Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mardi 12 février 2019
Que fait la science ? De la connaissance ? De la rationalité ?
Pendant longtemps, j'ai clamé un vigoureux "Vive la connaissance", tandis que j'écrivais souvent que "la science étend le royaume du connu".
Mais une nouvelle occasion de dire cela me donne la possibilité de m'arrêter, et de réfléchir à mon enthousiasme... que je trouve naïf et déplacé.
Non pas que l'enthousiasme messied, mais c'est sa lettre qui m'arrête. En effet, dans la mesure où la science propose des théories insuffisantes qu'elle précise, le royaume de la connaissance ne s'étant pas : notre ancêtre qui a la théorie d'une ondine qui fait déborder une rivière n'a pas moins de connaissance que nous qui pensons que le débit augmente parce qu'il a plu en amont, par exemple ; c'est seulement une interprétation différente, et il y a lieu de penser que la nôtre est plus opérative, puisqu'elle est prédictive. De même, notre ancêtre qui qui croit qu'un dieux du ciel envoie la foudre n'a pas moins de connaissance, en termes de quantité, que nous qui pensons à des charges électriques et à des arcs entre des zones chargées de l'atmosphère.
Oui, ce n'est pas plus de connaissance, mais des connaissances différentes, plus assurées.
Plus fondamentalement, et puisque nos connaissances sont révisables, c'est moins la nature de la connaissance qu'il faut donc considérer. La science, elle, contrairement à la croyance, est testable. Ce que disait Galilée quand il prônait l'expérience contre l'autorité ! Et l'expérience s'articule avec la connaissance produite par la logique, la rationalité.
Oui, ce n'est pas la connaissance, que je cherche à promouvoir, mais bien cette rationalité, fondée sur de la rigueur. D'ailleurs, dans la vie courante on gagne à parler d'approche rigoureuse, plus que d'approche scientifique. L'approche scientifique, elle, est réservée aux scientifiques, et je l'ai déjà tellement souvent exposé que je renvoie aux billets correspondants.
Oui, il ne faut pas galvauder la science si on veut la promouvoir efficacement.
Mais, j'y reviens : que clamer, avec beaucoup d'énergie ? Je propose un "Vive la raison, vive la rationalité !"
lundi 11 février 2019
Ce que je n'ai pas réussi à faire
Oui, je crois avoir réussi mon coup, en ce que le public sait maintenant qu'il y a des molécules dans les aliments : cela fait partie des enseignements de l'école, d'une part, et les chefs qui passent à la télévision sont sensibilisés, d'autre part. Bien sûr, il y a encore des confusions entre "naturel" et "artificiel" ou "synthétique", mais on y arrivera, surtout si l'école nous y aide, et ce sera pour le bien de tous, c'est-à-dire de chacun et de la collectivité.
En revanche, je n'ai pas réussi à bien faire passer la différence entre la chimie, qui est une science de la nature, et ses applications... que l'on retrouve trop souvent sous le nom indu, usurpé, de "industries chimiques". Non, il n'y a pas d'industries chimiques, parce qu'une industrie n'est pas une science. Il y a éventuellement des industries qui font usage de la chimie, mais on tomberait dans la faute du partitif en nommant cela "industries chimiques". Et cette confusion est néfaste pour tous, pour la chimie, d'une part, et pour les industries, donc le public qui peut y travailler.
Pourquoi n'ai-je pas réussi ?
Pour mille raisons, mais notamment parce que la communauté des chimistes n'a pas encore accepté l'idée que l'on doive nommer différemment la science chimique (la "chimie", donc) et ses applications. Pis encore, il y a eu des tentatives de rapprochement. Louables, certes, du point de vue de la communauté des personnes intéressées par les transformations moléculaires, mais nuisibles, puisque cela entérinait la confusion.
C'est au point que moi-même ai longtemps hésité à nommer "chimie" notre science ou ses applications, ayant quand même compris que l'on ne pouvait pas donner le même nom à deux activités différentes, ce qui est la moindre des choses : un tournevis n'est pas un marteau, n'est-ce pas ?
