Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 17 juillet 2020
Apprendre, c'est retenir
1. À propos des études, il y a cette question de savoir si recevoir une information est suffisant pour en disposer.
2. Par exemple, peut-on apprendre à partir d'un livre ? D'un film ? D'un podcast ? Combien de fois faudra-il voir le film, lire le livre, écouter le podcast ?
3. La question est importante, car il est exact qu'on ne retient généralement pas tout d'un premier coup. Et j'ai entendu nombre de professeurs dire qu'il ne suffisait pas de comprendre, et qu'il fallait apprendre.
4. Dont acte, mais apprendre comment ? Pour des sciences de la nature, on m'a dit "refaire les démonstrations", "faire des exercices", "faire des problèmes". Mais pour d'autre disciplines ?
5. Et puis, mes professeurs étaient-ils bien placés pour me conseiller ? Après tout, ils n'avaient ni le prix Nobel, ni n'étaient tous professeurs au Collège de France ! Bref, d'où sortaient-ils leurs conseils ? Sans "référence", j'invite les étudiants à ne pas gober n'importe quelle méthode.
6. Mais alors ? Pardon pour l'évocation d'idiosyncrasies, mais je suis de ceux qui, quand ils doivent apprendre quelque chose, le prennent, le triturent, l'ingèrent, le ruminent, avant de le digérer, y reviennent, y reviennent encore.
Quand il s'agit d'un calcul, je le refais, je le réécris, je cherche à changer des paramètres... Quand c'est une poésie, je la prends, je la divise en petits morceaux, je cherche des associations, & ainsi de suite.
7. Bref mon apprentissage est actif... mais mon apprentissage personnel n'est pas la question, qui est "Quelle est la bonne méthode ?".
Par exemple, regarder un film est-il plus efficace que lire un livre, ou qu'écouter un podcast ? Etudier en marchant est-il mieux qu'en restant assis à une table ?
8. Je n'ai aucune idée de la réponse à ces question, et j'ajoute que je ne veux surtout pas recueillir le sentiment personnel de chacun. Nous avons besoin de données fiables, sur lesquelles nous pourrions trouver une méthode qui soit digne d'être propagée... & que je puisse éventuellement m'appliquer à moi-même, changeant ma propre méthode empirique, puisqu'elle n'est peut-être pas la plus efficace.
9. Efficace ? Un adjectif : on se souvient que j'invite mes amis et moi-même à les remplacer par la réponse à la question "Combien ?"... et cela se mesurera au fait que je me souvienne de ce que j'ai appris !
jeudi 16 juillet 2020
L'étude
1. Mes billets précédents m'ont largement montré que l'essentiel, c'est donc l'étude. Pas l'enseignement ; pas les professeurs ! Non, les étudiants, l'étude.
2. Et la clé de l'apprentissage, c'est l'étude. On n'apprend que si l'on étudie, & l'on n'étudie bien que si l'on aime cela.
3. Ce qui a comme conséquence que nos institutions d'études doivent en priorité contribuer à développer ce goût de l'étude.
Ce qui a des conséquences sur le métier de professeur.
3. Et "sélectionner" sur cette capacité d'étudier.
Mais je me hâte d'ajouter que ce mot de sélection va pour moi avec celui d'orientation : il s'agit moins de classer (ce serait bien impossible) que de ne pas laisser des étudiants perdre leur temps à faire quelque chose qu'ils n'aiment pas. Si l'on aime étudier la chimie, on est à sa place dans un cursus de chimie ; mais si l'on aime étudier autre chose, alors on est à la place ailleurs qu'en chimie... et l'on voit que c'est le goût pour une matière qui peut être à la base d'une sélection positive !
4. L'étude se fait-elle seul ou à plusieurs ? Pourquoi ne pas penser que les deux solutions sont possibles. Le tout est d'être dans un position active de recherche : on doit prendre plutôt que recevoir... ce qui a des conséquences sur le métier de professeur.
A suivre, évidemment !
2. Et la clé de l'apprentissage, c'est l'étude. On n'apprend que si l'on étudie, & l'on n'étudie bien que si l'on aime cela.
3. Ce qui a comme conséquence que nos institutions d'études doivent en priorité contribuer à développer ce goût de l'étude.
Ce qui a des conséquences sur le métier de professeur.
