Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 23 septembre 2019
Apprenons à discuter !
Hier, j'ai discuté les manières de se comporter aimablement dans une discussion, et j'avais notamment stigmatisé l'ego, la prétention.
Mais je m'aperçois ce matin que jamais on ne m'a renseigné autrement que par l'exemple qu'il fallait éviter de parler de soi dans une conversation.
Certes, j'ai appris par hasard cette formule "Le moi est haïssable", dans les Pensées de Blaise Pascal, mais à propos de discussion, j'en étais réduit à deux idées explicites : d'une part, ne jamais parler de politique, de religion ou d'armée ; et, d'autre part, j'ai appris l'existence de ces manuels de conversation où figuraient des espèce de clichés pour être à l'aise en toutes circonstances.
Mais jamais on m'a dit explicitement comment contribuer à une discussion. Et je viens de vérifier auprès de jeunes amis qu'il en avait été de même pour eux.
Car il ne s'agit pas seulement éviter de parler de soi, mais aussi de savoir quoi dire. Et c'est là où il y a une difficulté : le "quoi dire" se fonde sur tout le travail qu'on aura fait avant la discussion, dans les heures, jours, mois, années... Et je retrouve ici mon concept des belles personnes, celles que nous connaissons parfaitement mais qui nous surprennent à chaque discussion, avec de nouvelles idées. Celles qui savent apporter sur la table du festin intellectuel les mets les plus délicats, les mieux choisis. Autre chose que des sandwichs vite faits. Non, des produits leur travail, de leur réflexion, de leurs soins, de leur intelligence. Ces personnes ne se laissent pas aller à délivrer des pensées immédiates, médiocres, qui montreraient leur médiocrité, mais elles veulent au contraire délivrer des objets bien finis, fignolés...
Oui, décidément, je crois que tous les parents et l'école devraient enseigner aux enfants comment participer à une discussion.
dimanche 22 septembre 2019
Des discussions passionnantes, parce que sans ego
Je sors d'une discussion pénible : mes interlocuteurs ne cessaient de parler d'eux, de ce qu'ils avaient fait, de qui ils connaissaient de connu, de la taille de leur voiture, de leurs maisons, de leur succès...
Bien sûr, on sait qu' "un égoïste, c'est quelqu'un qui ne pense pas à moi", mais, quand même, si l'on dépasse cela, il n'en reste pas moins que la discussion était sans intérêt, parce que mes interlocuteurs ne cherchaient pas à faire grandir notre petite communauté, mais à s'établir prétentieusement, comme des coqs.
Plus positivement, cette discussion pénible permet de mieux comprendre comment nous devons nous comporter dans une discussion : éviter le moi, qui est haïssable, éviter le moi qui est haïssable, etc. et, surtout, apporter sur la table du festin intellectuel les plus beaux mets. Ces émerveillements qui nous illuminent le coeur et l'esprit, ces idées puissantes qui ont été glanées auprès des plus grands esprits. C'est dans cet esprit que je partageais, il y a peu, ces idées de Marcel Mule, à propos de l'apprentissage de la musique, en renvoyant vers une merveilleuse vidéo où ce monsieur âgé était si dérangé qu'on lui parle de lui qu'il bottait en touche, minimisait modestement ses apports.
Tiens, cela me fait penser que, un jour, j'ai retrouvé dans la rue un de mes amis qui lisait : interrogé, il me dit qu'il apprenait une poésie qu'il apporterait à ses amis avec lesquels il avait prévu une marche en forêt. Voilà ce que j'aime !
Oui, évertuons-nous, efforçons-nous de contribuer à l'éclairement de nos amis !
Les réactions les plus importantes en cuisine ? Pourquoi pas la beta élimination des pectines et la coagulation des protéines
Les enfants sont souvent fautifs par manichéisme : "Tu préfères quoi : les fraises ou les framboises ?" ; à quoi je réponds "les cassis". Sans compter que les choix sont changeants, et souvent non transitifs : on peut parfaitement préférer les framboises aux fraises, les cassis aux framboises, mais les fraises aux cassis !
Mais récemment, ce sont des adultes qui m'ont posée une de ces questions pas toujours judicieuses : "Quelles sont les réactions les plus importantes en cuisine ?". Et là, mon petit "radar interne" m'alerte aussitôt, à entendre le mot "important". D'abord, c'est un adjectif, et, d'autre part, il y a ce sens du mot qui veut faire croire qu'il y a quelque chose d'essentiel... mais de quel point de vue ? Important : fréquent ? par ses conséquences ? par son histoire ? Dans mon laboratoire, nous avons l'interdiction d'utiliser les adjectifs, et nous devons répondre à la question "combien ?".