Je réponds en passant à une remarque courante : oui, ce sont les mêmes molécules dans un laboratoire de recherche scientifique et dans une usine, mais l'intention fait toute la différence : l'étude d'un phénomène, ce n'est pas l'utilisation de ce phénomène. Il y a toute la différence du monde, et, comme je sais que beaucoup ne la comprenne pas, j'explique sur un exemple :
- quand je cuisine, je produis des aliments
- quand j'étudie la cuisine, je produis de la connaissance.
Si j'étudie, je ne fais pas d'aliment. Mais si je cuisine, je ne fais pas de connaissance.
Là, c'est clair ?
Bref, il y a lieu lutter encore beaucoup contre des forces antagonistes ou des inerties. Les forces antagonistes ? Il y en a hélas beaucoup, entre ceux qui, par idéologie, refusent les avancées scientifiques, voyant encore là le mythe de Prométhée : pour eux, la chimie est une façon de donner le feu aux hommes, et cela peut faire des catastrophes (incendies, etc.). Il y a aussi ceux qui combattent le "capital" qui est personnifié en l'occurrence par l'industrie... qu'ils disent "chimique". Il y a ceux qui ignorent ce qu'est la chimie, et en ont peur. Il y a ceux qui voient dans la chimie la cause des pollutions, oubliant que c'est principalement la surpopulation mondiale qui est à l'origine de cela. Il y a ceux qui...
Tout cela s'apparente à un combat des vaillants guerriers réunis au Valhalla, dans la mythologie alsacienne, pour lutter contre les géants qui veulent détruire le monde créé par les dieux, libérant le loup géant qui tuera Wotan. Si l'on cesse de combattre, ce sera la fin, de sorte que, éternellement, nous devrons lutter. Lutter contre les peurs, lutter contre les malhonnêtetés intellectuelles, lutter contre les "méchants", les paresseux, les autoritaires, les escrocs, lutter contre la pensée magique, lutter contre les idéologies qui ne s'affichent pas.
Bref, luttons sans relâche contre le Ragnarok
En revanche, je n'ai pas réussi à bien faire passer la différence entre la chimie, qui est une science de la nature, et ses applications... que l'on retrouve trop souvent sous le nom indu, usurpé, de "industries chimiques". Non, il n'y a pas d'industries chimiques, parce qu'une industrie n'est pas une science. Il y a éventuellement des industries qui font usage de la chimie, mais on tomberait dans la faute du partitif en nommant cela "industries chimiques". Et cette confusion est néfaste pour tous, pour la chimie, d'une part, et pour les industries, donc le public qui peut y travailler.
Pourquoi n'ai-je pas réussi ?
Pour mille raisons, mais notamment parce que la communauté des chimistes n'a pas encore accepté l'idée que l'on doive nommer différemment la science chimique (la "chimie", donc) et ses applications. Pis encore, il y a eu des tentatives de rapprochement. Louables, certes, du point de vue de la communauté des personnes intéressées par les transformations moléculaires, mais nuisibles, puisque cela entérinait la confusion.
C'est au point que moi-même ai longtemps hésité à nommer "chimie" notre science ou ses applications, ayant quand même compris que l'on ne pouvait pas donner le même nom à deux activités différentes, ce qui est la moindre des choses : un tournevis n'est pas un marteau, n'est-ce pas ?
Je réponds en passant à une remarque courante : oui, ce sont les mêmes molécules dans un laboratoire de recherche scientifique et dans une usine, mais l'intention fait toute la différence : l'étude d'un phénomène, ce n'est pas l'utilisation de ce phénomène. Il y a toute la différence du monde, et, comme je sais que beaucoup ne la comprenne pas, j'explique sur un exemple :
- quand je cuisine, je produis des aliments
- quand j'étudie la cuisine, je produis de la connaissance.
Si j'étudie, je ne fais pas d'aliment. Mais si je cuisine, je ne fais pas de connaissance.
Là, c'est clair ?
