lundi 29 janvier 2018

Réponse à des questions, à propos de cuisine moléculaire (le passé) et de cuisine note à note (le présent, le futur)


Un journaliste m'interroge : 

La nouvelle technologie et les méthodes utilisées dans la cuisine moleculaire (azote liquide, cuisine sous-vide, gélifiants, émulsifiants) ont pour objectif final d'équiper l'espace domestique en y apportant de la précision en matière de temperature, en y évitant le gaspillage dû à des méthodes moyennageuses, en rendant la cuisine plus facile, avec des préparations comme les nouilles instantannées type ramen par exemple, tout en ayant comme aspect économique la réduction des prix. Comment penser ces instruments en terme d'acte et de puissance ? (ex. : le décalage entre la conception du micro-ondes, l'idéalisation de son utilisation dans la vie domestique et son utilisation réelle très limitée


Et voici la réponse.

Commençons par dire que la cuisine moléculaire avait pour but de rénover les techniques culinaires. 


À quel point nous y sommes-nous parvenus ? Je fais déjà observer que les siphons sont en vente dans les supermarchés les plus populaires. D'autre part les gélifiants que sont l'agar-agar, les carraghénanes, etc. sont maintenant partout, ce qui était un de mes objectifs (plus de notes sur le piano que les seules pectines et gélatines).
Pour l'azote liquide, c'était une façon spectaculaire de montrer la possibilité de faire autre chose et parfois mieux que les techniques classiques.

De toute façon dans l'immensité des propositions, on ne pouvait pas imaginer que toutes seraient retenues. Mais aujourd'hui les fours domestiques sont équipés de fonction basse température et on n'a plus besoin de thermocirculateur.
D'autre part, même les cuisiniers qui disent qu'ils ne font pas de la cuisine moléculaire ont maintenant changé et des préparations qui n'étaient pas présentes dans La cuisine du marché de Paul Bocuse en 1976 sont partout dans le monde.
Ce mouvement de rénovation continue, c'est-à-dire qu'il doit se poursuivre sans relâche, et qu'il se poursuivra toujours.

De toute façon, je cherche à montrer maintenant une voie complètement nouvelle, à savoir la cuisine note à note. La cuisine moléculaire a été créée il y a 35 ans et c'est donc quelque chose très ancien, de sorte que je ne pense pas que les cuisiniers modernes doivent s'y intéresser beaucoup. En revanche, je suis absolument certain que la cuisine note est une tendance qui va être durable pour des tas de raisons que j'explique dans mon livre sur la cuisine note à note.
Notamment la cuisine note à note permet de lutter contre gaspillage... sachant quand même que la vraie question, c'est la démographie et que nous ne devons pas oublier de le dire et de le redire. Si nous manquons d'aliments, de la pollution, etc. c'est parce qu'il y a trop d'humains sur la terre.


Pour ce qui concerne les plats tout préparés, la question est compliquée, et je propose de considérer le sucre en poudre : personne, aujourd'hui, n'utilise de betterave ou de canne à sucre pour sucrer, et tous les cuisiniers du monde ont du sucre en poudre, qui le fruit d'un travail de l'industrie.
Pour les nouilles instantanées, par exemple c'est exactement la même chose et c'est pour cette raison que se pose avec beaucoup d'acuité aujourd'hui la question du fait maison. Si l'on supporte les nouilles instantanées, faut-il supporter dans les restaurants les pâtes feuilletées toutes faites, et pourquoi pas les coq au vin ?
Dans ce débat, la question économique n'est pas tout, et la question artistique est essentielle. Je rappelle qu'un morceau de papier et un morceau de charbon permettent à Picasso de faire des œuvres qui se vendent des millions de dollars. Il ne s'agit pas de technique, mais d'art.