3. Et "sélectionner" sur cette capacité d'étudier.
Mais je me hâte d'ajouter que ce mot de sélection va pour moi avec celui d'orientation : il s'agit moins de classer (ce serait bien impossible) que de ne pas laisser des étudiants perdre leur temps à faire quelque chose qu'ils n'aiment pas. Si l'on aime étudier la chimie, on est à sa place dans un cursus de chimie ; mais si l'on aime étudier autre chose, alors on est à la place ailleurs qu'en chimie... et l'on voit que c'est le goût pour une matière qui peut être à la base d'une sélection positive !
4. L'étude se fait-elle seul ou à plusieurs ? Pourquoi ne pas penser que les deux solutions sont possibles. Le tout est d'être dans un position active de recherche : on doit prendre plutôt que recevoir... ce qui a des conséquences sur le métier de professeur.
A suivre, évidemment !
mercredi 15 juillet 2020
Plus que jamais, mettre en garde
1. Lors d'une formation académique, un samedi matin dans un lycée parisien, j'avais montré un oeuf (entier, dans sa coquille, tenu entre deux doigts, le gros bout en bas), & j'avais demandé à plus de 400 professeurs réunis où se trouvait le jaune.
Comme dans n'importe quelle assemblée, environ 80 pour cent de personnes ont répondu qu'il était dans la partie inférieure, 15 pour cent ont répondu qu'il était au centre, & reste ne savait pas.
Puis, j'avais ouvert l'oeuf en décalottant la partie supérieure, & on avait bien vu que le jaune flottait : le jaune d'oeuf est dans la partie supérieure, parce que, constitué de 50 pour cent de lipides, il flotte dans le blanc, lequel est une solution aqueuse de protéines (dix pour cent).
2. Cette présentation me servait à introduire la discussion sur la position du professeur devant sa classe, & nous avions eu un débat : doit-on dire aux élèves que l'on ignore la réponse à une question, quand on l'ignore ? Peut-on faire état de son ignorance, à propos d'une question même simple ? Moi qui répond évidemment que c'est la meilleure des solutions, j'avais été étonné de voir la moitié de l'assistance ne pas adhérer à l'idée. Et je n'ai toujours pas compris les arguments de ceux qui n'étaient pas de mon avis (si vous avez une idée pour m'aider, merci de me la donner).
3. Car se poser en sachant est très téméraire : n'est-ce pas, notamment s'exposer à se faire réfuter ? Et n'est-ce pas mentir, en quelque sorte ? En tout cas avoir une prétention... indue ? Je ne sais pas bien pourquoi (j'y réfléchis), mais je vois le même mécanisme que dans les publications de science & technologie des aliments, quand s'alignent à l'infini ces textes qui nous disent que tel ou tel composé est bon pour la santé.
4. Tiens, dans une table des matières qui m'arrive aujourd'hui même d'une revue scientifique internationale, je trouve :
- un nouveau mode d'encapsulation : évidemment une révolution dans le contrôle de la faim
- un nouveau pesticide : évidemment bien mieux que tous les précédents
- un nouvel antifongique : excellent (mais... in vitro ; pour l'in vivo, un voile pudique est jeté)
- encore un système d'encapsulation : "nouveau", meilleur...
- encore un nouveau produit pour traiter le foie
- un nouvel antibactérien qui réglera la question
- et j'arrête là, car à lire cette table des matières, il y a lieu de penser que tous les problèmes de santé sont résolus, n'est-ce pas ?
5. Comment s'expliquer, alors, que nous soyons si démunis face au dernier coronavirus ? Et que des maladies frappent encore ? Puisque tout ou presque est "bon pour la santé" ou "mauvais pour la santé", comment est-il possible, avec nos certitudes, nous ayons encore à explorer ces questions ? C'est évidemment que les publications scientifiques sont bien excessives, dans leurs revendications.
6. Car c'est un fait que nombre de publications scientifiques imposent de "vendre" les manuscrits, au point qu'elles demandent aux auteurs de préparer des résumés qui attirent les lecteurs. Oui, dans les milieux scientifiques ! Et comme pour les professeurs qui hésitaient à se dire ignorants (d'un sujet), certains d'entre nous ne résistent pas à la pression sociale, & acceptent de faire croire qu'ils ont trouvé la panacée.
7. En matière de saveurs, la question du glutamate est du même type : à en croire certains qui étudient la question, c'est la clé parfaite du goût... mais alors, pourquoi l'industrie alimentaire ne cesse-t-elle d'ajouter d'autres composés à ses bouillons cubes : inositides et autres ? Pourquoi la question n'est-elle pas résolue depuis longtemps ? Le glutamate, finalement, ne serait-il pas non plus un Graal ? On nous aurait donc menti ?
