, et à un groupe hydroxyle (-OH), d'autre part.
Parlons
donc d'une molécule de triglycéride : elle n'a pas de "tête hydrophile"
! Et c'est bien pour cette raison que l'huile n'est pas soluble dans
l'eau. Et, par conséquence, c'est pour cette raison que, pour disperser
de l'huile dans de l'eau, il faut des molécules "tensioactives", telles
celles de l'oeuf : les protéines, tout d'abord, et, ensuite, les
"phospholipides" que sont les lécithines et leurs consines variées.
Là,
oui, pour les protéines ou les phospholipides, il y a une partie
hydrophile (qui établit des liaisons, notamment des liaisons hydrogène)
avec les molécules d'eau, et des liaisons faibles avec les molécules
d'huile.
Par exemple, quand on fouette de l'huile dans
une solution de protéines, on obtient des gouttes d'huile dispersées
dans l'eau, avec les protéines déroulées à l'interface, les parties
électriquement chargées ou hydrophile venant au contact de l'eau, et les
parties non chargées et hydrophobes venant dans l'huile. J'ai mis des
schémas de cela dans mes livres, par exemple "Les secrets de la
casserole", ou "Révélations gastronomiques".
Bref,
pas de tête hydrophile des "molécules d'huile"... sans quoi il n'y
aurait pas besoin de composés tensioactifs pour faire des émulsions !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
mercredi 27 décembre 2017
Pour des confitures
Cet après midi, d'un correspondant :
Cherchant des informations sur l'intérêt des casseroles en cuivre, je découvre votre article sur le site espace-sciences : http://www.espace-sciences.org/archives/bassines-en-cuivre-et-confiture.
Malheureusement, il me laisse un peu perplexe, surtout votre dernière proposition d'expérience : faire deux confitures avec dans l'une un apport de sulfate de cuivre qui provoque le gel de la confiture, ce qui amène à la conclusion que le cuivre favorise la prise des confitures.
Je me demande plus particulièrement :
- quelle est la participation du souffre apporté par le sulfate ? (en dehors de probablement rendre la confiture immangeable ? ;-) )
- est-ce que le cuivre joue un rôle de catalyseur (et donc se retrouve intégralement en fin d'expérience, par exemple après décantation), ou nécessite-t-il d'être dissous dans la confiture ? Votre phrase "le cuivre a réuni ces molécules" me laisse penser que nous serions dans le second cas, mais alors est-il raisonnable de penser que la cuisson dans une bassine en cuivre arracherait suffisamment de cuive aux parois pour participer efficacement à la prise ?
Merci à notre ami de me donner l'occasion d'apporter des précisions.
Oui, l'expérience décrite est merveilleuse, et je la redonne : on prend deux récipients en pyrex (pour lesquels il n'y aura pas d'échange avec le contenu), et l'on y chauffe, par exemple au four à micro-ondes, des quartiers d'orange avec un peu d'eau et de sucre (c'est une expérience, pour l'instant). Puis, on ajoute une cuillerée de sulfate de cuivre (surtout ne pas le consommer !) dans un récipients, on chauffe alors à nouveau les deux récipients, et on laisse refroidir.
On obtient alors, quand les quantités ont été bien choisies, des résultats parfaitement différents : quand on n'a pas de sulfate de cuivre, la préparation reste coulante, mais, avec le sulfate de cuivre, on a un gel ferme (et bleu ; surtout ne pas le consommer !).
Cette expérience montre que des "ions divalents" comme le cuivre peuvent "ponter" les pectines (imaginons des fils qui flottent dans l'eau apportée par l'orange), ce qui renforce le réseau, contribue à la fermeté du gel.
Cela étant, pour répondre à notre ami, ce n'est pas tant le soufre qui est dangereux que le sulfate de cuivre, et sans doute plus l'ion cuivre que l'ion sulfate. Pour expliquer un peu, partons du sulfate de cuivre : il se présente sous la forme de cristaux d'un joli bleu.
Quand on met ces cristaux dans de l'eau, ils se dissolvent, libérant des atomes de cuivre (Cu) qui ont perdu deux de leurs électrons (raisons pour laquelle on les nomme des ions Cu2+), et des groupes faits d'un atome de soufre (S) lié à quatre atomes d'oxygène (O), plus deux électrons ; ce sont ces derniers qui sont les ions sulfate (SO4 2-).
Les pectines, elles, sont des molécules dont on peut simplifier la description en indiquant qu'elles sont faites par la répétition, des milliers de fois, d'un sucre particulier qui est nommé acide galacturonique. Et ces molécules portent des groupes "acide carboxylique" faits d'un atome de carbone (C), lié à deux atomes d'oxygène, dont un est lié à un atome d'hydrogène (H).
Selon l'acidité du milieu, ces groupes peuvent ou non se repousser, mais pour que les pectines se lient et forment l'architecture de la gelée, il faut que ces groupes n'aient pas perdu leur atome d'hydrogène (d'où l'ajout utile de jus de citron dans les confitures, par exemple)... ou bien que des ions "divalents", comme l'ion cuivre, pontent les pectines.
Cela étant, j'avais fait l'expérience décrite plus haut parce que j'avais également vu, dans une bassine en cuivre bien propre, où des framboises avaient été laissées quelques dizaines de minutes, que le cuivre avait été considérablement attaqué. Il passe donc du cuivre en solution, quand on cuit dans des bassines en cuivre, ce que l'on savait sans doute dans le temps, puisque l'on recommandait formellement de ne jamais laisser séjourner les confitures dans les bassines en cuivre.