Un ajout à propos de cuisine moléculaire : oui, il s'agissait bien de rénover des techniques complètement périmées. Il n'est pas vrai que le four à micro-ondes ait une utilisation réelle très limitée comme vous le dites, car les étudiants, qui vivent dans de petites chambres, n'ont, pour cuisiner, qu'un four à micro-ondes, et cet objet est tellement popularisé qu'il est en vente dans toutes les grandes surfaces. De même les appareils électroménagers, même s'il sont à mon goût très rudimentaires et insuffisants, se sont introduits partout, et ils facilitent le travail des cuisiniers, ce qui est essentiel.
Je propose, dans nos discussions, de ne pas faire d'amalgame, et de distinguer le travail des cuisiniers domestiques et des cuisiniers professionnels, mais aussi des cuisiniers de restauration collective qui sont beaucoup plus nombreux que les cuisiniers professionnels de restauration commerciale. Pour chaque profession, il y a des impératifs particuliers, et donc des techniques particulières. Par exemple on ne produit pas de la même façon pour 500 personnes et pour 50.


Une autre question :

On peut accorder que la cuisine moléculaire et la cuisine "note à note" ont un lien fantastique avec la science fiction. En relation à ça, pourriez-vous penser les différentes associations qui se font entre la science fiction et la réalité actuelle ou future de ces cuisines ?

Non je ne suis pas d'accord : la cuisine moléculaire et la cuisine note à note n'ont rien à voir avec la science-fiction. Ce sont des cuisines tout à fait pratiques tout à fait modernes, tout à fait actuelles. Ici, je propose de ne pas trop rêver. N'oubliez pas que je suis un physico-chimie, c'est-à-dire une brute, pratique, et je me préoccupe du quotidien de chaque citoyen. C'est pour cela que je suis payé par le gouvernement français. Je m'intéresse à la cuisine trois étoiles parce que c'est le moyen d'introduire des techniques et des produits qui sont refusés par le public, mais qui, s'ils sont plébiscités par les cuisiniers étoilés, redescendront vers le public. C'est une stratégie qui a été mise en œuvre par Parmentier pour introduire la pomme de terre en France. Je l'ai mise en œuvre pour la cuisine moléculaire, et je recommence avec la cuisine note à note.
Avec la cuisine note à note, d'ailleurs, je distingue bien la cuisine note à note pure, réservé à une élite, et la cuisine note à note pratique, qui sera une évolution lente et régulière de la cuisine générale. Il ne s'agit pas de science-fiction, mais simplement d'art moderne, lequel deviendra en art ancien. Pensez par exemple au jazz classique : à la fin de la guerre mondiale, cette musique était si moderne que les vieux disaient que c'était de la musique de sauvage, que ce n'était pas de la musique. Aujourd'hui elle est complètement classique. Il en sera de même pour la cuisine note à note, et je le répète, il ne s'agit certainement pas de science-fiction.
D'ailleurs j'ai réfléchi à ce qui suivrait la cuisine note à note, et je vois que des casques permettent d'introduire des souvenirs dans le cerveau des souris, de sorte que j'imagine très bien que l'on puisse transmettre des goûts, et que l'on puisse distinguer un jour les nutriments et les sensations sensorielles.


Et encore :

Si on dit que la cuisine "note à note"consiste en la préparation d´aliments à partir de composants (acides, sucres, éthanol, eau). Pourrait-on appliquer ce concept au vin? Comment serait son application à la vie domestique? D'un autre côté, que pensez-vous du dioxide de soufre et son utilisation dans la procédure de vinification ?

Attention à votre définition de la cuisine note à note : il ne s'agit pas de préparer des aliments à partir de composants mais de composés, en anglais « compounds ».
On peut parfaitement faire des boissons note à note.. et elles existent déjà : ce sont tous les Schweppes, Coca-Cola, les alcools de Bols, etc. J'en ai fait : ça prend quelques de secondes et c'est très amusant.
Pour le vin, en revanche, il y a une impossibilité légale, à savoir que le vin est par définition le résultat de la fermentation du jus de raisin dans des conditions parfaitement définies par la loi. Il est très facile de faire boissons qui ressemblent à du vin, il est très facile de faire des compositions odorantes qui s'apparentent parfaitement au bouquet d'un Haut Brion 85, mais ce n'est pas du vin.
Dans la vie courante ? Quand j'avais six ans, j'emportais à l'école de l'acide citrique et du bicarbonate de sodium pour me faire des limonades artificielles. C'est donc extrêmement facile, ce n'est pas nouveau, mais si nous avons à notre disposition des composés plus intéressants que les deux que je viens de citer, alors nous pouvons faire des choses absolument merveilleuses. Il y a quelques décennies, il y avait ainsi une poudre nommée Tang qui permettait de faire des jus d'orange instantanés. C'était amusant, un peu trop acide, cela a eu beaucoup de succès pendant un temps.

