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mercredi 5 août 2015

Les applications techniques

Je n'ai guère de temps pour aller relire tout ce que j'ai écrit, mais je crains que l'expression "applications technologiques" ne soit apparue fautivement sous ma plume. C'est la raison pour laquelle je présente ici des excuses publiques, et j'insiste un peu pour donner une proposition d'expression correcte.
Les sciences de la nature sont les sciences de la nature. Ces dernières produisent des connaissances nouvelles, et l'activité nommée technologie en cherche des applications. Signalons d'ailleurs que la pédagogie aussi, puisque l'on cherche à enseigner des choses justes, et que, donc, les dernières révélations de la science sont celles qui doivent être retenues.

Mais  revenons à la technologie et la technique. La technologie est l'étude de la technique, et la technique est le faire. De ce fait, les sciences de la nature ont moins des applications technologiques  que des applications techniques. Elles n'ont d'applications technologiques que dans la mesure où elles contribuent à améliorer les technologies, et non seulement les techniques

Bref,  les sciences peuvent avoir des applications technologiques ou techniques, mais le plus souvent, quand on considère les applications de la sciences, il s'agit bien d'applications techniques, et c'est ainsi que je propose de bien choisir ses mots sous peine de ne pas être bien certain de ce que l'on dit, et de voir laisser les autres interpréter nos propos incohérents.

Pardon pour mes erreurs. Dans la plupart des cas, parlons d'applications techniques des sciences !

lundi 3 août 2015

C'est très encourageant !

En octobre dernier, la Royal Society of Chemistry a lancé une enquête pour comprendre l’attitude du public d’outre-Manche envers la chimie, les chimistes et les produits chimiques.

Les premiers résultats viennent d’être publiés :
 75% des personnes interrogées ne pensent pas que tous les produits chimiques soient dangereux et nuisibles,
70% sont d’accord pour dire que toute substance, y compris l’eau et l’oxygène, peuvent être toxiques à une certaine dose,
 60% affirment aussi que tout est fait de produits chimiques.

 Vive la Connaissance !

jeudi 18 juillet 2013

Vive la technologie, surtout quand elle est bien enseignée.


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Dans un précédent billet, je me suis efforcé de bien distinguer la technique, la technologie et les sciences quantitatives.
La technique, c'est le « faire ». Le cuisinier, par exemple, fait un geste technique, il produit des plats, objets matériels. Toutefois la matérialité n'est pas l'apanage de la technique, car un programmeur fait également des gestes techniques, tout comme un médecin (ce n'est pas moi qui le dis, mais le grand Claude Bernard : le médecin doit soigner, produire des soins, malgré les prétentions).
Le technologie ? Il suffit d'examiner les mots : techne, faire, et logos signifie « étude », « connaissance »... La technologie utilise le savoir, les connaissances, pour améliorer les techniques. Là encore la définition n'est pas de moi : c'est celle qui a été retenue pour la classe « Technologie et société » de l'Académie royale des sciences, des arts et des lettres de Belgique.
Enfin, la science quantitative ? Cette fois il s'agit de production de connaissances : comme on l'a vu plusieurs, on recherche les mécanismes font des phénomènes par une méthode nous avons eu l'occasion de décrire font soigneusement.

Comment enseigner la technologie ?
Prenons un exemple : la recherche de gelée claire au goût de vin rouge. Si l'on prend un vin tannique et et si on lui ajoute de la gélatine, un trouble apparaît ; la gelée qui prend n'est pas claire. Comment éviter ce désagrément ? Dans un tel cas, la connaissance des phénomènes qui ont eu lieu donne plusieurs pistes. Notamment les polyphénols des vins rouges, et plus spécifiquement les polyphénols de la classe des tanins, ont la propriété de se lier aux protéines. C'est cela qui est à l'origine du trouble : les agrégats deviennent si gros qu'ils perturbent la propagation de la lumière.
Autrement dit, puisqu'on ne peut pas changer le vin, on pourrait changer l'agent gélifiant : au lieu d'utiliser de la gélatine, qui est une protéine, on pourrait utiliser divers polysaccharides : agar-agar,alginate...

La moralité de cette affaire est claire : la connaissance des résultats scientifiques permet l'action.

De ce fait, de jeunes ingénieurs doivent être formés à la connaissance des résultats scientifiques. Ils doivent apprendre à chercher des résultats... mais la masse de connaissances où ils devront fouiller est immense. Il faudra donc qu'ils apprennent à sélectionner les connaissances qui répondront aux questions qu'ils se posent. Puis viendra l'étape d'utilisation de ces connaissances, le retour à la technique, le « transfert technologique ».

Au total, de jeunes ingénieurs semblent avoir besoin d'au moins quatre compétences essentielles : d'abord ils doivent apprendre à vivre en société, dans cette société particulière qu'est le monde industriel, lequel n'est pas déconnecté du monde général. Dans cette partie de leur éducation, il devrait y avoir de l'éthique, mais aussi le maniement du langage, c'est-à-dire -soyons simples- de l'orthographe, de la grammaire, de la rhétorique, de la logique. Pas grand-chose de neuf depuis Aristote ou Condillac ! D'ailleurs, je n'ai considéré ici que la langue française, mais il y aurait lieu d'apprendre une plusieurs langues étrangères. Plus généralement, regroupons toutes ces matières indispensables sous le nom d'humanités. À côté, il doit y faut un enseignement qui permette de sélectionner des résultats utiles... ce qui suppose qu'il y aura eu un enseignement qui conduit à comprendre les résultats des sciences quantitatives. Enfin, il faut un enseignement du transfert technologique, le travail qui consiste à passer du résultat scientifique à l'application.