Mais, surtout, je propose de remplacer les ions cuivre par d'autres ions divalents... et le calcium fait l'affaire ! Oublions le cuivre en cuisine !
Le cuivre joue-t-il un rôle de catalyseur ? Un catalyseur est un corps qui déclenche une réaction, mais se retrouve non consommé par la réaction, quand celle-ci a eu lieu. Ici, le cuivre participe à la réaction : il est "consommé" dans le pontage des pectines, de sorte que non, ce n'est pas un catalyseur. Donc oui, mon correspondant a raison de penser que le cuivre est dans la confiture... hélas, puisque le cuvire est toxique !
Cherchant des informations sur l'intérêt des casseroles en cuivre, je découvre votre article sur le site espace-sciences : http://www.espace-sciences.org/archives/bassines-en-cuivre-et-confiture.
Malheureusement, il me laisse un peu perplexe, surtout votre dernière proposition d'expérience : faire deux confitures avec dans l'une un apport de sulfate de cuivre qui provoque le gel de la confiture, ce qui amène à la conclusion que le cuivre favorise la prise des confitures.
Je me demande plus particulièrement :
- quelle est la participation du souffre apporté par le sulfate ? (en dehors de probablement rendre la confiture immangeable ? ;-) )
- est-ce que le cuivre joue un rôle de catalyseur (et donc se retrouve intégralement en fin d'expérience, par exemple après décantation), ou nécessite-t-il d'être dissous dans la confiture ? Votre phrase "le cuivre a réuni ces molécules" me laisse penser que nous serions dans le second cas, mais alors est-il raisonnable de penser que la cuisson dans une bassine en cuivre arracherait suffisamment de cuive aux parois pour participer efficacement à la prise ?
Merci à notre ami de me donner l'occasion d'apporter des précisions.
Oui, l'expérience décrite est merveilleuse, et je la redonne : on prend deux récipients en pyrex (pour lesquels il n'y aura pas d'échange avec le contenu), et l'on y chauffe, par exemple au four à micro-ondes, des quartiers d'orange avec un peu d'eau et de sucre (c'est une expérience, pour l'instant). Puis, on ajoute une cuillerée de sulfate de cuivre (surtout ne pas le consommer !) dans un récipients, on chauffe alors à nouveau les deux récipients, et on laisse refroidir.
On obtient alors, quand les quantités ont été bien choisies, des résultats parfaitement différents : quand on n'a pas de sulfate de cuivre, la préparation reste coulante, mais, avec le sulfate de cuivre, on a un gel ferme (et bleu ; surtout ne pas le consommer !).
Cette expérience montre que des "ions divalents" comme le cuivre peuvent "ponter" les pectines (imaginons des fils qui flottent dans l'eau apportée par l'orange), ce qui renforce le réseau, contribue à la fermeté du gel.
Cela étant, pour répondre à notre ami, ce n'est pas tant le soufre qui est dangereux que le sulfate de cuivre, et sans doute plus l'ion cuivre que l'ion sulfate. Pour expliquer un peu, partons du sulfate de cuivre : il se présente sous la forme de cristaux d'un joli bleu.
Quand on met ces cristaux dans de l'eau, ils se dissolvent, libérant des atomes de cuivre (Cu) qui ont perdu deux de leurs électrons (raisons pour laquelle on les nomme des ions Cu2+), et des groupes faits d'un atome de soufre (S) lié à quatre atomes d'oxygène (O), plus deux électrons ; ce sont ces derniers qui sont les ions sulfate (SO4 2-).
Les pectines, elles, sont des molécules dont on peut simplifier la description en indiquant qu'elles sont faites par la répétition, des milliers de fois, d'un sucre particulier qui est nommé acide galacturonique. Et ces molécules portent des groupes "acide carboxylique" faits d'un atome de carbone (C), lié à deux atomes d'oxygène, dont un est lié à un atome d'hydrogène (H).
Selon l'acidité du milieu, ces groupes peuvent ou non se repousser, mais pour que les pectines se lient et forment l'architecture de la gelée, il faut que ces groupes n'aient pas perdu leur atome d'hydrogène (d'où l'ajout utile de jus de citron dans les confitures, par exemple)... ou bien que des ions "divalents", comme l'ion cuivre, pontent les pectines.
Cela étant, j'avais fait l'expérience décrite plus haut parce que j'avais également vu, dans une bassine en cuivre bien propre, où des framboises avaient été laissées quelques dizaines de minutes, que le cuivre avait été considérablement attaqué. Il passe donc du cuivre en solution, quand on cuit dans des bassines en cuivre, ce que l'on savait sans doute dans le temps, puisque l'on recommandait formellement de ne jamais laisser séjourner les confitures dans les bassines en cuivre.
Mais, surtout, je propose de remplacer les ions cuivre par d'autres ions divalents... et le calcium fait l'affaire ! Oublions le cuivre en cuisine !
Le cuivre joue-t-il un rôle de catalyseur ? Un catalyseur est un corps qui déclenche une réaction, mais se retrouve non consommé par la réaction, quand celle-ci a eu lieu. Ici, le cuivre participe à la réaction : il est "consommé" dans le pontage des pectines, de sorte que non, ce n'est pas un catalyseur. Donc oui, mon correspondant a raison de penser que le cuivre est dans la confiture... hélas, puisque le cuvire est toxique !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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