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mardi 19 novembre 2024

Pourquoi s'imposent des travaux techniques au plus haut niveau de la charcuterie ?

Nous sommes bien d'accord que les beaux produits attirent légitimement le chaland, et comme le disaient justement les Tontons flingueurs, le prix s'oublie, mais la qualité reste. 

Pas étonnant que nous acceptions de faire la queue quand nous achetons du pain : le mauvais pain ne vaut pas la somme même modeste que nous le payons, et le bon pain est tellement merveilleux. De même, pour la charcuterie : ah, un merveilleux boudin, un extraordinaire saucisson, une andouillette d'anthologie... Tout cela mérite un long déplacement tandis que ces mêmes produits réalisés de façon médiocre nous font en réalité dépenser notre argent en pure perte. 

Bref, il faut viser l'excellence et non seulement quand on est charcutier et que l'on veut vendre sa charcuterie, mais aussi simplement pour le plaisir du travail réalisé. 

 

D'où la question : qu'est-ce qu'un bon boudin  ? Une belle andouillette ? Une bonne terrine ? Un bon pâté froid ? Une belle Knack ?  Une jolie rillette ? 

Le problème est que, à ce jour, les produits ne sont pas évalués de la même manière par différentes personnes, ce qui montre que nous manquons de critères explicite sur lesquels nous puissions fonder nos jugements. Pourtant, il y a nombre de possibilités d'y parvenir, notamment quand on regarde à contrario en quelque sorte. 

Par exemple, quand on embosse, quand on pousse un appareil dans un boyau, il est de toute première importance de ne pas laisser de poches d'air sans quoi il y a des risques de rancissement. 

Pour une terrine par exemple, il est essentiel de bien malaxer les chair hachées, sans quoi les tranches de la terrine ne se tiendront pas à la coupe. Et de même pour du boudin blanc, qui ne doit pas se défaire,  ce qui serait sans doute le signe que le liquide (le lait) a été mis trop chaud dans la préparation de base. 

Et ainsi de suite : il y a urgence  à recueillir auprès des bons professionnels des indications techniques qui permettent non seulement un meilleur jugement, un jugement plus solide, partagé surtout, mais aussi un enseignement pour les jeunes qui sauront alors quels sont les principaux écueils et qui, ainsi, sauront les éviter. 

Je milite pour que nous aidions les apprenants, pour que nous cessions de faire des enseignements fondés sur la répétition, mais, plutôt, que nous fondions les enseignement sur la compréhension, la transmission explicite. 

Et c'est la raison pour laquelle une académie de la charcuterie s'impose :  ce sera le lieu où d'excellents professionnels pourront échanger,  mettre en commun ces idées techniques qui seront ainsi ensuite transférées. 

Transférées aux jeunes comme je l'ai dit, transférées aux jurés des concours, mais également transférées au public, car il est essentiel que ce dernier comprenne la différence entre des produits de grande qualité  et des produits mal fait par des producteurs plus intéressés par l'argent que par la beauté de la charcuterie. 

Je prends pour expliquer ce point l'exemple de l'andouillette, qui se fait traditionnellement à la ficelle : on tire des boyaux à l'aide d'une ficelle, dans le boyau externe, pour obtenir une série de couches concentriques à l'intérieur du boyau extérieur. 
A la dégustation, on a une sensation bien différente de celles que donnent des andouillettes où des praticiens hâtifs, négligents, auraient poussés des morceaux de boyaux déchiquetés dans le boyau extérieur. 

Bien sûr, certains consommateurs ne verrons pas la différence mais est-ce une raison pour mal faire ?  Après tout, les sourds n'entendent pas la musique... Bien sûr,  cela coûte moins cher de pousser des fragments de boyaux broyés... mais qui pourrait sans rougir vendre de tels produits ? D'ailleurs, est-il vraiment légitime de nommer cela des andouillettes ? Je milite pour que la réglementation impose un autre nom, que l'on ne détourne pas déloyalement la dénomination.  

En tout cas, je crois que cela vaut la peine de travailler à cette Académie française que nous constituons aujourd'hui, pour la charcuterie !

mardi 25 juillet 2023

L’Académie des technologies mérite-t-elle son nom ?

Continuons sans cesse d'interroger les mots. 

 

Ce matin, j'ai lu sur un document « Académie des technologies ». 

Académie : je comprends que l'on a repris le nom de l'école de Platon, pour désigne une assemblée de savants, de gens de lettres, d'artistes... Mais c'est le mot « technologies », que je propose surtout d'interroger. 