8. La réponse à cette dernière question est évidente : un composé ne fait pas le goût à lui tout seul, fut-il soutenu commercialement et publicitairement par des lobbys industriels puissants. Et mieux encore, c'est une naïveté immense que de croire qu'elle pourrait être résolue : on ne progressera qu'en pensant le contraire.
9. Bref, tout cela est à dire aux étudiants : rien n'est résolu ! La lutte contre les champignons est à peine entamée ; la connaissance des effets biologiques des composés des aliments reste très rudimentaire ; les saveurs sont extrêmement mal connues, &, en tout cas, les théories des quatre ou des cinq saveurs sont fausses ; & ainsi de suite.
10. Bref, il y a de la place pour :
- de la belle recherche scientifique et technologique
- une lutte contre les prétentions, même dans le milieu scientifique
- une recherche didactique de qualité, afin de permettre aux étudiants de mieux apprendre.
Comme dans n'importe quelle assemblée, environ 80 pour cent de personnes ont répondu qu'il était dans la partie inférieure, 15 pour cent ont répondu qu'il était au centre, & reste ne savait pas.
Puis, j'avais ouvert l'oeuf en décalottant la partie supérieure, & on avait bien vu que le jaune flottait : le jaune d'oeuf est dans la partie supérieure, parce que, constitué de 50 pour cent de lipides, il flotte dans le blanc, lequel est une solution aqueuse de protéines (dix pour cent).
2. Cette présentation me servait à introduire la discussion sur la position du professeur devant sa classe, & nous avions eu un débat : doit-on dire aux élèves que l'on ignore la réponse à une question, quand on l'ignore ? Peut-on faire état de son ignorance, à propos d'une question même simple ? Moi qui répond évidemment que c'est la meilleure des solutions, j'avais été étonné de voir la moitié de l'assistance ne pas adhérer à l'idée. Et je n'ai toujours pas compris les arguments de ceux qui n'étaient pas de mon avis (si vous avez une idée pour m'aider, merci de me la donner).
3. Car se poser en sachant est très téméraire : n'est-ce pas, notamment s'exposer à se faire réfuter ? Et n'est-ce pas mentir, en quelque sorte ? En tout cas avoir une prétention... indue ? Je ne sais pas bien pourquoi (j'y réfléchis), mais je vois le même mécanisme que dans les publications de science & technologie des aliments, quand s'alignent à l'infini ces textes qui nous disent que tel ou tel composé est bon pour la santé.
4. Tiens, dans une table des matières qui m'arrive aujourd'hui même d'une revue scientifique internationale, je trouve :
- un nouveau mode d'encapsulation : évidemment une révolution dans le contrôle de la faim
- un nouveau pesticide : évidemment bien mieux que tous les précédents
- un nouvel antifongique : excellent (mais... in vitro ; pour l'in vivo, un voile pudique est jeté)
- encore un système d'encapsulation : "nouveau", meilleur...
- encore un nouveau produit pour traiter le foie
- un nouvel antibactérien qui réglera la question
- et j'arrête là, car à lire cette table des matières, il y a lieu de penser que tous les problèmes de santé sont résolus, n'est-ce pas ?
5. Comment s'expliquer, alors, que nous soyons si démunis face au dernier coronavirus ? Et que des maladies frappent encore ? Puisque tout ou presque est "bon pour la santé" ou "mauvais pour la santé", comment est-il possible, avec nos certitudes, nous ayons encore à explorer ces questions ? C'est évidemment que les publications scientifiques sont bien excessives, dans leurs revendications.
6. Car c'est un fait que nombre de publications scientifiques imposent de "vendre" les manuscrits, au point qu'elles demandent aux auteurs de préparer des résumés qui attirent les lecteurs. Oui, dans les milieux scientifiques ! Et comme pour les professeurs qui hésitaient à se dire ignorants (d'un sujet), certains d'entre nous ne résistent pas à la pression sociale, & acceptent de faire croire qu'ils ont trouvé la panacée.
7. En matière de saveurs, la question du glutamate est du même type : à en croire certains qui étudient la question, c'est la clé parfaite du goût... mais alors, pourquoi l'industrie alimentaire ne cesse-t-elle d'ajouter d'autres composés à ses bouillons cubes : inositides et autres ? Pourquoi la question n'est-elle pas résolue depuis longtemps ? Le glutamate, finalement, ne serait-il pas non plus un Graal ? On nous aurait donc menti ?