Cette vision a des corollaires, et, notamment, elle montre qu'il ne faut pas transformer les ingénieurs en scientifiques. Les ingénieurs n'ont pas à passer leur temps à chercher les mécanisme des phénomènes. Même s'ils sont de remarquables ingénieurs de recherche, leur objectif est technologique. Même si, au cours de leur des travaux technologiques, des innovations surviennent, utiles à l'exercice de la science, les ingénieurs ne semblent pas devoir faire de sciences quantitatives pour autant. Par exemple, au Centre IBM de Zürich, il y a quelques années, M. Rohrer et M. Binnig avaient mis au point un microscope à effet tunnel. Il ne s'agissait pas d'aller explorer les phénomènes, mais bien de mettre au point un microscope. La science a largement fait usage de ces outils, comme Galilée fit usage de la lunette, récemment intentée. Plus généralement, la science utilise très fréquemment les innovations, les nouveaux moyens d'observation, mais la science a ses objectifs et ses méthodes, et la technologie en à d'autres.

Vive la technologie !

mercredi 17 juillet 2013

Vive la technologie : le sel glace


Dans un précédent billet, j'ai essayé de montrer comment les objectifs et les chemins, les méthodes, de la science et la technologie étaient différents.
Je donne ici un autre exemple en même temps qu'un ingrédient culinaire : le sel glace.

L'histoire -vraie- est la suivante. Un jour, Pierre Gagnaire se plaignait à moi que le sel de Maldon déposé sur les viandes captait l'eau de celles-ci, formant une flaque, entre le moment ou le sel était déposé au passe, et le moment où l'assiette arrivait sur la table.
Le sel de Maldon ? C'est un sel assez remarquable, coûteux, qui se présente sous la forme de petites plaquettes, avec un croustillant étonnant. Ce sel étant utilisé pour ses particularités de consistances,il était évidemment indispensable que le croquant initial soit préservé.

Comment en aider mon ami ? Analysons : le sel, c'est du sel, c'est-à-dire un matériau qui se dissout très bien dans l'eau, et qui peut même, par un phénomène nommé « osmose » (il faudra que j'explique, une autre fois), tirer l'eau des viandes. Pour éviter que ce sel tire l'eau et s'y dissolve, il semble donc nécessaire de ne pas mettre le sel au contact des viandes. Mais alors, comment déposer le sel ? Une barrière s'imposait. Une barrière aussi mince que possible. De quelle nature ? Les chimistes distinguent bien les matériaux « hydrophiles », tels le sel, et les matériaux hydrophobes... dont le prototype est l'huile.

L'huile ! Et si l'on trempait le sel dans l'huile, avant de le déposer sur la viande ? De la sorte, il se recouvrirait une couche d'huile qui préviendrait la dissolution.
Le test prit quelques instants seulement, et il fut évidemment positif. De sorte que, aujourd'hui, Pierre Gagnaire a, dans ses restaurants du monde entier, de petites coupes pleines de sel et d'huile.

Pour moi, ce travail n'est rien, car j'ai mis en œuvre des idées d'un élève de Collège, et, surtout, il n'a pas conduit à une découverte, le seul véritable objectif des travaux scientifiques. Autrement dit, on n'aura pas le prix Nobel avec une proposition du type de celle que j'avais faite.
Cela, c'était le versant sciences quantitatives ; en revanche, du point de vue technique, la proposition a été jugé extraordinaire, puisqu'elle résolvait un problème véritablement ennuyeux.

Pierre Gagnaire a souvent dit à la presse que cette proposition est ma plus belle découverte. Je n'en suis pas sûr, mais ce que je veux conclure, c'est que la science quantitative et la technologie ou la technique sont des activités bien séparées, différentes.
Je ne mets pas l'une d'elles plus haut que l'autre, car on ne peut guère comparer des pommes avec des poires : il y a de bonnes pommes, et de mauvaises, et il y a de bonne poires, et de mauvaises. Les critères pour classer les pommes ne sont pas ceux pour classer des poires.

Or pour évaluer des activités, scientifiques ou technologiques, ou encore techniques, ne faut-il pas aussi faire usage de critères ?
Il faut des critères particuliers pour la techniques, et d'autres pour les sciences quantitatives.

Vive la technologie !

vendredi 12 juillet 2013

Merveilleux Claude Bernard



Je ne crois pas encore avoir dit ici toute l'admiration que j'ai pour Claude Bernard. Non pas parce que ma mère se prénomme Claude et mon père Bernard ; non pas parce que mon laboratoire se trouve rue Claude Bernard ; mais parce que Claude Bernard fut l'auteur d'un extraordinaire livre sur la médecine expérimentale. J'invite tous ceux qui ne l'ont pas lu à ne pas rester une seconde de plus sans le livre. Claude Bernard y dit mille choses importantes, mais il dit notamment que la médeicne est une technique. Pas un art, puisqu'il ne s'agit pas, avec le sens moderne donné à ce mot, de produire de l'émotion. Non, il s'agit de soigner. Soigner est un geste technique, comme programmer, comme enfoncer un clou, tout comme résoudre une équation.
Claude Bernard distingue très bien la technique, c'est-à-dire la pratique médicale, et la technologie, qui est l'étude de cette technique en vue de son amélioration. Il parle ainsi de médecine expérimentale, de recherche clinique. Pour la technologie médicale, cette recherche clinique, par exemple, il s'agit d'améliorer la pratique médicale, d'améliorer une technique, par son étude. C'est donc, dans le sens littéral du terme de la technologie, de techne faire, et, logos, étudier.
Enfin Claude Bernard évoque la science de la médecine, si l'on peut dire, qui est la physiologie. La recherche clinique doit se fonder sur la physiologie pour améliorer la technique médicale ; c'est la physiologie qui une science, une science quantitative ; pas la recherche clinique, ni la pratique médicale. D'ailleurs, le prix Nobel de médecine est en réalité un prix Nobel de médecine physiologie, tant il est difficile de distinguer ces champs, ou, disons le plus justement, tant ces trois champs interagissent. Ils interagissent, mais ils ne confondent pas : la technique n'est pas la technologie, et la technologie n'est pas la science ! Quel est l'objectif, dans chaque cas ? C'est la compréhension des mécanismes des phénomènes ? Alors il s'agit alors de physiologie. C'est l'amélioration de la pratique médicale ? Il s'agit alors de recherche clinique, de technologie. C'est le soin ? il s'agit alors pratique médicale, de technique.
Oublions les baratins, oublions les fantasmes, nommons justement les choses, et, pour apprendre à le faire, lisons et relisons Claude Bernard !

