samedi 10 mai 2025

A propos de tarte au citron meringuée

 Une étudiante m'interroge, et voici ma réponse : 



Bonjour et merci de votre message.
Pour vous répondre efficacement, je le lis, et je commente au fur et à mesure :

Je me permets de vous écrire dans le cadre de la préparation de mon Grand Oral, que je présenterai en fin d’année. Je suis élève en classe de Terminale avec la spécialité Physique-Chimie, matière que j’apprécie tout particulièrement.
Vous avez bien raison, la chimie est merveilleuse !

Le sujet que j’ai choisi s’intitule : « En quoi les sciences physiques permettent-elles d’expliquer la réussite de la tarte au citron meringuée ? »
Je crois que le titre doit être changé : ce serait plutôt "Comment les sciences de la nature permettent-elles de bien réussir des tartes au citron meringuées", n'est ce pas ?

Ce projet se découpe en trois parties :
        1.        Le gel citronné, où je traite de l’arôme de citron (notamment la possibilité de le synthétiser par estérification), ainsi que de la gélification par l’agar-agar.
Attention : plutôt que d'arôme, vous devriez parler de goût, parce que l'arôme, en français, c'est l'odeur d'une plante aromatique. Et, d'autre part, ce que vous proposez de synthétiser, c'est sans doute un composé particulier de l'odeur de citron  (lequel ?). Je suppose donc que vous imaginez un ester... mais le gout de citron semble principalement venir du limonène ou du citral ?
D'autre part, dans les recettes classiques, la gélification de la crème citronnée résulte d'une crème citron, par de l'emploi d'agar-agar ; pas de problème, mais c'est juste pour bien situer (et le phénomène de gélification est passionnant dans les deux cas).

        2.        La pâte sablée, sur laquelle porte ma demande.
        3.        La meringue, avec un focus sur l’hydrolyse du saccharose.
L'hydrolyse du saccharose : elle me semble très minoritaire dans cette affaire.

Concernant la deuxième partie, je m’intéresse aux phénomènes physiques qui interviennent lors de la cuisson de la pâte sablée, et notamment à l’utilité de piquer la pâte avec une fourchette avant cuisson. J’ai tenté de formuler une explication basée sur mes connaissances, mais j’aimerais avoir votre avis pour valider ou corriger mes hypothèses.
Attention : baser sur est un anglicisme

Voici ce que j’ai envisagé :
        •        Lors de la cuisson, l’eau présente dans la pâte se transforme en vapeur. Si la pâte n’est pas piquée, cette vapeur pourrait s’accumuler localement, ne trouvant pas d’issue. Cela créerait des bulles de gaz sous la surface, faisant gonfler la pâte, étant donné l’important volume occupé par l’eau sous forme gazeuse.
Oui, l'eau de la pâte s'évapore : il suffit de peser une pâte avant et après cuisson pour voir la masse d'eau perdue, d'où le volume de vapeur produit.
En faisant le calcul, vous verrez qu'une large proportion de vapeur est perdue (ce qui réfute votre "ne trouvant pas d'issue").

        •        J’ai alors pensé qu’une fois que toute l’eau est passée sous forme de vapeur, certaines « bulles résiduelles » continueraient d’augmenter, mais cette fois, simplement par la loi des gaz parfaits auxquels on peut assimiler l’eau dans certaines conditions.
Votre phrase ne va pas : vous voulez dire sans doute que les bulles piégées pourraient gonfler davantage. Et oui, vous pouvez utiliser la loi des gaz parfaits... mais comment allez vous choisir la pression ? Si les bulles ne sortent pas, cela signifie que la pâte résiste.

En effet, je pensais que ces petites bulles résiduelles augmenteraient en volume sous l’action de la température : augmentation de la température T, ferait augmenter le produit PV pression x volume.
 A condition que la résistance de la pâte cuite le permette. 

      •        Cependant, en consultant certains articles, notamment les vôtres, j’ai lu des explications faisant intervenir la formation de feuillets de pâte séparés par de la vapeur, mais cela semblait concerner plutôt la pâte feuilletée.
Oui, c'est pour la pâte feuilletée, et seulement celle-là. Dans votre cas (pâte à foncer, brisée, pas le même phénomène).

Ma question est donc la suivante :
Dans le cas spécifique de la pâte sablée, l’augmentation de volume que l’on observe si l’on ne pique pas la pâte est-elle uniquement due au changement d’état de l’eau (et à l’importante différence de volume entre l’eau liquide et gazeuse), ou bien la loi des gaz parfaits peut-elle aussi être mobilisée pour expliquer certaines bulles persistantes durant la cuisson ?
Voir les comptes rendus du séminaire de gastronomie moléculaire (https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/seminaires) pour voir pourquoi il est peu judicieux de parler de pâte sablée. Je crois me souvenir que c'est pendant le covid que nous avons eu ces études.
Pour le soufflé, le texte suivant répond : https://seafile.agroparistech.fr/f/436e3640fb0c4c42b329/?dl=1

Par ailleurs, parle-t-on bien de bulles, ou peut-il aussi être question de feuillets emprisonnant la vapeur, même dans le cas d’une pâte sablée ?
Je crois qu'il faut parler de bulles, ce que montre une microscopie.

Je vous serais très reconnaissante si vous pouviez m’apporter un éclairage clair sur ces points. J’ai passé beaucoup de temps à chercher des explications, mais j’ai du mal à trouver une réponse précise et consensuelle.
Consensuelle ? Le consensus n'a rien à faire en sciences. Il faut des évaluations quantitatives des phénomènes, et c'est cela qui fait que les sciences de la nature sont si merveilleuses : l'expérience réfute toute autorité, d'une part, et, d'autre part, le monde est écrit en langue mathématique, disait justement Galilée.
Je crois avoir précisément montré que quand différentes hypothèses sont possibles, c'est bien l'évaluation quantitative qui s'impose. Si je me souviens bien, c'est ici : https://seafile.agroparistech.fr/f/ac4bb8000ebc406da82e/?dl=1
https://seafile.agroparistech.fr/f/ac4bb8000ebc406da82e/?dl=1
 


En espérant vous avoir apporté suffisamment d'aide.


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