8. La réponse à cette dernière question est évidente : un composé ne fait pas le goût à lui tout seul, fut-il soutenu commercialement et publicitairement par des lobbys industriels puissants. Et mieux encore, c'est une naïveté immense que de croire qu'elle pourrait être résolue : on ne progressera qu'en pensant le contraire.
9. Bref, tout cela est à dire aux étudiants : rien n'est résolu ! La lutte contre les champignons est à peine entamée ; la connaissance des effets biologiques des composés des aliments reste très rudimentaire ; les saveurs sont extrêmement mal connues, &, en tout cas, les théories des quatre ou des cinq saveurs sont fausses ; & ainsi de suite.
10. Bref, il y a de la place pour :
- de la belle recherche scientifique et technologique
- une lutte contre les prétentions, même dans le milieu scientifique
- une recherche didactique de qualité, afin de permettre aux étudiants de mieux apprendre.
mardi 14 juillet 2020
Enseigner à manger aux enfants ?
1. Enseigner à manger aux enfants ? Encore faudrait-il savoir nous-mêmes manger : savoir quoi manger, savoir comment manger (pas trop vite), savoir quand manger...
2. Oui, la science qu'est la nutrition progresse, mais il y a tant à faire, encore, pour qu'une diététique du bien portant dépasse le "Il faut manger de tout, en quantités modérées, et faire de l'exercice modérément" que les plus raisonnables de mes amis nutritionnistes m'ont tendu.
3. Enseigner aux enfants ? Si enseigner est impossible (voir d'innombrables billets à ce propos), ne devons-nous pas plutôt poser la question différemment : "Comment aider les enfants à apprendre à manger ?" Et la question conduira à leur faire découvrir ce qu'est manger, au delà du geste animal de bouger les mâchoires.
4. Alors, enseigner aux enfants ? Quel que soit l'état de la nutrition ou de la diététique, il y a lieu de les aider à dépasser cette animalité qui leur fait la même mimique, le jour de la naissance, que des singes à qui l'on met sur les lèvres des composés sucrés, acides, amers, salés ou autres.
5. Oui, manger, cela doit d'abord être manger en humain, manger avec l'esprit autant qu'avec le corps. Cela doit être d'éviter les déviances nutritionnelles qu'engendrent nos modes de vie citadins dans des systèmes d'abondance.
6. Oui, manger, cela doit être manger socialement, en oubliant sa petite personne, en se préoccupant du groupe, de l'humanité, de la Terre.
7. Aider les enfants à apprendre à manger ? Encore faudrait-il que les parents le sachent !
8. Aider les enfants à apprendre à manger ? Les enfants étant exposés à des parents et à des professeurs, cela peut venir des professeurs, si les parents sont incompétents. Mais les professeurs sont-ils plus compétents ? S'ils ne le sont pas, nous avons en France l'Education nationale pour les aider à le devenir.
9. Oui, ce sont les professeurs avec qui les spécialistes doivent dialoguer, ces mêmes professeurs qui, comme tous les citoyens, sont exposés aux discours des marchands de cauchemars... de sorte qu'une partie d'entre eux adhère aux fadaises.
10. Or je crois bien inutile de chercher à réfuter des idées fausses : il y a lieu de chercher une stratégie pour les combattre, et, le mieux, c'est quand même de poser les faits et de les assortir de questions, afin que chacun se fasse son idée.
11. Et les faits ne sont jamais si forts que portés par des expérimentations : ce sont des expérimentations qu'il faut proposer, assorties de questionnements. C'est cela qu'il faut faire : colliger un groupe d'expérimentations et d'observations à propos d'alimentation et les mettre largement à la disposition des professeurs... et des élèves.
2. Oui, la science qu'est la nutrition progresse, mais il y a tant à faire, encore, pour qu'une diététique du bien portant dépasse le "Il faut manger de tout, en quantités modérées, et faire de l'exercice modérément" que les plus raisonnables de mes amis nutritionnistes m'ont tendu.
3. Enseigner aux enfants ? Si enseigner est impossible (voir d'innombrables billets à ce propos), ne devons-nous pas plutôt poser la question différemment : "Comment aider les enfants à apprendre à manger ?" Et la question conduira à leur faire découvrir ce qu'est manger, au delà du geste animal de bouger les mâchoires.