mardi 18 juin 2013

Mardi 18 juin 2013. La connaissance par la gourmandise : Histoire de soufflé



Quels rapports peuvent exister entre la science quantitatives et les techniques et sciences ? Je ne me prends pas pour Jésus qui parlait en paraboles, car ce serait blasphéme, mais l'histoire de l'étude des soufflés répond bien à la question posée.
Partons de la cuisine et demandons nous pourquoi les soufflé gonflent ? Dans les années 1980, la théorie était que les soufflé gonflent, parce que les bulles d'air qui sont présentes (apportées lors du battage des blancs en neige) se dilatent à la chaleur, faisant augmenter le volume du soufflé. Voilà une « théorie » ; or les sciencitifique savent que toutes les théories sont fausses, disons insuffisantes.
En quoi cette théorie était-elle fausse ? Pour le savoir, il fallait mettre en oeuvre la méthode scientifique classique, qui consiste à chercher une conlusion de la théorie, une conséquences, puis à la tester expérimentalement. Pour chercher cettte conséquences, il suffit de penser à cette merveilleuse particularité de la méthode des sciences quantitatives, qui veut que tous les phénomènes soient nombrés, quantifiés, mesurés. En l'occurence, la théorie considérait l'expansion thermique, la dilatation d'un de l'air. Pour décrire ce phénomène, il existe des lois plus ou moins approchées, mais qui, quand même, donnent des résultats merveilleusement proches du résultat réel, pratique. L'une des lois élémentaires qui décrivent le résultat est ce que l'on nomme la « loi les gaz parfaits ». Elle stipule le produit de la pression par le volume est proportionnel à la température. Je vous épargne les calculs (ils sont amusants, mais leur exposé nous ralentirait dans la discussion ici proposée) : ils conduisent à prévoir une augmentation de volume de 20 à 30 pour cent seulement... alors que les soufflés peuvent gonfler de 200 pour cent... Si l'on améliore les calculs en tenant compte de la pression, c'est plutôt pire, ce qui signifie que les meilleures lois conduiraient à penser que le gonflement des soufflés est très faible par rapport à celui qui est dû à la dilatation thermique.
Il fallait donc en conclure qu la théorie était très insuffisante, très fausse.

Mais alors, pourquoi les soufflés gonflent-ils ? C'est une chose amusante, rétrospectivement, que d'observer que, à l'époque, on en avait aucune idée ! Il a fallu en des centaines de mesures de pressions ou de la température dans des soufflés pour finalement arriver à la conclusion qu'un autre phénomène que la dilatation thermique était à l'oeuvre.
Ce phénomène est apparu parce que des soufflés avaient été pesés avant et après la cuisson. Pesés ! Là encore, il s'agissait de suivre les traces des grands anciens, en l'occurence Antoine Laurent de Lavoisier, pour qui la balance était l'outil essentiel. Or quand on pèse un soufflé, avant et après cuisson, on découvre qu'il perd environ 10 grammes. Dix grammes ? Dix grammes de quoi ? Analysons : un soufflé est fait majoritairement de farine, d'eau, de protéines, de graisses. De sorte que, puisque les protéines, la graisse et la farine ne sont pas évaporables à la chaleur, c'est l'eau qui est perdue. Et, effectivement, c'est naturel, car la température dans le four, environ 200 °C, est supérieure à la température d'ébullition de l'eau.
Il faut donc conclure que c'est l'eau qui fait gonfler les soufflés, parce qu'elle s'évapore. Tout s'éclaire alors : la présence de la croûte, qui est une partie sans eau, les bulles que l'on voit monter et crever à la surface, si l'on regarde dans un four dont la porte est transparente...
Et puis, il y a le fait que 10 grammes d'eau font environ 10 litres de vapeur ! Pourquoi n'obtient-on alors pas des soufflés de dix litres ? Parce que les bulles sont perdues à la surface.
Au total, on n'aura pas de prix Nobel avec cette découverte, mais on aura la satisfaction de voir une saine application de la méthode de sciences quantitatives conduire à une bonne compréhension des phénomènes.
Mais je n'oublie pas que ce billet particulier est destiné à parler de gourmandise, c'est-à-dire de soufflés plutôt que des mécanismes de son gonflement. Et, là, le résultat scientifique a des implications immédiates. Puisque c'est l'évaporation de l'eau, et non la dilatation des bulles d'air, qui est le mécanismes essentiel de gonflement, pourquoi battre des blancs neiges ? De fait, dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avons comparé un soufflé avec des blancs battus et un soufflés avec des blancs qui n'étaient pas battus mais qui était chauffé par le fond. A la stupéfaction de tous les participants du séminaire, les deux soufflés ont gonflé de la même manière ! Et c'est ainsi que la gourmandise éclairée des travaux scientifiques.

dimanche 16 juin 2013

Dimanche 16 juin 2013 : Vive la technologie ! Les crêpières ont-elles raison de dire que la pâte à galette doit être bien battue ?