Bref, il y a lieu lutter encore beaucoup contre des forces antagonistes ou des inerties. Les forces antagonistes ? Il y en a hélas beaucoup, entre ceux qui, par idéologie, refusent les avancées scientifiques, voyant encore là le mythe de Prométhée : pour eux, la chimie est une façon de donner le feu aux hommes, et cela peut faire des catastrophes (incendies, etc.). Il y a aussi ceux qui combattent le "capital" qui est personnifié en l'occurrence par l'industrie... qu'ils disent "chimique". Il y a ceux qui ignorent ce qu'est la chimie, et en ont peur. Il y a ceux qui voient dans la chimie la cause des pollutions, oubliant que c'est principalement la surpopulation mondiale qui est à l'origine de cela. Il y a ceux qui...
Tout cela s'apparente à un combat des vaillants guerriers réunis au Valhalla, dans la mythologie alsacienne, pour lutter contre les géants qui veulent détruire le monde créé par les dieux, libérant le loup géant qui tuera Wotan. Si l'on cesse de combattre, ce sera la fin, de sorte que, éternellement, nous devrons lutter. Lutter contre les peurs, lutter contre les malhonnêtetés intellectuelles, lutter contre les "méchants", les paresseux, les autoritaires, les escrocs, lutter contre la pensée magique, lutter contre les idéologies qui ne s'affichent pas.
Bref, luttons sans relâche contre le Ragnarok
dimanche 10 février 2019
Le rôle de la science en cuisine?
Des élèves de lycée qui font des travaux personnels encadrés me viennent des questions naïves, comme il y a quelques jours, mais, aussi, des questions remarquablement pertinentes, qui appellent des réponses d'intérêt très général, difficiles à préparer.
Ainsi, aujourd'hui :
Comment est-ce que la gastronomie moléculaire permet de concilier "art culinaire" et "chimie" ?
Je crois dépister que mon interlocutrice sait que la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique, à savoir l'activité scientifique qui explore les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaire.
Le deuxième terme de la question est "art culinaire" : il s'agit donc d'une activité artistique, hors du champ scientifique, où l'objectif est -disons pour simplifier- l'émotion. Et la grande question de l'art culinaire est, en gros, de faire "bon", c'est-à-dire beau à manger. J'insiste un peu : pas beau à voir, même si cela ne gâche rien que les mets aient une "belle apparence", mais d'abord "bon" ; à savoir que l'on ferme les yeux, on met en bouche, et l'on déguste comme on écouterait un musicien faire de la musique.
Troisième terme : la chimie. Là, comme dit dans nombre de billets précédents, il s'agit d'une science de la nature, et plus exactement celle qui considère les réarrangements d'atomes.
Sur cette base, peut-on espérer "concilier" art culinaire et chimie ?
Je vois deux activités bien différentes, et je crois comprendre que s'il y a deux objectifs séparés (pensons Strasbourg et Quimper), il y a deux chemins différents qui y mènent. Plus précisément, l'art culinaire n'a pas sa place en chimie, et la chimie (science) n'a pas sa place dans l'art culinaire. Donc on ne peut pas les "concilier"... Terme qui signifie "rapprocher des entités".
Mais prenons la question différemment, en oubliant cette "conciliation". Il faut d'abord observer que tout art se fonde sur une technique, et ici la technique culinaire. Or quand on fait un geste technique (griller un steak, battre un blanc en neige...), on provoque des transformations. En cuisine, ces transformations sont de structure et de composition moléculaire. Or l'étude des transformations culinaires est précisément la gastronomie moléculaire !
Donc finalement, la gastronomie moléculaire explore les bases techniques de l'art culinaire, sans rien concilier du tout. Clair ?
samedi 9 février 2019
La gastronomie moléculaire au quotidien ?
Ce matin, une question qui appelle une réponse :
Bonjour Monsieur This,
Et voici ma réponse :
Bonjour Monsieur This,
Je m'appelle xxxxx, j'ai 19 ans, je suis
pâtissier et actuellement en BTM (brevet technique du métier). Le but, à
la fin de ce diplôme, est de faire un mémoire qui propose une thématique
et une problématique, puis créer un projet autour de la problématique
choisie, dans mon cas "comment intégrer la cuisine
et gastronomie moléculaire dans notre quotidien" .
Je sais que votre
temps est précieux, mais cela serai un grand honneur pour moi de créer
ce projet avec vous, qui avez introduit ce courant
gastronomique.
Merci d'accorder votre temps à lire ce mail.
Avec mes salutations distingués.
