Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
Affichage des articles dont le libellé est brunissement non enzymatique. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est brunissement non enzymatique. Afficher tous les articles
samedi 21 septembre 2019
Pourquoi ne peut-on plus parler de réactions de Maillard ?
Mais si, bien sûr, on a le droit de parler de réactions de Maillard, mais quand même, il vaudrait mieux savoir de quoi on parle, non ? Et ne pas dire n'importe quoi !
Je suis un peu responsable - et fautif- du fait que le monde culinaire parle à tort et à travers de ces réactions, parce que, naguère, dans mon enthousiasme communicatif, avec ma volonté contagieuse de faire comprendre que la cuisine met en œuvre des réactions intermoléculaires (plutôt que "chimiques"), j'ai largement milité pour faire connaître la réaction de Maillard, que l'on devrait d'ailleurs nommer "les" réactions de Maillard.
De quoi s'agit-il ? De réactions qui ont lieu entre certains sucres et des protéines. Elles conduisent à des composés qui donnent de la couleur et du goût aux aliments, et il est exact qu'elles sont fréquentes en cuisine. Cela étant, dire que les réactions de Maillard font la croûte brune et savoureuse des viandes grillées est faux, et je crois avoir plutôt dit que les réactions de Maillard contribuent à la couleur et au goût des viandes grillées. Disons que j'espère avoir été ainsi prudent, car en réalité, mille réactions différentes se conjuguent pour faire la couleur brune et le goût des viandes.
D'ailleurs, dans les sciences et technologies des aliments, on parle de "brunissement non enzymatique", et les réactions de Maillard ne sont qu'une sorte de réactions parmi mille. D'ailleurs, tout composé "organique" (disons : provenant des êtres vivants, animaux ou végétaux) que l'on chauffe brunit !
Plus sur les réactions de Maillard : le chimiste français (né à Pont-à-Mousson) Louis Camille Maillard a découvert en 1912 que des sucres "réducteurs" (les plus fréquents, en cuisine, sont le glucose et le fructose) réagissent avec des protéines, pour faire des composés bruns, qui avaient d'ailleurs été nommés "mélanoïdines" avant qu'il fasse sa découverte. D'ailleurs, sa découverte est venue bien après que le chimiste allemand Emil Fischer avait découvert que ces sucres réducteurs réagissent avec les acides aminés, ces composés dont l'enchaînement fait les protéines : si l'on devait parler d'une réaction essentielle en cuisine, on devrait parler de réaction de Fischer !
Mais en réalité, j'y reviens : il y a mille réactions différentes qui font du brunissement en cuisine. Maintenant que Maillard est connu, passons à autre chose !
lundi 17 septembre 2018
« Maillard » ? « Caramélisations » ? Ce serait si simple de « brunir »
Je suis un peu
fautif d'avoir fait connaître à la communauté culinaire les
réactions de Maillard : aujourd'hui, des personnes qui ne sont
pas chimistes, quand elles ne me connaissent pas, vont jusqu'à…
m'expliquer ce (qu'elles croient) que c'est ! Et les
explications qu'elles donnent sont fausses.
Les réactions de
Maillard ne se feraient qu'à chaud ? Faux.
Les réactions de
Maillard auraient lieu à partir de 145 °C ? Faux… et je ne
sais même pas d'où sort de 145 °C que les sites internet répètent.
Les réactions de
Maillard s'apparenteraient à la caramélisation ? Faux.
Les réactions de
Maillard seraient entre les acides aminés et les sucres ? Faux.
Et j'en passe, parce
que l'on trouve de tout sur Internet.
Disons maintenant
des choses justes.
Quand on chauffe
certains aliments, ils brunissent. Évidemment ce brunissement
résulte de réactions chimiques. Lesquelles ? Celles qui font
intervenir les composés présents dans les viandes, à savoir
principalement les protéines, des « sucres », les
graisses, l'acide lactique… et de nombreux composés mineurs.
Quelles réactions ces composés subissent-ils?
Observons que les
protéines isolées peuvent brunir, quand elles sont chauffées :
on observe un tel effet quand on chauffe de la gélatine (une
protéine) à sec, par exemple, et le brunissement résulte alors de
plusieurs réactions simultanées, de sorte que l'on aurait raison de
désigner ce brunissement par le mot « pyrolyse ».
D'autre part, les
sucres, également, peuvent brunir. Par quelles réactions ? La
caramélisation étant le brunissement spécifique du sucre de table,
ou saccharose, il n'est pas judicieux de nommer de même la
transformation d'autres sucres chimiquement différents. Là encore,
pyrolyse s'impose, plutôt que caramélisation. D'ailleurs, la
matière formée n'est pas le caramel, qui est un mélange complexe,
mais ce que j'ai proposé de nommer un « péligot ».
Les lipides, aussi,
peuvent réagir, à chaud. Les réactions peuvent être des
oxydations, par exemple.
Voilà pour les
principales réactions des composés isolés, mais il peut bien
évidemment exister des réactions entre des composés différents.
Et c'est ainsi que l'on trouve, parmi bien d'autres, les réactions
découvertes par le chimiste français Louis-Camille Maillard :
ces réactions sont celles qui font intervenir les protéines et des
sucres particuliers (les « sucres réducteurs »), tel le
glucose, qui se trouve dans le sang, donc dans les viandes, et aussi
dans les légumes (avec le fructose et le saccharose,
principalement).
Les réactions de
Maillard n'ont rien à voir avec une caramélisation, puisqu'elles
font intervenir protéines et sucres (réducteurs), alors que des
sucres seuls suffisent pour les caramélisation. Elles sont lieu à
n'importe qu'elle température, et notamment à 37 degrés (hélas) :
elles sont ainsi responsables de l'opacification du cristallin des
personnes souffrant de diabète. Evidemment, elles sont plus actives
quand la température augmente, mais c'est le lot de toutes les
réactions.
D'ailleurs, à ce
propos, il est bon de signaler que les réactions ne sont pas
toujours visibles à des changements de couleur. Par exemple, quand
on cuit des spaghettis (qui contiennent des sucres « complexes »,
à savoir les amyloses et les amylopectines, sous la forme de grains
d'amidon), ces composés sont « hydrolysés », libérant
du glucose. On ne voit rien, sauf si l'on utilise des réactifs
colorés, par exemple.
Finalement, après ce petit tour d'horizon, que retenir ? Qu'un
aliment qui est chauffé et qui brunit… brunit. Oublions les
réactions de Maillard, à moins de bien savoir ce qu'elles sont et
ce qu'elles ne sont pas. On observera d'ailleurs que le changement de
référentiel du CAP hôtellerie restauration avait entériné cette
proposition : on distingue maintenant des cuissons avec
brunissement et des cuissons sans brunissement. C'est tout simple,
non ?
Inscription à :
Articles (Atom)