La technologie ? C'est souvent une étape intermédiaire entre la technique et la science : c'est en posant des questions technologiques que l'on fait surgir des phénomènes scientifiques que la science quantitative peut ensuite explorer.
Les crêpières disent que la pâte à galette doit être bien battue, parce que, alors, les crêpes collent moins au bilic. Vrai ou faux ?
J'ai rencontré cette question il y a bien longtemps, alors que je travaillais dans une créperie bretonne. Je faisais la pâte à galette. J'utilisais  alors une grande bassine en plastique bien propre, j'y mettais de la farine de blé noir, du lait, du sel. Pas d'oeufs, car la tradition bretonne n'utilise pas d'oeufs dans la pâte à galette (elle en met dans la pâte à crêpes).
Je mélangeais donc les ingrédients, à la main (propre), et les crêpières me disaient que ma pâte à galette collait moins au bilic  quand la pâte était bien battue.
Battue ? Nous avions identifié que le geste à faire  pour obtenir des galettes qui ne collaient pas consistait a soulever la pâte à pleines mains, et à la jeter  dans la bassine, répétitivement.

Personnellement, j'avais  observé que ce geste qu'on me prescrivait de faire conduisait à l'apparition de bulles d'air, de grosses bulles d'air.  De sorte que je me posais la question depuis longtemps : l'introduction d'air dans une pâte à galette a-t-il un effet sur la confection des galettes de blé noir ? Passons sur le pléonasme « galettes de blé noir », car il est vrai que les galettes sont  toujours obligatoirement de blé noir, sans quoi ce sont des crêpes. Ce qui restait, c'est la question : l'introduction d'air dans la pâte change-t-il quelque chose aux résultats ?

Il m'a fallu des années, des décennies mêmes !,  pour avoir l'occasion de faire l'expérience correctement. Cela s'est fait au Salon de l'agriculture, en public, où nous avons introduit de l'air non pas la main, mais avec un batteur électrique. Une pâte à galette été divisée en deux moitiés, une moitié fortement aérée et l'autre moitié non. Puis des galettes ont été produites à partir de ces deux par dans la même poêle, sur le même feu...
Le résultat a été spectaculaire : oui il y a une différence considérable entre les galettes dont la pâte a été bien aérée et les galettes qui n'ont pas été battues. Pourquoi ? Je n'en sais toujours rien, mais je sais que l'expérience nous a fait progresser ; après des décennies d'incertitude, nous avons maintenant un résultat assez bien établi : il y a une différence entre des galettes à la pâte bien aérée, et des galettes dont la pâte n'a pas été battue. Je compte sur ceux  qui me suivront pour faire le travail d'analyse de ces deux résultats, et mieux comprendre le phénomène d'adhérence au bilic, pour des galettes bien aérées.
À vous...

samedi 16 mars 2013

A propos des relations entre science et technologie

Je m'aperçois que tout le monde n'a pas (encore ? ;-) ) lu mon livre "Science, technologie, technique : quelles relations ?", de sorte que ma passion absolue pour une science qui ne se confondrait pas avec la technologie (ce qui exclut évidemment toute possibilité de cette chimère qui est nommée fautivement "technoscience") risque de faire penser que je suis pour une science inutile.

AU CONTRAIRE !

Il y a de nombreuses années, déjà, j'avais fait une conférence intitulée "Vive la technologie", à l'Ecole de chimie de Paris (Chimie Paristech)... parce que je crois vraiment que la technologie étant le travail de l'ingénieur, il est essentiel, socialement, que nous valorisions la technologie.

C'est d'ailleurs ce qu'avait fort bien fait le grand vulgarisateur Louis Figuier, qui évoquait les merveilles de l'industrie ! Et nous lui devons des générations d'ingénieurs. D'ailleurs, mon ami Pierre Gilles de Gennes était bien d'accord avec cette idée, lui qui visait la formation d'excellents ingénieurs de recherche.

A propos : "ingénieur de recherche" ? Ce n'est pas parce qu'il y a le mot "recherche" qu'il faut entendre "recherche scientifique" ! Au contraire : il est question de recherche technologique, et, pour la faire bien, il faut des gens de talent.

Bref, je crois (et je viens de le proposer au Centre de recherche Total du Qatar, devant le directeur de la Fondation science et technologie du Quatar) que l'on doit séparer la science, qui doit être à la charge de l'Etat, et la technologie, qui doit être à la charge de l'industrie.
Pour autant, les deux communautés doivent se parler, et je crois plus fécond d'organiser ce dialogue que de favoriser la recherche technologique par l'Etat ou la recherche scientifique par l'industrie.
Sans être nécessairement trop raide, bien sûr.

Passons sur la toute dernière phrase, qui n'est qu'une façon d'essayer d'être moins bête que je ne suis, et revenons à la question : comment valoriser les travaux des scientifiques de l'Etat, sachant que ceux-ci ne doivent pas a priori (sous peine de tordre le bras à un principe sain) se lancer dans la technologie ?
Dans le livre susnommé, je propose que les scientifiques se réunissent périodiquement avec les industriels pour discuter ensemble les possibles applications des travaux scientifiques effectués.
Chaque nouvelle connaissance peut, ainsi, faire l'objet d'une discussion, laquelle doit conduire à autant d'idées que possible, et c'est ensuite  à l'industrie qu'il revient de faire les tests de l'idée.
Il est encore plus efficace que les résultats des tests soient alors "partagés" : soit les tests ont été positifs, et il revient à l'industriel de décider ce qu'il fait de l'idée technologique testée ; soit les tests ont été négatifs, et cela peut indiquer que la théorie scientifique sous jacente est fautive (elle l'est certainement, car toute théorie scientifique est insuffisante, mais on veut dire ici que l'on a une indication -utile- de l'insuffisance !).