Merci de votre message. Je peux évidemment vous aider, mais la question me paraît à affiner.
Vous posez la question : "comment
intégrer la cuisine et gastronomie moléculaire dans notre quotidien",
et il y a donc une amphibologie. Voulez vous dire "comment intégrer la cuisine moléculaire (d'une part) et la gastronomie moléculaire (d'autre part) dans notre quotidien" ?
Pour
la cuisine moléculaire, dont la définition est d'utiliser des
ustensiles venus des laboratoires, la chose est déjà faite, puisque les
fours ont tous des fonctions basse température (d'où les oeufs parfaits
partout dans le monde), et que les siphons sont en vente chez Lidl, par
exemple ; les perles d'alginate se vendent dans des boites à Noël. Bien
sûr, on peut continuer , et on continuera : il y a quelques semaines,
j'ai appris qu'un fabricant vendait des sondes à ultrasons pour faire
les émulsions, ce que j'avais proposé en 1984 !
Maintenant,
la "gastronomie moléculaire dans notre quotidien" ? La gastronomie
moléculaire étant une activité scientifique, elle ne peut être que dans
le quotidien de ceux qui la pratiquent (des scientifiques dans des
laboratoires), de ceux qui l'enseignent (les professeurs de cuisine de
l'éducation nationale reçoivent des cours de gastronomie moléculaire) ou
de ceux qui l'apprennent (dans les écoles à des niveaux variés, comme
pour des cours de physique, de chimie ou de biologie).
Mais ce n'est peut-être pas cela que vous aviez en tête ?
J'y
pense : connaissez vous les séminaires de gastronomie moléculaire, et
voulez vous recevoir les annonces et résultats ? Il suffit de me demander de vous inscrire sur la liste de distribution.
"Naturellement chimique" : un bon combat avec de mauvais mots
Nous sommes bien d'accord : il faut absolument combattre les peurs irrationnelles, car elles conduisent à des décisions absurdes, et, dans la communauté nationale (ou internationale), cela peut être grave, ou gênant.
Ces temps-ci, le public a parfois peur de son alimentation, au point que des journalistes (qui ne sont en réalité que des ambassadeurs du public, sans plus de connaissance) en rajoutent, tandis que quelques malhonnêtes manipulent la communauté, idéologiquement ou commercialement.
Et puis, la Raison veut que l'on combatte pour plus de Lumières, n'est-ce pas ? Diderot et ses amis parlaient de "tyrannie", et c'est bien de cela dont il est question : d'obscurantisme. On évoquant des fées ou des sorcières pour les phénomènes que l'on ne comprenait pas, mais la science moderne a mis de l'ordre dans tout cela, et elle n'a pas fini. Plus généralement, le combat des Lumières est loin d'être terminé !
La "chimie", notamment, fait l'objet de discussions idiotes, au "café du commerce" moderne que sont les réseaux sociaux. Il faut pourtant dire que la chimie est une science de la nature, qui produit de la connaissance.
Bien sûr, son application peut faire des poisons (ou des médicaments), mais ce n'est pas la chimie qui est responsable de ces produits : l'arbre n'est pas le fruit, comme le disait bien Louis Pasteur !
Dans ce contexte, la Société française de chimie (qui ne sais pas parler français puisqu'elle se nomme "Société chimique de France") veut mener une action qu'elle intitule "naturellement chimique". Le combat est bon : il faut, comme dit plus haut, expliquer au public ce qu'est cette chimie qu'il contribue à développer par ses impôts. Pour autant, le dictionnaire, qui fait loi en matière de définition, indique que le naturel est ce qui ne fait pas l'objet d'une intervention humaine. Autrement dit, l'eau de pluie est naturelle, mais pas l'eau en bouteille -même si elle avait la même composition-, puisqu'il a bien fallu que quelqu'un capte l'eau, et la mette en bouteille.
Alors... naturellement chimique ? Puisque la chimie est une science, donc toute humaine, il n'y a pas de produits "naturellement chimiques". Et il ne reste qu'une possibilité, pour comprendre sans faute le "naturellement chimique" : l'interpréter comme un "évidemment chimique" (avec donc un usage très rhétorique du mot "naturellement", qui est en l'occurrence très mal venu).