 

Académie des technologies ? Ou de la technologie ? 

 

Dans le mot “technologie”, il y a techne, qui signifie faire, la technique, et logos, l'étude. La technologie est donc l'étude de la technique. 

Bien souvent, quand on nous parle de “haute technologie”, il s'agit souvent de technique avancée. Hautes technologies, au pluriel ? C'est une faute : il s'agit seulement de techniques avancées. 

Mais existe-t-il plusieurs technologies ? Si l'on considère la cuisine, qui comporte une activité technique, il y a effectivement une technologie, culinaire. Si l'on considère l'électronique, il y a également une technologie, d'un autre ordre. 

Si l'on prend le textile, alors il y a encore une technologie spécifique. 

La conclusion s'impose : il y a des technologies... et il est donc légitime que l'Académie des technologies porte son nom. 

 

Souvenons-nous qu'elle est né du CADAS, le comité des applications des sciences, qui était une commission particulière de l'Académie des sciences. A-t-on eu raison de transformer le CADAS en Académie des technologies ? C'est une chose que j'avais discutée avec Guy Ourisson, qui fut notamment président de l'Académie des sciences, et nous étions bien d'accord que l'évolution était nécessaire, car la technologie n'est pas toujours l'application des sciences. 

En introduisant le mot « technologie » dans le nom d'une académie spécifique, distincte de l'Académie des sciences, on a fait quelque chose d'utile, car on a reconnu l'importance de la technologie, activité séparée de la sciences avec des spécificités, des objectifs particuliers, des méthodes particulières. Je n'oublie pas que je me suis promis, en vue de faire grandir les technologies (moi dont l'activité veut être scientifique, et non technologique), d'aller explorer les méthodes des technologies. 

Je compte aussi sur touts mes amis pour m'y aider, et, au premier chef, évidemment, mes amis dont l'activité est de nature technologique : n'est-ce pas une bonne compréhension de l'objet qui permettra un bon enseignement ?

mercredi 5 janvier 2022

Qu'est-ce qu'être membre d'une académie ?

 
Qu'est-ce qu'être membre d'une académie ? Pour certains, être membre d'une académie, c'est recevoir un bâton de maréchal et se reposer sur celui-ci avec un contentement béat : ce n'est pas ma vision des choses.

Oui, ce n'est pas ma vision des choses, car il me semble que,  au contraire,  l'honneur qui est fait à quelqu'un qui est élu par une académie, et accepte d'en faire partie, s'accompagne d'une obligation morale de participation ou d'activité, sous peine de se donner le ridicule d'une poitrine de général mexicain (pardon à ces personnes, mais c'est une expression que tout le monde comprend en France et en Alsace).

Oui, accepter l'honneur qui nous est fait, c'est en quelque sorte s'engager à être présent, actif, de sorte que l'on est alors avec la double charge de poursuivre l'activité un peu exceptionnelle qui a conduit à nous faire élire, et, aussi, à participer aux activités académiques : contribuer à faire grandir chacun, grandir soi-même de leur fréquentation, contribuer au collectif, pour le bien de la collectivité où l'académie s'inscrit.

De ce fait, être membre d'une académie, c'est partager avec les consoeurs et les confrères des connaissances, des compétences, une certaine sagesse, des activités, des réflexions, des analyses...Bref, c'est échanger avec les consoeurs et les confrères.

D'ailleurs, les échanges sont dans les deux sens : nous avons en quelque sorte un engagement à transmettre aux autres, mais aussi à recevoir.

Certes, nous n'avons pas tous la possibilité de partager physiquement, d'être présent à toutes les réunions académiques, surtout si nous sommes en activité professionnelle (et je milite pour que les académies ne soient pas des associations de retraités) et que nous devons  notre temps à nos employeurs. Mais il y a 1000 façons de participer activement aux activités de l'Académie.

Et en tout cas, si l'on revient au principe fondateur de la discussion, il y a lieu d'être présent, actif, ou plus exactement de ne pas être absent.

Ceux que l'on ne voit jamais dans une académie doivent-ils y être ? Et pourquoi y seraient-ils ? Non, vraiment, cela n'a pas de sens d'être dans une académie et de ne pas y être d'une façon ou d'une autre.

Evidemment, le point essentiel, c'est ce "d'une façon ou d'une autre" : à nous d'être intelligent et d'inventer ces façons.

