mercredi 13 septembre 2023

Attention au botulisme !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

 Attention au botulisme !

Ces deux dernières années, il y a eu des batailles autour de l'utilisation des nitrites dans les charcuteries, et les opposants aux nitrites balayaient généralement d'un revers de la main la possibilité de botulisme, c'est-à-dire d'intoxication très grave par la bactérie Clostridium botulinum, qui libère une toxine mortelle.
Le botulisme semblait loin à ces personnes, même quand on leur rappelait qu'il y a peu d'années, des tapenades artisanales avait envoyé à l'hôpital toute une série de consommateurs.

Là, hier, une personne est morte d'avoir consommé des sardines en boîte artisanales, en Gironde., et sept  autres personnes sont dans un état très grave.

C'est l'occasion de rappeler à tous ceux qui en ont besoin qu'on ne joue pas impunément avec les conserves, notamment celles de viande et de poisson.

Mais pas seulement ! Il y a peu, un journaliste spécialisé en cuisine et gastronomie m'a signalé que certaines de ses conserves avaient gonflé, en août.
L'été, avec ses chaleurs, est l'occasion de voir les conserves mal faites se dégrader.
On répétera jamais assez que, quand il n'y a ni sel, ni acide (vinaigre, par exemple), ni sucre, ni fumage, etc., alors il y a des possibilités pour que des micro-organismes pathogènes puissent se développer et parmi eux, le terrible Clostridium botulinum.

Bien sûr, il existe  de bons micro-organismes, tels ceux qui font le vin, la bière, les yaourts... mais il y a aussi les mauvais et, je le répète, ce sont surtout les conserves de viande et de poisson qui devront faire l'objet de préparations rigoureuses, par des personnes formées à la préparation de ces produits.

N'importe qui ne peut pas s'improviser charcutier, par exemple et c'est l'occasion aussi de signaler que le professionnalisme est important non pas seulement pour donner bon goût aux préparations alimentaires, mais, surtout, pour éviter d'empoisonner les convives !

Pas de cautérisation pour les viandes sautées

 
De nombreux livres de cuisine indiquent que l'on doit saisir les viandes sautées afin de cautériser la chair, d'empêcher le jus de sortir. Que penser de cette prescription ? 

 

Faisons l'expérience de poser un steak dans une poêle très chaude, et observons : nous entendons du bruit, nous voyons des bulles à la base du steak, et nous voyons aussi une fumée s'élever.
Si nous mettons un verre froid dans la fumée, nous le voyons se couvrir de buée, ce qui montre que de l'eau s'évapore de la viande... ce qui est bien naturel, puisque l'on chauffe de la viande, laquelle est faite de 60 pour cent de protéines et de 40 pour cent d'eau. 

Disposant de cette première observation, nous pouvons maintenant comparer deux poêles où cuisent deux moitiés d'un même steak, l'une chauffée doucement et l'autre chauffée très fort.
Dans les deux cas, il y a de la fumée. Autrement dit, que l'on chauffe doucement ou énergiquement, de l'eau s'évapore ; autrement dit, si par hasard il y avait cautérisation, cette dernière ne préviendrait pas efficacement la sortie du jus ! D'ailleurs, prenons un steak sauté vivement et posons-le dans une assiette : rapidement, la viande surmonte une flaque de jus, preuve que la cautérisation ne prévient pas la sortie du jus. 

Pourquoi cette prescription, alors ? Parce que si l'on cuit lentement une viande, un thermocouple que l'on placera sous la viande, au contact de la poêle, montrera une température constante de 100° : c'est l'indication que le débit de sortie du jus de viande est supérieur à la vitesse l'évaporation du jus.
En revanche, si nous sautons très vivement la viande, nous pouvons observer que la température sous le steak argumente considérablement, atteignant 180, 200, 250°, signe qu'il n'y a plus d'eau liquide et que, contrairement au cas précédent, on n'est pas en train de faire bouillir la viande.
De ce fait, les réactions chimiques responsables de la formation de composés sapides, odorants, colorés ont lieu, et la surface de la viande prend un goût bien particulier. Comment rendre cela quantitatif ? Bien sur, il y a eu la mesure de la température sous la viande, mais pourrions-nous faire un modèle ? Nous pourrions vouloir calculer l'épaisseur de la croûte. A cette fin, il faudrait déterminer la puissance transmise à la viande, ce qui pourrait se faire en remplaçant la viande par une petite coupelle pleine d'eau. En mesurant la température de l'eau, on pourrait suivre l'échauffement, et déterminer la puissance de chauffage. Puis, de ce fait, on pourrait calculer l'épaisseur de la croûte formée. 