Et c'est ainsi, si les communautés se parlent, que l'argent du contribuable pourra être efficacement utilisée !

Qu'en pensez-vous ?

vendredi 15 mars 2013

Pourquoi la science et la technologie font-elles peur ?

J'avais promis de réfléchir à la question : pourquoi la science et la technologie font-elles peur ?
D'abord, il est toujours judicieux, quand on considère du vivant, de ne pas oublier que celui que nous considérons aujourd'hui est le produit de l'évolution biologique. Or pour être présent aujourd'hui, la vie à dû surmonter mille épreuves : proies, prédateurs, famines dues aux grands froids, aux grandes sécheresses, inondations, gel, canicules... Tout s'y est mis pour éliminer la vie, et seuls les plus "adaptés" ont réussi à survivre.
Il faut en conclure que nous avons dans notre passé de l'espèce, voire du genre, des milliers de mécanismes qui assurent notre survie.
Et si la prudence en était un ? Si nous étions a priori méfiant, de tout changement... en même temps que très opportuniste, et prêts à sauter sur l'occasion? Pour faire ces choix, nous avons besoin d'un jugement, et ce jugement ne peut guère tenir compte des résultats des sciences ou des techniques. C'est quelque chose d'instinctif. Mieux, même, plus la nouveauté est obscure, et moins nous sommes sans doute capable de l'apprécier.
Or la science et la technologie modernes sont "alambiqués", composés, peu intuitifs. Il est donc "prudent", à l'aune de l'évolution biologique, de les refuser.

Autre piste importante : le fait que l'enseignement ait longtemps sélectionné les élèves, à l'école, sur les capacités d'abstraction, de calcul, de science, de technologie. Autrement dit, la science et la technologie sont des règles avec lesquelles les enseignants de l'Ecole, du Collège et du Lycée  ont tapé sur les doigts... du plus grand nombre (sélectionner, c'est ne garder que quelques uns).
Comment voulons-nous, ensuite, que la masse du public aime les sciences et la technologie ? Bien impossible ! Et nous aurons beau faire, il faudra vaincre une sorte de "réflexe conditionné", ce qui ne se fait pas en un jour.

A cela, il faut ajouter que nos capacités explicatives sont assez médiocres : allez donc expliquer, sans calcul, les arcanes de la mécanique quantique, de la décohérence, de l'intrication, ou même, plus modestement, la seconde loi de Fick, ou même le fait que le dénominateur de l'écart-type d'un échantillon doive s'écrire n-1... Allez donc expliquer "avec les mains" l'effet gyroscopique, ou pourquoi les vagues arrivent parallèlement au rivage...
Certes, on parvient à donner des idées de, ou le goût de, avec des exemples tel que la conjecture de Syracuse, dont nous avions fait un dessin animé sur Arte, mais les difféomorphismes du cercle ? les tores à trois dimensions ? la démonstration par Andrew Wiles du théorème de Fermat-Wiles ?

Autrement dit, si nous ne savons pas expliquer, comment attendre que nos amis puissent comprendre ? Et donc qu'ils puissent accepter. Sommes-nous assez fiables pour qu'ils aient confiance ?

Cela étant posé, il y a sans doute d'autres causes que je n'ai pas le temps de considérer et d'évoquer. Mieux vaut proposer avec optimisme et dynamisme des pistes pour améliorer les choses.
D'abord, "Si Peau d'Âne m'était conté, j'y prendrais un plaisir extrême", disait La Fontaine. Apprenons à raconter des histoires, et racontons-les. Activement. Pas besoin de "science citoyenne", surtout quand elle est trouble, mais mobilisons-nous pour :
1. être des citoyens exemplaires
2. donner des explications, afin de ne pas former une caste supérieure, méprisante du peuple
3. refusons d'être des gourous, et ne parlons que dans le domaine d'expertise qui est le nôtre
4. apprenons à nous enthousiasme pour la science, la technologie, la Connaissance, la Culture !

Et c'est ainsi que la physico-chimie est belle ;-)

dimanche 7 octobre 2012

Une question fréquente

Des étudiants nombreux posent (en substance) la même question : 

"Passionné(e) de chimie et de cuisine, je souhaite orienter mes futurs travaux  vers un domaine qui me permettra d'allier ces deux passions."



Comment répondre ? 

Analysons d'abord du point de vue de l'emploi, car il serait irresponsable de ne pas envisager que les études conduisent à un travail (et l'on sait combien j'aime le mot "travail", qui donne le mot "travaux" figurant dans la question posée).

Il y a l'industrie, qui produit des biens et des services, et l'administration, qui ne devrait être qu'un "appui" à l'industrie : si l'on fait des routes, c'est pour que la nation -qui les paye- les utilise, pas seulement pour que ceux qui les font -qui reçoivent leur financement de la nation-, non ?

Donc il semble légitime d'inviter les étudiants à penser qu'ils doivent plutôt viser un travail dans l'industrie... en se souvenant que les Canadiens ont raison de nommer "industrie" le secteur de la restauration commerciale, les restaurants en un mot : pas de différence de nature entre un cuisiniers avec quelques employés, dans un restaurant, et une petite entreprise de quelques personnes.

Un travail dans l'industrie ? S'ils sont intéressés par la "cuisine", il faut donc inviter nos jeunes amis à viser l'industrie alimentaire... dans toute sa diversité : cela va de la boulangerie, au restaurant, au fournisseurs de denrées pour le restaurant, au producteur de spécialités, jusqu'à la multinationale qui produit ou distribue des produits alimentaires.
Il y a donc du choix, des possibilités d'emploi !


Cela dit, une personne qui travaille dans ces secteurs fera-t-elle de la "chimie" et de la "cuisine" ? 