Observons que l'activité humaine est faite de paroles, d'écrits,, mais aussi d'œuvre qui prennent d'autres formes : dessins, sculptures, musiques, photographies, peintures, mais aussi plans (d'architectes), cablages (d'électriciens), plats (de cuisiniers ou d'autres artisans et artistes des métiers de bouche)... Participer à une académie, n'est-ce pas aussi placer certaines de nos contributions dans le cadre cette dernière ? N'est-ce pas se mettre en position de se poser publiquement, par oral ou par écrit par exemple, la question de sa participation active à l'Académie ?

Avec ce mot,  "participation", tout est dit : à nous de bien identifier laquelle nous devons avoir, comment nous pouvons nous engager, pour mériter d'être dans l'académie.

vendredi 26 juillet 2019

Les paradoxes des académies


Les humains étant ce qu'ils sont (je suis dans un jour réaliste), il y a quelque paradoxe à vouloir constituer des académies. En effet, une académie est -aujourd'hui- une assemblée de personnalités qui ont à leur actif (et j'ai bien dit "actif", pas "passé") des réalisations remarquables. Ce sont des individus engagés dans l'action, notamment scientifique pour des académies scientifiques.
Or l'animation de ces académies se fait par les académiciens eux-mêmes, ce qui nécessite une "administration" de la compagnie. Et là réside le paradoxe, parce que ceux qui, précisément, sont activement engagés dans l'action ont besoin de tout leur temps, de toute leur énergie pour obtenir les réalisations qu'ils visent, et ils ne consentent que difficilement à détourner temps et énergie pour de l'administration ; d'ailleurs, même, s'ils détournaient de leur temps et énergie, ils deviendraient moins dignes (si l'on juge l'action présente, et que l'on évite de faire des académies un mouroir de maréchaux) d'être académiciens.

Évidemment, ce paradoxe ne vaut que parce que j'utilise une définition excessivement stricte  des personnalités d'action ; avec plus de souplesse intellectuelle que je n'en ai, on pourrait imaginer des personnalités qui consacrent une partie de leur temps à l'administration des académies, ou bien encore on pourrait imaginer que l'Etat se préoccupe des administrations académiques, afin de laisser les académiciens se consacrer à leurs travaux. Mais la manne de l'Etat peut se tarir, et les académies devraient alors se tourner vers l'industrie, qui s'enrichit indirectement des travaux académiques... mais tend souvent à réclamer des travaux plus directement appliqués... ce qui risque précisément de tarir les innovations : sans science fondamentale, pas d'application des sciences, n'est-ce pas ? Un autre paradoxe se présente donc.

Mais revenons à des fondamentaux : les académies sont filles de celle qui s'est créée à Athènes, quand des philosophes se sont réunis pour échanger, en une sorte de communauté. Au 21e siècle, l'échange passe-t-il nécessairement par des voyages, des réunions qui imposent à chacun d'aller dans un lieu dédié ? Ou bien ne pouvons-nous pas imaginer des modes de communication numériques, innovants ? Après tout, on n'oubliera pas que l'abbé Mersenne fut à l'origine de l'Académie royale des sciences, en assurant les échanges entre les savants européens : cela imposait des correspondances nombreuses, à une époque où la photocopie n'existait pas, mais il est si facile, aujourd'hui, de faire un "copie à tous", d'appuyer sur "entrée", sans parler de skype et des autres systèmes de discussion en ligne.
De la sorte, les frais fixes (loyers, électricité, chauffage, etc.) disparaissent, l'administration s'allège, et des académies nouvelles peuvent naître. S'agit-il là du fonctionnement académique de demain ?

dimanche 7 juillet 2019

Les "exercices spirituels"


On connaît les exercices les rituels de la philosophie antique  : il s'agissait de discussions, de dialogues, de méditations que l'on faisait notamment dans l'Académie, c'est-à-dire l'école de philosophie de Platon.
Exercice spirituel : cela risque de faire penser à des méditations orientales,  mais je propose de ne pas céder un engouement déraisonnable pour tout ce qui vient de loin, en l'occurrence l'Asie. L'Académie existait au 5e siècle avant notre ère, alors que les échanges étaient universels, dans l'Ancien Monde, et l'Asie n'a pas l'apanage de la réflexion.
Bref, il y a des exercices spirituels, et certains consistaient à prendre de la hauteur de vue, à "réfléchir", ce qui signifie penser sur soi-même. Il y avait de la recherche d'amélioration intellectuelle, et n'est-ce pas ce que j'ai souvent proposé de faire, notamment avec nos "courriels du soir", où chacun, dans notre groupe de recherche, fait le bilan de sa journée, en prenant de la hauteur, du recul, en y mettant de l'abstraction  ?

mercredi 20 décembre 2017

Puis-je sourire (moquerie) ?