Mais tout cela étant dit, cela n'est pas inutile de signaler que, puisque nous consommons principalement des tissus animaux ou végétaux, les modifications de ces tissus sont les plus fréquentes. Or, quand on cuit une viande, les protéines de l'intérieur des fibres musculaires coagulent, puis le tissu collagénique se dégrade. Et quand on cuit une carotte, elle s'amollit parce que les pectines sont "hydrolysées", dégradées, ce qui amollit le tissu végétal. Cette hydrolyse particulière a pour nom "bêta élimination".
Bref, la coagulation des protéines et la dégradation des pectines seraient les réactions les plus "importantes, en cuisine.
Et là, c 'est assez pour aujourd'hui, car à haute dose, comme disait mon ami Jean Jacques, la chimie devient... empoisonnante (pour certains, seulement pour certains).
Mais récemment, ce sont des adultes qui m'ont posée une de ces questions pas toujours judicieuses : "Quelles sont les réactions les plus importantes en cuisine ?". Et là, mon petit "radar interne" m'alerte aussitôt, à entendre le mot "important". D'abord, c'est un adjectif, et, d'autre part, il y a ce sens du mot qui veut faire croire qu'il y a quelque chose d'essentiel... mais de quel point de vue ? Important : fréquent ? par ses conséquences ? par son histoire ? Dans mon laboratoire, nous avons l'interdiction d'utiliser les adjectifs, et nous devons répondre à la question "combien ?".
Mais tout cela étant dit, cela n'est pas inutile de signaler que, puisque nous consommons principalement des tissus animaux ou végétaux, les modifications de ces tissus sont les plus fréquentes. Or, quand on cuit une viande, les protéines de l'intérieur des fibres musculaires coagulent, puis le tissu collagénique se dégrade. Et quand on cuit une carotte, elle s'amollit parce que les pectines sont "hydrolysées", dégradées, ce qui amollit le tissu végétal. Cette hydrolyse particulière a pour nom "bêta élimination".
Bref, la coagulation des protéines et la dégradation des pectines seraient les réactions les plus "importantes, en cuisine.
Et là, c 'est assez pour aujourd'hui, car à haute dose, comme disait mon ami Jean Jacques, la chimie devient... empoisonnante (pour certains, seulement pour certains).
samedi 21 septembre 2019
Pourquoi ne peut-on plus parler de réactions de Maillard ?
Mais si, bien sûr, on a le droit de parler de réactions de Maillard, mais quand même, il vaudrait mieux savoir de quoi on parle, non ? Et ne pas dire n'importe quoi !
Je suis un peu responsable - et fautif- du fait que le monde culinaire parle à tort et à travers de ces réactions, parce que, naguère, dans mon enthousiasme communicatif, avec ma volonté contagieuse de faire comprendre que la cuisine met en œuvre des réactions intermoléculaires (plutôt que "chimiques"), j'ai largement milité pour faire connaître la réaction de Maillard, que l'on devrait d'ailleurs nommer "les" réactions de Maillard.
De quoi s'agit-il ? De réactions qui ont lieu entre certains sucres et des protéines. Elles conduisent à des composés qui donnent de la couleur et du goût aux aliments, et il est exact qu'elles sont fréquentes en cuisine. Cela étant, dire que les réactions de Maillard font la croûte brune et savoureuse des viandes grillées est faux, et je crois avoir plutôt dit que les réactions de Maillard contribuent à la couleur et au goût des viandes grillées. Disons que j'espère avoir été ainsi prudent, car en réalité, mille réactions différentes se conjuguent pour faire la couleur brune et le goût des viandes.
D'ailleurs, dans les sciences et technologies des aliments, on parle de "brunissement non enzymatique", et les réactions de Maillard ne sont qu'une sorte de réactions parmi mille. D'ailleurs, tout composé "organique" (disons : provenant des êtres vivants, animaux ou végétaux) que l'on chauffe brunit !
Plus sur les réactions de Maillard : le chimiste français (né à Pont-à-Mousson) Louis Camille Maillard a découvert en 1912 que des sucres "réducteurs" (les plus fréquents, en cuisine, sont le glucose et le fructose) réagissent avec des protéines, pour faire des composés bruns, qui avaient d'ailleurs été nommés "mélanoïdines" avant qu'il fasse sa découverte. D'ailleurs, sa découverte est venue bien après que le chimiste allemand Emil Fischer avait découvert que ces sucres réducteurs réagissent avec les acides aminés, ces composés dont l'enchaînement fait les protéines : si l'on devait parler d'une réaction essentielle en cuisine, on devrait parler de réaction de Fischer !
Mais en réalité, j'y reviens : il y a mille réactions différentes qui font du brunissement en cuisine. Maintenant que Maillard est connu, passons à autre chose !
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