Analysons les termes :

La cuisine, d'abord : il s'agit d'une activité qui allie lien social, art, technique, mais dans des proportions qui varient, de la baraque à frites (technique) au restaurant de haute cuisine (art). Pour faire de la bonne cuisine technique, il faut être un bon technicien. Pour faire de la belle cuisine artistique, il faut être un artiste.

La chimie, ensuite : le terme est aujourd'hui confus, mais il ne tient qu'à nous qu'il le devienne demain moins.
Historiquement la chimie était un "art chimique", c'est-à-dire une activité technique : fabrication de savons, métaux, cosmétiques, aliments, etc. Puis lentement, une composante technologique s'est ajoutée, puis une composante scientifique.
De quoi parle notre jeune ami : de technique ? Produire des aliments ? Dans l'acception ancienne, produire un aliment ou orchestrer des réarrangements d'atomes ("réactions chimiques"), c'est pareil. De technologie : améliorer la technique par la connaissance des réarrangements d'atomes, c'est bien la mission des ingénieurs de l'industrie alimentaire. Science ? Là, il s'agit de "faire des découvertes", et la cuisine est bien éloignée, parce que la science n'a pas vocation de produire à manger.

A ce jour, le mot "chimie" pose donc problème, parce que l'on confond la science chimique et ses applications. Or la chimie a si mauvaise presse que l'industrie chimique voudrait ne plus être nommée ainsi, alors que la science chimique voudrait conserver le nom.
C'est peut-être l'occasion de réserver le nom de "chimie" à la science des réarrangements d'atomes (voir mon livre La Sagesse du Chimiste, Ed JC Béhar), ce qui conduirait à répondre à notre jeune ami qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine !

Finalement, notre jeune ami veut-il être scientifique, technologue (ingénieur), technicien ou artiste ?

J'ai l'espoir que cette analyse, qui conduit inévitablement à la dernière question, l'aidera à dépasser les fantasmes que nous avons tous, notamment de croire que l'on peut mêler la science chimique et l'art culinaire. Répétons qu'il n'existera jamais de carré rond !


dimanche 30 septembre 2012

La technologie !

Nouvelles technologies, haute technologie... Trop souvent, le mot "technologie" est utilisé à la place de technique, comme si les techniciens avaient honte de leur pratique technique, et voulaient s'élever ! Pourtant, un bon technicien est mieux qu'un mauvais technologue, et, sans technicien, pas de production, technologue ou pas !

En réalité, l'ordinateur n'est pas un objet de "haute technologie" : c'est un objet technique moderne. Complexe, parfois.

La technologie, il faut le répéter, c'est l'activité d'étude (logos) de la technique (techne, faire) en vue de l'amélioration de la production technique.
Les ingénieurs sont des technologues.


Toutes ces généralités pour introduire une question que je reçois par email :


"Je suis un français amateur de cuisine et de sciences (j'ai fait des études de mathématiques) je réside en Australie pour un an au moins.
L'objet de ce courriel est le suivant: en absence de fouet électrique et autres artifices,  j'ai monté des oeufs en neige à la main en vu de préparer une crème au caramel pour nous échapper de la gastronomie locale (avec succès!). Alors qu'en France il me fallait en mon souvenir plus de dix minutes, ici seules quelques unes suffisent.
Je pensais que peut être une pression atmosphérique plus basse peut justifier ce phénomène, à moins que le soleil m'ait fait perdre mes repères culinaires."





Ma réponse est la suivante :  Rassurez vous, les blancs montent de la même façon dans tous les pays... mais le fouet peut changer quelque chose : si vous prenez deux fouets à la fois, le nombre de fils qui poussent l'air est doublé, et l'efficacité aussi ! 
Utiliser un fouet avec beaucoup de fils, ou bien utiliser deux fouets en même temps au lieu d'un seul, c'est faire une technique améliorée par une réflexion technologique !

mardi 29 novembre 2011

L'enseignement mieux compris

Un message révélateur, venu d'étudiants : 
"
Une question : Je suis familière aux émulsions, à la gélification et aux mesures des propriétés rhéologiques 
mais j'ai dmal à suivre l'auteur de l'article dans ses explication. 
Est-ce normal ? Est-ce justement pour soulever des questions ?"
Et voici ma réponse : 

Votre question montre exactement l'utilité d'un enseignement technologique bien pensé, merci. Je m'explique : 



1. la technologie (métier de l'ingénieur, mission d'AgroParisTech de l'enseigner) comporte 3 étapes essentielles : 

- chercher l'information scientifique

- la comprendre

- la transférer en technique

Ici, nous sommes confrontés à la deuxième fonction. 



2. les revues scientifiques ne doivent pas faire de la vulgarisation, de l'enseignement, mais au contraire 
se limiter à donner la nouveauté ; 
autrement dit, les scientifiques ont l' "interdiction" de répéter ce qui est dit ailleurs, 
et ils doivent se réduire eux-mêmes 
(c'est quelque chose à apprendre quand on fait de la science
 à citer les auteurs précédents qui ont dit ce qu'ils voulaient dire 
et qui n'est pas d'eux. 
Bref, un article scientifique, c'est un empilement de connaissances ;
on pourrait dire que c'est une pelote de laine que l'on doit défaire patiemment, en allant chercher d'autres articles,
et d'autres articles encore, etc. 



3. vous comprenez maintenant pourquoi, le premier jour de l'UE, nous avons dit que vous devriez choisir un article,
et en chercher d'autres pour bien comprendre et restituer finalement.

dimanche 18 juillet 2010

Connaissances... scientifiques?

