Un billet sur :
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 13 mars 2023
La clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public :
samedi 11 mars 2023
De la pâtisserie et de la "chimie"
On m'interroge sur la chimie "cachée" derrière la pâtisserie et je réponds que la chimie n'est pas "cachée", mot qui a une connotation négative
Disons que la gastronomie moléculaire (une branche de la chimie) a été introduite, pour explorer les techniques et art du goût, notamment la pâtisserie. Et que les connaissances produites éclairent les phénomènes.
Mon interlocuteur veut comprendre et expliquer la chimie qui intervient dans la fabrication et la cuisson de certaines pâtisseries : je propose de dire plutôt "comprendre et expliquer les phénomènes qui interviennent lors de la confection de pâtisseries".
Pour le brunissement, qui est un phénomène qui l'intéresse, il y en a plusieurs sortes, décrites dans mon livre "Mon histoire de cuisine".
Et les "réactions de Maillard", qui provoquent effectivement du brunissement, ne doivent plus être nommées ainsi ; ce sont des réactions de glycation.
Oui, il y a des réactions de glycation en pâtisserie, chaque fois que l'on chauffe des sucres et des acides aminés ou des protéines. Mais attention : souvent, les brunissements sont dus plutôt à des caramélisations ou à des pyrolyses.
Des documents "publics" à ce sujet ? J'en produis tellement que je ne parviens plus à savoir. Avez vous tapé "Maillard" ou "glycation" sur mes blogs ?
Timothée Goujard
vendredi 10 mars 2023
Il faut justifier ses dires, ou être capable de le faire.
Je fais ce billet parce que cela fait quelques plusieurs fois en quelques jours que des correspondants me soumettent des récits sans justification et que je vois ainsi des personnes qui sont extérieures à la production de connaissance et qui délivrent des informations douteuses (ou manifestement fausse), et cela sans référence.
Par exemple, un de mes correspondants me signale qu' "un chimiste, vers 1930, aurait découvert la molécule qui fait synthétiser le récepteur de l'amertume des légumes" (je le dis tout de suite : la phrase est insensée !).
On passera sur la confusion entre la "molécule" et le composé", mais on aura lieu de s'étonner... parce que la physiologie humaine est si évoluée qu'il est vraiment très incertain (et en réalité faux) qu'un composé (plutôt qu'une seule molécule) puisse faire synthétiser un récepteur à l'organisme humain, car, en réalité, c'est l'ADN qui fait synthétiser les récepteurs que sont les protéines.
D'autre part, l'expression "le récepteur de l'amertume des légumes" est faux, et je renvoie à de nombreux articles que j'ai écrits pour expliquer qu'il n'y a pas une amertume, mais des amertumes, et donc plusieurs des amertumes. Voir, par exemple, mon livre Casseroles et éprouvettes où j'ai rapporté les résultats d'études de marquage fluorescent des calcium pour détecter de tels récepteurs.
Bref, l'expression que mon interlocuteur n'a pas de sens, et elle conduit à douter de la phrase où elle se trouve et plus généralement du texte où se trouve cette phrase.
Bref, je doute de toute l'information qui m'est envoyée, dans ma réponse à mon interlocuteur, je commence par lui conseiller de bien citer ses sources.
J'ai en arrière-pensée le fait que, dans nombre de mes billets de blog ou de mes articles de vulgarisation scientifique je ne cite pas moi-même mes sources... Mais cela ne signifie pas que je ne les ai pas. Au contraire !
D'ailleurs, souvent, dans mes conférences, la deuxième diapositive que je présente indique mon adresse email, et je discute le fait que, pour ne pas encombrer mes présentations, je ne cite pas mes sources mais que je les tiens à la disposition de toute personne qui me les demandera.
Tout ce que je dis, tout ce que j'écris, se fonde sur des références. Et des références primaires : je cite ceux qui ont établi les faits. Pas des sources secondaires, dont il y a lieu de douter.
Chaque fait que je délivre doit être fondé sur une référence solide qui établit le fait.
D'ailleurs, dans mes articles scientifiques, toutes les personnes qui ont publié avec toi pourront témoigner du fait que je réclame "une phrase = une référence ou plus ».