4. Alors, enseigner aux enfants ? Quel que soit l'état de la nutrition ou de la diététique, il y a lieu de les aider à dépasser cette animalité qui leur fait la même mimique, le jour de la naissance, que des singes à qui l'on met sur les lèvres des composés sucrés, acides, amers, salés ou autres.
5. Oui, manger, cela doit d'abord être manger en humain, manger avec l'esprit autant qu'avec le corps. Cela doit être d'éviter les déviances nutritionnelles qu'engendrent nos modes de vie citadins dans des systèmes d'abondance.
6. Oui, manger, cela doit être manger socialement, en oubliant sa petite personne, en se préoccupant du groupe, de l'humanité, de la Terre.
7. Aider les enfants à apprendre à manger ? Encore faudrait-il que les parents le sachent !
8. Aider les enfants à apprendre à manger ? Les enfants étant exposés à des parents et à des professeurs, cela peut venir des professeurs, si les parents sont incompétents. Mais les professeurs sont-ils plus compétents ? S'ils ne le sont pas, nous avons en France l'Education nationale pour les aider à le devenir.
9. Oui, ce sont les professeurs avec qui les spécialistes doivent dialoguer, ces mêmes professeurs qui, comme tous les citoyens, sont exposés aux discours des marchands de cauchemars... de sorte qu'une partie d'entre eux adhère aux fadaises.
10. Or je crois bien inutile de chercher à réfuter des idées fausses : il y a lieu de chercher une stratégie pour les combattre, et, le mieux, c'est quand même de poser les faits et de les assortir de questions, afin que chacun se fasse son idée.
11. Et les faits ne sont jamais si forts que portés par des expérimentations : ce sont des expérimentations qu'il faut proposer, assorties de questionnements. C'est cela qu'il faut faire : colliger un groupe d'expérimentations et d'observations à propos d'alimentation et les mettre largement à la disposition des professeurs... et des élèves.
lundi 13 juillet 2020
Pourquoi transmettre des faussetés ?
1. Discussion amusante avec des étudiants : pourquoi, me demandent-ils, les systèmes d'études montrent-ils l'atome sous la forme d'un système planétaire alors que cette représentation est erronée ? Et ma réponse immédiate est "Imaginez-vous que l'on doive enseigner à des enfants les fonctions d'onde et l'équation de Schrödinger ?".
2. C'était une façon de me débarrasser rapidement d'une question importante, à un moment où j'avais autre chose à faire, mais manifestement la question demeure : oui, est-il vraiment souhaitable de donner à des étudiants des représentations erronées, qui seront "rectifiées" ultérieurement ?
3. A cette question, répondons à nouveau à côté, en observant que toutes les représentations sont fautives. D'ailleurs, les particules ont un comportement corpusculaire et un comportement ondulatoire, de sorte qu'il faudrait donner d'emblée les deux descriptions, chacune insuffisante.
4. Ce qui est évident, c'est que, vu le niveau mathématiques général (et de ceux qui m'ont posé la question en particulier), une présentation mathématique ne convient pas. Que dire, alors ?
5. La question de l'atome n'est pas particulière, et tous les objets scientifiques sont de ce type. Que pouvons-nous dire des molécules, du courant électrique, de la lumière, du mouvement ? Les molécules ? Assemblages d'atomes, elles ne sont pas des lettres fixes reliées par des traits. Le courant électrique ? L'effet Hall quantique montre que ce n'est pas un écoulement d'électrons analogue à un courant de liquide. Le mouvement ? La relativité restreinte suffit pour comprendre que les vitesses ne s'additionnent pas. Bref, chaque "théorie", associée à une "représentation", est insuffisante, à perfectionner, et l'apprentissage se fait lentement, en passant par des étapes qui sont ensuite dépassées.
6. D'ailleurs, un peu à la manière de l'ontogenèse qui récapitule la phylogénie, on pourrait penser que l'histoire des sciences nous donne un chemin à retracer, évidemment sans nous fourvoyer, comme cela fut fait.
7. De sorte que, finalement, apprendre, c'est peut-être utilement apprendre des représentations successives, toutes insuffisantes. En commençant par le plus ancien !
2. C'était une façon de me débarrasser rapidement d'une question importante, à un moment où j'avais autre chose à faire, mais manifestement la question demeure : oui, est-il vraiment souhaitable de donner à des étudiants des représentations erronées, qui seront "rectifiées" ultérieurement ?