Pour le dioxyde de soufre, il faut savoir qu'il y a naturellement des sulfites dans les végétaux, donc dans les raisins. Ce que je vois, c'est que les vins sans soufre sont souvent acétifiés (je n'aime pas!), et que les méthodes trop « naturelles » conduisent souvent à augmenter les doses de sulfate de cuivre dans les vignes. Je m'étonne que le bio ait eu le droit d' utiliser pendant si longtemps le permanganate de potassium ! Car n'importe quel chimiste sait que ce composé est extrêmement violent. Il a été interdit il y a peu, ce qui est très bien, mais je vois quand même des comportements bizarres chez nos concitoyens. Par exemple, laisser la peau de pommes de terre sur des pommes de terre bio ! On voudrait éviter des pesticides, mais on laisse alors des alcaloïdes toxiques des tubercules ? Faisons des procès aux empoisonneurs !
En matière de santé et d'alimentation, je ne cesse de répéter que nos comportements sont complètement incohérents. De sorte que je refuse d'occuper de détail, quand le public fume, bois de l'alcool, mange des viandes cuites au barbecue, n'enlève pas la peau de pommes de terre, etc.


Que pense la gastronomie moléculaire du travail génétique des aliments?

Pour le travail génétique, la gastronomie moléculaire n'a rien à en penser... puisque la gastronomie moléculaire n'est pas une personne ne, mais une discipline scientifique.
Surtout, il y a une infinité de possibilités de transformations génétiques. Pour la technique culinaire, seule compte la composition physico-chimiques des aliments, de sorte que des végétaux génétiquement transformés dont la composition physico-chimique serait la même que celle de tissus végétaux classiques ne font pas de différence.
Mais, de toute façon, il s'agit d'une question politique, de sorte que répondre à la question ne conduit qu'à une conséquence : perdre des amis et ne convaincre personne. Cela fait longtemps que j'ai décidé de ne pas répondre à la question des OGM, et je propose plutôt à mes interlocuteurs de passer du temps à découvrir pratiquement dont il s'agit au lieu d'interroger des gourous.
D'ailleurs, j'ai fait une petite erreur en vous répondant que la composition chimique des aliments transformés génétiquement pouvait être la même que celle d'aliments classiques. Si vous n'avez pas envie de l'entendre, vous me direz que ce n'est pas juste et toutes les publications scientifiques que je pourrais vous donner pour attester mes dire de vous convaincront pas. De sorte que je reprends ma réponse. Je ne réponds pas à la question, et je vous invite à aller y voir plus en détail. Je revendique quand même que mes interlocuteurs qui parlent de génétique moléculaire sachent quand même ce dont il s'agit : qu'est-ce qu'une molécule ? Qu'est-ce qu'un composé ? Qu'est-ce qu'un composé artificiel ? Quelle différence avec un composé de synthèse ? Qu'est-ce qu'un composé chimique, qu'est-ce que l'ADN, qu'est-ce qu'une cellule, qu'est-ce qu'un organisme vivant ?




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

dimanche 28 janvier 2018

Peut-on conserver de la mayonnaise ?

Peut-on conserver de la mayonnaise ? J'ai décrit la sauce en détail dans un autre billet, mais on m'a fait le reproche (amical) de ne pas avoir répondu à la question.

Et pour cause : je ne suis pas microbiologiste ! 

En conséquence, comme il y a une responsabilité à proposer de conserver ou non la mayonnaise, j'ai interrogé LE spécialiste de la microbiologie alimentaire, lequel est parfaitement à jour des études scientifiques.
J'en profite pour rappeler que nous ne sommes pas des experts si nous n'avons pas travaillé pour avoir de l'expertise. Et l'expertise, ce n'est pas rien. Par exemple, le praticien qui n'a pas de théorie reste un praticien, mais il n'a pas de vision générale d'un sujet. Personnellement, je n'aimerais pas être pris en faute de naïveté inconsciente, par ignorance, quand la vie d'autrui est en jeu.