Oui, tout ce qui est écrit dans un article scientifique doit être sourcé, référencé, et avec des règles très particulières que j'ai exprimées dans des nombreux billets et texte sur les bonnes pratiques en sciences.
Je sais qu'il y a des groupes humains où des adultes sont poussés à s'améliorer, notamment par la production de textes sur des sujets qu'ils choisissent, réalisant ainsi ce que l'on pourrait nommer des mémoires, mais la qualité de ses textes ne peut se limiter au bon usage de l'orthographe, de la grammaire, voire de la rhétorique : il y a surtout lieu de bien considérer que la formation doit conduire celui qui s'exprime a bien référencer ses assertions, à chercher de telles références, à les comprendre, à les lire in extenso, mieux même à les évaluer, car si l'on cite une référence médiocre sans la critique, alors on en endosse la médiocrité.
La question des références est absolument essentielle en sciences, et l'on ne répétera jamais assez que cela doit concerner des références primaires : on ne doit pas citer un auteur qui cite un auteur qui, etc. Car citer un auteur, cela signifie lire que cet auteur a publié, et s'assurer qu'il a correctement établi le fait que l'on citera !
Parfois, on peut hésiter, car on a le sentiment que plusieurs auteurs doivent être cités.
Par exemple, si une méthode d'analyse a été mise au point par le chercheur A, et que le chercheur B a utilisé cette méthode pour obtenir un résultat d'analyse particulier, alors on citer à la fois B, pour le fait établi, mais aussi A, parce que c'est sous sa plume que se trouve la méthode d'analyse, qui doit être bonne.
Ce que je viens de dire là n'est pas anodin, car la science demande des "moyens de la preuve", à savoir comment un résultat a été établi et si l'équipe A a cité l'équipe a pour la méthode qu'elle a mise en œuvre, alors il devient obligatoire de citer A ainsi que B.
J'en profite aussi pour signaler que nous n'avons pas le droit de choisir entre plusieurs publications que l'on cite. Il y en a une qui a établi le fait : c'est celle-là qui doit être citée et nul autre, même si nous avons des amis que nous à qui nous voudrions faire plaisir les citant, même si un article de synthèse nous a mis sur la piste de l'établissement du fait.
jeudi 9 mars 2023
An old discovery
About the Pastis effect , a "discovery" that I put here to "publish" it very fast (I did it 5 years ago and I give only the idea to a friend :
And finally, something very interesting : imagine that you make a pastis effect in a solution of gelatine, you get trapped in a gel ! (to my knowledge, nobody published this before).
Profitons de tout pour en faire notre miel
Profitons de tout pour en faire notre miel
À propos de bonnes pratiques, je m'aperçois qu'il y a sans doute lieu de nous mettre en position de montrer l'exemple.
Je sors d'un questionnaire de l'école doctorale, qui discutait la question des conduites en laboratoire, sexistes par exemple. Le questionnaire avait peu d'intérêt, et il n'était pas très bien conçu, mais j'en ai surtout profité pour m'assurer que mes pratiques étaient conformes à mes valeurs.
Au fond, je me moque des recommandations de l'école doctorale si ma conscience les contredit, et l'important est surtout que mon comportement, au laboratoire, soit bien telle que je le décide, sur la base de valeurs qui sont principalement l'honnêteté et la droiture.
Autrement dit, ce questionnaire m'a seulement servi d'évaluateur, en ce sens que j'ai utilisés ses données comme des questions que je me suis posées... en faisant d'ailleurs, au passage, quelques critiques à l'école doctorale elle-même, qui doit s'améliorer sur certains points (les observations leur ont été poliment adressées).
Qu'ai-je répondu ? La première des choses, c'est quand même ce trio de termes, sécurité, qualité, traçabilité (dans cet ordre), et je crois que c'est une bonne pratique de les afficher et de les mettre en oeuvre sans faille.
Oui, dans les laboraoire, les plus avancés doivent montrer l'exemple, être d'une rigueur scientifique et humaine aussi parfaite que possible. Cela n'est pas toujours facile, car nous sommes pris entre des injonctions variées, de nos collègues, de nos institutions, de nos gouvernements... Et il y a lieu évidemment de ne pas suivre des règles édictées qui nous feraient déroger à la droiture.