3. A cette question, répondons à nouveau à côté, en observant que toutes les représentations sont fautives. D'ailleurs, les particules ont un comportement corpusculaire et un comportement ondulatoire, de sorte qu'il faudrait donner d'emblée les deux descriptions, chacune insuffisante.
4. Ce qui est évident, c'est que, vu le niveau mathématiques général (et de ceux qui m'ont posé la question en particulier), une présentation mathématique ne convient pas. Que dire, alors ?
5. La question de l'atome n'est pas particulière, et tous les objets scientifiques sont de ce type. Que pouvons-nous dire des molécules, du courant électrique, de la lumière, du mouvement ? Les molécules ? Assemblages d'atomes, elles ne sont pas des lettres fixes reliées par des traits. Le courant électrique ? L'effet Hall quantique montre que ce n'est pas un écoulement d'électrons analogue à un courant de liquide. Le mouvement ? La relativité restreinte suffit pour comprendre que les vitesses ne s'additionnent pas. Bref, chaque "théorie", associée à une "représentation", est insuffisante, à perfectionner, et l'apprentissage se fait lentement, en passant par des étapes qui sont ensuite dépassées.
6. D'ailleurs, un peu à la manière de l'ontogenèse qui récapitule la phylogénie, on pourrait penser que l'histoire des sciences nous donne un chemin à retracer, évidemment sans nous fourvoyer, comme cela fut fait.
7. De sorte que, finalement, apprendre, c'est peut-être utilement apprendre des représentations successives, toutes insuffisantes. En commençant par le plus ancien !
samedi 11 juillet 2020
Quoi, après la cuisine moléculaire ?
On m'interroge : qu'y aura-t-il après la gastronomie moléculaire ? Et la réponse est simple : la gastronomie moléculaire. Oui, car mon interlocuteur confond cuisine moléculaire et gastronomie moléculaire.
Je le répète : la cuisine moléculaire, c'est cette forme de cuisine modernisée qui utilise des ustensiles de cuisine modernes, venus des laboratoires de chimie. Introduit à partir des années 1980, elle est maintenant partout, avec des systèmes de cuisson qui ont considérablement progressé, quand la cuisson à basse température s'est imposée, que sont venus en cuisine des siphons, des filtres mieux pensés, des centrifugeuses, des sondes à ultrasons, des évaporateurs rotatifs, et j'en passe. Cela a engendré un nouveau style... et mon "oeuf parfait" est dans le monde entier.
La gastronomie moléculaire, introduite exactement en 1988, est bien différente : ce n'est pas de la cuisine, mais de la science, de la physico-chimie, et plus exactement l'étude scientifique des phénomènes qui ont lieu lors des transformations culinaires, que ces transformations résultent de cuisine classique ou de cuisine moléculaire.
Et après la gastronomie moléculaire ? La gastronomie moléculaire, puisqu'une science n'a pas de fin : il n'y aura pas plus de fin de la gastronomie moléculaire qu'il n'y aura de fin à l'astronomie, la biologie, la chimie...
Mais après la cuisine moléculaire ? Disons que, là, on parle de tendance, de mode. Et je fais tout ce qu'il faut pour que la prochaine tendance culinaire soit la cuisine note à note, cette cuisine qui est l'homologue de la musique de synthèse, en ce qu'elle utilise des ingrédients qui sont des "composés" (ce qui n'a rien à voir avec la lyophilisation, soit dit en passant).
Un plat de cuisine note à note par Erik Ayala-Bribiesca et Ismael Osorio, à Montréal, Canada, en 2012. |
vendredi 10 juillet 2020
Les "jaunes brûlés"
On dit de jaunes d'oeufs qui ont été longtemps au contact du sucre, sans que l'on ait fouetté et "fait le ruban", qu'ils sont "brûlés". De quoi s'agit-il ?
Commençons par donner une des explications fantaisistes (et FAUSSES) du phénomène (que je décris plus bas). Par exemple, j'ai trouvé l'élucubration suivante :
"Pourquoi le jaune brûle si on ne remue pas en versant le sucre ?
Les cellules lipidiques sont attirées par les glucides et produit une réaction chimique avec dégagement de chaleur.
Cela suffit pour coaguler la surface du jaune dut au contact avec le sucre si l'on ne le remue pas tout de suite"
Il faut immédiatement observer que cette explication n'a aucun sens !