Et c'est alors le début d'une longue histoire, celle d'une exploration scientifique de la cuisson des viandes.

Pas d'acides dans le sucre

 

Un correspondant soumet à mon analyse la phrase suivante :

"Dans les pâtes à foncer, le bicarbonate  de sodium ferait lever la pâte par réaction avec les acides présents dans le sucre."

Comment a-t-on pu inventer cela.... sachant qu'il n'y a pas d'acides dans le sucre ????????

Certes le bicarbonate peut réagir avec des acides pour libérer du dioxyde de carbone  : on le voit simplement en ajoutant du bicarbonate à du vinaigre blanc, lequel, lui, contient bien un acide, à savoir l'acide acétique.

Certes, le bicarbonate peut libérer du dioxyde de carbone,  qui fait éventuellement lever une pâte : d'ailleurs, si l'on chauffe de l'eau avec du bicarbonate, on voit l'eau mousser.

Mais  ce qui est vraiment choquant, ce sont ces prétendus acides qui seraient dans le sucre.
Non,  le sucre ne contient pas d'acides, et d'ailleurs le sucre de table  blanc est une forme quasi pure (plus de 99 pour cent) de saccharose. Disons le différemment : le sucre, ce sont des grains formés par l'empilement régulier des molécules de saccharose.
Autrement dit, il n'y a que des molécules de saccharose, et aucun acide.

D'où vient cette élucubration des acides dans le sucre ?  Décidément je m'étonne sans comprendre.



mardi 12 septembre 2023

Une "dénaturation des protéines", ce n'est pas une "décomposition", ni une "dépolymérisation" : méfions-nous des mots de plus de trois syllabes que nous ne comprenons pas.

Un correspondant me tend un :

"La congélation des pâtes entrainerait une dépolymérisation des macropolymères de gluténine dans la pâte"

Et la phrase n'a aucun sens, en plus de véhiculer une information très probablement fausse.

La congélation d'une pâte, on comprend bien ce dont il s'agit : on met une pâte (farine, beurre et eau) dans un congélateur : la farine est intouchée, le beurre durcit parce que ses molécules  "cristallisent" (les molécules de triglycérides s'associent en empilements réguliers nommés "cristaux"), et l'eau congèle (les molécules d'eau forment de la glace).
A noter que, dans cette description, les molécules d'eau qui pontaient les protéines du "gluten" (gluténines, gliadines) dans la pâte cessent peut être d'assurer cette liaison, pour s'associer, ce qui correspondrait à un affaiblissement du réseau de gluten... si cette eau ne revient pas ponter les protéines lors de la décongélation, ce que je ne sais pas.

La "dépolymérisation des macropolymères de gluténine" ? La phrase n'a pas de sens, déjà parce que le mot gluténine au singulier n'a aucun sens : il n'existe pas "la gluténine", mais, plutôt, dans la pâte, des molécules de différentes gluténines.
Le mot "gluténine" désigne une catégorie d'objet : les grosses gluténines et les petites gluténines (on dit HMW et LMW, mais c'est un détail) , dont il existe beaucoup de catégories.
Et une catégorie, c'est  abstrait. Ce qui est concret, ce sont les molécules de gluténines.

Ces molécules de gluténines sont toutes des "polymères", car elles sont formées par l'enchaînement de nombreux motifs, nommés monomères (comme les anneaux d'une chaîne), qui, en l’occurrence, sont des "résidus d'acides aminés". En revanche, cela n'a aucun sens de parler de "macropolymère", car un polymère est une macromolécule : dans les deux cas, il s'agit de molécules formées par l'enchaînement de nombreuses unités. Bref, le mot "macropolymère" est une sorte de monstre dont on peut supposer, vu le nombre de syllabes, qu'il recouvre toujours l'incompréhension de celui ou celle qui le prononce, et parfois la volonté prétentieuse d'épater... au risque d'être pris la main dans le sac. Mais je n'ai pas dit que mon interlocuteur était dans cette seconde position.