Nous avons discuté ici des expressions fautives telles que "démontré scientifiquement", ou encore "sciences appliquées". Je n'y reviens pas.
Nous avons discuté la question de la "formation par la recherche", dont on ne sait pas très bien si c'est une formation par la science, auquel cas il n'est pas assuré qu'elle soit bonne pour de futurs ingénieurs, ou une formation par la technologie, auquel cas il n'est pas assuré qu'elle soit adaptée à de futurs scientifiques.
Nous avons discuté du mot "science", que les "philosophes naturels" croient avoir confisqué, ce que contestent les gens des sciences humaines et sociales.
Nous avons discuté la terminologie de "philosophie naturelle", qui, hélas, n'est pas suffisamment définie par la méthode... scientiifuqes
Nous avons discuté du nom de la méthode de la philosophie naturelle, qui, méthode scientifique, est pléonastique, ou, méthode expérimentale, ou méthode hypothético-déductive, est insuffisant.

Bref, nous avons déjà beaucoup questionné notre insuffisant langage actuel. Aujourd'hui, c'est l'expression "connaissance scientifique" que je veux intérroger. Je crois hélas qu'il y a la même "faute du partitif" que dans "cortège présidentiel", ou "sciences appliquées". Le cortège n'est présidentiel que si c'est lui le président. Sinon, on doit dire "cortège du président". De même, les sciences ne sont pas appliquées, sans quoi elles ne sont plus des sciences. Les connaissances, elles, sont des... connaissances, mais elles ne sont pas de la science, puisque la science est une pratique, une activité (sauf à considérer la science comme un savoir).
Y aurait-il des connaissances qui viennent de la science, et d'autres qui n'en proviendraient pas? Sans doute, mais cela ne suffit hélas pas à justifier l'usage de "connaissance scientifique". Les connaissances produites par la science ne doivent pas être nommées connaissances scientifiques, sous peine de faute de langue, et donc confusion de pensée. Comment les nommer, les distinguer des connaissances venues d'ailleurs? Je crois que nous devons nous résoudre à les nommer "connaissances produites par la science". Est-ce vraiment grave? Devons-nous à toute force synthétiser au delà de ce que la langue permet?
Je ne crois pas... ou alors, il faut à cela de nouveaux mots, et un nouveau langage. Formel?

vendredi 11 juin 2010

Désamalgamer la chimie

Il y a bien longtemps, la chimie était une activité confuse, mal dégagée de l'alchimie, dont le projet technique d'exploration du monde se mêle à un projet métaphysique, voire mystique.

Puis, lentement, la chimie s'est rationnalisée, et la partie hermétique a été rejetée. Alors, la chimie est restée mêlée aux "arts chimiques" que sont la métallurgie, la fabrication de médicaments, de bougies, de teintures, colorants, pigments, de cosmétiques...

Il n'est pas anodin, d'ailleurs, que la chimie, au Muséum national d'histoire naturelle, soit si longtemps restée servante de la pharmacie, puisqu'il s'agissait d'un travail de préparation apparenté à la cuisine.

Toutefois, quelques grands anciens avaient osé dire qu'ils étaient chimistes, philosophes naturels et que, à ce titre, ils effectuaient un travail de recherche de connaissance, d'exploration du monde.

Progressivement, la chimie est devenue une science, qui a conservé des liens avec la technologie, et donc avec l'industrie, pharmaceutique, notamment.

Toutefois, de même que la physique du solide (science) ne se confond pas avec la micro-électronique (technologie), la chimie-science ne se confond pas avec ses applications.

N'est-il pas temps, aujourd'hui, de conserver à la chimie-science le nom de chimie qu'elle a eu historiquement, et de renommer les applications de la chimie ? Je propose technologie atomique (même si je sais que, le public ayant peur du mot "nucléaire", on a eu la faiblesse hypocrite de renommer "IRM" l'imagerie par résonance magnétique nucléaire).

Votre avis?

mardi 27 avril 2010

Le charron ne fait pas de science... mais le mot "science" pose un épineux problème.

Lors d'une "dispute", à AgroParisTech, mon ami Bernard Chevassus-au-Louis citait le cas du charron, l'homme qui construit des roues de charrette, et il évoquait l'intelligence de ce charron qui sait laisser un doigt de jeu autour de la roue en bois, quand le métal est chaud, afin que, lors du refroidissement la bande métallique enserre parfaitement le bois.
Nous sommes bien d'accord : il y a de l'intelligence dans cet empirisme. Toutefois, y a-t-il "science", pour autant? Je ne le crois pas.


Je ne le crois pas... mais en réalité, la question est difficile, parce que les gens des sciences politiques disent faire de la science, et ils comprennent mal que les gens des "sciences dures" puissent confisquer le mot "science" pour leur activité. Science, savoir... En Suède, le festival des "sciences" réunissait aussi bien des scientifiques durs que des technologues du tricot, en passant par les économistes, les architectes urbains. On trouve de tout dans la science suédoise, tout comme dans la Wissenschaft allemande... ou dans la science française, puisque les sciences politiques se nomment science.

Alors, faut-il reprendre l'expresion "philosophie de la nature"? Ou "physique", puisque la physis, en grec, c'est la nature? Je pressens que mes amis chimistes, biologistes, etc. ne seront pas heureux d'aller sous cette bannière, de sorte que nous nous en sortirions mieux avec un nouveau mot. Lequel?

Depuis Galilée, par exemple, on sait que les "sciences dures" ont une méthode, qui se centre sur les phénomènes, avec une méthode spécifique qui consiste à réfuter les théories. Bien sûr, la réfutabilité de Carl Popper n'est pas le fin mot de l'affaire, pas plus que l'hypothèse et la déduction qui sont à la base de la méthode hypothético-déductive. Il manque des composantes, pour décrire cette activité des chimistes, physiciens, biologistes. "Philosphie naturelle" est tentant, mais également insuffisant, puisqu'il y a "science", et "science dure", quand un sociologue met en oeuvre la méthode dite "scientifique", avec observation de phénomène, détermination quantitative, regroupement des données en lois, d'où l'on extrait des mécanismes, à partir desquels ont fait une prévision qui est testée expérimentalement.