Mais commençons par examiner le phénomène : quand on mélange des jaunes d'oeufs et du sucre, notamment en vue de faire une génoise, ou une crème anglaise, on n'a pas besoin d'être très savant pour voir de petits grains de sucre dispersés dans la solution aqueuse qu'est le jaune d'oeuf.
Toutefois, quand on laisse le sucre et les jaunes sans fouetter, il est exact que l'on a ensuite plus de mal à le faire. Ce n'est pas impossible, mais difficile. Et il y a donc un fondement à désigner cela par une expression : on dit classiquement que les "jaunes sont brûlés"... mais il n'y a évidemment pas de combustion.
Examinons maintenant l'explication que j'ai donnée plus haut, et que j'ai trouvée sous la plume d'un professeur de cuisine : il faut immédiatement signaler que les "cellules lipidiques" n'ont aucune existence, et même que cette expression n'a pas de sens !
Pour les animaux, maintenant, les muscles (la "viande") sont comme des faisceaux de fibres allongées : ces "fibres" sont des cellules, qui atteignent jusqu'à plusieurs dizaines centimètres de longueur... mais de très petit diamètre : il faut un microscope pour les voir.
Mais dans une émulsion, pas de cellules !
Observons que, ici, les formes rondes sont des gouttes d'huile microscopiques. Pas des granules, qu'on ne verrait qu'avec un grossissement bien supérieur du microscope. Pas des cellules.
Ainsi, parler de "cellules lipidiques" est complètement faux.
Ensuite, si l'on suppose que notre auteur s'est trompé de terme, et a utilisé le mot "cellules" pour "gouttelettes", dire que les gouttelettes d'huile (on nomme ainsi toute matière grasse à l'état liquide) sont attirées par les glucides, c'est faux. Il n'y a aucune attraction, au contraire, car les grains de sucre (du saccharose, mais j'utilise un terme moins pédant que notre auteur, qui veut manifestement faire croire qu'il est savant) sont entourée d'eau, le sucre de table étant hygroscopique (je n'explique pas pourquoi pour alléger la discussion).
Quant à une réaction chimique entre sucre et graisse, où notre auteur a-t-il trouvé cela ? C'est bien impossible... comme on s'en apercevra en mettant du sucre dans de l'huile : des années après, rien d'autre que du sucre et de l'huile !
Commençons par donner une des explications fantaisistes (et FAUSSES) du phénomène (que je décris plus bas). Par exemple, j'ai trouvé l'élucubration suivante :
"Pourquoi le jaune brûle si on ne remue pas en versant le sucre ?
Les cellules lipidiques sont attirées par les glucides et produit une réaction chimique avec dégagement de chaleur.
Cela suffit pour coaguler la surface du jaune dut au contact avec le sucre si l'on ne le remue pas tout de suite"
Il faut immédiatement observer que cette explication n'a aucun sens !
Mais commençons par examiner le phénomène : quand on mélange des jaunes d'oeufs et du sucre, notamment en vue de faire une génoise, ou une crème anglaise, on n'a pas besoin d'être très savant pour voir de petits grains de sucre dispersés dans la solution aqueuse qu'est le jaune d'oeuf.
Il est conseillé dans les livres de cuisine de fouetter immédiatement la préparation. A quoi bon ? Ce qui est clair, c'est que cette pratique contribue à dissoudre le sucre dans l'eau du jaune.
Lors de cette dissolution, le fouet fait blanchir la préparation parce qu'il introduit des myriades de bulles d'air, et l'on obtient alors une préparation couleur crème jaune, lisse, foisonnée.
Toutefois, quand on laisse le sucre et les jaunes sans fouetter, il est exact que l'on a ensuite plus de mal à le faire. Ce n'est pas impossible, mais difficile. Et il y a donc un fondement à désigner cela par une expression : on dit classiquement que les "jaunes sont brûlés"... mais il n'y a évidemment pas de combustion.
Examinons maintenant l'explication que j'ai donnée plus haut, et que j'ai trouvée sous la plume d'un professeur de cuisine : il faut immédiatement signaler que les "cellules lipidiques" n'ont aucune existence, et même que cette expression n'a pas de sens !
Je crois que l'auteur de cette phrase confond
- les tissus vivants, faits de cellules,
- les jaunes d'oeufs, composés de granules dispersés dans un plasma,
- et les émulsions, faites de gouttelettes (pour le lait, on parle de "globules") de matière grasse.