La "dépolymérisation" ? Il y a encore beaucoup de syllabes, mais le mot est propre, juste... à condition qu'il désigne effectivement la dissociation d'une macromolécule, ou d'une molécule de polymère (on se souvient que c'est la même chose), notamment une molécule d'une gluténine particulière, en ses unités constitutives. Oui, des monomères peuvent "polymériser", quand ils s'enchaînent chimiquement en grand nombre, et il des polymères peuvent se dépolymériser, dans les liaisons chimiques sont détruites. on parle de dépolymérisation...

Et, en tout cas, j'ai les plus grands doute sur le fait que cela se produise lors d'une congélation !
Soyons clair : je n'y crois absolument pas, d'autant que je vois que nombre des phrases qui me sont soumises confondent les matières, les molécules, et cetera, et que si les mots sont erronés, je suis quasiment certain que les idées le sont aussi.  

A propos de congélation,  il y a un principe essentiel de la physico-chimie à savoir que la température correspond à au mouvement des molécules : des molécules formant un échantillon de matière (solide, liquide, gaz)  bougent rapidement quand l'échantillon de matière est chaud, et elles bougent plus lentement quand l'échantillon de matière est froid, notamment dans une congélation.

Pour fixer les idées, partons d'un peu d'eau liquide, à la température ambiante : cette eau est faite de molécules d'eau, comme des billes qui bougeraient sans cesse en tous sens, à très grande vitesse.
Si l'on chauffe l'eau, alors les molécules vont encore plus vite, et si vite même qu'elles peuvent arriver à quitter le liquide, tout comme une fusée qui a une vitesse supérieure peut quitter l'attraction terrestre.
Inversement, quand on refroidit l'eau, les molécules d'eau ralentissent, et elle ralentissent tant que, finalement, les attractions entre  les molécules d'eau deviennent plus fortes que leur mouvement : les molécules restent alors collées les unes aux autres, se limitant à vibrer un peu sur place : c'est la glace.

La congélation correspond ainsi à l'immobilisation des molécules  : dans une pâte à foncer, faite de grains d'amidon, de molécule de protéines et de bien d'autres composés, de beurre, c'est-à-dire de triglycérides et d'eau, il en va de même.
Pour l'amidon, pas de nouveauté puisque les molécules d'amylose et d'amylopectine qui sont entassés en grains d'amidon ne bougent déjà pas.
Pour les molécules de triglycérides, la matière grasse, alors cette dernière cristallise, les molécules de triglycérides s'empilant régulièrement et ne bougeant plus.
Pour les molécules d'eau, de même, la congélation provoque la formation de glace.

Les protéines, dans cette affaire ? Il en va de même : ces molécules en forme de pelote, ralenties, s'immobilisent. Et à froid, en tout cas pour des périodes de quelques heures, il n'y a aucune réaction chimique, aucune dégradation de rien  du tout ! Car pour qu'il y ait réaction, il faut que des molécules se rencontrent ; or elles ne bougent plus. Ou bien il faut que les atomes liés par une liaison chimique aient beaucoup d'énergie ; or la congélation réduit cette énergie.

Mais, en analysant toute cette question, je crois finir par comprendre que mon correspondant a confondu la "dénaturation" des protéines et leur dissociation. Il faut donc une seconde partie à ce billet.


Pour les protéines, il y en a de différentes sortes, mais, pour l'explication, nous considérerons les protéines globulaires : les molécules de ces protéines sont comme des fils repliés sur eux-mêmes en pelote. C'est le repliement particulier qui permet à ces molécules de protéines d'avoir des activités biologiques, par exemple enzymatique.
Ainsi la broméline, qui est une enzyme présente dans l'ananas, a la propriété de couper les autres protéines et, notamment, les molécules de collagène qui donnent leur dureté aux viandes, ou  les molécules de gélatine qui font gélifier de l'eau. Et c'est ainsi que du jus d'ananas frais injecté dans les viandes transforme celles-ci en une sorte de pâte ; et  c'est aussi pour cette raison que les gels de gélatine avec de l'ananas frais finissent liquides. Dans ces deux cas, les molécules de protéines que sont le collagène ou la gélatine sont "décomposés" par les molécules de broméline.
J'insiste sur le "décomposé" qui se différencie complètement du "dénaturé". Qu'est-ce que "dénaturé" ? La broméline, comme les autres protéines dont je parle, est donc enroulée sous forme de pelote, mais quand on chauffe par exemple, cette pelote se déroule et l'activité enzymatique de la broméline est perdue,  et c'est ainsi que l'on parvient très bien à faire des gelées d'ananas avec de l'ananas cuit. Le changement de repliement correspond à une "dénaturation", pas à une dissociation : le fil moléculaire est enroulé différemment, pas cassé en petits morceaux.