Cette méthode est caractéristique. Oui, le charron est "intelligent", et oui, il pratique l'expérimentation tout comme le physicien, mais il lui m anque, pour faire une activité analogue à la chimie, ce guide et ce garde-fou qu'est le calcul. Galilée disait que le monde est écrit en "mathématiques" ; il voulait dire "en calculs"... mais il se trompait, car en réalité, c'est seulement le monde de Galilée, des physiciens, chimistes, biologistes, etc. qui est écrit en langage de calcul.

Au total, notre activité devrait être nommée expérimentalo-calculatoire.

samedi 6 février 2010

La "formation par la recherche"?

Je commence à avoir l'habitude de ne pas être politiquement correct, mais si je supporte ainsi les critiques, c'est parce que j'ai un objectif supérieur : le bien des étudiants!

Et puis, le dogme est quelque chose d'assez ennuyeux, et stérile, une façon paresseuse de ne pas penser, non?

Dans nos cercles universitaires, il y a ainsi l'expression "sauver la recherche" : je me suis exprimé précédemment sur la différence entre "recherche" et "recherche scientifique", ou encore "recherche technologique". Sauver la recherche : laquelle? La recherche artistique? La recherche technologique?

La recherche artistique ne relevant pas du champ de la science, je crois qu'il faut laisser aux artistes le soin de s'en préoccuper. Pour nos champs "scientifiques", la seule qui nous concerne est la recherche... scientifique : normal, non?

La recherche technologique ? Puisque la technologie est (relisons le mot, cherchons son étymologie, au lieu de projeter nos acceptions très idiosyncratiques) le perfectionnement de la technique, laissons à l'industrie le soin de faire son travail, et consacrons-nous, dans les laboratoires scientifiques, à produire des connaissances qui seront utiles pour l'innovation technologique, le transfert technologique. Sans ces connaissances nouvelles, les ingénieurs ne pourront transférer que de vieilles choses, et leur sacro-sainte innovation sera très périmée.

Donc la recherche? Non, la science. Abandonnons le mot "recherche", qui est un fourre-tout confus, et parlons de science.

Faut-il "sauver la science"? Aux échecs, la défense sait bien qu'elle est désavantagée. Donc ne sauvons pas la science, mais développons la très positivement, en n'oubliant pas de penser que c'est la production scientifique qui fera l'innovation, laquelle devra être, ensuite, le travail de l'industrie, des ingénieurs.

Alors, la "formation par la recherche", dans ce contexte? Veut-on dire "formation par la science"? Pourquoi pas, mais qui pourra démontrer que la formation par la science est une bonne formation pour des élèves ingénieurs? Pourquoi l'entraînement à la recherche des mécanismes des phénomènes (la science expérimentale) serait-il utile à l'exercice du métier d'ingénieur?
Après tout, l'ingénieur doit savoir chercher des connaissances, et les transférer. Je ne vois pas que, dans ces tâches, la pratique scientifique intervienne.

A ce stade, j'ai bien peur d'être gravement dans l'erreur. Qui aura la gentillesse de réfuter l'argumentation précédente?

La "formation par la recherche"?

Je commence à avoir l'habitude de ne pas être politiquement correct, mais si je supporte ainsi les critiques, c'est parce que j'ai un objectif supérieur : le bien des étudiants!

Et puis, le dogme est quelque chose d'assez ennuyeux, et stérile, une façon paresseuse de ne pas penser, non?

Dans nos cercles universitaires, il y a ainsi l'expression "sauver la recherche" : je me suis exprimé précédemment sur la différence entre "recherche" et "recherche scientifique", ou encore "recherche technologique". Sauver la recherche : laquelle? La recherche artistique? La recherche technologique?

La recherche artistique ne relevant pas du champ de la science, je crois qu'il faut laisser aux artistes le soin de s'en préoccuper. Pour nos champs "scientifiques", la seule qui nous concerne est la recherche... scientifique : normal, non?

La recherche technologique? Puisque la technologie est (relisons le mot, cherchons son étymologie, au lieu de projeter nos acceptions très idiosyncratiques) le perfectionnement de la technique, laissons à l'industrie le soin de faire son travail, et consacrons-nous, dans les laboratoires scientifiques, à produire des connaissances qui seront utiles pour l'innovation technologique, le transfert technologique. Sans ces connaissances nouvelles, les ingénieurs ne pourront transférer que de vieilles choses, et leur sacro-sainte innovation sera très périmée.

Donc la recherche? Non, la science. Abandonnons le mot "recherche", qui est un fourre-tout confus, et parlons de science.

Faut-il "sauver la science"? Aux échecs, la défense sait bien qu'elle est désavantagée. Donc ne sauvons pas la science, mais développons la très positivement, en n'oubliant pas de penser que c'est la production scientifique qui fera l'innovation, laquelle devra être, ensuite, le travail de l'industrie, des ingénieurs.

Alors, la "formation par la recherche", dans ce contexte? Veut-on dire "formation par la science"? Pourquoi pas, mais qui pourra démontrer que la formation par la science est une bonne formation pour des élèves ingénieurs? Pourquoi l'entraînement à la recherche des mécanismes des phénomènes (la science expérimentale) serait-il utile à l'exercice du métier d'ingénieur?
Après tout, l'ingénieur doit savoir chercher des connaissances, et les transférer. Je ne vois pas que, dans ces tâches, la pratique scientifique intervienne.

A ce stade, j'ai bien peur d'être gravement dans l'erreur. Qui aura la gentillesse de réfuter l'argumentation précédente?