Et il faut dire au public (nous) que, contrairement aux attaques hargneuses des roquets (dans la presse, sur des réseaux sociaux), les experts de l'Etat ne sont pas "vendus". Toute personne qui me le soutiendra sera disqualifiée à mes yeux... et j'irai bien vite chercher l'idéologie malhonnête derrière ses propos... à moins que ce soit de l'imbélicité ?

En tout cas, pour la mayonnaise, la réponse m'a été donnée par mon ami (c'est mon ami non pas parce que c'est mon ami, mais plutôt parce que je veux pour ami des gens travailleurs, honnêtes, bienveillants : qui se ressemble s'assemble, non ?). La voici :


Cher Hervé,
Tu as raison, le pH de la mayonnaise commerciale (3,0 à 4,2) prévient la croissance des bactéries pathogènes et permet même de les détruire.
 Le facteur limitant à leur conservation est le développement potentiel d'organismes d'altération acidophiles de type levures ou bactéries lactiques. Ce développement est très lent au froid. Donc une mayonnaise commerciale se conserve très longtemps en réfrigération, j'ai trouvé 2 à 8 semaines pour les salades à base de mayonnaise (qui sont les seuls aliments pour lesquels on trouve de la bibliographie), donc plusieurs semaines sans problème pour la mayonnaise commerciale réfrigérée (voire à température ambiante).
En revanche, il faut recommander de consommer rapidement (2 jours max au froid) une mayonnaise maison insuffisamment acidifiée (je n'évoque même pas une conservation à température ambiante).
Amitiés


Limpide, non ? Si nous voulons conserver un peu des mayonnaises, n'oublions pas ce paramètre important qu'est l'acidité... sans oublier qu'une mayonnaise n'est pas une rémoulade (dans la mayonnaise, jaune d'oeuf, vinaigre, huile ; dans la rémoulade, jaune, moutarde, vinaigre, huile).





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Dans la familles "fantasmes"...

Ces temps-ci, les activistes anti-technique de tous poils font du bruit... quand on est abonné aux réseaux sociaux, mais on n'oubliera pas que le phénomène est anecdotique... puisqu'il n'est pas nouveau, et j'invite nos politiques à ne pas gober n'importe quelle lubie irrationnelle ou idiosyncratique, en n'oubliant pas que le peuple français s'est déchiré quand on a installé les premiers chemins de fer, qui devaient "faire tourner le lait des vaches", ou encore quand il s'est agi de voler : les familles s'entredéchiraient à propos du "vol du plus lourd que l'air". Risible.

En matière alimentaire, aussi, il y a eu des fantasmes, des craintes... Ainsi l'écrivain Gustave Lerouge avait imaginé une gelée parfumée sur mesure qui aurait nourri, et le chimiste Marcellin Berthelot avait prédit que, en l'an 2000, la chimie aurait résolu le problème de l'alimentation, par des "tablettes nutritives".
Si le premier est excusable, parce que la littérature propose de la fiction, le chimiste ne l'est pas, parce qu'il aurait dû connaître la quantité d'énergie maximale stockable dans une tablettes : bien trop peu pour nourrir, puisqu'il faut au minimum 360 grammes de matière grasse, quotidiennement, pour avoir assez d'énergie... sans compter que nous avons besoin aussi d'eau, de protéines et de saccharides, dont la densité énergétique est inférieure à celle de l'huile. Bref, de très grosses tablettes !
Mais on se souvient que Marcellin Berthelot était un arriviste... qui est arrivé (voir l'excellent Berthelot, ou l'autopsie d'un mythe, par J. Jacques), et qu'il agitait surtout de la philosophie chimique grandiloquente pour asseoir son prestige auprès des non scientifiques, alors même que ses pairs lui contestaient la primauté de nombre de ses prétendues découvertes ou même jugeaient bien légères ses "avancées".

Mais passons rapidement, car il y a tant de belles personnes, en science : Michael Faraday, André Ampère, Henri Poincaré... Et revenons à notre question des fantasmes alimentaires. Les tablettes ou les pillules nutritives ? Un fantasme. La vitalose ? Un fantasme.

Et celui-ci, dû à Anatole France, dans La rôtisserie de la reine Pédauque :

"On se nourrira alors d'extraits de métaux et de minéraux traités convenablement par des physiciens. Ne doutez point que le goût n'en soit exquis et l'absorption salutaire. La cuisine se fera dans des cornues et dans des alambics, et nous aurons des alchimistes pour maîtres-queux. N'êtes- vous point bien pressés, messieurs, de voir ces merveilles ?"