Au contraire, nous devons gagner en humanité, en bienveillance, en révisant sans cesse les injonctions qui nous arrivent, en les évaluant, en les filtrant, afin de retenir les comportements les plus collectivement utiles, intéressants, humains...
mercredi 8 mars 2023
A propos d'Edouard de Pomiane
Un historien m'interroge, voire m'interpelle, à propos d'Edouard Pojersky de Pomiane, dont j'ai dit qu'il avait écrit beaucoup d'erreurs.
Je l'ai renvoyé vers un article où j'ai présenté le personnage, mais il faut que j'insiste : que j'explique que Pomiane fut un grand vulgarisateur, un remarquable écrivain gastronomique, mais pas un grand scientifique, du point de vue de la connaissance scientifique de la cuisine (au sens des sciences de la nature). Ce qui n'est pas une critique, mais une observation factuelle que j'explique ici.
Pomiane était microbiologiste à l'Institut Pasteur et il s'est beaucoup intéressé à la cuisine, avec un esprit rationnel.
Il dit dans ses textes avoir expérimenté, mais on ne trouve pas de publications scientifiques à ce sujet. Il a eu un immense succès populaire, avec des livres et avec une émission de cuisine, car il était fin, intelligent, enthousiate, plein d'énergie et d'humour.
Dont acte. Mais cela ne suffit pas pour faire de la science : ne pas confondre science, vulgarisation, cuisine, littérature, journalisme !
En réalité, beaucoup de ce qu'il a écrit à propos de la physique et de la chimie des phénomènes culinaires est faux (je n'y peux rien, désolé), notamment parce qu'il n'était pas physicien ni chimiste, et que la cuisine n'est pas une affaire de microbiologie (sauf pour les questions de conservation ou d'hygiène).
Bien sûr, un microbiologiste a une formation scientifique, mais cela ne suffit pas toujours pour faire des travaux de physico-chimie.
De surcroît, la science, et notamment la gastronomie moléculaire, n'est pas dans le dogme, comme la vulgarisation scientifique, qui, elle, explique des théories, mais dans la réfutation.
Considérons un exemple : celui de la mayonnaise. Pomiane a des phrases extraordinairement ambiguës où il dit qu'il y a de l'eau et de l'huile mélangées intimement l'un dans l'autre en une émulsion. Certes, il y a de l'eau et de l'huile, et certes, la mayonnaise est une émulsion mais la description est mauvaise : il faut dire que des gouttelettes d'huile sont dispersées dans l'eau (une "solution aqueuse", plus exactement).
Disons-le encore plus simplement : on prend de l'eau, on y met une gouttelette d'huile, puis une autre, puis encore une autre, et l'on obtient de l'eau chargée de gouttelettes d'huile, si tassées qu'elles ne peuvent plus bouger : la sauce tout entière ne coule plus. Et ce système physico-chimique est nommé "émulsions".
Ce que je viens de dire, c'est de la vulgarisation, un peu du dogme, et je m'empresse d'ajouter que la science précisément, cherche plutôt à réfuter cela. La science n'est pas intéressés a asséner des propositions théoriques , mais, au contraire, elle cherche en quoi ces descriptions sont fautives.
Par exemple pour la mayonnaise, dans les années 1980, certains disaient encore que les gouttelettes d'huile dans l'eau étaient stabilisées (en réalité, c'est une métastabilité) par des phospholipides, cette fameuse "lécithine" dont beaucoup parlent sans savoir ce que c'est. En réalité, pour les mayonnaises, les protéines présentes dans le jaune sont beaucoup plus importantes que les lécithine et si l'on ne veut pas se perdre dans les détails, on commencera par dire que la mayonnaise est stabilisée par les protéines.
Certes, les deux composés agissent, mais le principal, ce sont les protéines.
Pour en revenir à Pomiane, sa confusion ne lui a pas permis de véritablement fonder la gastronomie moléculaire parce qu'il confondait aussi la technique, la technologie, la science et l'art.