Reprenons tout cela plus lentement, puisque des correspondants m'ont dit avoir du mal à bien comprendre
Commençons avec les tissus vivants, végétaux par exemple,
Ainsi, une plante est un être vivant fait de divers "tissus végétaux" : une feuille diffère d'une tige, par exemple. Mais tous les tissus végétaux sont des assemblages de "cellules" (pas de "globules", pas de "particules"...), qui sont comme des sacs principalement emplis d'eau.
Au microscope, voici ce que l'on voit :
Ces sacs, les "cellules", sont dont des structures (il y a une organisation, n'est-ce pas ?) qui ont un intérieur et une "peau".
Ces sacs, les "cellules", sont dont des structures (il y a une organisation, n'est-ce pas ?) qui ont un intérieur et une "peau".
Pour l'intérieur, j'ai dit plus haut que c'était de l'eau, mais en réalité, en y regardant mieux, c'est plutôt une sorte de gel, avec différentes structures intracellulaires qui sont dispersées... mais je ne veux pas entrer dans les détail.
Pour la "peau", c'est une "membrane cellulaire", et les cellules végétales sont "cimentées" (collées entre elles) par une "paroi cellulaire" (laquelle est faite de cellulose, pectines, protéines..., mais c'est une autre affaire).
Pour les animaux, maintenant, les muscles (la "viande") sont comme des faisceaux de fibres allongées : ces "fibres" sont des cellules, qui atteignent jusqu'à plusieurs dizaines centimètres de longueur... mais de très petit diamètre : il faut un microscope pour les voir.
Et, là encore, il y a une peau et un intérieur. L'intérieur est principalement fait d'eau et de protéines (pensons à du blanc d'oeuf), tandis que la peau est ce que l'on nomme le "tissu conjonctif" (il réunit les cellules), fait majoritairement de protéines qui ont pour nom "collagène" (ce qui explique que l'on parle aussi de "tissu collagénique").
Et, pour terminer, tout cela est fait de molécules variées. Ces molécules sont bien trop petites pour apparaître au microscope, et il y en a des tas de sortes, dans les cellules.
Mais dans une émulsion, pas de cellules !
Oublions maintenant les fruits, légumes, viandes, poissons, et pensons à des sauces, telle la sauce mayonnaise.
On se souvient que l'on obtient celle-ci en utilisant du jaune d'oeuf, du vinaigre, de l'huile.
Pour l'huile, elle est principalement faite de molécules de triglycérides. Pas de "cellules" dans de l'huile.
Pour le vinaigre, il est fait principalement de molécules d'eau et de molécules d'acide acétique. Pas de "cellules" dans l'eau.
Pour le jaune d'oeuf, il n'y a pas de cellules non plus, mais des molécules d'eau, des molécules de protéines, et des molécules "lipidiques", avec une organisation en "granules" dans un "plasma".
Là, je dois insister un peu pour le jaune d'oeuf, et dire que ce "liquide" (oui, le jaune coule quand l'oeuf est cru) est fait d'un "plasma", lequel est une solution de protéines : cela signifie que des molécules de protéines sont dispersées dans de l'eau. Et, quand on regarde le jaune d'oeuf au microscope, on voit des "granules", comme de petits grains, qui sont des assemblages de molécules. Il n'y a pas de cellules, dans cette affaire !
Quand on mélange du jaune d'oeuf avec du vinaigre, on dilue le plasma, on l'étend, et les granules restent dans ce liquide.
Puis, quand on ajoute de l'huile en fouettant, on obtient une "émulsion", qui est faite de gouttelettes de matière grasse dispersées dans une solution aqueuse (pensons à de l'eau), ce qui apparaît au microscope ainsi :
Ainsi, parler de "cellules lipidiques" est complètement faux.
Ensuite, si l'on suppose que notre auteur s'est trompé de terme, et a utilisé le mot "cellules" pour "gouttelettes", dire que les gouttelettes d'huile (on nomme ainsi toute matière grasse à l'état liquide) sont attirées par les glucides, c'est faux. Il n'y a aucune attraction, au contraire, car les grains de sucre (du saccharose, mais j'utilise un terme moins pédant que notre auteur, qui veut manifestement faire croire qu'il est savant) sont entourée d'eau, le sucre de table étant hygroscopique (je n'explique pas pourquoi pour alléger la discussion).
Quant à une réaction chimique entre sucre et graisse, où notre auteur a-t-il trouvé cela ? C'est bien impossible... comme on s'en apercevra en mettant du sucre dans de l'huile : des années après, rien d'autre que du sucre et de l'huile !
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