Non, cher Anatole France, on ne se nourrira pas d'extraits de métaux... parce que nous ne sommes pas des "hommes de fer". Notre nourriture est parallèle à notre composition chimique : notre organisme est fait d'environ 70 pour cent d'eau, et le reste, ce sont des molécules "organiques", faites, dans l'ordre d'abondance décroissant, de carbone, d'hydrogène, d'oxygène et d'azote. Très peu de métal dans cette affaire.
Les métaux ? Très peu, même s'ils sont essentiels, tel le fer dans l'hémoglobine, le zinc dans des enzymes, ou le cobalt dans la vitamine B12... Les minéraux ? Nous ne sommes pas faits de silice, et le silicium (la silice, c'est de l'oxyde de cet élément) n'est pas pour grand chose, ce qui fait que le sable, inerte, est rejeté. L'argile, qui entre dans ces autres fantasmes que sont le golem, par exemple ? Des silicates ou des aluminosilicates, avec du calcium, du potassium, etc. qui ne sont pas abondants dans notre organisme... et n'ont donc guère de place dans notre alimentation.

 La cuisine dans des cornues ou des alambics ? Là, en revanche, pourquoi pas, puisque c'est déjà le cas avec les évaporateurs rotatifs qui font de si beaux extraits ! Mais des alchimistes pour maîtres-queux ? Certainement pas, comme on va le voir.
L'alchimie était le nom donné, jusqu'à l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert environ, à cette activité de recherche de la constitution de la matière. Puis se détacha une activité rationnelle, scientifique, qui est la chimie, tandis que des individus restaient collés à des recherches plus ésotériques ou spéculatives, avec la recherche d'un Grand Oeuvre, et autres espoirs que je crois vains.
Autrement dit, les alchimistes n'ont rien à voir avec l'alimentation. En revanche, la chimie ? Puisque c'est une science, ce n'est pas une technique, et il serait faux de dire que la cuisine pourra devenir de la chimie : une technique doublée d'un art (parfois) ne sera jamais une science.

Donc pas de fantasmes, fondés sur l'ignorance des faits ou sur un usage mal approprié des mots !







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samedi 27 janvier 2018

Le jaune est-il protégé ?

On m'interroge :


Le jaune d'oeuf est-il mieux protégé de l'air dans la sauce mayonnaise que dans la coquille de son oeuf ?

Et la réponse est non !

Pour comprendre, je propose donc de comparer le jaune d'oeuf dans l'oeuf, et le jaune d'oeuf dans la mayonnaise.

Dans l'oeuf, le jaune se trouve limité par une membrane, qui le protège ; et l'ensemble est entouré du blanc d'oeuf, lequel contient du lysozyme, une protéine très efficace contre les bactéries... au point que l'on conservait naguère encore les blancs d'oeufs à température ambiante, dans les cuisine. Ce même lysozyme, découvert par Alexander Fleming, se trouve aussi dans les yeux, ce qui nous protège contre les infections.

Puis, autour du blanc, il y a encore une membrane, et la coquille. Finalement, cela fait beaucoup de protections !

Dans la sauce mayonnaise, en revanche, on a des gouttelettes dispersées dans le jaune : le jaune est donc au contact direct de l'air, et il n'est protégé... que par l'acidité du vinaigre que l'on a mêlé au jaune, avant d'ajouter l'huile :


Bref, les bactéries, levures, et autres micro-organismes ont un accès direct au jaune, et c'est plutôt l'huile, qui serait protégée.

De toute façon, la question n'est pas de protéger le jaune de l'air... mais des micro-organismes qui sont dans l'air.





















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Comment aider des enseignants qui ne "passent pas" alors que ce sont des personnes de qualité ?

Comment aider des enseignants qui ne "passent pas" alors que ce sont des personnes de qualité ?
Cette question se pose souvent, notamment dans les systèmes d'enseignements supérieurs, et elle s'apparente à la question que j'avais quand j'étais directeur scientifique des émissions Archimède, sur Arte, ou Pi=3.14... sur la Cinquième. Dans les deux cas, on demande à des personnes qui ont une bonne compétence professionnelle de partager des connaissances, soit avec des étudiants, soit avec des téléspectateurs. Et, dans les deux cas, il se trouve des personnes, pourtant remarquables, qui ne parviennent pas à capter l'attention, à la conserver. Pourquoi ? Comment les aider à y parvenir ?