Il introduisit sur le tard la "gastro-technie", mais si on le lit précisément, on voit que cette dernière est une espèce de chimère dont on ne sait pas exactement ce que c'est ; en tout cas, ce n'est pas de la science à lire ses définitions, ce n'est pas de la technique non plus et ce n'est pas de l'art. Serait de la technologie ? Je n'en suis pas non plus sûr si l'on lit les mots qu'il écrit;
Bien sûr, si l'on est excessivement charitable ou enthousiaste, on peut dire que l'on va passer sur les mots, mais alors, autant autant confondre tout de suite le tournevis et le marteau, la casserole et la fourchette, le poivre et le sel, la molécule et l'atome !
Non, les mots ont une signification et celui qui n'utilise pas le sens des mots dans un but de clarté est soit confus, soit volontairement poète. On a le droit d'être enthousiaste, on a le droit d'avoir de l'humour, on a le droit de tout ce qu'on veut dans les limites de la légalité bien sûr, mais on ne fera jamais de la science en confondant les émulsions avec les mousses, les gels avec les suspensions, les protéines avec les phospholipides, et cetera.
Déjà Jean-Anthelme Brillat-Savarin s'était posé en scientifique, alors qu'il était juriste (et se posait en "physiologiste, qu'il n'était pas), et il faut -on le sait- un exceptionnel "gastronome", au sens de la gastronomie littéraire. Scientifique de métier, Pomiane fut également un excellent gastronome littéraire, mais il faut prendre ses écrits en les interprétant, sans oublier son oeil souriant au-dessus de sa moustache.
À propos d'études et d'enseignement
J'ai largement dit que l'on ne pouvait pas enseigner, et je maintiens que l'on peut étudier si l'on est étudiant, mais que nous ne recevons des connaissances ou des compétences d'autrui (des professeurs) que si nous les prenons ; il n'y a pas, pour des enseignants ou les professeurs, la possibilité de les introduire de force ou non dans l'esprit des étudiants.
D'ailleurs, on voit que si le mot étudiant est univoque, je distingue deux termes, qui sont celui d'enseignant et celui de professeur. Le professeur "parle devant" ; il professe, il présente la beauté des matières qu'il traite, il conseille les chemins pour les étudier, indique des documents où l'on trouvera les informations nécessaires, il répond éventuellement à des questions.
D'autre part, l'enseignant doit faire ce qui est dans le mot "enseigner", et c'est là où je fais amende honorable, car l'histoire du mot enseignement dit bien qu'il s'agit de désigner, d'indiquer. L'enseignant et donc celui qui indique, sous-entendu ce qu'il y a à apprendre, là où on peut le trouver...
Il y a donc une petite différence, mais en tout cas l'enseignant peut enseigner, et c'est là où je me trompais : il ne peut pas faire rentrer la connaissance dans la tête d'un étudiant, mais il peut parfaitement désigner des endroits qui lui semblent utiles pour que les étudiants apprennent.
J'ai donc révisé ce que je disais et, si je présente des excuses à mes amis que j'ai induits en erreur, je suis très heureux d'avoir compris que je me trompais et surtout d'avoir corrigé mon erreur.
Immédiatement, je me suis mis en route pour corriger les textes que j'avais écrit à propos d'enseignement, supprimer ce qui était manifestement fautif, les désigner comme tels publiquement quand il y avait lieu.
Surtout, je suis en réalité très heureux d'avoir corrigé mes erreurs, car je vois une erreur corrigée comme un progrès : au lieu de rester dans mon erreur, je corrige au moins celle-là.
Je sais des étudiants qui ont été exaspéré par cela : à leur demande, je corrigeais leurs documents, puis j'y revenais et je corrigeais encore. N'aurais-je pas pu tout faire bien d'un coup ? D'une part, souvent, il y avait trop à corriger en un passage, sauf à tout changer, mais, surtout, posons la bonne question : pourquoi n'ont-ils pas fait le travail eux-mêmes ? Pourquoi se reposaient-ils paresseusement sur moi ?
Passons sur ces cas pathologiques, et revenons à mes propres erreurs : oui, je suis insuffisant, mais je me soigne, à savoir que je ne cesse de travailler pour dépister mes propres erreurs, et je suis alors content de le faire savoir, parce que j'ai l'espoir que je pourrai ainsi aider des amis.