Reste qu'il ne faudra pas confondre la chimie, science, et ses applications. Je répète que l'industrie qui fait usage de la chimie, des connaissances produites par les scientifiques que sont les chimistes, n'est pas une "industrie chimique", puisqu'elle ne fait de la science, mais de la technologie !
vendredi 8 février 2019
Des arrêts contestables
Un ami me transmet un "arrêt de la cour (grande chambre)" du 13 novembre 2018, à propos d'un litige entre deux sociétés agroalimentaires, l'une étant accusée d'avoir plagié un produit de l'autre. Il s'agit, dit le texte, d'une plainte pour "violation des droits de propriété intellectuelle relatifs à la saveur d'un produit alimentaire". Il y a, conformément au genre, un rappel des règles ou lois qui peuvent s'appliquer à propos des oeuvres d'art, plus un exposé du litige, dont voici un extrait : "le droit d'auteur sur une saveur renvoie à l'impression d'ensemble provoquée par la consommation d'un produit alimentaire sur les organes sensoriels du goût, en ce compris la sensation en bouche perçue par le sens du toucher". Et finalement, une directive européenne est interprétée, comme "s'opposer à ce que la saveur d'un produit alimentaire soit protégée par le droit d'auteur".
Je veux discuter deux points :
1. les termes du document qui m'a été transmis... et qui sont très contestables, contradictoires, et formant une base sur laquelle les avocats ou la cour ne pouvaient pas prendre vraiment parti : je propose donc que cet arrêt soit invalidé
2. la question du droit d'auteur pour les aliments.
A propos de terminologie
On peut bien sûr imaginer que la traduction de l'arrêt soit mauvaise, mais je propose d'observer qu'il y a le plus grand désordre dans les textes que je cite (des extraits, pour ne pas alourdir ce billet). Par exemple, il est question de "saveur"... mais je pressens qu'il était question de goût... mot utilisé ailleurs à propos d'"organes sensoriels" ! Finalement, de quoi parle-t-on ? Et pourquoi spécifier que la bouche perçoit des sensations tactiles (consistance) ?
Cette cacophonie n'est pas neuve, comme si un dieu jaloux avait voulu mettre la discorde entre les constructeurs de la tour de Babel. Mais ma comparaison est tendancieuse, car si les constructeurs de ladite tour étaient fous (vouloir toucher le ciel!), la volonté de s'entendre sur les mots du goût est la condition d'avancées scientifiques, en même temps -on le voit- que la possibilité de réglementer et de juger de façon raisonnable (les gens de loi le veulent-ils vraiment, ou bien préfèrent-ils avoir de quoi exercer leurs talents pendant longtemps ?).
Je rappelle ma proposition :
1. quand nous approchons un aliment de la bouche, nous percevons ses couleurs, ses "textures visuelles" (brillant, mat, etc.), son odeur "anténasale" (quand les composés odorants qui vont de l'aliment à l'air arrivent dans nos narines), et jusqu'à son nom qui nous influence (le mot "citron" fait saliver).
2. puis, en bouche, nous sentons le "goût". Plus analytiquement :
- l'aliment est mastiqué, avec les dents qui perçoivent la consistance (et non la texture, mais c'est là un détail) ;
- cette mastication libère des composés qui se dissolvent dans la salive, et peuvent atteindre les récepteurs des papilles, ou bourgeons du goût, et c'est la perception des saveurs;
- simultanément, la mastication, qui chauffe l'aliment (s'il est froid) libère des composés odorants, qui montent vers le nez, ce qui correspond à une odeur "rétronasale"
- et il y a toutes les autres sensations : température, trigéminal (piquants, frais...), calcium, acides gras insaturés à longue chaîne
Tout cela, c'est le goût, dont les saveurs ne sont qu'une composante pas isolable du reste. On comprend que le libellé de l'arrêt est d'une médiocrité indécente !
A propos de droit d'auteur
Je sens les gens de loi (certains) assez retors pour faire valoir que le droit d'auteur pourrait ne pas s'appliquer à des oeuvres d'art culinaire... puisque j'ai même rencontré des individus assez bornés pour penser que les productions culinaires ne soient pas de l'art. C'était un parti pris irréfléchi, voire idiot, car qu'est-ce que le "bon" sinon le "beau à manger" ? Je renvoie à mon livre, où je fais une "esthétique" du goût, le mot "esthétique" désignant une branche de la philosophie, et non le beau à regarder.