On se souvient qu'il faut de la parfaite bonté, bienveillance, gentillesse... mais, parfois, les prétentions sont ahurissantes. Surmontons nos (petites) indignations, donc, pour conserver un état d'esprit parfaitement positif... sauf quand nous pouvons profiter de la chose pour dire des choses justes et utiles.

En l'occurrence, je combe sur  le paragraphe suivant :

"Les découvertes, au sens où je l'entends, résultent des travaux de recherche fondamentaux correspondant aux efforts faits par les chercheurs pour comprendre le monde qui nous entoure. Les inventions techniques sont des dispositifs nouveaux qui fonctionnent, mais n'ont pas forcément trouvé une application  grand public. Les innovations technologiques correspondent à des inventions pouvant résulter de découvertes et qui ont tuvé leur marché et leurs applications grand public."
 

Pourquoi ce paragraphe est-il risible ?
D'abord, parce que le mot "découverte" n'a guère a être défini par notre homme, surtout si mal. La découverte est à la fois l'acte de découvrir et l'object découvert, mis à la connaissance.
Et la "découverte scientifique", dans la seconde acception, est le fruit de la "recherche scientifique", terminologie qui est quand même plus précise que "recherche fondamentale". D'ailleurs, à ce sujet, on observe que le paragraphe n'utilise pas cette expression, mais plutôt "travaux fondamentaux de recherche" (je réorganise pour mieux faire sentir la chose).

Surtout, il y a cette distinction entre innovation technique et innovation technologique. Là, notre auteur dit le contraire de la langue, très illégitimement. Nous n'avons pas besoin de lui pour redéfinir les termes, même s'il appartient à une de nos académies. 
Une innovation est d'abord le fait d'innover, avant d'être le résultat de cette action, une chose nouvelle introduite. Bref, une innovation est une nouveauté, qu'elle ait ou non des applications dans un champ technique.
Pour la "technique", c'est le faire. Par exemple, la cuisine est une technique, ainsi que la plomberie, l'analyse chimique, la médecine, la confection de routes... Et "innovation technique" est  une expression un peu ambigüe pour signifier innovation de la technique. Par exemple, le siphon, en cuisine, est une innovation de la technique (culinaire), puisqu'il remplace le fouet.
Pour l'innovation technologique, c'est une innovation qui concerne le domaine de la technologie, donc du perfectionnement des techniques. Par exemple, quand un logiciel de conception des puces microélectroniques remplace le dessin des puces par des dessinateurs industriels dans des bureaux d'étude, c'est une innovation qui concerne la technologie, donc techonologique.
Bien sûr, on pourrait arguer que les dessinateurs industriels font un travail technique, de sorte que le logiciel serait une innovation technique. OK, passons alors au travail de l'ingénieur proprement dit : un logiciel qui lui permet de mieux connaître des flux de matière dans son usine facilite et transforme son travail. Innovation technologique.

Bref, les mots ont des sens qui ne nous appartiennent pas, et il faut beaucoup de stature pour avoir la moindre chance de bouleverser les mots... en supposant qu'il y ait un vrai besoin de le faire.
Mais, surtout, si l'on introduit des concepts nouveaux, pourquoi ne pas introduire des mots nouveaux ?

samedi 31 décembre 2016

Les publications scientifiques

Trois académies (l'Académie des sciences, la Royal Society, la Leopoldina) viennent d'émettre un avis en vue de publications scientifiques de qualité.

Je relève, dans ce texte, les paragraphes suivants :

Some of the changes are beneficial to science, such as the move toward open access and open data. But others are the consequence of more negative effects such as the incessant pressures on researchers to publish more and more articles and to choose journals with very high impact factors. The pressures have given rise to a greatly increased volume of published articles and publication biases towards articles on fashionable or eye-catching subjects and away from high-quality articles reporting detailed studies, negative findings or replications. 

The well-established scientific journals are inundated by manuscrips attracted by high impact factors. The first pass selection for these journals is frequently not made by the classical peer review system, but rather by fast screening methods that are often influenced by how fashionable the manuscript is.

The principles for high quality are:
1. Efficient and high-quality dissemination of scientific information
2. The avoidance of all forms of conflict of interest
3. The necessity to ensure fair reviewing of articles
4. Keeping the handling and decision-making processes regarding scientific articles entirely under the control of well-recognised scientists.