Pour les gliadines et les protéines du de la farine, c'est la même chose : la dénaturation correspond simplement à une modification de l'enroulement, et cela ne change pas à ma connaissance les capacités de former le réseau de gluten.


Les gonflements en cuisine

Naguère les livres de cuisine indiquaient que c'était l'oeuf qui faisait « souffler ». Il aurait fait souffler les soufflés, les choux, les petits choux, les cannelés, les quiches, etc. 

 

Toutefois le physico-chimiste a de quoi s'étonner : pourquoi donc les œufs auraient-ils eu cette vertu soufflante ? 

 

Le blanc d'oeuf, c'est 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines. Si le blanc fait souffler, c'est soit en vertu de son eau, soit en vertu de ses protéines, soit en vertu d'une combinaison des deux. Pourtant l'expérience est simple : l'ajout de protéines à une préparation culinaire, ne produit pas de gonflement ; en revanche, avec de l'eau, la préparation gonfle... si elle est chauffée par le bas. En effet, l'eau qui s'évapore fait bien plus de volume de vapeur que le liquide initial (environ un gramme d'eau fait un litre de vapeur). 

Et c'est ainsi que l'on ne voit pas les soufflés gonfler si on les chauffe par le grill du four, par le dessus, alors qu'ils se développent considérablement si on pose le ramequin sur la « sole » du four, en bas. La vapeur formée au fond du ramequin pousse le soufflé vers le haut, et l'on voit le soufflé gonfler. Il y avait donc bien lieu de rénover l'enseignement culinaire, en balayant toutes les scories de son développement, dans les décennies précédentes. 

Ce fut la réforme du CAP, réforme qu'il faut poursuivre aujourd’hui, tant il est vrai que les idées fausses ne meurent jamais, mais que ceux qui les soutiennent finissent pas disparaître (partir en retraite, mourir, se désintéresser de le question). 

Progressivement, en nous fondant sur des expérience répétables, que les professeurs produiront devant leur élèves, on arrivera à des théories plus justes de la technique culinaire. 

 

La conclusion est qu'il semble bien essentiel de poursuivre les expériences, et d'encourager les enseignants à en faire avec leurs élèves, dans les établissements d'enseignements de la cuisine.

lundi 11 septembre 2023

Le beurre et la farine dans une pâte

 
Le beurre permettrait d'envelopper les protéines de la  farine, quand on fait une pâte ?

Ainsi posée, la question est très probablement négative, ou, plus exactement, la question n'a pas de sens, parce que le beurre et les protéines ne sont pas à la même échelle.

Le beurre, c'est une matière principalement formée de très nombreuses molécules de triglycérides : pensons à un énorme paquet de poulpes à trois tentacules, chaque poulpe représentant une molécule de triglycérides.

Dans le beurre, il y a également un peu d'eau, jusqu'à 20 % au maximum mais comme celui-ci n'interviendra pas dans la description qui est faite maintenant, oublions-le.

Les protéines maintenant, et notamment les protéines de la farine, sont des objets de la taille des poulpes, et pas du beurre (lequel est fait de milliards de "poulpes"). Ces protéines sont essentiellement isolées, et c'est seulement  quand elles sont en présence d'eau quelles forment d'un grand filet de "gluten", chaque molécule de protéine faisant un tout petit bout d'une maille.
Ajoutons que les protéines sont le plus souvent solubles dans l'eau de sorte qu'il n'y a aucune raison qu'elles soient enveloppées par le beurre.

D'ailleurs, que signifierait "enveloppé par le beurre" ? Stricto sensu, cela voudrait dire qu'une molécule de protéines s'entourerait de molécules de triglycérides  ? Mais cela n'arrive pas car il n'y a pas de liaison possible entre ces deux types de molécules.

Et tant que je n'ai pas vu d'article établissant la thèse discutée ici, il faut considérer que c'est de la pure invention. 

En revanche, on peut parfaitement parler de farine enrobée dans du beurre, comme on le voit sans peine quand on sable du beurre avec de la farine.

