Nous sommes bien d'accord que les beaux produits attirent légitimement le chaland, et comme le disaient justement les Tontons flingueurs, le prix s'oublie, mais la qualité reste.
Pas étonnant que nous acceptions de faire la queue quand nous achetons du pain : le mauvais pain ne vaut pas la somme même modeste que nous le payons, et le bon pain est tellement merveilleux. De même, pour la charcuterie : ah, un merveilleux boudin, un extraordinaire saucisson, une andouillette d'anthologie... Tout cela mérite un long déplacement tandis que ces mêmes produits réalisés de façon médiocre nous font en réalité dépenser notre argent en pure perte.
Bref, il faut viser l'excellence et non seulement quand on est charcutier et que l'on veut vendre sa charcuterie, mais aussi simplement pour le plaisir du travail réalisé.
D'où la question : qu'est-ce qu'un bon boudin ? Une belle andouillette ? Une bonne terrine ? Un bon pâté froid ? Une belle Knack ? Une jolie rillette ?
Le problème est que, à ce jour, les produits ne sont pas évalués de la même manière par différentes personnes, ce qui montre que nous manquons de critères explicite sur lesquels nous puissions fonder nos jugements. Pourtant, il y a nombre de possibilités d'y parvenir, notamment quand on regarde à contrario en quelque sorte.
Par exemple, quand on embosse, quand on pousse un appareil dans un boyau, il est de toute première importance de ne pas laisser de poches d'air sans quoi il y a des risques de rancissement.
Pour une terrine par exemple, il est essentiel de bien malaxer les chair hachées, sans quoi les tranches de la terrine ne se tiendront pas à la coupe. Et de même pour du boudin blanc, qui ne doit pas se défaire, ce qui serait sans doute le signe que le liquide (le lait) a été mis trop chaud dans la préparation de base.
Et ainsi de suite : il y a urgence à recueillir auprès des bons professionnels des indications techniques qui permettent non seulement un meilleur jugement, un jugement plus solide, partagé surtout, mais aussi un enseignement pour les jeunes qui sauront alors quels sont les principaux écueils et qui, ainsi, sauront les éviter.
Je milite pour que nous aidions les apprenants, pour que nous cessions de faire des enseignements fondés sur la répétition, mais, plutôt, que nous fondions les enseignement sur la compréhension, la transmission explicite.
Et c'est la raison pour laquelle une académie de la charcuterie s'impose : ce sera le lieu où d'excellents professionnels pourront échanger, mettre en commun ces idées techniques qui seront ainsi ensuite transférées.
Transférées aux jeunes comme je l'ai dit, transférées aux jurés des concours, mais également transférées au public, car il est essentiel que ce dernier comprenne la différence entre des produits de grande qualité et des produits mal fait par des producteurs plus intéressés par l'argent que par la beauté de la charcuterie.
Je prends pour expliquer
ce point l'exemple de l'andouillette, qui se fait traditionnellement à
la ficelle : on tire des boyaux à l'aide d'une ficelle, dans le boyau externe, pour obtenir une
série de couches concentriques à l'intérieur du boyau extérieur.
A la dégustation, on a une sensation bien différente de celles que donnent des andouillettes où des praticiens hâtifs, négligents, auraient poussés des morceaux de boyaux déchiquetés dans le boyau extérieur.
Bien sûr, certains consommateurs ne verrons pas la différence mais est-ce une raison pour mal faire ? Après tout, les sourds n'entendent pas la musique... Bien sûr, cela coûte moins cher de pousser des fragments de boyaux broyés... mais qui pourrait sans rougir vendre de tels produits ? D'ailleurs, est-il vraiment légitime de nommer cela des andouillettes ? Je milite pour que la réglementation impose un autre nom, que l'on ne détourne pas déloyalement la dénomination.
En tout cas, je crois que cela vaut la peine de
travailler à cette Académie française que nous constituons aujourd'hui, pour la charcuterie !