 Les possibilités de bien faire  ou de mal faire étant sans doute infinies, une possibilité consiste à analyser des cas désastreux, ou, au contraire, des cas merveilleux.


Pour les cas désastreux, je vois plusieurs façons de ne  pas enthousiasmer un auditoire :

- tout mettre sur le même plan : lors que le discours est monocorde, il faut beaucoup d'efforts pour ne pas laisser son esprit dériver... tant il est vrai que notre cerveau a sans doute été forgé par l'évolution pour détecter des variations, des contrastes, raison pour laquelle notre oeil est capté par des images animées sur un écran d'ordinateur, de télévision ; à la base, nous devons reconnaître les proies et les prédateurs, toutes choses qui bougent dans notre environnement ;

- répéter sans varier (lire des diapos écrites, redire la même chose) : cette fois, on a très rapidement l'impression de perdre son temps, et l'on méditera certains cours d'interprétations musicale, qui recommandent que, lors de la répétition d'une structure musicale, il n'y ait pas de bégaiement, à savoir qu'il ne s'agit justement pas de répéter, mais de faire écho en donnant du sens, tout comme ce "Je te demande si... Hein ? Hein ?" S'il y a répétition, il diot y avoir un sens particulier à la répétition. Et l'utilisation de ce mot "répétition" doit évidemment nous faire souvenir que la répétition est considérée comme une faute en littérature... sauf quand elle est utilisée à bon escient, par exemple par un Molière avec son "Le poumon, vous dis-je", ou "Mais qu'allait-il faire dans cette galère"... qui moquent ceux qui les prononcent. D'ailleurs, pour en revenir aux enseignants qui passent mal, ils sont souvent moqués par les élèves les plus jeunes, qui les subissent, et ce sont précisément leurs "tics", leurs répétitions donc, qui sont ces accrochages qui servent à les dénigrer ;

- donner à son auditoire le sentiment qu'on le néglige, qu'on le méprise : bien sûr, il existe des professeurs qui méprisent effectivement les étudiants, mais ceux-là ne méritent pas que l'on s'y intéresse. Il vaut bien mieux s'interroger sur ceux qui ne méprisent pas leur auditoire, mais donne le sentiment d'un mépris. Pourquoi ? A l'analyse de quelques cas que j'ai ainsi rencontrés, il y a ceux qui croient naïvement que tous sont ou ont été des élèves merveilleux, bien dotés de bases solides, et pour qui certaines notions, certains concepts, certaines connaissances sont "évidentes". C'est une vraie difficulté, effectivement, que de se souvenir de toutes les étapes qui nous ont conduit jusque là où nous sommes, de nous souvenir de toutes nos difficultés du passé, surtout quand nous avons beaucoup travaillé, que nous avons fait beaucoup de chemin. Et, en conséquence, il y a toujours lieu de bien donner les bases qui nous conduiront à l'exposition du point que nous avons choisi de présenter... sans faire perdre de temps aux plus avancés : on voit la difficulté !

- jargonner (ce qui est une sorte de mépris) : certains se donnent de l'importance en jargonnant, en utilisant des termes techniques qui ne sont compris que par ceux de leur caste. Evidemment, tous les étudiants sont conduits à faire un effort considérable, pour essayer de deviner, et l'accumulation leur fait perdre pied. Mais il y a aussi tous les professeurs qui introduisent effectivement les abréviations, qui définissent des termes en début de discours, et qui les utilisent ensuite : là, c'est souvent trop difficile, quand on a une connaissance fraîche, de la manipuler comme si on la connaissait depuis longtemps.

- être inintelligent : dire des choses évidentes, faire du remplissage : terrible cas que celui-ci, qui veut que nous soyons "intelligents". Comment faire ? Comment produire ces petites étincelles intellectuelles qui séduiront nos amis ? L'humour ? Il y a un temps pour tout ? L'enthousiasme ? Pourquoi pas, mais il ne doit pas être forcé. Et puis, les maquillages ne pallieront pas la vraie beauté.