Cela dit, je dois aussi témoigner (c'est du vrai, je peux produire des preuves) que j'ai été expert dans une affaire telle que celle-ci... et que c'était une mascarade où j'ai perdu mon temps : il y avait, certes, la société X qui accusait la société Y de contrefaçon... mais, en vrai, ils se moquaient du fond de l'affaire et des arguments réels, car c'était seulement un retour du berger à la bergère, la société Y ayant fait plus tôt un procès à la société X... Et tout cela s'est terminé à l'amiable.
Alors qu'il y aurait eu lieu de trancher ! Je maintiens qu'il y a des contrefaçons, et même si l'on ne peut pas breveter une préparation culinaire, on peut parfaitement reconnaître une copie.
Je veux discuter deux points :
1. les termes du document qui m'a été transmis... et qui sont très contestables, contradictoires, et formant une base sur laquelle les avocats ou la cour ne pouvaient pas prendre vraiment parti : je propose donc que cet arrêt soit invalidé
2. la question du droit d'auteur pour les aliments.
A propos de terminologie
On peut bien sûr imaginer que la traduction de l'arrêt soit mauvaise, mais je propose d'observer qu'il y a le plus grand désordre dans les textes que je cite (des extraits, pour ne pas alourdir ce billet). Par exemple, il est question de "saveur"... mais je pressens qu'il était question de goût... mot utilisé ailleurs à propos d'"organes sensoriels" ! Finalement, de quoi parle-t-on ? Et pourquoi spécifier que la bouche perçoit des sensations tactiles (consistance) ?
Cette cacophonie n'est pas neuve, comme si un dieu jaloux avait voulu mettre la discorde entre les constructeurs de la tour de Babel. Mais ma comparaison est tendancieuse, car si les constructeurs de ladite tour étaient fous (vouloir toucher le ciel!), la volonté de s'entendre sur les mots du goût est la condition d'avancées scientifiques, en même temps -on le voit- que la possibilité de réglementer et de juger de façon raisonnable (les gens de loi le veulent-ils vraiment, ou bien préfèrent-ils avoir de quoi exercer leurs talents pendant longtemps ?).
Je rappelle ma proposition :
1. quand nous approchons un aliment de la bouche, nous percevons ses couleurs, ses "textures visuelles" (brillant, mat, etc.), son odeur "anténasale" (quand les composés odorants qui vont de l'aliment à l'air arrivent dans nos narines), et jusqu'à son nom qui nous influence (le mot "citron" fait saliver).
2. puis, en bouche, nous sentons le "goût". Plus analytiquement :
- l'aliment est mastiqué, avec les dents qui perçoivent la consistance (et non la texture, mais c'est là un détail) ;
- cette mastication libère des composés qui se dissolvent dans la salive, et peuvent atteindre les récepteurs des papilles, ou bourgeons du goût, et c'est la perception des saveurs;
- simultanément, la mastication, qui chauffe l'aliment (s'il est froid) libère des composés odorants, qui montent vers le nez, ce qui correspond à une odeur "rétronasale"
- et il y a toutes les autres sensations : température, trigéminal (piquants, frais...), calcium, acides gras insaturés à longue chaîne
Tout cela, c'est le goût, dont les saveurs ne sont qu'une composante pas isolable du reste. On comprend que le libellé de l'arrêt est d'une médiocrité indécente !
A propos de droit d'auteur
Je sens les gens de loi (certains) assez retors pour faire valoir que le droit d'auteur pourrait ne pas s'appliquer à des oeuvres d'art culinaire... puisque j'ai même rencontré des individus assez bornés pour penser que les productions culinaires ne soient pas de l'art. C'était un parti pris irréfléchi, voire idiot, car qu'est-ce que le "bon" sinon le "beau à manger" ? Je renvoie à mon livre, où je fais une "esthétique" du goût, le mot "esthétique" désignant une branche de la philosophie, et non le beau à regarder.