Le sucre dans une pâte à foncer

 Le sucre dans une pâte ? Une pâte à foncer est composée principalement de farine et de beurre, avec éventuellement de l'eau. Que peut faire le sucre à une telle pâte ?
Je discute la question dans "Mon histoire de cuisine" : 



Commençons par observer qu'il y a une différence essentielle entre une pâte où l'on travaille la farine avec un peu d'eau avant d'ajouter le beurre, et une pâte où l'on mélange la farine et le beurre avant d'ajouter de l'eau.
En effet, la farine est faite de petits grains d'amidon et de protéines, dont certaines -qui sont nommés gliadines et gluténines- peuvent se lier à l'eau pour former un réseau :  pensons à un filet, à un échafaudage, qui est nommé le gluten.
D'ailleurs, on peut voir ce filet de gluten avec l'expérience qui consiste à malaxer de la farine avec de l'eau pour faire une boule de pâte bien dure, puis à malaxer très doucement cette boule de pâte dans un grand récipient plein d'eau : on voit sortir des grains blancs c'est-à-dire l'amidon, et il reste entre les mains une sorte de filet visqueux et élastique, plus jaune,  qui est ce qu'on nomme le gluten. Cette matière a été découverte par  le chimiste italien Jacopo Beccari en 1742, et l'expérience d'extraction du gluten que je viens de décrire a été trouvée par le chimiste alsacien Johannes Kesselmeyer quelques années plus tard, comme je l'établis rigoureusement ici :
Hervé This. Who discovered the gluten and who discovered its production by lixiviation?. Notes Académiques de l’Académie d’agriculture de France, 2018, 3, pp.1-11.

Mais revenons à la question : pourquoi cette différence entre une pâte faite de farine et d'eau, puis de beurre,  et cette pâte faite de farine et de beurre, puis d'eau ?
Parce que, quand on malaxe la farine avec de l'eau, comme dit précédemment, on forme ce réseau de gluten qui emprisonne les grains d'amidon ; ensuite, si l'on ajoute le beurre, ce dernier se disperse dans la structure déjà constituée. En revanche, si l'on mélange la farine et le beurre, surtout si la proportion de beurre est notable, alors on disperse la farine dans le beurre, ce dernier faisant comme une sorte de ciment ; ensuite, quand on ajoute de l'eau, on parvient plus difficilement à l'introduire pour former le réseau de gluten ; d'ailleurs, généralement, quand on ne travaille pas trop la pâte, on peut ajouter moins d'eau que dans le premier cas.
Ensuite, à la cuisson, la première des pâtes sera ferme, cassante, tandis que la seconde sera friable, le ciment de beurre n'étant guère résistant.

Et le sucre, dans toute cette affaire ? Pour comprendre son effet , il faut commencer par faire l'expérience de l'effet sucre. Pour cette expérience, on commence par faire une boule de pâte avec de la farine et de l'eau, on la malaxe bien pour qu'elle soit bien dure, et on la divise en deux pour garder une partie qui servira de témoin, de comparaison. Pour l'autre moitié, on ajoute du sucre, et l'on malaxe encore ;  après un temps plus ou moins long (de l'ordre de quelques dizaines de secondes selon le type de sucre), la pâte s'effondre, coule.

Ce qui s'est passé, c'est que le sucre a capté l'eau qui faisait les liaisons entre les protéines et les liait en un réseau de gluten. Les protéines détachées viennent se dissoudre dans l'eau, avec le sucre, et l'on obtient alors une "suspension", avec les grains d'amidon dispersés dans le sirop. Or on sait bien qu'un sirop coule, même s'il contient des particules en suspension.
D'ailleurs, l'expérience est beaucoup plus rapide avec du sucre glace qu'avec du sucre cristallisé un peu grossièrement parce que le sucre glace se dissout beaucoup plus vite dans l'eau, capte beaucoup plus vite l'eau  du réseau de gluten, dissocie bien plus rapidement ce dernier.

Bref, les pâtes sucrées, surtout quand elles ont été un peu travaillées avec le sucre, sont beaucoup plus friables que les pâtes non sucrées.

Et je renvoie sur un  séminaire de gastronomie moléculaire, en octobre 2022, lors duquel nous avons exploré cet effet de sucre, cherchant notamment à partir de quelle quantité il se produisait : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/seminaires/resultats-des-seminaires.