La liste des défauts étant donc infinie, ne pourrions-nous considérer utilement  quelques possibilités positives :
- diviser le discours en petits morceaux
- structurer
 - faire participer
- soigner les transitions
 - sourire
- aller lentement, sans redondance
- regarder l'auditoire, s'adresser à lui
- ne pas sauter d'étapes
- donner toutes les bases des raisonnements
- ne pas hésiter à s'assurer que l'on ne va ni trop vite, ni trop lentement
- quand on doit dire des choses élémentaires, chercher une façon originale, afin que les mieux sachants ne s'ennuyent pas, que même eux découvrent des aspects qu'ils ne connaissaient pas

Et ainsi de suite. Mais je suis certain que des gens intelligents, qui travailleront, saurer y arriver. On aura intérêt à s'intéresser aux explorations de Michael Faraday à propos de cette question !

Les études, une faveur de l'état ?

Ce n'est pas souvent que je m'insurge politiquement, mais je crois que les "études" ne font pas l'objet d'un traitement juste.
Bien sur, je m'étonne toujours du  brouhaha politique, des déclarations de type bistrot du commerce. Et, en l'occurrence, j'ai été entrepris à propose  de cette question des années de travail qui permettent à certains de prendre leur retraite.

Je comprends que, pour des métiers pénibles, il y ait lieu de s'arrêter plus tôt... mais je questionne la "pénibilité" : un étudiant qui passe des nuits à travailler est-il vraiment un nanti, un paresseux, quelqu'un qui ne ferait rien ? Je ne le crois pas. Et je propose de ne pas oublier que ses parents, par leurs impôtes, ont payé ses études, et que, pendant ce temps où il ne gagne pas d'argent (pendant que d'autres en gagnent), il faut même payer son entretien.
Mais, surtout, je veux témoigner que l'acquisition de certaines connaissances impose des efforts aussi considérables que des épaulés jetés. Pas de télé, pas de bistrot, pas de copains, pas de loisirs quand on se lance dans certains calculs, dans l'apprentissage de certaines connaissances ou compétences universitaires. 
Bref, je propose que les études soient considérées, comme les autres métiers, comme du temps de travail  !

(à noter que les étudiants qui travaillent bien sont payés par l'état, au Danemark)

D'ailleurs, plus particulièrement, je suis tombé sur une observation d'un internaute qui disait que les étudiants en médecine devraient quelque chose à l'état, et que, en conséquence, ils devraient s'installer là où on leur dit. C'est une déclaration scandaleuse : les études de médecine sont très longues, et les salaires des externes sont minables, ceux des internes sont misérables, eu égard aux gardes, astreintes, etc.
Assez de cette critique d'un corps qui est hors la loi (des 35 heures) tant il travaille. S'il y a lieu de réformer cela, c'est bien en faveur des internes !

La crème fouettée et égouttée ?

La crème fouettée ? On l'obtient en fouettant de la crème.




La crème ? Sa structure dépend de la température, parce qu'elle renferme de l'eau et de la matière grasse.
Aux températures inférieures à - 10 degrés, toute l'eau est solidifiée (en glace), et toute la matière grasse aussi.
Aux températures comprises entre - 10 degrés et 0 degrés, une partie (petite) de la matière grasse est fondue, mais l'eau est sous forme de glace.
Aux température comprises entre 0 degrés et 50 degrés, l'eau est liquide, et la proportion de matière grasse sous la forme solide diminue... de sorte que le système est une supension de gouttelettes de matière grasse, avec une partie  de graisse liquide et une partie de graisse solide. Ce n'est pas une émulsion pure.
Enfin, aux températures supérieures à  55 degrés, toute la matière grasse est sous la forme liquide, et l'on a enfin une véritable émulsion, dispersion de gouttelettes de matière grasse liquide dans une phase aqueuse.

Quand on fouette de la crème, surout de la crème refroidie, la graisse fusionne en un réseau de graisse solide qui stabilise l'ensemble, comprenant notamment  des bulles d'air que l'on a introduit. Mais, dans ce système instable, l'eau peut drainer. A quelle vitesse ?
Dans le temps, on avait l'habitude de placer la crème fraichement fouettée sur un linge, afin que l'eau s'écoule. Avez vous déjà fait l'expérience de goûter cette crème fouettée et égouttée ?



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