Cela dit, je dois aussi témoigner (c'est du vrai, je peux produire des preuves) que j'ai été expert dans une affaire telle que celle-ci... et que c'était une mascarade où j'ai perdu mon temps : il y avait, certes, la société X qui accusait la société Y de contrefaçon... mais, en vrai, ils se moquaient du fond de l'affaire et des arguments réels, car c'était seulement un retour du berger à la bergère, la société Y ayant fait plus tôt un procès à la société X... Et tout cela s'est terminé à l'amiable.
Alors qu'il y aurait eu lieu de trancher ! Je maintiens qu'il y a des contrefaçons, et même si l'on ne peut pas breveter une préparation culinaire, on peut parfaitement reconnaître une copie.
jeudi 7 février 2019
A propos d'organisation des études : quel contenu retenir ?
Dans ma vision des études supérieures, je vois donc des professeurs qui sont chargés (1) de professer et (2) de contribuer à l'orchestration des études, l'organisation des diplomations.
La question du choix des matières, des référentiels d'examen est essentielle, puisque l'université doit trancher en matière de diplômes. Que retenir dans l'immensité des possibles ? Observons que même si on limite un champ (par exemple, la technologie des aliments), il faut mille connaissances, qui vont de la microbiologie à la physique la plus avancée (pour les nanoparticules), par exemple.
Le choix ne peut pas être arbitraire, alors comment peut-il être ?
D'autre part, j'observe que le contrat doit être clair, et que, souvent, en France, il ne l'est pas : lors de mes études supérieures, je ne me souviens pas avoir eu de référentiel explicite des matières à connaître, et, au contraire, j'ai eu des professeurs qui punissaient l'absence à leurs cours par la donnée, lors des examens, de questions qui n'étaient pas stipulées dans les polycopiés : minable attitude de ceux qui veulent un public captif pour le gaver, non ?
Puisque la bonne idée est de responsabiliser les "collègues plus jeunes" (ma façon de désigner ce que beaucoup nomment des étudiants), ne pourrions-nous pas avoir, en début d'année universitaire, une réunion qui mêlerait toutes les parties en présence, afin que les professeurs exposent leurs vues, les confrontent, devant des jeunes collègues qui pourraient discuter les arguments. Chaque professeur dirait des connaissances et des compétences qu'il utilise dans l'exercice de son métier, et sur la longue liste établie, on retiendrait en priorité les informations, notions, concepts, méthodes qui apparaîtraient le plus souvent ?
On obtiendrait alors une liste qui serait un document fondateur, et le repère constant que professeurs et collègues plus jeunes utiliseraient au cours du cursus considéré.
La question du choix des matières, des référentiels d'examen est essentielle, puisque l'université doit trancher en matière de diplômes. Que retenir dans l'immensité des possibles ? Observons que même si on limite un champ (par exemple, la technologie des aliments), il faut mille connaissances, qui vont de la microbiologie à la physique la plus avancée (pour les nanoparticules), par exemple.
Le choix ne peut pas être arbitraire, alors comment peut-il être ?
D'autre part, j'observe que le contrat doit être clair, et que, souvent, en France, il ne l'est pas : lors de mes études supérieures, je ne me souviens pas avoir eu de référentiel explicite des matières à connaître, et, au contraire, j'ai eu des professeurs qui punissaient l'absence à leurs cours par la donnée, lors des examens, de questions qui n'étaient pas stipulées dans les polycopiés : minable attitude de ceux qui veulent un public captif pour le gaver, non ?
Puisque la bonne idée est de responsabiliser les "collègues plus jeunes" (ma façon de désigner ce que beaucoup nomment des étudiants), ne pourrions-nous pas avoir, en début d'année universitaire, une réunion qui mêlerait toutes les parties en présence, afin que les professeurs exposent leurs vues, les confrontent, devant des jeunes collègues qui pourraient discuter les arguments. Chaque professeur dirait des connaissances et des compétences qu'il utilise dans l'exercice de son métier, et sur la longue liste établie, on retiendrait en priorité les informations, notions, concepts, méthodes qui apparaîtraient le plus souvent ?
On obtiendrait alors une liste qui serait un document fondateur, et le repère constant que professeurs et collègues plus jeunes utiliseraient au cours du cursus considéré.
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